FAITS
Mme [S] est avocate immatriculée auprès de l’Urssaf et associée dans un partnership de droit anglais. Elle a demandé le remboursement d’un excédent de cotisations sociales, arguant que cette créance ne pouvait être imputée sur des dettes antérieures. Après une régularisation de ses cotisations pour les années 2014 et 2015, l’Urssaf a notifié à Mme [S] qu’elle était redevable d’une somme de 42 625 euros, suivie d’une mise en demeure. Mme [S] a contesté cette mise en demeure et a saisi la commission de recours amiable, qui a rejeté son recours. Elle a ensuite contesté cette décision devant le tribunal judiciaire. PROCÉDURE PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES Les articles R.243-43-3 et R.243-43-4 du code de la sécurité sociale régissent la procédure de vérification des déclarations et imposent à l’Urssaf de respecter certaines garanties procédurales lors de la notification de redressements. L’article L.111-2-2 du même code précise que les personnes exerçant une activité professionnelle en France sont soumises à la législation française de sécurité sociale, indépendamment de leur lieu de résidence. Le Règlement CE n° 883/2004 établit les règles de coordination des systèmes de sécurité sociale au sein de l’Union européenne, précisant que les travailleurs non salariés sont soumis à la législation de l’État membre de résidence, sauf exceptions. En conclusion, la cour a confirmé que les revenus de source étrangère de Mme [S] doivent être inclus dans l’assiette des cotisations d’allocations familiales, en raison de leur lien avec son activité professionnelle d’avocat, et a rejeté ses demandes de nullité et de remboursement. |
L’Essentiel : Mme [S] est avocate et associée dans un partnership de droit anglais. Elle a demandé le remboursement d’un excédent de cotisations sociales, affirmant que cette créance ne pouvait être imputée sur des dettes antérieures. Après régularisation de ses cotisations pour 2014 et 2015, l’Urssaf a notifié à Mme [S] une somme de 42 625 euros, suivie d’une mise en demeure. Contestant cette mise en demeure, elle a saisi la commission de recours amiable, qui a rejeté son recours.
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Résumé de l’affaire : Mme [S], avocate associée dans un partnership de droit anglais, a demandé le remboursement de 44 125 euros à l’Urssaf en raison d’un excédent lié à ses cotisations de 2014. Après un réajustement de ses revenus, l’Urssaf lui a notifié qu’elle devait 42 625 euros, suivie d’une mise en demeure de 42 525 euros et de majorations de retard. Mme [S] a contesté ces montants devant la commission de recours amiable, qui a rejeté sa demande. Elle a ensuite saisi le tribunal judiciaire de Paris, qui a validé la mise en demeure et a statué sur la nature des revenus de Mme [S] comme étant des revenus professionnels, tout en lui accordant un remboursement de 6 240 euros pour un excédent de CSG/RDS. Mme [S] a interjeté appel, demandant l’annulation de la mise en demeure et le remboursement des cotisations. L’Urssaf a demandé la confirmation du jugement initial. La cour a déclaré l’appel recevable, confirmé le jugement du tribunal, et condamné Mme [S] aux dépens d’appel.
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Q/R juridiques soulevées :
La validité de la mise en demeureLa mise en demeure émise par l’Urssaf est-elle valide au regard des articles R.243-43-3 et R.243-43-4 du code de la sécurité sociale ? L’article R.243-43-3 du code de la sécurité sociale stipule que les organismes de recouvrement doivent procéder à la vérification de l’exactitude des déclarations transmises par les travailleurs indépendants. Ils peuvent demander des documents ou informations complémentaires nécessaires pour ces vérifications. En l’espèce, l’Urssaf a demandé des justificatifs fiscaux à la cotisante, mais n’a pas respecté les exigences de l’article R.243-43-4, qui impose de mentionner les déclarations et documents examinés, ainsi que le droit du cotisant à se faire assister. Ainsi, la procédure de vérification n’a pas été correctement suivie, rendant la mise en demeure contestée nulle. La demande de dommages-intérêtsLa cotisante peut-elle obtenir des dommages-intérêts pour préjudice moral en raison des actions de l’Urssaf ? Selon l’article 1240 du code civil, tout fait qui cause un dommage à autrui oblige son auteur à le réparer. La cotisante allègue que l’Urssaf a produit de fausses écritures pour éviter de rembourser un crédit de cotisations. Cependant, la cotisante ne prouve pas que l’Urssaf a intentionnellement falsifié des documents. En l’absence de faute caractérisée, sa demande de dommages-intérêts ne peut prospérer. La prise en compte des revenus étrangers dans l’assiette des cotisationsLes revenus étrangers de la cotisante doivent-ils être inclus dans l’assiette des cotisations d’allocations familiales ? L’article L.131-6 du code de la sécurité sociale précise que les cotisations des travailleurs indépendants sont assises Leur revenu d’activité non salarié, qui inclut les revenus retenus pour le calcul de l’impôt Le revenu. Les revenus étrangers perçus par la cotisante, bien qu’ils ne soient pas imposables en France, doivent être pris en compte pour le calcul des cotisations, car ils sont liés à son activité professionnelle. Ainsi, l’Urssaf a agi conformément à la législation en intégrant ces revenus dans l’assiette des cotisations. La question préjudicielle soumise à la Cour de Justice de l’Union européenneLa cotisante peut-elle soumettre une question préjudicielle à la Cour de Justice de l’Union européenne concernant l’application des règlements européens ? L’article 13.2 du Règlement CE n° 883/2004 stipule que le travailleur non salarié exerçant dans plusieurs États membres est soumis à la législation de l’État de résidence. La cotisante soutient que ses revenus étrangers ne devraient pas être inclus dans l’assiette des cotisations. Cependant, la Cour a déjà établi que les revenus étrangers liés à une activité professionnelle doivent être pris en compte pour le calcul des cotisations. La demande de question préjudicielle est donc jugée sans intérêt, car la législation applicable est claire. Le remboursement des cotisations d’allocations familialesLa cotisante a-t-elle droit au remboursement des cotisations d’allocations familiales acquittées sur des revenus étrangers ? L’article L.111-2-2 du code de la sécurité sociale précise que les personnes exerçant une activité professionnelle en France sont affiliées à un régime obligatoire de sécurité sociale. Les revenus étrangers, bien qu’ils ne soient pas soumis à l’impôt en France, doivent être inclus dans l’assiette des cotisations. Ainsi, la cotisante ne peut pas revendiquer le remboursement des cotisations d’allocations familiales sur ces revenus, car ils sont considérés comme des revenus professionnels au sens de l’article L.131-6. |
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 12
ARRÊT DU 6 septembre 2024
(n° , 1 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 20/02701 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBZEN
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Mars 2020 par le Pole social du TJ de PARIS RG n° 19/09707
APPELANTE
Madame [X] [S]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Pierre NESTOR, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
URSSAF PARIS-REGION PARISIENNE
Division des Recours amiables et judiciaires
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Mme [H] [I] en vertu d’un pouvoir général
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 04 Avril 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Odile DEVILLERS, présidente de chambre
Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller
Monsieur Christophe LATIL, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Agnès ALLARDI, lors des débats
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le 14 juin 2024, prorogé au 06 septembre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Marie-Odile DEVILLERS, présidente de chambre et Madame Agnès ALLARDI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l’appel interjeté par Mme [X] [S] d’un jugement rendu le 12 mars 2020 par le tribunal judiciaire de Paris, dans un litige l’opposant à l’Urssaf Ile de France.
Il est rappelé que Mme [S] est immatriculée auprès de l’Urssaf en qualité d’avocate et elle est associée dans un partnership de droit anglais.
Par courrier du 07 juillet 2015, Mme [S] a demandé à l’Urssaf de lui rembourser un montant de 44 125 euros au titre de l’excédent du fait de la notification de la régularisation de ses cotisations définitives de l’année 2014, faisant valoir que cette créance ne pouvait être imputée sur des dettes antérieures inexistantes.
A la suite de la communication de ses revenus 2011 à 2015, un courrier de réajustement lui a été adressé par l’Urssaf, sur la base de l’assiette allocations familiales et de la
CSG-RDS, le 24 octobre 2017, indiquant qu’elle était redevable d’une somme de
42 625 euros.
Le 21 novembre 2017, l’Urssaf a édité une mise en demeure, reçue par Mme [S] le 8 décembre 2017, de payer la somme de 42 525 euros au titre des cotisations définitives allocations familiales pour les années 2014 et 2015, ainsi que la somme de 2 910 euros de majorations de retard.
Le 05 janvier 2018, Mme [S] a saisi la commission de recours amiable de l’Urssaf, contestant les montants réclamés et sollicitant le remboursement de la somme de 20 238 euros au titre de crédits de cotisations d’allocations familiales et de CSG/RDS au titre des années 2014 et 2015.
Dans sa séance du 25 mars 2019, la commission de recours amiable a rejeté ce recours.
Le 18 avril 2019, Mme [S] a contesté cette décision devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Par exploit d’huissier du 25 juin 2019, l’Urssaf a fait signifier à Mme [S] une contrainte éditée le 12 juin 2019 portant sur un montant de 42 524,25 euros de cotisations et 2 910 euros de majorations de retard.
Par courriel du même jour, l’Urssaf indiquait à Mme [S] qu’elle renonçait au bénéfice de cette contrainte, laquelle faisait par erreur référence à une mise en demeure préalable du 06 décembre 2017 au lieu de celle du 21 novembre 2017.
Le 26 juin 2019, Mme [S] a formé opposition contre cette contrainte.
Par courrier du 11 février 2020, l’Urssaf a indiqué à Mme [S] qu’après réajustement des assiettes sociales et de la régularisation de ses cotisations et contributions sociales définitives pour l’année 2014, elle lui était redevable d’un crédit de 6 147 euros.
Par jugement du 12 mars 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :
– ordonné la jonction des procédures enregistrées sous les numéros de RG 19/10669 et 19/09707,
– déclaré Mme [S] recevable en son recours,
– écarté des débats la note en délibéré ainsi que le courrier de l’Urssaf du 11 février 2020, pièces produites par Mme [S] et reçues au greffe le 03 mars 2020,
– constaté que l’Urssaf renonce au bénéfice de la contrainte délivrée le 12 juin 2019 et signifiée à Mme [S] le 25 juin 2019,
– débouté Mme [S] de ses demandes de nullité de la mise en demeure du
21 novembre 2017,
– validé la mise en demeure et rejeté en conséquence le moyen tiré de la prescription des cotisations afférentes aux années 2014 et 2015,
– constaté la renonciation de l’Urssaf à inclure dans l’assiette de la CSG/RDS les revenus étrangers de l’année 2014 issus du partnership de Mme [S],
– condamné l’Urssaf à payer à Mme [S] la somme de 6 240 euros au titre de l’excédent de CSG/RDS versé pour l’année 2014,
– dit que les revenus de source étrangère de Mme [S], perçus au titre de son partnership de droit anglais, sont des revenus professionnels au sens de l’article L.131-6 du code de la sécurité sociae et doivent être inclus dans l’assiette de la cotisation d’allocations familiales,
– débouté en conséquence Mme [S] de toutes ses demandes de remboursement concernant les cotisations d’allocations familiales afférentes aux années 2014 et 2015,
– débouté Mme [S] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [S] aux entiers dépens,
– dit n’y avoir lieu de prononcer l’exécution provisoire du jugement,
– rejeté toutes les autres demandes des parties.
Par courrier recommandé avec demande d’avis de réception du 23 mars 2020,
Mme [S] a interjeté appel de ce jugement, qui lui a été notifié le 18 mars 2020.
Aux termes de ses conclusions soutenues à l’audience par son conseil, Mme [S] demande à la cour de déclarer son appel recevable et bien fondé et y faire droit,et d’infirmer le jugement attaqué en date du 12 mars 2020 quant aux chefs de jugement dont il a été fait appel,
Statuer à nouveau
SUR LA FORME
A TITRE PRINCIPAL
– prononcer la nullité de la lettre de redressement en date du 24 octobre 2017 pour violation des garanties d’ordre public édictées par l’article R243-43-4 du CSS organisant la procédure de vérification des déclarations diligentée, en l’absence de mention des déclarations et les documents examinés,
– prononcer la nullité de la lettre de redressement en date du 24 octobre 2017 pour violation des garanties d’ordre public édictées par l’article R243-43-4 du CSS organisant la procédure de vérification des déclarations diligentée, en l’ absence de mention du délai de 30 jours offerts au cotisant pour faire valoir ses observations,
– prononcer la nullité de la lettre de redressement en date du 24 octobre 2017 pour violation des garanties d’ordre public édictées par l’article R243-43-4 du CSS organisant la procédure de vérification des déclarations diligentée, en l’absence de mention de la faculté de se faire assister par un conseil de son choix,
En conséquence, annuler le redressement notifié au titre des cotisations afférentes aux années 2014
– Annuler la mise en demeure subséquente du 21 novembre 2017 pour un montant de 42 525 euros
– ordonner à l’URSSAF de passer l’écriture comptable correspondant à l’annulation de la cotisation définitive calculée lors du redressement et la remplacer par la cotisation souscrite sur la déclaration
A TITRE SUBSIDIAIRE
– annuler la mise en demeure du 21 novembre 2017 émise prématurément avant l’expiration de la période contradictoire de 30 jours
– en conséquence, infirmer le jugement attaqué sur ce point
SUR LE FOND
A TITRE PRINCIPAL
– remettre les parties en l’ état existant préalablement à la procédure de redressement et la mise en demeure subséquente
– ordonner le remboursement du crédit de cotisations 2014 d’un montant de 44 125 euros calculé par l’administration figurant sur la notification de régularisation en date du 17 juin 2015, préalablement au redressement,
– dire et juger que le crédit de cotisations 2014 constaté par l’Urssaf aurait dû être remboursé au plus tard le 30 novembre 2015 en application de l’article R 133-27 du CSS à réception de la déclaration sociale 2014 de l’appelante,
– condamner en conséquence l’URSSAF Ile de France à lui rembourser la somme de
44 125 euros en principal, assorties des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande de remboursement formulée le 7 juillet 2015,
– ordonner à l’URSSAF de rembourser l’excédent de CSG/CRDS d’un montant de 6 240 euros résultant du dégrèvement de CSG/CRDS 2014 accordé par l’Urssaf devant les premiers juges et ordonné par le tribunal par le chef de jugement non attaqué, faute pour I ‘Urssaf de justifier du remboursement effectif de cette somme,
– constater l’existence d’un crédit de cotisations d’un montant de 51 112 euros au titre de l’année 2015 sur la base de la déclaration sociale des indépendants 2015, désormais admis par l’Urssaf dans ses écritures,
– condamner en conséquence l’URSSAF Ile de France à lui rembourser la somme de 51 112 euros en principal, assorties des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande formulée le 05 janvier 2018
– prononcer la capitalisation des intérêts
– condamner l’Urssaf à verser à Mme [S] la somme de 35 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral
A TITRE SUBSIDIAIRE
Et seulement dans l’hypothèse où la Cour n’annulerait pas les redressements pratiqués par l’Urssaf au titre des années 2014 et 2015 pour vice de procédure
Au visa du droit de l’Union européenne,
– dire et juger que l’ appelante exerce son activité professionnelle exclusivement en France et n’exerce pas personnellement et physiquement d’activité professionnelle sur le territoire de deux ou plusieurs Etats membres de l’Union européenne
– dire et juger que l’Urssaf ne démontre pas que l’ appelante serait en situation de conflit de législations nationales de sécurité sociale devant être réglé par l’article 13-2 du Règlement CE 883/2004 et en particulier qu’elle serait considérée comme exerçant une activité non salariée sur le territoire allemand, britannique, hollandais, hellénique et polonais au sens des législations nationales de sécurité sociale allemandes, britanniques, hollandaises, helléniques et polonaises comme l’a jugé la Cour de Justice de l’Union européenne dans les affaires de Jaeck et NASTI c/ Hervein
– dire et juger en conséquence que l’appelante est assujettie à la seule législation française de sécurité sociale en application de l’article 11 du Règlement 883/2004 qui ne contredit pas le principe de territorialité de l’article LI 11-2-2 du CSS
– dire et juger en conséquence que les articles 13-2 et 13-5 du Règlement CE 883/2004 ne sont pas applicables à la situation de l’appelante et que l’Urssaf ne peut pas inclure dans l’assiette des cotisations d’ allocations familiales les revenus communautaires au cas d’espèce
– dans l’hypothèse où la Cour de céans estimerait que les jurisprudences précitées de la Cour de Justice de l’Union européenne rendue pour l’application de l’article 14 bis du Règlement CE 1408/71 ne serait pas transposables à l’article 13 2 du Règlement CE 883/2004, il lui est demandé de soumettre à la Cour de Justice de l’Union européenne la question préjudicielle suivante :
« Un travailleur non salarié qui exerce exclusivement son activité professionnelle d’avocat sur le territoire français peut-il être considéré par la législation française comme exerçant son activité professionnelle sur le territoire de deux ou plusieurs Etats membres au sens des articles 13.2. et 13.5. du Règlement CE 883/2004 au motif que la société dont il est membre, et qui dispose d’une personnalité morale distincte, dispose d’établissements stables autonomes sur le territoire d ‘autres Etats membres au sein desquels exercent d ‘autres avocats associés et collaborateurs inscrits à un ordre professionnel compétent et ce, même si la simple qualité d’associé d’une société n ‘est pas considérée comme caractérisant l’exercice par le travailleur non salarié concerné d’une activité indépendante dans les autres Etats par la législation nationale de sécurité sociale des Etats membres sur les territoires desquels la société dispose d’établissements stables au sein desquels le travailleur indépendant n ‘exerce aucune activité professionnelle d’avocat ni aucun mandat social et, dans l’affirmative, les dispositions de l’article 13.5 du Règlement CE 883/2004 obligent-elles la France à calculer la cotisations d’allocationsfamiliales sur les revenus des autres Etats qui seraient alloués au travailleur non salarié établi en France alors que lesdits revenus étrangers supportent l’impôt sur le revenu dans ces autres Etats dans lesquels la branche allocations familiales est financées par I ‘impôt en particulier le Royaume-Uni et I ‘Allemagne ce qui est susceptible de constituer une entrave à la liberté de circulation et d’établissement au sein de l’Union européenne ‘ »
Au visa des articles L111-2-2 du CSS
– dire et juger que les revenus susceptibles d’être inclus dans l’assiette des cotisations d’allocations familiales sont les revenus réalisés sur le territoire français en application du principe de territorialité de la législation française, sous réserve que le droit de l’Union européenne ou un accord de sécurité sociale ne prévoient l’intégration de revenus étrangers dans l’assiette des cotisations sociales françaises
– ordonner à l’URSSAF Ile de France d’accorder le dégrèvement des cotisations d’allocations familiales acquittées sur les revenus étrangers à hauteur de 42 303 euros au titre de l’année 2014
– ordonner à l’URSSAF Ile de France d’accorder le dégrèvement des cotisations d’allocations farniliales acquittées sur les revenus étrangers à hauteur de 56 244 euros au titre de l’année 2015
– infirmer le jugement attaqué en ce qu’il rejeté les demandes de remboursement de la cotisation d’allocations familiales calculée sur certains revenus étrangers pour un montant total de 51 659 € au titre des années 2014 et 2015
– condamner l’URSSAF Ile de France à rembourser la somme de 51 659 euros réglée par chèque ou compensation de créance.
EN TOUT ETAT DE CAUSE
– condamner l’URSSAF Ile de France à verser à Madame [S] la somme de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile
– condamner l’URSSAF Ile de France aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions soutenues oralement à l’audience par son représentant, l’Urssaf demande à la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a validé la mise en demeure du 21 novembre 2017, dit que les revenus de source étrangère de Mme [S] perçus au titre de son partnership de droit anglais sont des revenus professionnels au sens de l’article L.131-6 du code de la sécurité sociale et doivent être inclus dans l’assiette d’allocations familiales et en ce qu’il a débouté Mme [S] de toutes ses demandes de remboursement concernant les cotisations d’allocations familiales afférentes aux années 2014 et 2015,
– débouter Mme [S] de toutes ses demandes,
à titre subsidiaire,
– débouter Mme [S] de sa demande de remboursement au titre de l’année 2014,
en tout état de cause,
– débouter Mme [S] de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts,
– la condamner au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties déposées à l’audience du 4 avril 2024 pour un plus ample exposé des moyens développés et soutenus à l’audience.
Sur la validité de la mise en demeure
Mme [S] rappelle que la procédure de vérification des déclarations est régie par les articles R.243-43-3 et R.243-43-4 du code de la sécurité sociale que l’Urssaf a adressé une notification de régularisation des cotisations 2014 le 17 juin 2015 sur la base de la DSI souscrite que l’Urssaf a adressé deux demandes de production de justificatifs aux fins de vérifier ses déclarations le 2 mai 2016 s’agissant de l’année 2014 et le 9 mai 2017 s’agissant de l’année 2015 que l’Urssaf a diligenté une procédure de vérification prévue aux articles R.243-43-3 et suivants du code de la sécurité sociale qu’à cet égard, le courrier de l’Urssaf du 11 février 2020 concernant le réajustement des assiettes définitives et la régularisation des cotisations et contributions sociales définitives pour l’année 2014 mentionne comme objet : « procédure de vérification en vertu de l’article R.243-43-3 du code de la sécurité sociale- rééxamen de la situation » que l’Urssaf n’a pas mentionné, sur les courriers de réajustement pour 2014 et 2015, comme l’exige l’article R.243-43-3 du code de la sécurité sociale, les déclarations et documents examinés pendant la vérification, pas plus que la faculté dont dispose le cotisant de se faire assister par un conseil de son choix et de la possibilité de bénéficier d’un délai de 30 jours pour répondre aux observations que la cotisante a donc été privée de tout débat contradictoire, ayant été seulement invitée à saisir la commission de recours amiable que la procédure de vérification est donc nulle ainsi que, par voie de conséquence, la mise en demeure délivrée qu’à titre subsidiaire, la mise en demeure émise moins de 30 jours après la notification de la lettre de redressement encourt la nullité.
L’Urssaf réplique que, par application de l’article R.131-1 du code de la sécurité sociale, le système des cotisations et contributions sociales repose sur un système déclaratif imposant au cotisant de déclarer l’ensemble de ses revenus, qu’ils soient d’origine française ou étrangère que le législateur a prévu une procédure spécifique de contrôle sur pièces permettant à l’organisme de s’assurer de l’exactitude et de la conformité à la législation des déclarations des cotisants, régie par les articles R.243-43-3 et suivants du code de la sécurité sociale que l’article R.243-43-3 vise les cas où l’Urssaf exploite des informations communiquées soit par d’autres administrations, telles que les caisses de sécurité sociale ou l’administration fiscale, soit par le cotisant lui-même et aboutissant à un redressement de cotisations que la cotisante n’ayant pas transmis à l’organisme l’ensemble de ses revenus perçus en 2014 à la date d’exigibilité, soit en
mai 2015, les services de l’Urssaf ne pouvait calculer les cotisations dues par la cotisante, l’obligeant à adresser deux courriers les 2 et 3 mai 2016 que la même démarche a été réalisée le 9 mai 2017 afin de réclamer les liasses fiscales pour l’année 2015 exigibles en mai 2016 que les DSI adressées par Mme [S] étaient incomplètes que les courriers de complément d’informations des 24 octobre 2017,
2 et 3 mai 2016 et 9 mai 2017 ne sauraient constituer un début de procédure de vérification des déclarations au sens de l’article R.243-43-3 du code de la sécurité sociale, l’Urssaf s’étant bornée à lui demander de déclarer ses revenus conformément à ses obligations sociales que l’Urssaf n’était en possession que de la seule DSI, aucun élément n’ayant été transmis par la cotisante ou une institution permettant de constater des incohérences entre les documents que les demandes de complément d’informations s’inscrivant dans le but, non de vérifier les déclarations, mais de procéder au calcul des cotisations que ce n’est que, le 6 décembre 2016, que la cotisante a transmis les éléments déclaratifs 2014 et les 19 et 31 mai 2017 concernant les revenus 2015 que l’Urssaf n’a été en mesure de procéder aux réajustements des cotisations 2014 et 2015 en exploitant les déclarations transmises par la cotisante elle-même que l’Urssaf n’avait donc pas à respecter les dispositions de l’article R.243-43-4 du code de la sécurité sociale, le courrier de réajustement ne présentant aucun caractère contentieux et informant la cotisante de la nature des sommes qui lui étaient réclamées et de faire valoir ses observations devant la commission de recours amiable.
REPONSE DE LA COUR
Aux termes de l’article R.243-43-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à l’espèce, pour l’exercice des missions définies à l’article L. 213-1, les organismes de recouvrement procèdent à la vérification de l’exactitude et de la conformité à la législation en vigueur des déclarations qui leur sont transmises par les travailleurs indépendants et les employeurs, personnes privées ou publiques. A cette fin, ils peuvent rapprocher les informations portées sur ces déclarations avec celles mentionnées sur les documents qui leur ont déjà été transmis par le cotisant ainsi qu’avec les informations que d’autres institutions peuvent légalement leur communiquer.
Les organismes de recouvrement peuvent demander par écrit au cotisant de leur communiquer tout document ou information complémentaire nécessaire pour procéder aux vérifications mentionnées à l’alinéa précédent.
Les résultats des vérifications effectuées au premier alinéa du présent article ne préjugent pas des constatations pouvant être opérées par les agents de contrôle mentionnés à l’article L. 243-7.
Il résulte des pièces produites aux débats que :
– la cotisante a enregistré sa DSI le 9 juin 2015 au titre des revenus de l’année 2014,
– que, par courrier du 2 mai 2016, l’Urssaf a demandé à la cotisante ses liasses fiscales au titre de ses revenus étrangers de l’année 2014 afin de déterminer les différentes assiettes des cotisations et contributions de sécurité sociale sur ces revenus,
– que les liasses fiscales de l’année 2014 ont été transmises le 30 mai 2016,
– que la DSI des revenus 2015 a été enregistrée le 3 juin 2016,
– que, par courrier du 9 mai 2017, l’Urssaf a demandé les liasses fiscales au titre des revenus étrangers de l’année 2015,
– que les liasses fiscales des revenus étrangers de l’année 2015 ont été adressées à l’Urssaf le le 18 mai 2017,
– qu’après réception de ces documents, l’Urssaf a réajusté, selon courrier du 24 octobre 2017, les cotisations dues au titre des années 2011 à 2015 eu égard des informations communiquées, notifiant à la cotisante qu’elle était redevable d’une somme de 42.525 euros.
C’est à bon droit que le tribunal a retenu que les courriers envoyés par l’Urssaf les
2 mai 2016 et 9 mai 2017 n’avaient pour seul objet que de demander des justificatifs fiscaux que la cotisante n’avait pas adressés en vue de déterminer l’assiette des cotisations dues comprenant les revenus de source étrangère des années 2014 et 2015.
En effet, l’Urssaf n’envisageait pas de procéder un redressement mais à fixer seulement, au regard des éléments fournis, les cotisations dues, sans procéder à un quelconque contrôle de conformité des documents transmis par la cotisante ainsi qu’avec des informations que d’autres institutions pouvaient légalement lui communiquer, le réajustement effectué le 24 octobre 2017 ne portant que sur les revenus déclarés.
Par conséquent, les articles R.243-43-3 et suivants du code de la sécurité sociale ne pouvaient recevoir application, la cotisante n’étant pas fondée à se prévaloir d’une erreur d’intitulé sur un courrier de l’Urssaf du 11 février 2020 qui ne concernait qu’un réajustement des assiettes sociales et la régularisation des cotisations et contributions sociales définitives de l’année 2014, lui notifiant un crédit de 6.147 euros à son profit.
Aussi, les moyens de nullité soulevés seront rejetés et le jugement confirmé en ce qu’il a validé la mise en demeure contestée, dont le bien fondé a été contesté devant la commission de recours amiable, la cotisante disposant d’un recours.
Par conséquent, sur ce fondement inopérant, la cotisante est mal fondée en sa demande de remboursement au motif qu’en l’absence de redressement régulièrement notifié, l’Urssaf ne pouvait revendiquer a posteriori l’inclusion des revenus étrangers dans l’assiette de la cotisation d’allocations familiales, la mise en demeure ayant interrompu la prescription revendiquée.
Aussi, le réajustement opéré par l’Urssaf le 24 octobre 2017 était régulier.
Sur la demande de dommages-intérêts de Mme [S]
La cotisante fait valoir que l’Urssaf a produit des fausses écritures informatiques pour ne pas avoir à rembourser le crédit de cotisations 2014 de 44 125 euros que la production de fausses écritures informatiques constitue une faute grave, portant atteinte aux droits du cotisant en ce qu’elle vise à le priver des sommes dues et faire croire que les sommes litigieuses ont servi à apurer des dettes antérieures que la caisse, qui admet le bien fondé de la demande de remboursement des cotisations 2015 indûment acquittées après huit années de procédure, a démontré l’acharnement dont elle fait preuve envers la cotisante qu’elle a donc subi un préjudice moral qui doit être réparé.
L’Urssaf réplique qu’elle n’a pas produit de faux informatiques qu’elle est en mesure de produire uniquement un relevé débits/crédits faisant état de la situation de la cotisante au jour de son impression que ce relevé ne peut reprendre l’ensemble des écritures passées, du fait de l’application de l’article L.136-6-2 du code de la sécurité sociale et du calcul en trois temps des cotisations des travailleurs indépendants qu’à réception des revenus sur l’année N-1, les cotisations provisionnelles sont annulées afin de prendre en compte les réajustements de cotisations, qui sont annulés une fois que les revenus de l’année N sont transmis à l’Urssaf que cette annulation se traduit informatiquement par une écriture en débit du montant des cotisations précédemment appelées que l’Urssaf transmet une copie écran des écritures informatiques figurant sur le compte de la cotisante, correspondant à la journée comptable du 17 juin 2015 démontrant que les réglements des 12 novembre 2014, 4 août 2014, 5 mai 2014 et 5 février 2014 ont été affectés sur les périodes des 4ème trimestre 2012 et 4ème trimestre 2013 que, par jugement du 22 octobre 2019, le tribunal de grande instance de Paris a débouté la cotisante de sa demande de remboursement correspondant à un excédent de crédit de régularisation de ses cotisations 2012 que l’Urssaf n’a produit aucune écriture falsifiée.
REPONSE DE LA COUR
Selon l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Au cas d’espèce, la cotisante, qui peut contester les comptes établis par l’Urssaf, ne démontre aucunement que l’Urssaf se serait prévalue de fausses écritures informatiques, ne justifiant aucunement que l’Urssaf les aurait falsifiées intentionnellement dans l’intention de lui nuire.
Elle n’établit pas plus qu’elle aurait fait l’objet d’un harcèlement de la part de l’Urssaf.
En l’absence de faute caractérisée de l’Urssaf, sa demande de dommages-intérêts ne peut prospérer.
Sur la prise en compte des revenus étrangers dans l’assiette des cotisations
Mme [S] ne conteste que l’intégration des revenus étrangers dans l’assiette des cotisations familiales, l’Urssaf rappelant que les revenus non salariés de source étrangère ne sont assujetis à la CSG et la CRDS que pour autant qu’un droit d’imposition soit reconnu à la France sur ces revenus, ce que ne prévoit pas la convention fiscale
franco-britannique du 22 mai 1968 tandis que seule l’administration fiscale est compétente pour recouvrer la CRDS sur les revenus étrangers.
Mme [S] fait valoir que les revenus étrangers distribués par le partnership de droit étranger constituent la rémunération de son investissement en capital et qu’ils ne sont pas imposables en France qu’ils sont exclus du champ d’application de l’article L.131-6 du code de la sécurité sociale que la cotisante n’est inscrite à aucun barreau étranger et n’exerce pas son activité professionnelle hors de France, ce qui n’est pas contesté par l’Urssaf que la quote-part qu’elle reçoit au titre des revenus réalisés par le partnership à l’étranger est la contribution de sa contribution en capital de cet organisme que ces revenus ne présentent aucun caractère professionnel que les revenus étrangers dont le droit d’imposer à un autre Etat en vertu d’une convention fiscale sont exclus de l’assiette de l’impôt sur le revenu français que, compte tenu du renvoi express effectué par les dispositions législatives et réglementaires du code de la sécurité sociale à l’assiette de l’impôt sur le revenu, la non inclusion de ces revenus étrangers dans l’assiette de l’impôt français en application d’une convention de non double imposition fait obstacle à l’inclusion de ces revenus dans l’assiette des charges sociales que la cotisante est donc fondée à solliciter le dégrèvement des cotisations d’allocations familiales acquittées sur les revenus étrangers non professionnels au sens de l’article L.131-6 du code de la sécurité sociale, soit les sommes de 42.303 euros au titre de 2014 et 56.244 euros au titre de 2015, ainsi que le remboursement de la somme de 51.659 euros réglée par chèque ou compensation de créance qu’il ne peut être dérogé au principe de territorialité de la législation de sécurité sociale française que si un accord international prévoit cette dérogation et que les conditions d’application prévues par cet accord sont remplies que le droit communautaire en matière de sécurité sociale est régi par le principe d’unicité de la législation applicable et le principe de territorialité de la législation de sécurité sociale applicable en fonction du lieu d’exercice de l’activité pour les travailleurs non-salariés, sous réserve des exceptions prévues par les règlements que les articles 14 quinquies du règlement CE 1408/71 et 13-5 du règlement CE 884/2004 sont inapplicables au cas d’espèce qu’il résulte de la jurisprudence communautaire que, pour établir s’il y a bien exercice d’un activité non salariée sur le territoire d’un autre Etat membre, condition sina qua non pour appliquer les articles
14 bis et 14 quinquies, il convient de se référer à la législation de sécurité sociale de cet autre Etat, ce qui permet en cas de conflit positif de législations nationales entre deux ou plusieurs Etats membres de déterminer la législation applicable par dérogation au principe de compétence de l’Etat du lieu d’exercice qu’il n’y a pas de conflit positif de législation entre la France et les différents Etats sur le territoire desquels le partnership est établi que la législation de sécurité sociale britannique n’est pas applicable à la cotisante, le Royaume-Uni représentant le plus important bureau du partnership qu’il en va de même pour les législations allemande, hollandaise, belge, greque et polonaise qu’il résulte de ces différentes législations que la cotisante ne peut être considérée comme exerçant normalement une activité non salariée sur le territoire de ces Etats membres au sens du droit communautaire que l’absence de conflit positif de législation nationale conduit à exclure l’application des articles 14 bis et 14 quinquies du règlement CE 1408/71 et 13-1 et 13-5 du règlement CE 884/2004 et que les revenus des Etats en cause ne peuvent donc être inclus dans l’assiette des cotisations sociales françaises à l’instar des revenus provenant d’Etats tiers n’ayant pas conclu de convention de sécurité sociale avec la France que la législation de sécurité sociale française ne lui est pas applicable, de sorte que l’Urssaf ne pouvait intégrer de cotisations d’allocations familiales au titre de ces revenus étrangers qu’à défaut, si la cour devait considérer que la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (de Jaeck et Inasti c Hervein) n’est plus d’actualité, il convient de soumettre à cette juridiction une question préjudicielle dans les termes figurant au dispositif des conclusions que, par ailleurs, dès lors que la cotisation d’allocations familiales est proportionnelle aux revenus à l’instar de la CSG et de la RDS et sans lien direct entre l’obligation de cotiser et le droit aux prestations sociales pour une partie des assurés exclus du droit aux prestations, elle doit être classée en imposition de toute nature au regard de la Constitution et ne peut être appliquée aux revenus de source étrangère en provenance d’un Etat ayant conclu une convention fiscale de non double imposition à l’instar de la CSG et de la CRDS en application de la jurisprudence communautaire qu’il convient de tirer les conséquences légales de la qualification d’imposition de toute nature qui doit s’appliquer à la cotisation d’allocations familiales et d’exclure les revenus étrangers de son assiette.
L’Urssaf réplique que le partnership ne dispose pas d’une personnalité morale distincte de celle de ses différents membres qu’il n’y a pas lieu de rechercher si les revenus étrangers sont ou non pris en compte pour le calcul de l’impôt sur le revenu, la circonstance que ces revenus ne soient pas soumis à l’impôt n’excluant pas leur assujettissement aux cotisations sociales que l’article 14 bis paragraphe 2 du réglement CEE 1408/71 prévoit que le travailleur non salarié qui exerce normalement son activité sur le territoire de deux ou plusieurs Etats membres dont la France, et qui réside en France, est soumis à la législation française pour l’ensemble des activités non salariées que l’assiette des cotisations d’allocations familiales dues par les travailleurs non-salariés est constituée par le revenu global, d’origine française ou étrangère que les revenus de source étrangère retenus pour le calcul de l’impôt sur le revenu au sens de l’article L.131-6 du code de la sécurité sociale doivent être inclus dans l’assiette française des cotisations d’allocations familiales dues par les avocats vivant en France et exerçant leur activité professionnelle en France et par ailleurs associés d’un partnership de droit étranger, peu important que le cotisant exerce son activité uniquement sur le territoire français et que la quote-part des revenus étrangers ne résulte pas de son activité personnelle dans le pays en question que la demande de question préjudicielle formée par la cotisante est sans intérêt, au regard de la jurisprudence abondante en la matière.
REPONSE DE LA COUR
En vertu de l’article L.131-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable, les cotisations d’assurance maladie et maternité, d’allocations familiales et d’assurance vieillesse des travailleurs indépendants non agricoles sont assises sur leur revenu d’activité non salarié.
Ce revenu est celui retenu pour le calcul de l’impôt sur le revenu, sans qu’il soit tenu compte des plus-values et moins-values professionnelles à long terme, des reports déficitaires, des exonérations, du coefficient multiplicateur mentionné au 7 de l’article 158 du code général des impôts et des déductions à effectuer du chef des frais professionnels et des frais, droits et intérêts d’emprunt prévues aux deuxième et dernier alinéas du 3° de l’article 83 du même code. En outre, les cotisations versées aux régimes facultatifs mentionnées au second alinéa du I de l’article 154 bis du même code ne sont admises en déduction que pour les assurés ayant adhéré aux régimes en cause avant le 13 février 1994.
Au cas d’espèce, Mme [S] perçoit des revenus provenant de l’exercice en France de son activité professionnelle d’avocat et des revenus en provenance du Royaume-Uni, de l’Allemagne, des Pays-Bas, de la Belgique, la Grèce et la Pologne perçus au titre de sa qualité d’associée du partnership.
Si Mme [S] n’a pas personnellement contribué aux bénéfices générés par l’activité du cabinet en dehors du territoire français, cette considération n’enlève pas aux revenus litigieux leur caractère professionnel. En effet, ces revenus lui sont distribués en raison de ses attributions professionnelles d’avocat associé au sein d’un cabinet de droit anglais. Ces revenus sont bien en rapport avec l’exercice de son activité professionnelle et n’ont pas de cause étrangère à cette activité. Si l’article L. 131-6 se réfère expressément au revenu professionnel retenu pour le calcul de l’impôt sur le revenu, il n’y a pas lieu de tenir compte des abattements, déductions et exonérations mentionnés au code général des impôts. Si les revenus de source étrangère tirés du partnership ne sont pas soumis à une imposition en France, il en est néanmoins tenu compte pour le calcul de l’impôt français lorsque le bénéficiaire est résident en France puisqu’en pareil cas un crédit d’impôt imputable sur l’impôt français lui est accordé. Ainsi, les revenus professionnels de source étrangère sont pris en considération pour le calcul du montant de l’impôt sur le revenu même s’ils ne sont pas eux-même assujettis à cet impôt. La circonstance que ces revenus ne sont pas soumis à l’impôt n’exclut pas leur assujettissement aux cotisations sociales. (2e Civ., 9 octobre 2014, pourvoi n° 13-18.837, Bull. 2014, II n° 211 2e Civ., 3 novembre 2016, pourvoi n° 15-21.958, Bull. 2016, II, n° 241 et 2e Civ., 22 septembre 2022, pourvoi n° 20-10.733).
L’article L 111-2-2 du code de la sécurité sociale dispose que :
« Sous réserve des traités et accords internationaux régulièrement ratifiés ou approuvés et des règlements européens, sont affiliées à un régime obligatoire de sécurité sociale dans le cadre du présent code, quel que soit leur lieu de résidence, toutes les personnes:
1° Qui exercent sur le territoire français :
a) Une activité pour le compte d’un ou de plusieurs employeurs, ayant ou non un établissement en France
b) Une activité professionnelle non salariée
2° Qui exercent une activité professionnelle à l’étranger et sont soumises à la législation française de sécurité sociale en application des règlements européens ou des conventions internationales».
Le Règlement CEE du Conseil n 1408/71 du 14 juin 1971 a eu pour objet de coordonner les différents régimes nationaux de sécurité sociale et de fixer les règles permettant aux salariés pouvant relever en matière de sécurité sociale de régimes de différents Etats membres de déterminer le régime applicable. Son article 13’1 pose le principe selon lequel le travailleur est soumis à la législation sociale d’un seul Etat membre. Son article 14 bis ‘2 dispose que le travailleur non salarié qui exerce son activité dans plusieurs pays est soumis à la législation sociale du pays dans lequel il réside.
Aux termes de l’article 13.2 du Règlement CE n 883/2004 : ‘ La personne qui exerce normalement une activité non salariée dans deux ou plusieurs Etats membres est soumise :
‘ a) à la législation de l’Etat membre de résidence, si elle exerce une partie substantielle de son activité dans cet Etat membre,
‘ ou
‘ b) à la législation de l’Etat membre dans lequel se situe le centre d’intérêt de ses activités, si la personne ne réside pas dans l’un des Etats membres où elle exerce une partie substantielle de son activité. ‘
Ainsi qu’il a été développé, les revenus étrangers issus des Etats de l’Union européenne de Mme [S] sont nécessairement en rapport avec l’exercice de son activité professionnelle. Dès lors, elle doit être considérée au sens de la convention comme exerçant habituellement une activité non salariée non agricole sur le territoire de l’un et de l’autre des Etats contractants. La quote-part des bénéfices réalisés qui lui ont été distribués, par le siège d’un partnership dont elle est membre, revêt ainsi le caractère d’un revenu d’activité non salariée retenu pour le calcul de l’impôt sur le revenu, de sorte qu’elle doit entrer dans l’assiette des cotisations d’allocations familiales dues en application de l’article L. 131-6 du code de la sécurité sociale (2e Civ., 9 octobre 2014, pourvoi n 13-18.837, Bull. 2014, II n 211).
Aux termes de l’article 14.9 du Règlement d’application CE n 987/2009, aux fins de l’application de l’article 13, paragraphe 2, point b) du Règlement de base, le «centre d’intérêt» des activités d’untravailleur non salarié est déterminé en prenant en compte l’ensemble des éléments qui composent ses activités professionnelles, notamment le lieu où se trouve le siège fixe et permanent des activités de l’intéressé, le caractère habituel ou la durée des activités exercées, le nombre de services prestés, ainsi que la volonté de l’intéressé telle qu’elle ressort de toutes les circonstances.
Mme [S] exerce à titre principal son activité d’avocat en France au barreau de Paris, n’étant inscrite, selon ses déclarations, à aucun autre barreau ou équivalent. Paris est donc le lieu où se trouve le siège fixe et permanent de ses activités. Ne démontrant pas que le partnership dont elle est membre dispose de la personnalité morale, elle doit être affiliée au régime de sécurité sociale français en application de l’article 13.2 du Règlement CE n 883/2004.
Par conséquent, l’argumentation développée par Mme [S] est inopérante, sa demande de question préjudicielle étant sans intérêt, étant ajouté que les cotisations d’allocations familiales, qui participent de la solidarité nationale, ne peuvent être assimilées à un impôt de toute nature.
L’ensemble des revenus professionnels de la cotisante devant être intégré dans la base de calcul des cotisations familiales, l’Urssaf justifie que le total de l’assiette 2014 retenu pour le calcul des cotisations d’allocations familiales s’est élevé à 903 824 euros et à 1 190 410 euros pour 2015.
La cotisante n’établissant pas qu’elle se trouverait créditrice envers l’Urssaf au regard des versements effectués, c’est à bon droit que le tribunal l’a déboutée de ses demandes de remboursement.
Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions.
Partie succombante, la cotisante sera condamnée aux dépens d’appel et à payer à l’Urssaf la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, sa demande formée au titre des frais irrépétibles étant rejetée.
LA COUR,
DECLARE recevable l’appel de Mme [X] [S]
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 12 mars 2020 par le tribunal judiciaire de Paris
CONDAMNE Mme [X] [S] aux dépens d’appel
CONDAMNE Mme [X] [S] à payer à l’Urssaf Ile de France la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile
REJETTE le surplus des demandes.
La greffière La présidente
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