Licenciement contesté pour des propos inappropriés : une évaluation des faits et des conséquences.

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Licenciement contesté pour des propos inappropriés : une évaluation des faits et des conséquences.

FAITS : M. [M] a été engagé par la société La Poste en 1997 et a occupé divers postes, dont celui de facteur. En janvier 2021, des consignes sanitaires interdisant de manger dans la salle de pause ont été mises en place, entraînant une altercation entre M. [M] et une collègue. Suite à cet incident, une procédure disciplinaire a été engagée, aboutissant à une mise à pied de 8 semaines, puis à un licenciement pour cause réelle et sérieuse, invoquant des propos racistes tenus par M. [M] sur son lieu de travail.

PROCÉDURE : M. [M] a contesté la mise à pied puis le licenciement devant le conseil de prud’hommes, qui a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamnant La Poste à verser des dommages et intérêts. La Poste a interjeté appel de cette décision, soutenant que le licenciement était justifié par des faits de racisme avérés.

PRÉTENTIONS : La question centrale est de savoir si le licenciement de M. [M] repose sur une cause réelle et sérieuse, conformément aux dispositions de l’article L. 1232-1 du Code du travail, qui stipule qu’un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. En l’espèce, la cour a constaté que les éléments de preuve fournis par La Poste concernant les propos racistes n’étaient pas suffisamment probants pour justifier un licenciement pour faute grave. De plus, l’article R. 1234-4 du Code du travail précise que le salaire à prendre en compte pour le calcul de l’indemnité de licenciement doit être celui qui est le plus favorable au salarié, ce qui a conduit à une réévaluation de la rémunération de M. [M]. La cour a également rappelé que, selon l’article L. 1235-3 du Code du travail, un salarié licencié sans cause réelle et sérieuse a droit à une indemnité comprise entre trois et dix-sept mois de salaire brut, tenant compte de son ancienneté et des circonstances de la rupture.

L’Essentiel : M. [M] a été engagé par La Poste en 1997 et a occupé divers postes, dont celui de facteur. En janvier 2021, des consignes sanitaires interdisant de manger dans la salle de pause ont entraîné une altercation avec une collègue. Suite à cet incident, une procédure disciplinaire a été engagée, menant à une mise à pied de 8 semaines, puis à un licenciement pour des propos racistes. M. [M] a contesté ces décisions devant le conseil de prud’hommes, qui a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Résumé de l’affaire :

Engagement et évolution de la relation de travail

Le 1er octobre 1997, M. [M] a été engagé par la société La Poste sous plusieurs contrats à durée déterminée jusqu’au 30 mai 1998. À partir du 1er juin 1998, il a poursuivi sa relation contractuelle avec un contrat à durée indéterminée à temps plein, occupant le poste de facteur, classification ACC13.

Incident et procédure disciplinaire

Le 15 janvier 2021, M. [B], responsable d’équipe, a informé les salariés de l’interdiction de manger dans la salle de pause en raison de consignes sanitaires liées à la crise Covid-19. Suite à cela, une altercation a eu lieu entre M. [M] et une collègue, Mme [PK]. Le 1er février 2021, La Poste a convoqué M. [M] à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire. Cet entretien a eu lieu le 10 février 2021, suivi d’une convocation devant la commission consultative paritaire le 8 mars 2021.

Sanction disciplinaire et licenciement

Le 28 avril 2021, M. [M] a reçu une mise à pied disciplinaire de 8 semaines. Le 25 juin 2021, il a saisi le conseil de prud’hommes d’Aubenas pour contester cette mise à pied. Par la suite, le 18 octobre 2021, il a été licencié pour cause réelle et sérieuse, en raison de propos racistes tenus sur son lieu de travail, corroborés par plusieurs témoignages.

Contestation du licenciement

Le 1er avril 2022, M. [M] a déposé une requête pour contester son licenciement. Le 14 novembre 2022, le conseil de prud’hommes a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamnant La Poste à verser des dommages et intérêts à M. [M]. La Poste a interjeté appel de cette décision.

Arguments des parties en appel

La Poste a demandé à la cour d’infirmer le jugement et de confirmer la légitimité de son licenciement. M. [M], de son côté, a demandé la confirmation du jugement et une réévaluation de ses indemnités. Il a également soutenu que le licenciement avait été notifié de manière brutale et vexatoire.

Éléments de preuve et témoignages

Les témoignages recueillis ont révélé un climat de travail dégradé, avec des accusations de racisme à l’encontre de M. [M]. Cependant, ce dernier a contesté ces accusations, arguant qu’il n’avait jamais été sanctionné pour un comportement similaire durant ses 24 années de service. Les témoignages en faveur de M. [M] ont également été présentés pour contester la véracité des accusations.

Décision de la cour d’appel

La cour a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes, estimant que La Poste n’avait pas prouvé que M. [M] tenait des propos racistes de manière récurrente. La cour a également révisé le salaire de référence de M. [M] à 2 410,29 euros et a maintenu le montant des dommages et intérêts pour licenciement abusif à 35 149,10 euros. La demande d’indemnisation pour licenciement vexatoire a été rejetée.

Conclusion et conséquences

La cour a statué en faveur de M. [M], confirmant la décision de première instance et condamnant La Poste à verser des indemnités. La société a également été condamnée aux dépens d’appel, soulignant la responsabilité de l’employeur dans la gestion de la situation.

Q/R juridiques soulevées :

La légitimité de la mise à pied disciplinaire

La mise à pied disciplinaire de M. [M] a été notifiée suite à des faits jugés graves par l’employeur, notamment des propos racistes. Selon l’article L. 1332-2 du Code du travail, « la sanction doit être proportionnée à la faute commise ».

Dans ce cas, l’employeur a justifié la mise à pied par des témoignages concordants Le comportement de M. [M]. Toutefois, le salarié a contesté la réalité des faits, arguant d’un climat de tension au sein de l’équipe.

L’absence de preuves tangibles et la nature des témoignages doivent être examinées avec soin, car l’article L. 1232-6 stipule que « l’employeur doit prouver la réalité des faits à l’origine de la sanction ».

Ainsi, la mise à pied pourrait être considérée comme disproportionnée si les faits ne sont pas avérés.

La cause réelle et sérieuse du licenciement

Le licenciement de M. [M] a été jugé sans cause réelle et sérieuse par le conseil de prud’hommes, en vertu de l’article L. 1232-1 du Code du travail, qui précise que « le licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ».

L’employeur a invoqué des propos racistes tenus par M. [M], mais le salarié a contesté ces accusations, soutenant qu’il n’avait jamais eu de comportement raciste durant ses 24 années d’ancienneté.

Le doute La véracité des témoignages et l’absence de précédents similaires dans le dossier de M. [M] ont conduit à la conclusion que le licenciement était abusif.

L’article L. 1235-3 du Code du travail stipule que « lorsque le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, le salarié a droit à une indemnité ».

Le montant des dommages et intérêts

Le montant des dommages et intérêts accordés à M. [M] a été fixé à 35 149,10 euros, en application de l’article L. 1235-3 du Code du travail, qui prévoit une indemnité comprise entre trois et dix-sept mois de salaire brut.

Le conseil de prud’hommes a pris en compte l’ancienneté de M. [M], son âge et les circonstances de la rupture pour évaluer le préjudice.

L’article R. 1234-4 précise que « le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié ».

Ainsi, le jugement a été confirmé, car le montant alloué était justifié par les éléments présentés.

La demande d’indemnisation pour licenciement vexatoire

M. [M] a demandé une indemnisation pour licenciement vexatoire, arguant que la procédure avait été menée de manière abusive. L’article L. 1235-3 du Code du travail stipule que « le salarié peut demander réparation du préjudice moral résultant d’un licenciement vexatoire ».

Cependant, la cour a jugé que l’employeur avait agi dans le cadre de ses obligations de sécurité et que les circonstances de la mise en œuvre de la procédure ne constituaient pas un traitement vexatoire.

L’absence de preuves tangibles pour soutenir la demande d’indemnisation a conduit à la confirmation du jugement initial, qui a débouté M. [M] de sa demande.

Les demandes accessoires et les dépens

La cour a confirmé le jugement en ce qui concerne les dépens de première instance et l’indemnité allouée à M. [M] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

L’article 700 précise que « le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés ».

La société La Poste, ayant succombé dans ses demandes, a été condamnée aux dépens d’appel, conformément aux principes d’équité et à la situation économique des parties.

Ainsi, les décisions concernant les dépens et l’indemnité ont été jugées justifiées par la cour.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/03894 – N° Portalis DBVH-V-B7G-IUPS

RN EB

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’AUBENAS SECT° COMMERCE

14 novembre 2022

RG :F22/00031

SA LA POSTE

C/

[M]

Grosse délivrée le 12 NOVEMBRE 2024 à :

– Me

– Me

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 12 NOVEMBRE 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AUBENAS SECT° COMMERCE en date du 14 Novembre 2022, N°F22/00031

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Nathalie ROCCI, Présidente, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Nathalie ROCCI, Présidente

M. Michel SORIANO, Conseiller

Madame Leila REMILI, Conseillère

GREFFIER :

Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l’audience publique du 11 Octobre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 12 Novembre 2024.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTE :

SA LA POSTE

Direction Exécutive ARA NODLOIRE VALLEE DU RHONE

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Georges POMIES RICHAUD de la SELARL CABINET LAMY POMIES-RICHAUD AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉ :

Monsieur [X] [M]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Marion TOUZELLIER, avocat au barreau de NIMES

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Nathalie ROCCI, Présidente, le 12 Novembre 2024, par mise à disposition au greffe de la cour.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :

Le 1er octobre 1997, M. [X] [M] ( le salarié) a été engagé par la société La Poste (l’employeur) dans le cadre de plusieurs contrats de travail à durée déterminée successifs, jusqu’au 30 mai 1998.

Le 1er juin 1998, la relation contractuelle s’est poursuivie dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein.

Au dernier état, M. [M] occupait le poste de facteur, classification ACC13 selon la Convention Commune des personnels de La Poste et de France Telecom.

Le 15 janvier 2021, M. [B], responsable d’équipe du site de [Localité 6], a informé plusieurs salariés qu’il était à présent interdit de manger dans la salle de pause en raison de consignes sanitaires liées à la crise Covid-19.

A la suite des nouvelles consignes données, une altercation a eu lieu notamment entre M. [M] et Mme [PK], autre salarié de la société La Poste.

Par courrier en date du 1er février 2021, la société La Poste a convoqué M. [M] a un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement.

L’entretien s’est déroulé le 10 février 2021.

Le 08 mars 2021, M. [M] a été convoqué devant la commission consultative paritaire, organe consultatif interne à La Poste, pour statuer sur la sanction disciplinaire devant être notifiée. Cette commission a été réunie le 2 avril 2021, en présence de M. [M].

Le 28 avril 2021, M. [M] s’est vu notifier une mise à pied disciplinaire de 8 semaines.

Le 25 juin 2021, M. [M] a saisi le conseil de prud’hommes d’Aubenas aux fins d’annulation de la mise à pied disciplinaire prononcée à son encontre enregistrée sous le numéro 21/00048.

Le 22 juillet 2021, une convocation à un entretien, préalable à une éventuelle sanction disciplinaire a été adressée à M. [M]. Cet entretien s’est tenu le 04 août 2021, et la commission consultative paritaire a été saisie le 26 août 2021, se réunissant le 08 octobre suivant.

Le 18 octobre 2021, un licenciement pour cause réelle et sérieuse a été finalement notifié à M. [M] dans les termes suivants:

« Monsieur,

Nous faisons suite à la Commission Consultative Paritaire (CCP) qui s’est tenue le 8 octobre 2021 et à laquelle vous avez été régulièrement convoqué.

Pour mémoire, cette instance disciplinaire a été saisie et consultée pour avis, notamment sur les faits suivants vous concernant.

En liminaire, on rappellera que vous exercez les fonctions de facteur au sein de LA POSTE.

A ce titre, vous exercez sur l’un des sites de la PPDC d'[Localité 5], en l’espèce le site de LALEVADE d’ARDECHE.

Dans ce contexte, comme chacun des agents travaillant en ce lieu, vous avez été informé par courrier en date du 7 mai 2021 émanant du Directeur des Ressources Humaines Opérationnel Drôme-Ardèche, de la décision d’ouvrir une enquête interne, après réception de plaintes écrites quant au climat de travail sur le site.

Ceci afin d’avoir une connaissance pleine et entière de la situation et permettre d’y remédier si nécessaire.

En pratique, ces investigations allaient prendre la forme d’entretiens individuels menés avec toutes les personnes travaillant sur le site qui le souhaitaient, en ce compris les agents s’étant manifesté par écrit et les personnes mises en causes dans ces courriers.

Dans ce cadre, lors d’un entretien tenu le 30 juin 2021, Madame [C] [UZ] révélait que vous teniez régulièrement des propos racistes sur votre lieu de travail, notamment à l’égard des magrébins.

Elle précisera n’avoir rien dit à ses responsables successifs par peur d’être « lynchée » en raison de ses origines, Madame [UZ] ayant elle-même des origines magrébines.

Cet agent confirmera par voie d’attestation ultérieure que vous teniez régulièrement des propos racistes en sa présence, indiquant : « A plusieurs occasions, j’ai entendu Monsieur [M] tenir des propos injurieux et racistes à voix haute sur mon lieu de travail.

En parlant de l’actualité et d’un naufrage de migrants, il a rétorqué en parlant des magrébins qu’il faudrait tous les mettre dans un bateau et les faire couler avec, qu’il faudrait raser les Oliviers (un quartier d'[Localité 5] à forte population d’origine étrangère)

Un jour Monsieur [H] a lancé à Monsieur [M] « Ta femme s’appelle [JT] » et il a répondu « oui c’est originaire de l’est, pas d’arabe chez moi, pas de ça ici. Je suis chasseur, j’ai un fusil, on ne me fait pas chier moi.

Une autre fois, un jeune homme de couleur noire, je pense qu’il était assistant RH sur [Localité 5], est venu en visite sur [Localité 5] et j’ai entendu Monsieur [M] dire : oh là là, pas de ça chez nous à La Poste !»

Les entretiens menés avec les autres collaborateurs du site confirmaient la récurrence de vos propos racistes.

Ainsi, à titre d’exemple, Monsieur [U] [L], Facteur Service Expert sur le site, révélera notamment lors de son entretien que vous avez vociféré « y a pas d’arabe chez nous ! » à la lecture du nom patronymique à consonance magrébine figurant sur une lettre traitée par Monsieur [L].

Monsieur [L] indique par ailleurs, tant lors de son entretien que par voie d’attestation ultérieure que vous faîtes « des réflexions sur [TJ], la femme de ménage voilée, qui vient sur le site. Elle n’a pas de badge. Je l’ai déjà vue attendre et Monsieur [M] dire : « on laisse pas entrer les gens voilés ».

Lors de l’entretien mené avec Madame [E], factrice, celle-ci indique que vous n’êtes pas « avare en traits racistes sur le lieu de travail, du genre « il faut brûler les Oliviers » parce qu’il y a trop d’arabes dans ce quartier d'[Localité 5]. »

Madame [Y] confirmera que vous êtes coutumier de « blagues racistes ».

Les propos qui vous sont prêtés sont donc corroborés et ne sont pas remis en cause par les éléments que vous avez jugés bon verser dans le cadre des débats en Commission Consultative Paritaire.

Ils ne sont pas admissibles, a fortiori dans un cadre professionnel.

Par la présente, nous vous notifions donc votre licenciement pour cause réelle et sérieuse, étant précisé que votre dossier disciplinaire n’est pas vierge [‘] »

Le 1er avril 2022, une seconde requête a été déposée par M. [M], enregistrée sous le numéro 22/00031, aux fins de contestation de la mesure de licenciement dont il a fait l’objet.

Par jugement contradictoire rendu en premier ressort en date du 14 novembre 2022 (RG 22 00031), le conseil de prud’hommes d’Aubenas a :

‘- fixé la rémunération mensuelle brute de M. [M] à la somme de 2 008,52 euros,

– jugé le licenciement de M. [M] sans cause réelle et sérieuse,

– condamné La Poste à verser à M. [M] la somme de 35 149,10 euros bruts au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamné La Poste à verser 2 000 euros à M. [M] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté M. [M] du surplus de ses demande,

– débouté La Poste du surplus de ses demandes,

– condamné La Poste aux entiers dépens de la présente instance.’

Par acte du 02 décembre 2022, la société La Poste a régulièrement interjeté appel de la décision.

Aux termes de ses dernières écritures en date du 22 février 2023, elle demande à la cour de :

‘A titre principal :

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes :

– dire et juger que licenciement pour cause réelle et sérieuse est bien-fondé,

– débouter M. [M] de l’ensemble de ses moyens, fins et prétentions,

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes :

– débouter M. [M] de sa demande de dommages et intérêt pour licenciement vexatoire,

A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le licenciement serait considéré comme ne reposant pas

sur une cause réelle et sérieuse :

– réformer le jugement du conseil de prud’hommes :

– condamner la société à des dommages et intérêts correspondant au plancher du barème Macron sur la base d’un salaire brut de 2 008,52 euros,

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes :

– débouter M. [M] de sa demande de dommages et intérêt pour licenciement vexatoire,

En tout état de cause et statuant de nouveau :

– condamner M. [M] à verser à la société la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.’

Aux termes de ses conclusions d’intimé contenant appel incident en date du 22 mai 2023, M. [M] demande à la cour d’appel de Nîmes de :

‘- confirmer le jugement rendu le 14 novembre 2022 par le conseil de prud’hommes d’Aubenas en ce qu’il a jugé que le licenciement de M. [M] est sans cause réelle et sérieuse,

– réformer le jugement rendu le 14 novembre 2022 par le conseil de prud’hommes d’Aubenas en ce qu’il a :

– fixé la rémunération mensuelle brute de Monsieur [M] à la somme de 2.008,52 euros

– fixé le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 35 149,10 euros,

– débouté M. [M] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la rupture brutale et vexatoire de son contrat de travail.

Statuant à nouveau :

– fixer la rémunération mensuelle brute de M. [M] à la somme de 2 410,29 euros,

– condamner la société La Poste au paiement de la somme de 43 385,22 euros nets de CSG et de CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– juger que le licenciement de M. [M] a été notifié de manière brutale et vexatoire,

– condamner en conséquence la société La Poste au paiement de la somme de 20 000 euros nets de CSG et de CRDS en réparation du préjudice moral subi,

En tout état de cause :

-condamner la société La Poste à payer à M. [M] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure. ‘

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 11 juin 2024, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 11 septembre 2024. L’affaire a été fixée à l’audience du 11 octobre 2024.

MOTIFS

– Sur le salaire de référence:

M. [M] expose, au visa de l’article R.1234-4 du code du travail, qu’il a été en arrêt de travail au mois d’avril 2021, en sorte qu’il y a lieu de tenir compte des salaires perçus par lui d’avril 2020 au mois de mars 2021, soit un salaire de référence de 2 410, 29 euros correspondant à la moyenne des salaires des trois derniers mois, la plus favorable pour le salarié .

La Poste conclut sur la base d’un salaire brut de 2 008,52 euros, sans plus d’explications sur ce point.

L’article R. 1234-4 du code du travail énonce:

‘ Le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :

1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l’ensemble des mois précédant le licenciement.

2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n’est prise en compte que dans la limite d’un montant calculé à due proportion.’

Lorsque le salarié a été suspendu pour maladie au cours des derniers mois précédant la rupture du contrat de travail , le salaire de référence à prendre en compte pour le calcul de l’indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse, celui des 12 ou 3 derniers mois précédant l’arrêt de travail pour maladie.

Le salarié invoque un arrêt de travail au mois d’avril 2021 sans plus de précisions, ce qui n’est pas contesté.

En retenant le salaire moyen des mois de janvier à mars 2021, soit 2 410, 29 euros, le salarié a fait une juste application des principes sus-visés et le jugement déféré qui a fixé la rémunération mensuelle brute de M. [M] à la somme de 2 008,52 euros doit être infirmé.

– Sur le licenciement:

La poste expose qu’à l’occasion de la Commission Consultative Paritaire préalable à sa mise à pied disciplinaire, M. [M] a injustement mis en cause le comportement de Mme [PK], ce qui a libéré la parole des agents du site de [Localité 6], qui ont décidé de ne plus se taire face au climat devenu insupportable sur le site.

L’employeur produit l’attestation de M. [B], responsable d’équipe, ainsi que les courriers adressés à leur direction par plusieurs salariés, [S] [A], [P] [V], [LF] [FK], [C] [UZ], [LF] [T] alertant quant au comportement au quotidien de certains agents dont M. [M].

L’employeur invoque:

-l’ enquête interne révélant que M. [M] tenait régulièrement des propos racistes sur son lieu de travail et notamment à l’égard des maghrébins,

– les entretiens menés avec les autres collaborateurs du site confirmant la récurrence de propos racistes.

La poste soutient qu’il n’existe aucun doute quant à la réalité des propos tenus et que contrairement à ce qu’a jugé le conseil de prud’hommes, la crise sanitaire du Covid et le climat qu’elle aurait engendré, l’ancienneté du salarié, l’absence et/ou le faible passé disciplinaire, ne sauraient être des motifs de tolérance d’une telle attitude.

Elle oppose au salarié qu’il n’a rien à opposer, et fait observer que ce dernier fait attester des personnes qui ne travaillent pas ou plus avec lui depuis plusieurs années.

Le salarié soutient qu’il fait l’objet d’une cabale et met en avant son ancienneté de 24 ans au sein de la société La Poste sans qu’aucun reproche lui ait été fait sur un comportement ou une attitude raciste.

Il oppose à l’employeur l’absence de preuve des griefs qui lui sont imputés et le caractère imprécis quant aux dates et au déroulement des faits des attestations produites.

Le salarié indique que:

– les attestations accablantes relèvent uniquement de personnes membres du groupe à l’encontre duquel il existe des tensions au sein du centre, à savoir , Mme [Y], Mme [T], Mme [UZ], Mme [FK], Mme [E], M. [A] et M. [L],

– la principale intéressée, en l’espèce la femme de ménage, n’a produit aucun témoignage,

– M. [F] [UW] et Mme [XV] [Z] confirment le caractère totalement fantaisiste des attestations produites par la société La Poste.

A titre subsidiaire, il invoque un doute incontestable quant à son comportement, doute qui doit lui profiter et il s’appuie sur plusieurs attestations de collègues dont il résulte qu’ils n’ont jamais entendu de propos déplacés, racistes, homophobes ou sexistes, ni vexatoires, dans la bouche de M. [M].

Il résulte de témoignages concordants, qu’un incident s’est produit le 15 janvier 2021 à la suite de la convocation par M. [B], en sa qualité de responsable d’équipe, de neuf salariés dont M. [M], pour leur signifier l’interdiction à venir de prendre ses repas en salle de pause.

M. [M] a déclaré que, tenant sa collègue, Mme [PK] pour responsable des nouvelles consignes sanitaires, il a interpellé celle-ci sur un ton véhément et réprobateur.

Mme [PK] soutient que M. [M] l’a alors traitée de ‘facteur qualité de merde’ ce qui est confirmé par plusieurs collègues, M. [A] [S], M. [G] [L], M. [I] ou encore Mme [C] [UZ].

Au cours de l’entretien préalable du 10 février 2021, M. [M] a déclaré à ce sujet:

‘(…) de retour à ma position de travail, je suis à proximité de Mme [PK] et je savais que Mme [PK] avait fait des remarques agressives sur le sujet de la pause déjeuner, je lui ai dit ‘Merci [J]’, elle a crié et le ton est monté, après avoir nié, elle a finalement dit que c’est elle qui est à l’origine de la décision concernant la pause déjeuner

(…)

J’ai eu cette altercation avec elle et je le regrette et j’ai constaté que j’étais sous tension, depuis le début de la période Covid, et la fatigue s’est installée, ce jour là le sentiment d’injustice et les tensions, l’agression verbale m’ont fait m’emporté et je le regrette profondément, j’espère retrouver une ambiance sereine pour aborder au mieux la réorganisation de [Localité 6] (…)’

La concordance entre les témoignages de plusieurs salariés, de Mme [PK] et de M. [M], permet d’établir que M. [M] a pris Mme [PK] à partie de façon violente et disproportionnée au regard de la situation. Les circonstances ainsi décrites donnent par ailleurs un crédit certain aux propos orduriers proférés à l’endroit de Mme [PK] même si M [M] ne les confirment pas.

Cet incident aurait, selon l’employeur, libéré la parole sur la tenue de propos racistes par M. [M].

Ainsi, Mme [C] [N] épouse [UZ] indique dans une attestation du 15 juillet 2021, qu’interpellé sur le prénom de son épouse, [JT], M. [M] aurait répondu: ‘Oui, mais c’est originaire de l’Est. Pas d’arabes chez moi, pas de ça ici, Je suis chasseur, j’ai un fusil on me fait pas chié moi!’ ou encore, à propos d’un jeune homme de couleur noire: ‘Oh la la, pas de ça ici à la Poste’.

Elle déclare qu’à plusieurs occasions elle a entendu M. [M] tenir des propos injurieux et racistes à voix haute sur le lieu de travail, dans les termes suivants:

‘ en parlant de l’actualité et d’un naufrage de migrants, il a rétorqué en parlant des maghrébins, qu’il faudrait tous les mettre dans un bateau et les faire couler avec, qu’il faudrait raser les oliviers.’

M. [L], dans une attestation du même jour, ainsi qu’au cours de son entretien du 25 juin 2021 avec la direction des ressources humaines, soutient avoir entendu M. [M] dire à propos de la femme de ménage voilée ‘on laisse pas entrer les gens voilés’.

Il résulte de ces éléments que les faits du 15 janvier 2021 ont mis à jour une ambiance de travail dégradée au sein du site de [Localité 6] avec l’émergence de deux clans selon les termes de M. [B] qui décrit:

‘ un groupe d’agents s’y retrouve tous les jours ( en salle de pause), ils parlent fort, ils crient (…)L’ambiance était tendue entre les deux clans. Il y a un clan composé de M. [M], Mme [D], Mme [K], Mme [W], M. [H], M. [R] et Mme [O] (…). Interrogé en outre par sa hiérarchie sur l’origine des deux clans, et sur les causes d’une situation aussi dégradée, M. [B] répondait:

‘ En fait, les 2 FQ s’entendent comme chien et chat.’ et

‘ En dehors de l’existence des 2 clans, il y a aussi le fait que sur [Localité 6], les syndicats sont très présents, et qu’il y a souvent des détachés qui s’y rendent (…)’

Il est constant que tous les témoignages recueillis sont postérieurs à l’engagement de la procédure disciplinaire consécutive à l’altercation du 15 janvier 2021, et que ces témoignages s’inscrivent dans un contexte de crise dont l’élément déclencheur n’est pas la tenue de propos racistes, mais l’altercation entre M.[M] et Mme [PK].

Dés lors la réalité des propos racistes qui son imputés à M. [M] doit être examinée avec la plus grande circonspection et ce d’autant plus que la société La Poste n’invoque aucun précédent de même nature au cours d’une relation contractuelle de plus de 23 ans et que M. [M] produit de nombreux témoignages d’anciens collègues facteurs écartant la tenue habituelle de propos racistes sur le lieu de travail.

Il en résulte un doute qui doit profiter au salarié.

Le jugement déféré est par conséquent confirmé en ce qu’il a jugé que l’employeur ne démontrait pas que le salarié tenait des propos racistes de façon récurrente sur son lieu de travail, propos dont la nature justifierait, s’ils étaient avérés, un licenciement pour faute grave.

– Sur l’indemnisation du licenciement:

En application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, M. [M] dont l’ancienneté est de 23 années complètes, dans une entreprise occupant habituellement 11 salariés au moins, peut prétendre, en l’absence de réintégration dans l’entreprise, à une indemnité comprise entre trois et dix-sept mois de salaire brut.

Compte tenu de l’effectif de l’entreprise, dont il n’est pas contesté qu’il est habituellement de plus de onze salariés, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [M], soit 2 410, 29 euros, de son âge, 43 ans lors de la rupture, de son ancienneté de 23 années complètes, la cour estime que le préjudice résultant pour ce dernier de la rupture a été justement apprécié par les premiers juges. En conséquence, le jugement qui lui a alloué la somme de 35 149, 10 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif au caractère abusif du licenciement doit être confirmé et le salarié est débouté de sa demande pour le surplus.

– Sur la demande d’indemnisation au titre du licenciement vexatoire:

Pour illustrer le caractère abusif et vexatoire de la procédure de licenciement, M. [M] invoque:

– le fait que l’ensemble de l’enquête et de la mesure a été mise en oeuvre pendant son absence, suite à la suspension de son contrat de travail pour mise à pied disciplinaire

– le fait qu’il n’a jamais été en mesure de retourner sur son lieu de travail depuis sa mise à pied disciplinaire et sa dispense d’exécuter son préavis

– le fait d’avoir été traité comme un paria en dépit de la preuve faite de son investissement et d’une grande conscience professionnelle.

La poste s’oppose à cette demande en exposant qu’elle n’a fait que concilier les impératifs de son obligation de sécurité impliquant que M. [M] ne soit plus en contact avec ses collègues, avec sa volonté de prononcer un licenciement pour cause réelle et sérieuse malgré des faits graves.

Il ne résulte pas de la mise en oeuvre par La Poste, pendant l’arrêt maladie du salarié, de circonstances vexatoires et l’affirmation selon laquelle le salarié aurait été traité comme un paria ne repose sur aucun élément objectif.

Enfin le préjudice moral qui résulterait de circonstances supposées vexatoires ne repose sur aucun élément.

Le jugement est par conséquent confirmé en ce qu’il a débouté M. [M] de sa demande d’indemnisation à ce titre.

– Sur les demandes accessoires:

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a mis à la charge de la société La Poste les dépens de première instance et en ce qu’il a alloué à M. [M] une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société La poste qui succombe en ses demandes sera condamnée aux dépens d’appel.

L’équité et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d’appel dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile

Dans la limite de la dévolution,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a fixé la rémunération mensuelle brute de M. [M] à la somme de 2 008, 52 euros

Statuant à nouveau sur ce chef

Fixe la rémunération mensuelle brute de M. [M] à la somme de 2 410, 29 euros

Condamne la société La Poste à verser à M. [M] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Condamne la société La Poste aux dépens de l’appel.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


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