La requalification des contrats de mission d’intérim en contrat de travail à durée indéterminée est régie par plusieurs dispositions du Code du travail, notamment les articles L. 1251-5, L. 1251-6 et L. 1251-40. Selon l’article L. 1251-5, le contrat de mission ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice. L’article L. 1251-6 précise que le recours à un salarié temporaire est limité à l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et ce uniquement dans des cas spécifiques, tels que l’accroissement temporaire de l’activité. L’article L. 1251-40 stipule que lorsqu’une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d’une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 et L. 1251-6, le salarié peut revendiquer les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.
En ce qui concerne la prescription des actions en requalification, l’article L. 1471-1 du Code du travail établit que toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où le salarié a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit. La jurisprudence a précisé que le point de départ du délai de prescription dépend de la nature de la critique formulée par le salarié, qu’elle porte sur la forme ou sur la réalité du motif du recours. Dans le cas présent, M. [E] [O] a introduit une action en requalification de ses contrats de mission en contrat à durée indéterminée, en critiquant le motif du recours et le respect du délai de carence entre les missions. La cour a jugé que l’action n’était pas atteinte par la prescription, car elle a été engagée dans le délai légal, et a confirmé la requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée, en raison de l’absence de justification par l’entreprise utilisatrice du motif d’accroissement temporaire d’activité. En ce qui concerne les conséquences de cette requalification, les articles L. 1251-40 et L. 1251-41 prévoient qu’une telle requalification ouvre droit à une indemnité à la charge de l’entreprise utilisatrice, qui ne peut être inférieure à un mois de salaire. La cour a également statué sur les indemnités dues à M. [E] [O] en raison de la rupture de son contrat, considérée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en se fondant sur les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1235-3 du Code du travail, qui régissent les indemnités de licenciement et de préavis. |
L’Essentiel : La requalification des contrats de mission d’intérim en contrat de travail à durée indéterminée est régie par plusieurs dispositions du Code du travail. Selon l’article L. 1251-5, le contrat de mission ne peut pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale de l’entreprise. L’article L. 1251-6 limite le recours à un salarié temporaire à l’exécution d’une tâche précise et temporaire. M. [E] [O] a introduit une action en requalification, et la cour a confirmé cette requalification en raison de l’absence de justification du motif d’accroissement temporaire d’activité.
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Résumé de l’affaire :
Contexte de l’affaireLa société Adecco France a mis à disposition de la société Nemera [Localité 6] M. [E] [O] en tant qu’opérateur de production assemblage, à travers plusieurs contrats de mission temporaire entre le 26 mai 2018 et le 24 novembre 2019, en raison d’un accroissement temporaire d’activité. La relation de travail a été poursuivie par un contrat à durée indéterminée intérimaire signé le 30 novembre 2019. Licenciement de M. [E] [O]M. [E] [O] a été mis en demeure par Adecco France le 19 novembre 2020 de justifier son absence depuis le 17 novembre 2020, malgré une lettre de mission en cours. Un entretien préalable a été convoqué pour le 8 décembre 2020, et le licenciement pour faute grave a été notifié le 11 décembre 2020. Actions en justiceLe 22 novembre 2021, M. [E] [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Vienne pour demander la requalification de ses contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée, contester la rupture de son contrat et obtenir le paiement de créances salariales et indemnitaires. Jugement du conseil de prud’hommesLe 15 mars 2022, le conseil de prud’hommes a jugé l’action de M. [E] [O] recevable et partiellement fondée, requalifiant ses contrats de mission en contrat à durée indéterminée. La société Nemera a été condamnée à verser plusieurs indemnités à M. [E] [O], tandis que sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement a été rejetée. Appels des partiesLa société Nemera a interjeté appel du jugement, demandant l’infirmation de la décision et la prescription des demandes de M. [E] [O]. Adecco France a également formé un appel incident, cherchant à confirmer certains aspects du jugement tout en demandant l’infirmation d’autres. Conclusions des partiesLes conclusions de Nemera ont sollicité l’infirmation du jugement sur plusieurs points, tandis qu’Adecco a demandé la confirmation de la régularisation des primes d’habillage et de déshabillage. M. [E] [O] a, quant à lui, demandé la confirmation du jugement en sa faveur et des montants alloués. Décision de la courLa cour a confirmé plusieurs aspects du jugement initial, notamment la requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée et le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle a également condamné la société Nemera à verser des indemnités à M. [E] [O] et a débouté les demandes de la société Nemera contre Adecco. Conséquences financièresLa cour a ordonné à la société Nemera de verser à M. [E] [O] des indemnités pour licenciement, préavis, et requalification, tout en confirmant que la société Adecco ne serait pas solidairement responsable des paiements. Les dépens de l’instance ont été mis à la charge de la société Nemera. |
Q/R juridiques soulevées :
La fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande de requalificationLa prescription de l’action en requalification des contrats de mission est régie par l’article L 1471-1 du code du travail, qui stipule que toute action portant L’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit. En l’espèce, M. [O] a introduit son action le 22 février 2021, alors que la dernière lettre de mission a pris fin le 15 novembre 2020. Ainsi, l’action n’est pas atteinte par la prescription, et le salarié peut demander que la requalification produise ses effets au premier jour de sa mission, soit le 26 mai 2018. Par conséquent, la fin de non-recevoir tirée de la prescription doit être rejetée. La demande au titre de la prime d’habillage et de déshabillageL’article L 3121-3 du code du travail dispose que le temps nécessaire aux opérations d’habillage et de déshabillage, lorsque le port d’une tenue de travail est imposé, fait l’objet de contreparties, soit sous forme de repos, soit sous forme financière. M. [O] a produit des bulletins de salaire et des contrats de mission prouvant qu’il a reçu une prime d’habillage et de déshabillage, sauf pour la période de mai 2018 à décembre 2018. La société Adecco France a justifié avoir régularisé cette prime pour 2018, avec un versement de 63,60 euros brut. M. [O] n’a pas prouvé que le temps d’habillage et de déshabillage devait être rémunéré à un taux supérieur à celui appliqué par l’employeur. De plus, il n’a pas démontré que le temps d’habillage et de déshabillage était supérieur à celui retenu par l’employeur. Ainsi, M. [O] est débouté de sa demande au titre de la prime d’habillage/déshabillage. La demande de requalification des contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminéeSelon l’article 56 de la loi n° 2015-994, une entreprise de travail temporaire peut conclure un contrat à durée indéterminée pour l’exécution de missions successives. Les missions sont régies par les articles L. 1251-5, L. 1251-6 et L. 1251-40 du code du travail. L’article L. 1251-5 précise que le contrat de mission ne peut avoir pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale de l’entreprise utilisatrice. L’article L. 1251-6 stipule que le recours à un salarié temporaire doit être pour une tâche précise et temporaire. M. [O] a été mis à disposition de la société Nemera La Verpillère à compter du 26 mai 2018, avec des interruptions n’excédant pas 13 jours. Le motif du recours est un surcroît temporaire d’activité, mais la société Nemera n’a pas produit d’éléments justificatifs. En conséquence, les missions de M. [O] sont requalifiées en contrat de travail à durée indéterminée de droit commun à compter du 26 mai 2018. Les conséquences de la requalificationL’article L. 1251-40 du code du travail prévoit qu’une requalification ouvre droit à une indemnité à la charge de l’entreprise utilisatrice, qui ne peut être inférieure à un mois de salaire. La société Nemera conteste le principe de l’indemnité de requalification, mais ne présente aucune critique Le montant. Il convient d’allouer à M. [O] une indemnité de requalification de 5 000 euros net. La société Nemera est déboutée de sa demande de condamnation solidaire de la société Adecco France au paiement de cette indemnité. Les prétentions afférentes à la rupture du contrat de travail à durée indéterminéeLa société Nemera a cessé de fournir du travail à M. [O] le 15 novembre 2020. La rupture s’analyse en licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce qui donne droit à M. [O] à une indemnité légale de licenciement selon l’article L 1234-9 du code du travail. M. [O] a également droit à une indemnité compensatrice de préavis, équivalente à deux mois de salaire, conformément aux articles L 1234-1 et L 1234-5 du code du travail. Enfin, M. [O] a droit à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui s’élèvent à 8 700 euros brut. Les prétentions à l’égard de la société Adecco FranceM. [O] dirige ses demandes en paiement principalement contre la société Nemera et seulement subsidiairement contre la société Adecco. Il est donc débouté de sa demande subsidiaire en paiement de l’indemnité prévue à l’article L1235-2 du code du travail. La société Nemera ne peut pas se retourner contre la société Adecco pour la responsabilité solidaire, car elle n’a pas justifié de la réalité des motifs du recours. Les demandes accessoiresLa société Nemera, partie perdante, doit supporter les dépens de première instance et d’appel. Elle est déboutée de sa demande d’indemnisation des frais exposés en justice. Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [O] l’intégralité des sommes qu’il a exposées pour la défense de ses intérêts. La société Nemera est donc condamnée à verser à M. [O] 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. |
N° RG 22/01546
N° Portalis DBVM-V-B7G-LKOM
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
La SARL ANAÉ AVOCATS
Me Arême TOUAHRIA
La SELARL ACO
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section A
ARRÊT DU MARDI 29 OCTOBRE 2024
Appel d’une décision (N° RG 21/00047)
rendue par le conseil de prud’hommes – formation paritaire de Vienne
en date du 15 mars 2022
suivant déclaration d’appel du 14 avril 2022
APPELANTE :
SAS NEMERA [Localité 6] prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Me Typhaine ROUSSELLET de la SARL ANAÉ AVOCATS, avocat postulant au barreau de Grenoble,
et par Me Jérôme COCHET de la SCP O. RENAULT & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de Lyon
INTIMES :
Monsieur [E] [O]
né le 28 avril 1995 à [Localité 7]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Arême TOUAHRIA, avocat au barreau de Lyon
SAS ADECCO FRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Pierre-Luc NISOL de la SELARL ACO, avocat au barreau de Vienne
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, conseillère faisant fonction de Présidente
Mme Gwenaelle TERRIEUX, conseillère,
M. Frédéric BLANC, conseiller,
DÉBATS :
A l’audience publique du 1er juillet 2024
Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, conseillère faisant fonction de présidente en charge du rapport et Mme Gwenaelle TERRIEUX, conseillère, ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions, assistées de M. Fabien OEUVRAY, greffier, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées.
Puis l’affaire a été mise en délibéré au 29 octobre 2024, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L’arrêt a été rendu le 29 octobre 2024.
La société Adecco France, entreprise de travail temporaire, a mis M. [E] [O] à la disposition de la société Nemera [Localité 6] en qualité d’opérateur de production assemblage, suivant contrat de mission temporaire du 26 mai 2018 au 24 novembre 2019 motivé par un accroissement temporaire d’activité.
La relation de travail s’est poursuivie au moyen de plusieurs contrats de mission successifs.
Le 30 novembre 2019, la société Adecco France et M. [E] [O] ont conclu un contrat à durée indéterminée intérimaire.
Dans le cadre de ce contrat, l’entreprise de travail temporaire a mis le salarié à la disposition de la société Nemera La Verpillère par lettres de missions successives jusqu’au 15 novembre 2020.
Par courrier recommandé en date du 19 novembre 2020, la société Adecco France a mis en demeure M. [E] [O] de justifier de son absence depuis le 17 novembre 2020 au sein de la société Nemera [Localité 6] en dépit d’une lettre de mission du 17 novembre 2020 au 24 novembre 2020.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 27 novembre 2020, la société Adecco France a convoqué M. [E] [O] à un entretien préalable fixé au 8 décembre 2020.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 11 décembre 2020, la société Adecco France a notifié à M. [E] [O] son licenciement pour faute grave.
Par requête en date du 22 novembre 2021, M. [E] [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Vienne de demandes dirigées contre la société Adecco France et la société Nemera [Localité 6] en vue d’obtenir la requalification des contrats de missions intérimaires en contrat de travail à durée indéterminée, contester la rupture du contrat et obtenir paiement de plusieurs créances salariales et indemnitaires.
Par jugement en date du 15 mars 2022, le conseil de prud’hommes de Vienne a :
Dit et jugé l’action de M. [E] [O] en requalification des contrats de mission d’intérim recevable et ses demandes partiellement fondées
Dit et jugé que les demandes de M. [O] sur la période du 26 mai 2018 au 9 juin 2019 ne sont pas prescrites
Dit et jugé que la demande de prime d’habillage/déshabillage pour l’année 2018 a été régularisée au titre des missions effectuées sur l’année 2018 sur le bulletin de salaire du mois de mars 2019, selon le taux figurant sur chacun des contrats de mission
Dit et jugé bien fondée la demande de M. [E] [O] au titre de la requalification de ses contrats de mission en contrat à durée indéterminée et que la société Nemera [Localité 6] supportera seule les conséquences de cette requalification
En conséquence,
Débouté M. [E] [O] de sa demande au titre du paiement de la prime d’habillage/déshabillage et des congés payés afférents,
Condamné la société Nemera [Localité 6] à payer à M. [E] [O] les sommes de :
– 1.511,29 € au titre de l’indemnité légale de licenciement,
– 3.781,74 € à titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 378,17 € au titre des congés payés afférents,
– 7.504,35 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,
– 2.501,45 € à titre d’indemnité de requalification du contrat de mission en contrat à durée indéterminée
Débouté M. [O] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement
Condamné la société Nemera [Localité 6] à verser à M. [E] [O] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Rejeté la demande d’exécution provisoire de M. [E] [O]
Débouté la société Nemera [Localité 6] de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Condamné chacune des parties à la charge de ses propres dépens.
La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 17 mars 2022 pour la société Nemera La Verpillère, le 21 mars 2022 pour M. [E] [O] et non retourné pour la société Adecco France.
Par déclaration en date du 14 avril 2022, la société Nemera [Localité 6] a interjeté appel à l’encontre dudit jugement.
La société Adecco France et M. [E] [O] ont formé appel incident.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 12 juillet 2022, la société par actions simplifiées (SAS) Nemera [Localité 6] sollicite de la cour de :
« Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Vienne section industrie, en ce qu’il a déclaré M. [E] [O] recevable et partiellement bien fondé en ses demandes
Dire et juger que les demandes de M. [E] [O] sur la période du 26 mai 2018 au 9 juin 2019 sont prescrites
Rejeter le demandeur de l’intégralité de ses demandes formulées au titre d’une requalification de ces contrats de mission en contrat à durée indéterminée
Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Vienne section industrie, en ce qu’il condamne la société Nemera à verser à M. [E] [O] les sommes relatives à la requalification desdits contrats de mission en contrat à durée indéterminée au titre de :
– L’indemnité légale de licenciement : 1.511,29 €
– L’indemnité compensatrice de préavis : 3.781,74 €
– Congés payés afférents : 378,17 €
– Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse : 7.504,35 €
– Indemnité de requalification du contrat de mission en contrat à durée indéterminée : 2.501,45 €
Déclarer la décision à intervenir commune et opposable à la société Adecco
En conséquence, si par extraordinaire, la cour confirmait le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Vienne,
Condamner in solidum la société Adecco et la société Nemera,
En tout état de cause,
Infirmer le jugement en ce qu’il condamne la société Nemera à verser à M. [E] [O] la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamner M. [E] [O] au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du CPC, ainsi qu’aux entiers dépens. »
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 11 octobre 2022, la société par actions simplifiée (SAS) Adecco France sollicite de la cour de :
« Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes en ce qu’il a :
– Dit et jugé que le paiement des primes d’habillage/déshabillage pour l’année 2018 a été régularisé au titre des missions effectuées sur l’année 2018 sur le bulletin de salaire du mois de mars 2019, selon le taux figurant sur chacun des contrats de mission
– Débouté M. [E] [O] de sa demande au titre du paiement de la prime d’habillage/déshabillage et des congés payés afférents
– Débouté M. [E] [O] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement
– Rejeté la demande d’exécution provisoire de M. [E] [O]
Faire droit à l’appel incident de la société Adecco France
Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes en ce qu’il a :
– Dit et jugé que les demandes de M. [E] [O] sur la période du 26 mai 2018 au 09 juin 2019 n’étaient pas prescrites
– Dit et jugé que la société Nemera [Localité 6] supportera seule les conséquences indemnitaires de la requalification des contrats de mission en un contrat de travail à durée indéterminée
– Condamné la société Nemera [Localité 6] à verser à M. [E] [O] les sommes suivantes :
1 511,29 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement
3 781,74 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis
378,17 euros au titre des congés payés afférents
7 504,35 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse
2 501,45 euros à titre d’indemnité de requalification du contrat de mission en un contrat de travail à durée indéterminée.
– Condamné la société Nemera [Localité 6] à verser à M. [E] [O] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– Condamné chacune des parties à la charge de ses propres dépens.
En conséquence,
A titre principal
In limine litis
Dire et juger que les contrats de mission de Monsieur [O] sur la période du 26 mai 2018 au 09 juin 2019 sont prescrits
Dire et juger que la demande de requalification des contrats de mission en un contrat de travail à durée indéterminée fondée sur les contrats de mission conclus sur la période du 26 mai 2018 au 09 juin 2019 est prescrite
A titre subsidiaire
Débouter M. [O] de l’intégralité de ses demandes à l’encontre de la société Adecco
Le condamner aux entiers dépens. »
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 20 septembre 2022, M. [E] [O] sollicite de la cour de :
« Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Nemera [Localité 6] :
– 1511,29 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement
(A titre subsidiaire, condamner la société Nemera [Localité 6] et la société Adecco France in solidum à verser à Monsieur [O] la somme de 1511,29 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement
Confirmer le jugement en ce qu’il a dit et jugé que M. [E] [O] est recevable et bien fondé en ses demandes,
Dit et jugé que les demandes de M. [E] [O] sur la période du 26 mai 2018 au 09 juin ne sont pas prescrites,
Dit et jugé bien fondé la demande de M. [O] au titre de la requalification de ses contrats de mission en contrat à durée indéterminée et que la société Nemera [Localité 6] supportera seule les conséquences de cette requalification
Statuant de nouveau et modifiant le quantum :
Condamner la société Nemera [Localité 6] (ou à titre subsidiaire la société Nemera [Localité 6] et la société Adecco France in solidum) à verser à M. [O] :
– 5 002,90 euros (2 mois) au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre les 500,29 euros au titre des congés payés y afférents.
– 2 501,45 euros (1 mois) à titre de dommages et intérêts pour le non-respect de la procédure de licenciement.
– 15 008,70 euros (6 mois) au titre des dommages et intérêts pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– 15 008,70 euros (6 mois) au titre de l’indemnité de requalification du contrat de mission en contrat de travail à durée indéterminée.
Infirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [E] [O] de sa demande au titre du paiement de la prime d’habillage/déshabillage et des congés payés afférents,
Et statuant de nouveau,
Condamner la société Nemera [Localité 6] et la société Adecco in solidum à verser à M. [O] :
– 988 euros au titre de la prime d’habillage/déshabillage pour l’année 2018, outre les 98,8 euros au titre des congés payés y afférents.
En toute état de cause,
Condamner la société Nemera [Localité 6] et la société Adecco France in solidum à verser à M. [O] la somme de 4 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamner la société Nemera [Localité 6] et la société Adecco France in solidum aux entiers dépens de l’instance. »
Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient, au visa de l’article 455 du code de procédure civile, de se reporter aux conclusions des parties susvisées.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 4 juin 2024.
L’affaire, fixée pour être plaidée à l’audience du 1er juillet 2024, a été mise en délibéré au 29 octobre 2024.
1 – Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande de requalification
Aux termes de l’article L 1471-1 du code du travail, toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
Aux termes de l’article L. 1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice.
Selon l’article L. 1251-6 du même code, sous réserve des dispositions de l’article L. 1251-7, il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire dénommée « mission » et seulement dans les cas énumérés, parmi lesquels l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise utilisatrice.
Selon l’article L. 1251-40 du même code, lorsqu’une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d’une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions, notamment, des articles L. 1251-5 et L. 1251-6, ce salarié peut faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.
S’agissant du point de départ du délai de prescription, il est jugé que si les critiques du salarié portent sur la forme du contrat de travail temporaire, le point de départ du délai de prescription est la date de conclusion du contrat, et si elles portent sur la réalité du motif du recours énoncé au contrat, le délai de prescription ne court qu’à compter du terme du contrat et, en cas de plusieurs contrats, du terme du dernier d’entre eux.
Il résulte de ce qui précède que le délai de prescription d’une action en requalification d’un contrat de mission à l’égard de l’entreprise utilisatrice en contrat à durée indéterminée fondée sur le motif du recours énoncé au contrat de mission a pour point de départ le terme de ce contrat ou, en cas de succession de contrats de mission, le terme du dernier contrat, et que le salarié est en droit, lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, de se prévaloir auprès de l’entreprise utilisatrice des droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission. (Soc., 30 juin 2021, pourvoi n° 19-16.655 Soc., 1er décembre 2021, pourvoi n° 20-12.712)
En l’espèce, M. [O] a introduit, le 22 février 2021, une action en requalification des contrats de missions souscrits à compter du 26 mai 2018 en un contrat à durée indéterminée en critiquant d’une part le motif du recours énoncé aux contrats de mission successifs et d’autre part le respect du délai de carence entre des missions successives.
La dernière lettre de mission invoquée par M. [O] au sein de la société Nemera La Verpillère ayant pris fin le 15 novembre 2020, l’action en requalification engagée le 22 février 2021 n’est pas atteinte par la prescription et le salarié peut demander que la requalification produise ses effets au premier jour de sa mission, soit le 26 mai 2018.
Par voie de confirmation, la fin de non-recevoir tirée de la prescription doit donc être rejetée.
2 – Sur la demande au titre de la prime d’habillage et de déshabillage
Il résulte de l’article 1353 du code civil que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
Ainsi, il appartient au salarié d’établir que tel élément de rémunération lui était dû, à charge pour l’employeur de justifier le cas échéant, qu’il s’est acquitté du paiement.
L’article L 3121-3 du code du travail dispose :
Le temps nécessaire aux opérations d’habillage et de déshabillage, lorsque le port d’une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l’habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l’entreprise ou sur le lieu de travail, fait l’objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière.
En l’espèce, M. [O] démontre, par la production de ses bulletins de salaire et des contrats de mission, qu’il s’est vu verser une prime d’habillage et de déshabillage sur la période d’emploi de 2019 à 2020, à l’exception de la période d’emploi de mai 2018 à décembre 2018 alors qu’il était affecté au même poste d’opérateur de production sur cette période.
La société Adecco France, qui confirme que l’entreprise utilisatrice attribue à ses salariés une prime d’habillage et de déshabillage dont M. [O] était bénéficiaire, justifie avoir procédé à une régularisation de cette prime au titre des missions accomplies au sein de la société Nemera La Verpillère sur l’année 2018 avec le versement, sur son bulletin de salaire du mois de mars 2019, de la somme de 63,60 euros brut, sous l’intitulé « Rapp. Prim Hab 2018 » correspondant à 53 heures rémunérées au taux de 1,20.
Or, M. [O] n’allègue ni ne justifie d’une obligation de l’employeur de rémunérer le temps d’habillage et de déshabillage un taux de 11,95 euros. Il ressort au contraire des contrats de mission et des bulletins de salaire versés aux débats que la contrepartie relative à cette prime avait été fixée à 1,20, tel que retenu par l’employeur dans le calcul de la régularisation de mars 2019, sans que le salarié ne démontre ni n’invoque que ce temps d’habillage et de déshabillage s’analyse en temps de travail effectif.
En outre, M. [O] échoue à démontrer que le temps d’habillage et de déshabillage pris du 26 mai au 31 décembre 2018 représente 88 heures, au lieu des 53 heures retenues par l’employeur dans son calcul de la contrepartie due.
En effet, M. [O] se limite à procéder à un calcul basé sur un forfait de 11 heures par mois pendant 8 mois, alors que la base horaire mentionnée sur les bulletins de salaire de 2019 et 2020 se révèle comprise entre 6 et 11 heures par mois, et que la durée d’emploi litigieuse reste inférieure à 8 mois complets.
Il en résulte que la société Adecco France démontre suffisamment s’être acquittée du paiement de cette prime sur la période litigieuse.
Par confirmation du jugement déféré, M. [O] est débouté de ce chef de prétention.
3 ‘ Sur la demande requalification des contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée
Selon l’article 56 de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, une entreprise de travail temporaire peut conclure avec le salarié un contrat à durée indéterminée pour l’exécution de missions successives. Chaque mission donne lieu à la conclusion d’un contrat de mise à disposition entre l’entreprise de travail temporaire et le client utilisateur, dit entreprise utilisatrice, et à l’établissement, par l’entreprise de travail temporaire, d’une lettre de mission. Le contrat de travail est régi par les dispositions du code du travail relatives au contrat à durée indéterminée, sous réserve des dispositions du présent article. Les missions effectuées par le salarié lié par un contrat de travail à durée indéterminée avec l’entreprise de travail temporaire sont régies notamment par les articles L. 1251-5, L. 1251-6 et L. 1251-40 du code du travail. Pour l’application des dispositions de l’article L. 1251-5, les mots : « contrat de mission » sont remplacés par les mots : « lettre de mission ».
Il a été précédemment rappelé qu’aux termes de l’article L. 1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice.
Selon l’article L. 1251-6 du même code, sous réserve des dispositions de l’article L. 1251-7, il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire dénommée « mission » et seulement dans les cas énumérés, parmi lesquels l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise.
Selon l’article L. 1251-40 du même code, lorsqu’une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d’une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions, notamment, des articles L. 1251-5 et L. 1251-6, ce salarié peut faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.
Il se déduit de ces dispositions l’applicabilité au contrat de travail à durée indéterminée intérimaire à l’égard de l’entreprise utilisatrice notamment des articles L 1251-5, L 1251-40 et L 1251-41 du code du travail précitées, de sorte que nonobstant la signature par le salarié mis à disposition d’un contrat à durée indéterminée intérimaire, ce dernier peut également solliciter la requalification des missions en contrat à durée indéterminée de droit commun à l’égard de l’entreprise utilisatrice au motif que les missions avaient pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de celle-ci. (Soc., 7 février 2024, pourvoi n° 22-20.321, 22-20.258)
En cas de litige sur le motif du recours au travail temporaire, il incombe à l’entreprise utilisatrice de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat (Soc., 28 novembre 2007, pourvoi n°06-44.843, Soc. 30 septembre 2014, pourvoi n°13-18.484 Soc., 10 octobre 2018, pourvoi n°16-26.535).
Au cas d’espèce, M. [O] établit, par la production des contrats de mission successifs, des lettres de mission temporaire et de ses bulletins de salaire qu’il a été régulièrement mis à disposition de la société Nemera La Verpillère à compter du 26 mai 2018, avec de courtes périodes d’interruption n’excédant pas 13 jours, jusqu’au 15 novembre 2020.
Le motif du recours figurant sur les contrats de mission temporaire puis les lettres de mission temporaire est identique en mentionnant un surcroît temporaire allégué d’activité lié à la production de stylo à insuline Lilly et une augmentation des volumes suite à des commandes supplémentaires du client.
Or, la société Nemera La Verpillère s’abstient de produire tout élément justificatif susceptible d’établir qu’elle a effectivement fait face à des commandes supplémentaires.
Elle se limite à décrire l’augmentation de son chiffre d’affaires consacré à la fabrication des stylos à insuline pour chiffrer une production supplémentaire sur les années 2018 et 2019, sans produire aucune pièce comptable ni caractériser le surcroît d’activité allégué.
Et c’est par un moyen inopérant qu’elle soutient que la société Adecco France a vérifié le motif du recours en sa qualité d’entreprise de travail temporaire.
Faute de production du moindre élément justificatif, il convient de confirmer le jugement entrepris, sauf à préciser que les missions de M. [E] [O] à l’égard de la société Nemera La Verpillère sont requalifiées en contrat de travail à durée indéterminée de droit commun à compter du 26 mai 2018.
4 – Sur les conséquences de la requalification
4.1 ‘ Sur la demande en paiement d’une indemnité de requalification
En application des articles L. 1251-40 et L. 1251-41 du code du travail la requalification du contrat de mission en contrat de travail à durée indéterminée ouvre droit à une indemnité à la charge de l’entreprise utilisatrice qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.
Il résulte de ces dispositions que le salarié ne peut prétendre au paiement de cette indemnité par l’entreprise de travail temporaire (Soc., 20 décembre 2017, n° 15-29.519).
La société Nemera La Verpillère, qui conteste le principe de l’indemnité de requalification, ne présente aucune critique utile quant au montant sollicité par le salarié.
Afin de tenir compte du fait que le salarié s’est trouvé soumis à une précarité injustifiée pendant plus de deux années, quoiqu’en partie atténuée à compter du 30 novembre 2019 par la signature d’un contrat à durée indéterminée intérimaire avec la société de travail temporaire, il convient d’allouer à M. [O] une indemnité de requalification de 5 000 euros net, par infirmation du jugement déféré.
Enfin, la société Nemera La Verpillère est déboutée de sa demande tendant à voir condamner la société Adecco France au paiement solidaire de cette indemnité qui ne peut être mise à la charge de l’entreprise utilisatrice.
4.2 ‘ Sur les prétentions afférentes à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée requalifié à l’égard de la société Nemera La Verpillère
Il résulte des circonstances de l’espèce que la société Nemera La Verpillère a cessé de fournir du travail à M. [O] le 15 novembre 2020 au terme de la dernière lettre de mission.
En tout état de cause, elle n’allègue ni ne justifie de la poursuite de la relation contractuelle avec M. [O] après cette date.
Et si la société Adecco France produit un courrier d’affectation du salarié auprès de la société Nemera La Verpillère sur la période du 17 novembre 2020 au 24 novembre 2020, elle ne justifie nullement de la remise de ce courrier portant l’indication « par courriel avec accusé de réception et lecture » ni d’aucune lettre de mission.
Du fait de la requalification des contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée, il convient donc de constater, ajoutant au jugement entrepris, que la rupture du contrat de travail, qui s’analyse en licenciement sans cause réelle et sérieuse, est intervenue le 15 novembre 2020 au terme du dernier contrat de mission.
Premièrement, dès lors que la rupture du contrat s’analyse en licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [O] est fondé, au visa de l’article L 1234-9 du code du travail, et compte tenu de son ancienneté depuis le 26 mai 2018, à obtenir paiement d’une indemnité légale de licenciement, dont le montant ne fait l’objet d’aucune critique utile de la part de l’employeur.
Par confirmation du jugement déféré, la société Nemera La Verpillère est condamnée à lui verser la somme de 1 511,29 euros à titre d’indemnité légale de licenciement.
Deuxièmement, en application des articles L 1234-1 et L 1234-5 du code du travail, M. [O] est fondé à obtenir une indemnité compensatrice de préavis équivalente à deux mois de salaire comprenant tous les éléments de rémunération liés au maintien de son contrat jusqu’à l’expiration théorique du préavis, sans se limiter au montant du salaire mensuel brut de base retenu par les premiers juges, outre les congés payés afférents.
Au vu des éléments de rémunération produits, par voie de réformation, la société Nemera La Verpillère est condamnée à verser à M. [O] la somme sollicitée équivalent à deux mois de salaire moyen, qui ne fait l’objet d’aucune critique utile de la part de l’employeur, soit :
5 002,90 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
500,29 euros brut au titre des congés payés afférents.
Troisièmement, en application de l’article L 1235-3 du code du travail dans sa version applicable au jour du licenciement, M. [O] avait plus de deux ans d’ancienneté au service de la société Nemera La Verpillère, de sorte qu’il a droit à une indemnisation comprise entre 3 et 3,5 mois de salaire.
Il ne fournit, pour autant, aucun justificatif sur sa situation ultérieure au regard de l’emploi.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, procédant à une appréciation souveraine des éléments de fait soumis au titre du préjudice subi, les moyens tirés de l’inconventionnalité des barèmes se révélant inopérants dès lors qu’une réparation adéquate n’excède pas la limite maximale fixée par la loi, il convient de condamner la société Nemera La Verpillère à lui verser la somme de 8 700 euros brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement déféré est infirmé de ce chef.
Quatrièmement, M. [O] reproche à la société Nemera La Verpillère d’avoir mis fin à la relation de travail sans mettre en oeuvre de procédure de licenciement.
Toutefois, dès lors que le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse et que l’indemnité prévue à l’article L 1235-2 du code du travail ne se cumule pas avec celle énoncée à l’article L 1235-3, il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [O] de sa demande indemnitaire de ce chef.
4.3 ‘ Sur les prétentions à l’égard de la société Adecco France
Quoiqu’il développe des moyens sur la responsabilité solidaire de l’entreprise de travail temporaire et de l’entreprise utilisatrice, il convient de constater que dans le dispositif de ses conclusions, qui seul lie la cour par application de l’article 954 du code de procédure civile, le salarié dirige ses demandes en paiement contre la société Nemera La Verpillère à titre principal, et seulement à titre subsidiaire contre la société utilisatrice et la société de travail temporaire in solidum.
Il ne peut donc qu’être débouté de sa demande subsidiaire en paiement de l’indemnité prévue à l’article L1235-2 du code du travail dirigée contre les deux sociétés in solidum, dès lors qu’il est débouté de cette même demande dirigée contre la société Nemera La Verpillère à laquelle il reproche de ne pas avoir mis en oeuvre de procédure de licenciement.
Pour sa part, la société Nemera La Verpillère met vainement en cause la responsabilité de la société de travail temporaire en lui reprochant ses défaillances quant à la vérification du motif de recours à l’intérim alors qu’elle est elle-même défaillante à justifier de la réalité des motifs du recours. Elle est donc déboutée de ses prétentions tendant à la condamnation solidaire de la société Adecco France.
5 ‘ Sur les demandes accessoires
La société Nemera La Verpillère, partie perdante à l’instance au sens des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, doit être tenue de supporter les dépens de première instance par voie de réformation, y ajoutant les dépens d’appel.
Partant, elle est déboutée de sa demande d’indemnisation des frais qu’elle a été contrainte d’exposer en justice pour la défense de ses intérêts en première instance et en appel.
Il serait par ailleurs inéquitable, au regard des circonstances de l’espèce comme des situations économiques des parties, de laisser à la charge de M. [E] [O] l’intégralité des sommes qu’il a été contraint d’exposer en justice pour la défense de ses intérêts, de sorte qu’il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société Nemera [Localité 6] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et, y ajoutant, de la condamner à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, et après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a :
– Dit et jugé l’action de M. [E] [O] en requalification des contrats de mission d’intérim recevable,
– Rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription pour la période du 26 mai 2018 au 9 juin 2019,
– Débouté M. [E] [O] de sa demande au titre du paiement de la prime d’habillage/déshabillage et des congés payés afférents,
– Requalifié les missions de M. [E] [O] à l’égard de la société Nemera La Verpillère en contrat de travail à durée indéterminée de droit commun à compter du 26 mai 2018,
– Condamné la société Nemera [Localité 6] à payer à M. [E] [O] la somme de 1 511,29 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,
– Débouté M. [O] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,
– Condamné la société Nemera [Localité 6] à verser à M. [E] [O] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Débouté la société Nemera [Localité 6] de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile
L’INFIRME pour le surplus
Statuant des chefs d’infirmation et y ajoutant,
DIT que la rupture du contrat de travail avec la SAS Nemera La Verpillère s’analyse en licenciement sans cause réelle et sérieuse intervenu le 15 novembre 2020
CONDAMNE la SAS Nemera [Localité 6] à payer à M. [E] [O] :
– 5 000 euros net à titre d’indemnité de requalification du contrat de mission en contrat à durée indéterminée,
– 5 002,90 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 500,29 euros brut au titre des congés payés afférents,
– 8 700 euros brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
DEBOUTE M. [E] [O] de sa demande subsidiaire en dommages et intérêts dirigée contre les SAS Nemera [Localité 6] et Adecco France
DEBOUTE la SAS Nemera [Localité 6] de ses prétentions tendant à la condamnation solidaire de la SAS Adecco France
CONDAMNE la SAS Nemera [Localité 6] à payer à M. [E] [O] une indemnité complémentaire de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel
DEBOUTE la SAS Nemera [Localité 6] de ses prétentions au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE la SAS Nemera [Localité 6] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
Signé par Mme Hélène Blondeau-Patissier, conseillère faisant fonction de présidente, et par Mme Fanny Michon, greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La greffière, La conseillère faisant fonction de présidente,
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