L’article L. 741-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) stipule que l’autorité administrative peut placer en rétention un étranger pour une durée de quatre jours, lorsque celui-ci ne présente pas de garanties de représentation effectives pour prévenir un risque de soustraction à l’exécution d’une décision d’éloignement, et qu’aucune autre mesure n’est suffisante pour garantir cette exécution. Le risque de soustraction est évalué selon les critères de l’article L. 612-3 du même code, qui énumère des situations spécifiques où ce risque est présumé, notamment lorsque l’étranger a déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français.
L’article R. 743-10 du CESEDA précise que l’ordonnance du juge des libertés et de la détention, statuant sur la prolongation de la rétention, est susceptible d’appel dans un délai de 24 heures suivant sa notification. L’article R. 743-11 impose que la déclaration d’appel soit motivée, sous peine d’irrecevabilité. Le juge des libertés et de la détention a la compétence d’examiner la légalité de la décision de placement en rétention, en tenant compte des droits fondamentaux, notamment le droit à la vie privée et familiale, conformément aux principes de proportionnalité. En l’espèce, le juge a considéré que la mesure de rétention était disproportionnée au regard de la situation personnelle de M. [Y], qui était en situation régulière, père de cinq enfants, et avait des garanties de représentation suffisantes, ce qui a conduit à la mainlevée de la rétention. L’article L. 741-10 du CESEDA établit que le juge administratif est compétent pour les contestations relatives à l’éloignement, tandis que le juge des libertés et de la détention est compétent pour les contestations concernant la rétention, ce qui souligne la séparation des compétences entre les juridictions administrative et judiciaire dans le cadre des mesures d’éloignement et de rétention des étrangers. |
L’Essentiel : L’article L. 741-1 du CESEDA permet à l’autorité administrative de placer un étranger en rétention pour quatre jours en l’absence de garanties de représentation. Le risque de soustraction est évalué selon l’article L. 612-3. Le juge des libertés et de la détention examine la légalité de la décision, en tenant compte des droits fondamentaux. Dans le cas de M. [Y], la mesure de rétention a été jugée disproportionnée, entraînant sa mainlevée. Les compétences entre les juridictions administrative et judiciaire sont ainsi distinctes.
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Résumé de l’affaire :
Contexte de l’affaireLa présente affaire oppose une autorité administrative, représentée par un avocat, à un étranger, également assisté par un avocat commis d’office. L’affaire concerne la rétention administrative de l’étranger, qui a été notifiée d’une obligation de quitter le territoire français. Décisions administrativesLe préfet des Hauts de Seine a notifié à l’étranger une obligation de quitter le territoire le 17 décembre 2024, suivie d’un arrêté de placement en rétention pour une durée de quatre jours. Une demande de prolongation de cette rétention a été formulée par l’autorité administrative, visant à maintenir l’étranger en rétention pour 26 jours supplémentaires. Intervention judiciaireLe juge du tribunal judiciaire a rejeté la demande de prolongation de la rétention, considérant que l’étranger était en situation régulière en France, étant marié à une citoyenne française et père de plusieurs enfants. L’autorité administrative a alors interjeté appel de cette décision. Arguments de l’autorité administrativeDans son appel, l’autorité administrative a soutenu que la situation personnelle de l’étranger ne justifiait pas une assignation à résidence et qu’il existait un risque de soustraction à la mesure d’éloignement, l’étranger ayant exprimé son intention de rester en France. Analyse du juge des libertésLe juge des libertés a examiné la légalité de la décision de rétention et a conclu à une erreur manifeste d’appréciation de la part du préfet. Il a souligné que l’étranger avait des garanties de représentation suffisantes et qu’il n’y avait pas de trouble à l’ordre public justifiant la rétention. Conclusion de la courLa cour a confirmé l’ordonnance du juge des libertés, déclarant la mesure de rétention disproportionnée au regard de la situation familiale de l’étranger et de ses garanties de représentation. L’ordonnance a été maintenue, ordonnant la mainlevée de la rétention. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur la recevabilité de l’appelEn vertu de l’article R 743-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire est susceptible d’appel devant le premier président dans les 24 heures de son prononcé, ce délai courant à compter de sa notification à l’étranger lorsque celui-ci n’assiste pas à l’audience. Le délai ainsi prévu est calculé et prorogé conformément aux articles 640 et 642 du code de procédure civile. L’article R 743-11 du même code prévoit qu’à peine d’irrecevabilité, la déclaration d’appel est motivée. En l’espèce, l’appel a été interjeté dans les délais légaux et il est motivé. Il doit donc être déclaré recevable. Sur l’erreur manifeste d’appréciation et la disproportionSelon l’article L. 741-1 du CESEDA : « L’autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l’étranger qui se trouve dans l’un des cas prévus à l’article L. 731-1 lorsqu’il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement et qu’aucune autre mesure n’apparaît suffisante à garantir efficacement l’exécution effective de cette décision. Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l’article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l’ordre public que l’étranger représente. ». Il y a lieu de se placer à la date à laquelle le préfet a statué pour procéder à l’examen de la légalité de l’arrêté de placement en rétention. En l’espèce, le juge des libertés et de la détention a retenu au visa de l’erreur manifeste d’appréciation et de la disproportion qu’il devait être mis fin à la rétention administrative de l’étranger, ce dernier étant en situation régulière en France en vertu d’une carte de séjour temporaire, étant le conjoint d’une personne française et père de cinq enfants à charge, exerçant un travail en France et disposant de garanties de représentation tenant à un domicile en France. Le juge a estimé que l’étranger ne disposait d’aucun intérêt à se soustraire aux autorités administratives au vu de ces éléments et du fait qu’il s’était présenté spontanément aux autorités établies alors qu’il se savait recherché par les policiers après la plainte de sa compagne ayant pour objet un différend conjugal, n’ayant donné lieu à aucune suite par le ministère public. Le préfet soutient d’abord que le juge judiciaire, qui ne peut apprécier la régularité du séjour, ce qui relève uniquement de la juridiction administrative, a excédé ses pouvoirs en émettant un jugement sur la décision d’éloignement. Il indique ensuite que l’autorité administrative n’est pas tenue de faire état dans sa décision de tous les éléments de la situation personnelle de l’intéressé dès lors que les motifs positifs qu’il retient suffisent à justifier le placement en rétention. Il ajoute que le risque de soustraction à la mesure est caractérisé puisque l’étranger a déclaré vouloir se maintenir sur le territoire français, qu’il ne dispose pas de passeport, et qu’il ne pouvait être assigné à résidence dans les lieux au sein desquels une procédure de garde à vue pour violence conjugale avait été mise en œuvre. Il indique également que la mesure de rétention n’est pas disproportionnée puisque l’intéressé ne dispose pas de passeport en cours de validité permettant une assignation à résidence et qu’il a indiqué qu’il n’entendait pas se conformer à la mesure d’éloignement. Il allègue enfin l’absence d’atteinte à une liberté fondamentale en soulignant que le seul fait d’être marié et d’avoir des enfants, lesquels résident avec leur mère, ne constitue pas une atteinte au droit à la vie privée et familiale. Il ressort de l’article L.741-10 du CESEDA que le juge administratif est compétent pour statuer sur les contestations portant sur l’arrêté ordonnant l’éloignement de l’étranger, en revanche, et par exception au principe de la séparation des pouvoirs, il donne compétence au juge des libertés et de la détention pour statuer sur les contestations portant sur l’arrêté de placement en rétention. La cour relève à ce titre en premier lieu que le juge des libertés et de la détention, qui est compétent pour examiner la conformité de la décision de placement en rétention au regard du droit de l’Union européenne, a retenu sans excéder ses pouvoirs que l’arrêté de placement en rétention constituait une mesure disproportionnée au regard de la situation de l’intéressé et caractérisait une erreur manifeste d’appréciation du Préfet. Le risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement mentionné au premier alinéa de l’article L. 741-1 du CESEDA peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants, énoncé à l’article L. 612-3 du CESEDA : 1° L’étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n’a pas sollicité la délivrance d’un titre de séjour ; 2° L’étranger s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d’un titre de séjour ; 3° L’étranger s’est maintenu sur le territoire français plus d’un mois après l’expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l’occasion d’une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; 4° L’étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; 5° L’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ; 6° L’étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l’un des États avec lesquels s’applique l’acquis de Schengen, fait l’objet d’une décision d’éloignement exécutoire prise par l’un des États ou s’est maintenu sur le territoire d’un de ces États sans justifier d’un droit de séjour ; 7° L’étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité ou de voyage ou a fait usage d’un tel titre ou document ; 8° L’étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu’il ne peut présenter des documents d’identité ou de voyage en cours de validité, qu’il a refusé de communiquer les renseignements permettant d’établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu’il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d’empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l’article L. 142-1, qu’il ne justifie pas d’une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu’il s’est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15. En application des articles L.741-1 et L.612-3 précités, le Préfet a valablement retenu que l’étranger ayant déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français, il était caractérisé un risque de soustraction à la décision d’éloignement. Néanmoins, sur le moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité au regard de la vie privée et familiale de l’intéressé et des garanties de représentation de l’intéressé, il apparaît que l’étranger est entré régulièrement en France en 2016 dans le cadre d’un rapprochement familial, avec un visa long séjour « vie privée et familiale » en qualité de conjoint d’une personne française, qu’il dispose d’une carte de séjour pluri-annuelle en France valable jusqu’au 15 mai 2025 dont il a justifié en procédure, que l’intéressé est père de cinq enfants en bas âge issus du mariage avec son épouse, qu’il réside avec son épouse et ses enfants à [Localité 5] et qu’il travaille dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée en qualité de cuisinier depuis mai 2024 dans cette même commune. En outre, si le Préfet vise dans l’arrêté de placement en rétention la procédure de garde à vue ouverte à l’encontre de l’étranger des chefs de violences volontaires à l’encontre de son épouse, le juge judiciaire a pertinemment relevé que le ministère public avait classé la procédure sans suite au motif que l’infraction était insuffisamment caractérisée en date du 17 décembre 2024 à 14h30, soit antérieurement à la décision de placement en rétention intervenue à 15h45. Ainsi, contrairement à ce qui est indiqué dans l’arrêté de placement en rétention, il n’est pas justifié de trouble à l’ordre public lors du placement en rétention, permettant d’établir le caractère proportionné de la mesure de rétention décidée au regard de l’atteinte portée à son droit à la vie privée et familiale. Au regard de l’ensemble de ces éléments, la cour retient comme le premier juge que la mesure de rétention décidée par le Préfet est disproportionnée au regard de la stabilité de la situation familiale de l’intéressé en France, de ses garanties de représentation et de l’absence de trouble à l’ordre public. En conséquence, il y a lieu de confirmer l’ordonnance entreprise ayant ordonné la mainlevée de la mesure de rétention de l’étranger. Sur le pourvoi en cassationL’article R 743-20 du CESEDA stipule que l’ordonnance du premier président de la cour d’appel ou de son délégué n’est pas susceptible d’opposition. Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui l’a placé en rétention et au ministère public. Les articles 973 à 976 du code de procédure civile précisent que le pourvoi en cassation est formé par déclaration au greffe de la Cour de Cassation, qui est signée par un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation ; la déclaration est remise au secrétariat-greffe en autant d’exemplaires qu’il y a de défendeurs, plus deux. Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la présente notification. |
DE VERSAILLES
Chambre civile 1-7
Code nac : 14G
N°
N° RG 24/07790 – N° Portalis DBV3-V-B7I-W5PQ
Du 24 DECEMBRE 2024
ORDONNANCE
LE VINGT QUATRE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE
A notre audience publique,
Nous, Aurélie GAILLOTTE, Conseillère à la cour d’appel de Versailles, déléguée par ordonnance de monsieur le premier président afin de statuer dans les termes de l’article L 743-21 et suivants du code de l’entrée et de séjour des étrangers et du droit d’asile, assistée de Maëva VEFOUR, Greffière, avons rendu l’ordonnance suivante :
PREFECTURE DES HAUTS DE SEINE
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Bruno MATHIEU de la SELAS MATHIEU ET ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R079
DEMANDERESSE
ET :
Monsieur [E] [B] [Y]
né le 21 Octobre 1987 à [Localité 4] (SYRIE)
de nationalité syrienne
[Adresse 2]
[Localité 5]
non comparant
assisté de Me Christina DIRAKIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1872, commis d’office, absent
DEFENDEUR
Et comme partie jointe le ministère public absent
Vu les dispositions des articles L. 742-1 et suivants et R743-10 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
Vu l’extrait individualisé du registre prévu par l’article L.744-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
Vu l’obligation de quitter le territoire français notifiée par le préfet des Hauts de Seine le 17 décembre 2024 à 15h45à M. [Y] ;
Vu l’arrêté du préfet des Hauts de Seine en date du 17 décembre 2024 portant placement de l’intéressé en rétention dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée de 4 jours, notifiée le 17 décembre 2024 à 15h45 ;
Vu la requête de l’autorité administrative en date du 21 décembre 2024 à 8h33 tendant à la prolongation de la rétention de M. [Y] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée de 26 jours ;
Le 23 décembre 2024 à 12h33, la préfet des Hauts de Seine a relevé appel de l’ordonnance prononcée par le juge du tribunal judiciaire de Nanterre le 22 décembre 2024 à 12h45, qui lui a été notifiée le même jour à la même heure, a rejeté les moyens d’irrégularité, dit n’y avoir lieu à la prolongation de la mesure de rétention administrative, a ordonné la mainlevée de la rétention administrative, rappelé à M. [Y] qu’il a l’obligation de quitter le territoire français en application de l’obligation de quitter le territoire français qui lui a été notifié, informé l’intéressé qu’il était maintenu à disposition de la justice pendant un délai de 24 heures à compter de la notification de l’ordonnance au procureur et le cas échéant jusqu’à ce qu’il soit statué sur l’effet suspensif de l’appel ou de la décision au fond et l’a informé des délais d’appel,
Il sollicite, dans sa déclaration d’appel, l’infirmation de l’ordonnance, et statuant à nouveau, de déclarer la requête en prolongation de la rétention recevable, d’y faire droit et d’ordonner la prolongation de la rétention de M. [Y] pour une durée de 26 jours.
Au soutien de son appel, le Préfet conclut à l’absence de disproportion entre la mesure de rétention et la situation personnelle de M. [Y], soulignant en particulier que l’intéressé ne remplit pas les conditions d’une assignation à résidence, qu’il existe des risques de soustraction à la mesure d’éloignement puisque M. [Y] a déclaré souhaiter se maintenir sur le territoire français, et enfin qu’il n’est pas établi d’atteinte disproportionnée à la vis privée et de famille de l’intéressé du seul fait d’être marié et d’avoir des enfants en France.
Les parties ont été convoquées en vue de l’audience.
A l’audience, le conseil de la Préfecture des Hauts de Seine a soutenu les moyens développés dans la déclaration d’appel.
M. [Y], ayant reçu notification de la date d’audience, n’a pas comparu.
Sur la recevabilité de l’appel
En vertu de l’article R 743-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire est susceptible d’appel devant le premier président dans les 24 heures de son prononcé, ce délai courant à compter de sa notification à l’étranger
lorsque celui-ci n’assiste pas à l’audience. Le délai ainsi prévu est calculé et prorogé conformément aux articles 640 et 642 du code de procédure civile.
L’article R 743-11 du même code prévoit qu’à peine d’irrecevabilité, la déclaration d’appel est motivée.
En l’espèce, l’appel a été interjeté dans les délais légaux et il est motivé. Il doit être déclaré recevable.
Sur l’erreur manifeste d’appréciation et la disproportion
Selon l’article L. 741-1 du CESEDA :
« L’autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l’étranger qui se trouve dans l’un des cas prévus à l’article L. 731-1 lorsqu’il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement et qu’aucune autre mesure n’apparaît suffisante à garantir efficacement l’exécution effective de cette décision.
Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l’article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l’ordre public que l’étranger représente. ».
Il y a lieu de se placer à la date à laquelle le préfet a statué pour procéder à l’examen de la légalité de l’arrêté de placement en rétention.
En l’espèce, le juge des libertés et de la détention a retenu au visa de l’erreur manifeste d’appréciation et de la disproportion qu’il devait être mis fin à la rétention administrative de M. [Y], ce dernier étant en situation régulière en France en vertu d’une carte de séjour temporaire, étant le conjoint d’une personne française et père de cinq enfants à charge, exerçant un travail en France et disposant de garanties de représentation tenant à un domicile en France. Le juge a estimé que M. [Y] ne disposait d’aucun intérêt à se soustraire aux autorités administratives au vu de ces éléments et du fait qu’il s’était présenté spontanément aux autorités établies alors qu’il se savait recherché par les policiers après la plainte de sa compagne ayant pour objet un différend conjugal, n’ayant donné lieu à aucune suite par le ministère public.
Le préfet soutient d’abord que le juge judiciaire, qui ne peut apprécier la régularité du séjour, ce qui relève uniquement de la juridiction administrative, a excédé ses pouvoirs en émettant un jugement sur la décision d’éloignement. Il indique ensuite que l’autorité administrative n’est pas tenue de faire état dans sa décision de tous les éléments de la situation personnelle de l’intéressé dès lors que les motifs positifs qu’il retient suffisent à justifier le placement en rétention. Il ajoute que le risque de soustraction à la mesure est caractérisé puisque M. [Y] a déclaré vouloir se maintenir sur le territoire français, qu’il ne dispose pas de passeport, et qu’il ne pouvait être assigné à résidence dans les lieux au sein desquels une procédure de garde à vue pour violence conjugale avait été mise en ‘uvre. Il indique également que la mesure de rétention n’est pas disproportionnée puisque l’intéressé ne dispose pas de passeport en cours de validité permettant une assignation à résidence et qu’il a indiqué qu’il n’entendait pas se conformer à la mesure d’éloignement. Il allègue enfin l’absence d’atteinte à une liberté fondamentale en soulignant que le seul fait d’être marié et d’avoir des enfants, lesquels résident avec leur mère, ne constitue pas une atteinte au droit à la vie privée et familiale.
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Il ressort de L’article L.741-10 du CESEDA que le juge administratif est compétent pour statuer sur les contestations portant sur l’arrêté ordonnant l’éloignement de l’étranger, en revanche, et par exception au principe de la séparation des pouvoirs, il donne compétence au juge des libertés et de la détention pour statuer sur les contestations portant sur l’arrêté de placement en rétention.
La cour relève à ce titre en premier lieu que le juge des libertés et de la détention, qui est compétent pour examiner la conformité de la décision de placement en rétention au regard du droit de l’Union européenne, a retenu sans excéder ses pouvoirs que l’arrêté de placement en rétention constituait une mesure disproportionnée au regard de la situation de l’intéressé et caractérisait une erreur manifeste d’appréciation du Préfet.
Le risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement mentionné au premier alinéa de l’article L. 741-1 du CESEDA peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants, énoncé à l’article L. 612-3 du CESEDA :
1° L’étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n’a pas sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;
2° L’étranger s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;
3° L’étranger s’est maintenu sur le territoire français plus d’un mois après l’expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l’occasion d’une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;
4° L’étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;
5° L’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ;
6° L’étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l’un des États avec lesquels s’applique l’acquis de Schengen, fait l’objet d’une décision d’éloignement exécutoire prise par l’un des États ou s’est maintenu sur le territoire d’un de ces États sans justifier d’un droit de séjour ;
7° L’étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité ou de voyage ou a fait usage d’un tel titre ou document ;
8° L’étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu’il ne peut présenter des documents d’identité ou de voyage en cours de validité, qu’il a refusé de communiquer les renseignements permettant d’établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu’il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d’empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l’article L. 142-1, qu’il ne justifie pas d’une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu’il s’est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15.
En application des articles L.741-1 et L.612-3 précités, le Préfet a valablement retenu que M. [Y] ayant déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français, il était caractérisé un risque de soustraction à la décision d’éloignement.
Néanmoins, sur le moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité au regard de la vie privée et familiale de l’intéressé et des garanties de représentation de l’intéressé, il apparaît que M. [Y] est entré régulièrement en France en 2016 dans le cadre d’un rapprochement familial, avec un visa long séjour « vie privée et familiale » en qualité de conjoint d’une personne française, qu’il dispose d’une carte de séjour pluri-annuelle en France valable jusqu’au 15 mai 2025 dont il a justifié en procédure, que l’intéressé est père de cinq enfants en bas âge issus du mariage avec son épouse, qu’il réside avec son épouse et ses enfants à [Localité 5] et qu’il travaille dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée en qualité de cuisinier depuis mai 2024 dans cette même commune.
En outre, si le Préfet vise dans l’arrêté de placement en rétention la procédure de garde à vue ouverte à l’encontre de M. [Y] des chefs de violences volontaires à l’encontre de son épouse, le juge judiciaire a pertinemment relevé que le ministère public avait classé la procédure sans suite au motif que l’infraction était insuffisamment caractérisée en date du 17 décembre 2024 à 14h30, soit antérieurement à la décision de placement en rétention intervenue à 15h45. Ainsi, contrairement à ce qui est indiqué dans l’arrêté de placement en rétention, il n’est pas justifié de trouble à l’ordre public lors du placement en rétention, permettant d’établir le caractère proportionné de la mesure de rétention décidée au regard de l’atteinte portée à son droit à la vie privée et familiale.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, la cour retient comme le premier juge que la mesure de rétention décidée par le Préfet est disproportionnée au regard de la stabilité de la situation familiale de l’intéressée en France, de ses garanties de représentation et de l’absence de trouble à l’ordre public.
En conséquence, il y a lieu de confirmer l’ordonnance entreprise ayant ordonné la mainlevée de la mesure de rétention de M. [Y].
Statuant publiquement et par décision réputée contradictoire,
Déclare le recours recevable en la forme,
Rejette les moyens soulevés,
Confirme l’ordonnance entreprise en la totalité de ses dispositions.
Fait à VERSAILLES le 24 décembre 2024 à h
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Reçu copie de la présente décision et notification de ce qu’elle est susceptible de pourvoi en cassation dans un délai de 2 mois selon les modalités laissée ci-dessous.
l’intéressé, l’interprète, l’avocat
POUR INFORMATION : le délai de pourvoi en cassation est de DEUX MOIS à compter de la présente notification.
Article R 743-20 du CESEDA :
‘ L’ordonnance du premier président de la cour d’appel ou de son délégué n’est pas susceptible d’opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui l’a placé en rétention et au ministère public. ‘.
Articles 973 à 976 du code de procédure civile :
Le pourvoi en cassation est formé par déclaration au greffe de la Cour de Cassation, qui est signée par un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation ;
La déclaration est remise au secrétariat-greffe en autant d’exemplaires qu’il y a de défendeurs, plus deux ;
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