Faits et procédure
La rupture d’un contrat de collaboration entre Mme [W] et la société [V] [Z] a conduit à une décision du bâtonnier déclarant cette rupture nulle et discriminatoire, entraînant une condamnation de la société à verser des sommes à Mme [W]. La société a contesté cette décision par un recours en appel, mais la cour d’appel a constaté l’absence d’effet dévolutif de ce recours en raison de la déclaration d’appel qui ne mentionnait pas les chefs du jugement critiqués. La règle de droit applicable repose sur les dispositions des articles 562 et 933 du code de procédure civile, ainsi que sur les articles 16, 179-1 et 277 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991. L’article 562 précise que l’appel défère à la cour d’appel la connaissance des chefs de jugement critiqués et de ceux qui en dépendent. L’article 933, dans sa rédaction issue du décret n° 2020-1452, impose que la déclaration d’appel, en matière de procédure sans représentation obligatoire, désigne le jugement dont il est fait appel et précise les chefs critiqués, sauf dans les cas d’annulation du jugement ou d’objet indivisible. En matière de différends entre avocats, le recours est formé par lettre recommandée ou remis au greffier, et il est instruit selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire. La combinaison de ces textes indique que le contenu du recours et ses effets sont régis par les articles 562 et 933. En matière de procédure sans représentation obligatoire, la déclaration d’appel qui omet d’indiquer les chefs critiqués doit être interprétée comme déférant à la cour l’ensemble des chefs du jugement, sauf disposition contraire applicable à la profession d’avocat, qui impose une charge procédurale spécifique. La cour d’appel a donc conclu que la déclaration de la société, ne mentionnant aucun chef de la décision attaquée, n’avait pas produit d’effet dévolutif, ce qui a été jugé comme une violation des textes précités. |
L’Essentiel : La rupture d’un contrat de collaboration entre Mme [W] et la société [V] [Z] a conduit à une décision du bâtonnier déclarant cette rupture nulle et discriminatoire, entraînant une condamnation de la société à verser des sommes à Mme [W]. La société a contesté cette décision par un recours en appel, mais la cour d’appel a constaté l’absence d’effet dévolutif de ce recours en raison de la déclaration d’appel qui ne mentionnait pas les chefs du jugement critiqués.
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Résumé de l’affaire :
Contexte de l’affaireLa société [V] [Z], une société d’avocats, a rompu le contrat de collaboration avec Mme [W]. Suite à cette rupture, Mme [W] a saisi le bâtonnier, qui a jugé la rupture nulle et discriminatoire, condamnant la société à verser des sommes à Mme [W]. Recours de la sociétéEn réponse à la décision du bâtonnier, la société a déposé un recours auprès de la cour d’appel, le 12 juillet 2021, contestant la décision rendue en faveur de Mme [W]. Arguments de la sociétéLa société a soutenu que la cour d’appel avait erronément constaté l’absence d’effet dévolutif de son recours. Elle a fait valoir que, selon la procédure sans représentation obligatoire, une déclaration d’appel qui ne mentionne pas les chefs critiqués doit être interprétée comme déférant à la cour l’ensemble des chefs du jugement. Réponse de la CourLa Cour a rappelé que l’appel doit déférer à la cour d’appel la connaissance des chefs de jugement critiqués. En matière de procédure sans représentation obligatoire, la déclaration d’appel doit désigner le jugement et préciser les chefs critiqués, sauf exceptions. Procédure applicableLe recours contre une décision du bâtonnier doit être formé par lettre recommandée ou remis au greffier, et est instruit selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire. Les effets du recours sont régis par les textes applicables à cette procédure. Interprétation de la déclaration d’appelLa Cour a précisé que, même en matière de procédure sans représentation obligatoire, une déclaration d’appel qui omet de mentionner les chefs critiqués doit être considérée comme déférant à la connaissance de la cour l’ensemble des chefs du jugement. Conclusion de la cour d’appelLa cour d’appel a conclu que la déclaration de la société, ne mentionnant aucun chef de la décision attaquée, n’avait pas produit d’effet dévolutif, ce qui a conduit à l’absence de saisine de la cour pour le recours principal. Cette décision a été jugée comme une violation des textes applicables. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la portée de la déclaration d’appel en matière de procédure sans représentation obligatoire ?La déclaration d’appel, en matière de procédure sans représentation obligatoire, doit mentionner les chefs du jugement critiqués. Selon l’article 933 du code de procédure civile, « la déclaration désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible. » Il est également précisé que l’appel défère à la cour d’appel la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent, conformément à l’article 562 du même code. Ainsi, l’absence de mention des chefs critiqués dans la déclaration d’appel peut entraîner l’absence d’effet dévolutif, ce qui a été constaté dans l’affaire en question. Quelles sont les conséquences de l’absence de mention des chefs de jugement dans la déclaration d’appel ?L’absence de mention des chefs de jugement dans la déclaration d’appel entraîne l’absence d’effet dévolutif du recours. En effet, la cour d’appel a constaté que la déclaration de la société ne mentionnait aucun chef de la décision attaquée, ce qui a conduit à la conclusion que la cour n’avait pas été saisie de ce recours. Cette situation est en conformité avec les dispositions de l’article 933 du code de procédure civile, qui stipule que la déclaration doit préciser les chefs critiqués. De plus, la jurisprudence a établi que, même en matière de procédure sans représentation obligatoire, la déclaration d’appel doit être interprétée comme déférant à la connaissance de la cour l’ensemble des chefs de jugement, sauf mention contraire. Comment la procédure applicable aux avocats diffère-t-elle des règles générales de procédure civile ?La procédure applicable aux avocats est considérée comme une procédure spéciale, dérogatoire au droit commun. Selon l’article 16 du décret n° 91-1197, « le recours contre une décision du bâtonnier statuant en matière de différend entre avocats est formé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. » Cette procédure est régie par des règles spécifiques qui s’appliquent aux différends entre avocats, et elle est instruite selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire. Ainsi, bien que les règles générales de procédure civile s’appliquent, il existe des adaptations nécessaires pour tenir compte de la nature professionnelle des parties impliquées. Quels sont les effets de la combinaison des textes régissant la procédure d’appel ?La combinaison des articles 562 et 933 du code de procédure civile, ainsi que des articles 16, 179-1 et 277 du décret n° 91-1197, détermine que le contenu du recours formé devant la cour d’appel et ses effets sont régis par ces textes. Cela signifie que, même si la procédure est sans représentation obligatoire, les règles spécifiques aux avocats doivent être respectées. En conséquence, la cour d’appel a l’obligation de vérifier si la déclaration d’appel respecte les exigences de ces articles, notamment en ce qui concerne la mention des chefs de jugement critiqués. L’absence de conformité à ces exigences peut entraîner la nullité du recours, comme cela a été constaté dans l’affaire en question. |
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 décembre 2024
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 1181 F-B
Pourvoi n° Q 22-17.581
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 DÉCEMBRE 2024
La société [V] [Z], société d’exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 22-17.581 contre l’arrêt rendu le 12 avril 2022 par la cour d’appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige l’opposant à Mme [D] [W], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Mme [W] a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, deux moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident éventuel invoque, à l’appui de son recours, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Caillard, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société [V] [Z], de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de Mme [W], et l’avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l’audience publique du 6 novembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Caillard, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon l’arrêt attaqué (Bordeaux, 12 avril 2022), à la suite de la rupture de son contrat de collaboration par la société [V] [Z], société d’avocats (la société), Mme [W] a saisi le bâtonnier qui, par décision du 14 juin 2021, a jugé que la rupture du contrat de collaboration était nulle de plein droit et discriminatoire et a condamné la société à verser à Mme [W] certaines sommes.
2. Par lettre reçue au greffe le 12 juillet 2021, la société a saisi une cour d’appel d’un recours contre cette décision.
Sur le second moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
3. La société fait grief à l’arrêt de constater l’absence d’effet dévolutif de son recours et par voie de conséquence, l’absence de saisine de la cour à l’égard du recours principal, alors « qu’en matière de procédure sans représentation obligatoire, la déclaration d’appel qui mentionne que l’appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d’appel, en omettant d’indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s’entendre comme déférant à la connaissance de la cour d’appel l’ensemble des chefs de ce jugement d’où il suit qu’en retenant qu’il y a lieu de constater que la déclaration de la société qui ne mentionne aucun chef de la décision attaquée n’a pas produit d’effet dévolutif et en conséquence que la cour n’a pas été saisie de ce recours, cependant que l’appel de la décision du bâtonnier est instruit et jugé selon les règles applicables en matière contentieuse à la procédure sans représentation obligatoire, la cour d’appel a violé l’article 933 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, ensemble l’article 16, alinéa 1er, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991. »
Vu les articles 562 et 933, ce dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020, du code de procédure civile et 16, 179-1 et 277 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat :
4. Selon le premier de ces textes, l’appel défère à la cour d’appel la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
5. Selon le deuxième, régissant la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d’appel, la déclaration désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible, et mentionne, le cas échéant, le nom et l’adresse du représentant de l’appelant devant la cour.
6. Il résulte des troisième et quatrième, que le recours contre une décision du bâtonnier statuant en matière de différend entre avocats à l’occasion de leur exercice professionnel est formé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée au secrétariat-greffe de la cour d’appel ou remis contre récépissé au greffier en chef et est instruit et jugé selon les règles applicables en matière contentieuse à la procédure sans représentation obligatoire.
7. Selon le cinquième, il est procédé comme en matière civile pour tout ce qui n’est pas réglé par le décret.
8. Il résulte de la combinaison de ces trois derniers textes que le contenu du recours formé devant la cour d’appel et ses effets, lesquels ne sont pas réglés par le décret, sont régis par les deux premiers de ces textes.
9. Or, en matière de procédure sans représentation obligatoire, y compris lorsque les parties ont choisi d’être assistées ou représentées par un avocat, la déclaration d’appel qui mentionne que l’appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d’appel, en omettant d’indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s’entendre comme déférant à la connaissance de la cour d’appel l’ensemble des chefs de ce jugement (2e Civ., 29 septembre 2022, pourvoi n° 21-23.456, publié).
10. Pour constater l’absence d’effet dévolutif du recours formé par la société et par voie de conséquence, l’absence de saisine de la cour d’appel à l’égard du recours principal, l’arrêt retient que si, dans la procédure sans représentation obligatoire, applicable en l’espèce, il est admis que la déclaration d’appel qui omet d’indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s’entendre comme déférant à la connaissance de la cour l’ensemble des chefs de ce jugement, il en va toutefois autrement en matière de procédure applicable à la profession d’avocat puisqu’il s’agit d’une procédure spéciale, dérogatoire au droit commun, se déroulant par définition entre professionnels du droit à l’égard desquels la charge procédurale imposée par l’article 933 du code de procédure civile ne peut être considérée comme excessive. La déclaration de la société ne mentionnant aucun chef de la décision attaquée, l’arrêt en déduit qu’elle n’a pas produit d’effet dévolutif.
11. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
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