Cession de clientèle : enjeux de la clause de révision et des obligations contractuelles.

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Cession de clientèle : enjeux de la clause de révision et des obligations contractuelles.

La cession de clientèle entre la société Abax Expertise et la société Fimeco est régie par les dispositions du Code civil, notamment les articles 1104, 1194, 1302 et 1302-1, qui établissent les principes de bonne foi dans l’exécution des contrats, ainsi que les règles relatives à la restitution en cas de paiement indu. La clause de révision de l’indemnité de présentation de clientèle, stipulée dans l’article 5 de la convention, est également fondée sur l’article 1188 du Code civil, qui impose une interprétation des contrats selon l’intention commune des parties. Cette clause prévoit une réduction de l’indemnité en cas de non-agrément de certains clients par la société Fimeco, à condition que cette situation ne résulte pas d’une faute lourde de sa part.

En ce qui concerne la recevabilité des demandes, les articles 30 et 31 du Code de procédure civile précisent que l’action est ouverte à ceux qui ont un intérêt légitime à agir, tandis que l’article 122 de ce même code définit les fins de non-recevoir. La notion d’enrichissement sans cause, régie par les articles 1303 et suivants du Code civil, stipule que celui qui bénéficie d’un enrichissement injustifié doit indemniser l’appauvri, à condition que cet enrichissement ne soit pas le résultat d’une obligation contractuelle.

La jurisprudence a également précisé que la clause de révision doit être interprétée de manière à respecter la cohérence de l’acte tout entier, conformément à l’article 1189 du Code civil. En cas de litige sur l’interprétation d’une clause contractuelle, il est essentiel de se référer à l’intention des parties et aux circonstances entourant la conclusion du contrat.

L’Essentiel : La cession de clientèle entre Abax Expertise et Fimeco est régie par le Code civil, notamment les articles sur la bonne foi et la restitution en cas de paiement indu. La clause de révision de l’indemnité de présentation, fondée sur l’article 1188, prévoit une réduction en cas de non-agrément de certains clients, sauf faute lourde de Fimeco. Les articles 30 et 31 du Code de procédure civile précisent la recevabilité des demandes, tandis que la notion d’enrichissement sans cause impose une indemnisation en cas d’enrichissement injustifié.
Résumé de l’affaire :

Contexte de l’Affaire

La société Abax Expertise, une société par actions simplifiée, a été présidée par un dirigeant d’entreprise jusqu’au 2 septembre 2019. Elle a cédé son droit de présentation à sa clientèle, ainsi que divers éléments de son cabinet, à la société Fimeco, une société anonyme, en échange d’une indemnité de 454.000 euros, dont une partie devait être réglée le 31 août 2020.

Conditions de la Cession

L’acte de cession incluait une clause de révision de l’indemnité, stipulant que si certains clients n’agréaient pas la société Fimeco ou cessaient leur activité dans un délai d’un an, l’indemnité serait réduite proportionnellement aux honoraires perdus. Cette clause visait à protéger la société Fimeco contre la perte de clients.

Litiges et Demandes de Paiement

Le 30 septembre 2020, la société Fimeco a mis en demeure la société Abax de payer un solde de 9.361,89 euros, invoquant des sommes dues. La société Abax a contesté cette demande, arguant que l’indemnité de 54.000 euros n’avait pas été réglée. En mai 2021, une tentative de conciliation a échoué, et en octobre 2021, la société Fimeco a saisi le tribunal de commerce pour obtenir le paiement de diverses sommes.

Demandes des Parties

La société Fimeco a demandé au tribunal de condamner la société Abax à lui verser plusieurs montants, y compris des dommages et intérêts pour résistance abusive. De son côté, la société Abax a reconnu une dette envers la société Fimeco, tout en demandant le paiement de l’indemnité de 54.000 euros et d’autres sommes.

Jugement du Tribunal

Le tribunal a rendu un jugement le 5 septembre 2023, déclarant la société Fimeco irrecevable dans certaines de ses demandes et reconnaissant la société Abax comme créancière de la société Fimeco pour un montant de 50.508 euros. La société Fimeco a été condamnée à payer à la société Abax 41.708,52 euros, ainsi que des frais irrépétibles.

Appel et Nouvelles Demandes

La société Fimeco a interjeté appel de ce jugement, demandant la réformation de certaines décisions, notamment concernant la clause de révision de prix et le remboursement des travaux réalisés. En réponse, la société Abax a demandé la confirmation du jugement initial et le paiement de frais irrépétibles.

Décisions de la Cour d’Appel

La cour d’appel a confirmé certaines décisions du tribunal tout en infirmant d’autres, notamment en déclarant la société Fimeco recevable dans sa demande de paiement relative aux encaissements postérieurs au 1er septembre 2019. La cour a également ordonné la compensation des créances respectives des parties, condamnant la société Fimeco à payer à la société Abax la somme de 22.918,92 euros.

Conclusion

L’affaire met en lumière les complexités des contrats de cession de clientèle et les implications des clauses de révision. Les décisions des tribunaux ont permis de clarifier les obligations des parties et de déterminer les montants dus, tout en soulignant l’importance de la bonne foi dans les relations contractuelles.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les implications de la clause de révision de l’indemnité dans le contrat de cession ?

La clause de révision de l’indemnité stipule que, en cas de non-agrément de certains clients par la société cessionnaire ou de cessation de leur activité avant le 31 août 2020, la fraction de l’indemnité restante serait réduite en fonction des honoraires annuels perdus.

Cette clause est interprétée selon l’article 1188 du code civil, qui précise que le contrat doit être interprété d’après l’intention commune des parties. Ainsi, pour que la clause s’applique, il est nécessaire que le client n’agrée pas la cessionnaire ou cesse son activité, sans qu’il y ait de faute lourde de la part de la société cessionnaire.

Il est également important de noter que l’article 1190 du code civil stipule que, dans le doute, le contrat s’interprète contre le créancier et en faveur du débiteur. Cela signifie que toute ambiguïté dans la clause de révision doit être interprétée en faveur de la société Abax, la débitrice.

La société cessionnaire a-t-elle la qualité pour agir en répétition de l’indu ?

La société cessionnaire, en l’occurrence, ne peut pas agir en répétition de l’indu car elle n’est pas l’auteur des paiements effectués par les clients à la société cédante. Selon l’article 1302 du code civil, tout paiement suppose une dette, et ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution.

L’article 1302-1 précise que celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment perçu. En l’espèce, les clients de la société cédante ont effectué des paiements qui se rapportaient à des prestations réalisées par la société cessionnaire après la cession.

Ainsi, seule la société cédante, qui a reçu ces paiements, aurait la qualité pour agir en répétition de l’indu, et non la société cessionnaire.

Comment la cour a-t-elle interprété les demandes de la société cessionnaire concernant les honoraires perçus ?

La cour a constaté que la société cessionnaire n’avait pas précisé le fondement juridique de sa demande concernant les honoraires perçus après la cession. En première instance, le juge a qualifié cette demande de répétition de l’indu, mais a également noté que la société cessionnaire n’avait pas la qualité pour agir.

La cour a rappelé que, selon l’article 30 du code de procédure civile, l’action est le droit d’être entendu sur le fond d’une prétention. Cependant, l’article 31 précise que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention.

En l’espèce, la société cessionnaire n’ayant pas été l’auteur des paiements, elle n’avait pas d’intérêt légitime à agir en répétition de l’indu, ce qui a conduit à la confirmation du jugement en ce sens.

Quelles sont les conséquences de la non-exécution des obligations contractuelles par la société cessionnaire ?

La non-exécution des obligations contractuelles par la société cessionnaire peut constituer une faute lourde, selon l’article 1188 du code civil, qui stipule que le contrat doit être interprété selon l’intention des parties. La faute lourde est caractérisée par un comportement d’une extrême gravité, qui démontre l’inaptitude du débiteur à accomplir la mission contractuelle.

Dans le cas présent, la société cédante a soutenu que la société cessionnaire n’avait pas pris les dispositions nécessaires pour assurer la continuité des relations avec certains clients, ce qui a conduit à des pertes de clientèle.

La cour a examiné les éléments de preuve et a conclu que la société cessionnaire avait effectivement manqué à ses obligations, ce qui a eu pour conséquence de la rendre responsable des pertes de clientèle, et donc de l’application de la clause de révision de l’indemnité.

Quelles sont les implications de l’enrichissement sans cause dans ce litige ?

L’enrichissement sans cause est régi par les articles 1303 et suivants du code civil. Selon l’article 1303, celui qui bénéficie d’un enrichissement injustifié au détriment d’autrui doit indemniser l’appauvri. L’article 1303-1 précise que l’enrichissement est injustifié lorsqu’il ne provient ni de l’accomplissement d’une obligation, ni d’une intention libérale.

Dans ce litige, la société cédante a demandé le remboursement de certaines charges qu’elle a continué à payer après la cession, arguant que la société cessionnaire avait profité de ces services sans en avoir acquitté le coût. Cependant, la cour a noté que l’action en enrichissement injustifié ne peut prospérer que si aucune autre action n’est ouverte au demandeur.

Étant donné que la société cédante avait une action fondée sur le contrat pour demander le remboursement des charges, elle ne pouvait pas invoquer l’enrichissement sans cause. Par conséquent, la cour a infirmé la demande de la société cédante sur ce fondement.

ARRET N°353

CL/KP

N° RG 23/02126 – N° Portalis DBV5-V-B7H-G4G6

S.A. FIMECO

C/

S.A.S. ABAX EXPERTISE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

2ème Chambre Civile

ARRÊT DU 19 NOVEMBRE 2024

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/02126 – N° Portalis DBV5-V-B7H-G4G6

Décision déférée à la Cour : jugement du 05 septembre 2023 rendu(e) par le Tribunal de Commerce de LA ROCHE-SUR-YON.

APPELANTE :

S.A. FIMECO, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 7]

Ayant pour avocat postulant Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON – YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS

Ayant pour avocat plaidant Me François CUFI, avocat au barreau de LA ROCHE SUR YON.

INTIMEE :

S.A.S. ABAX EXPERTISE S.A.S, prise en la personne de son Président, en exercice, et de tous autres représentants légaux domiciliés ès-qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 4]

Ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LX POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS.

Ayant pour avocat plaidant Me Guillaume FOURQUET, avocat au barreau de NANTES.

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 07 Octobre 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Claude PASCOT, Président

Madame Lydie MARQUER, Présidente

Monsieur Cédric LECLER, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

La société Abax Expertise (la société Abax) est une société par actions simplifiée située [Adresse 2] à [Localité 4], exerçant une activité d’expertise comptable et présidée de 2007 jusqu’au 2 septembre 2019 par Madame [C] [U].

La société Fimeco est une société anonyme située [Adresse 1] à [Localité 7], exerçant une activité d’expert comptable et présidée par Monsieur [D] [G].

Le 2 septembre 2019, la société Abax s’est engagée à céder son droit de présentation à sa clientèle, les baux des locaux à [Localité 6] et à [Localité 5] ainsi que divers éléments corporels de son cabinet d’expertise comptable à la société Fimeco en contrepartie d’une indemnité d’un montant de 454.000 euros payable selon le calendrier suivant :

– 400.000 euros au jour de la signature de l’acte,

– 54.000 euros le 31 août 2020.

Au sein de l’acte de cession, il a été stipulé une clause de révision de l’indemnité rédigée ainsi: ‘Dans le cas où, pour une cause autre qu’une faute lourde de la Société Fimeco, certains clients ou leurs ayants-droit n’agréeraient pas la Société Fimeco ou cesseraient leur activité dans un délai d’un an soit avant le 31 Août 2020, la fraction de l’indemnité de présentation de clientèle restant due serait réduite dans la proportion de 1,20 des honoraires annuels ainsi perdus par rapport au montant des honoraires ayant servi de base au calcul de l’indemnité de présentation de clientèle’ (article 5 de la convention).

Le 30 septembre 2020, invoquant diverses sommes dues (travaux, honoraires…), la société Fimeco a mis en demeure la société Abax Expertise de lui payer le solde de 9.361,89 euros.

Le 4 octobre 2020, la société Abax Expertise s’y est opposée en invoquant notamment que l’indemnité de présentation d’un montant de 54.000 euros n’avait pas été réglée.

Le 10 mai 2021, le conseil régional de l’ordre des experts comptables, saisi par les parties aux fins de procéder à une tentative de conciliation, a rendu un procès-verbal de non-conciliation.

Le 29 octobre 2021, la société Fimeco a attrait la société Abax devant le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon aux fins d’obtenir le versement de diverses sommes.

Dans le dernier état de ses demandes, la société Fimeco a demandé de :

– condamner la société Abax à lui payer les sommes suivantes :

– 5.180 euros outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 30 septembre 2020 ;

– 2.000 euros au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée ;

– 3.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

– lui donner acte de son désistement d’instance relatif à sa demande contre la société Abax au sujet de la durée du bail du 25 juin 2019 pour les locaux de [Localité 6], se réservant toute action ultérieure à l’encontre de la société civile immobilière du [Adresse 3] ;

– débouter la société Abax de l’ensemble de ses demandes.

Dans le dernier état de ses demandes, la société Abax a demandé:

Sur les demandes de la société Fimeco concernant le bail,

– de déclarer les demandes de la société Fimeco irrecevables ou subsidiairement, de l’en débouter ;

Sur ces propres demandes,

– de lui décerner acte qu’elle ne contestait pas être débitrice envers la société Fimeco de la somme de 9.047,82 euros ;

– de condamner la société Fimeco à lui payer la somme de 54.000 euros portant intérêts au taux légal à compter du 30 août 2020 ;

– de condamner la société Fimeco à lui payer la somme de 8.226,51 euros portant intérêts au taux légal à compter de la date du jugement à intervenir ;

– d’ordonner les compensations des créances réciproques des parties résultant de la décision à intervenir ;

– de condamner la société Fimeco à lui verser la somme de 7000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par jugement contradictoire en date du 5 septembre 2023, le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon a :

– donné acte à la société Fimeco de son désistement d’instance à l’encontre de la société Abax s’agissant de ses prétentions relatives au bail commercial du 25 juin 2019 pour les locaux de La Roche-sur-Yon, se réservant toute action ultérieure à l’encontre de la société Sci du [Adresse 3] ;

– dit la société Fimeco irrecevable en sa demande en paiement relative aux encaissements postérieurs au 1er septembre 2019 ;

– débouté la société Fimeco de sa demande pour résistance abusive ;

– dit la société Abax créancière de la société Fimeco à hauteur de 50.508 euros au titre de l’indemnité en application de la clause de révision de 54.000 euros et 2.058 euros au titre de l’enrichissement sans cause de la société Fimeco ;

– dit la société Fimeco créancière de la société Abax Expertise pour la somme de 10.857,48 euros au titre des travaux facturés d’avance ;

– ordonné la compensation des sommes réciproquement dues ;

– condamné la société Fimeco à régler à la société Abax la somme de 41.708,52 euros outre intérêts au taux légal à compter du présent jugement et ce jusqu’à parfait paiement,

– condamné la société Fimeco à verser à la société Abax la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles,

Le 15 septembre 2023, la société Fimeco a relevé appel de ce jugement en intimant la société Abax.

Le 15 novembre 2023, la société Fimeco a demandé de :

– réformer le jugement déféré en ce qu’il avait refusé de retenir ses demandes au titre de la clause de révision de prix, et du remboursement des travaux qu’elle avait réalisés, dont les factures avaient été encaissées par la société Abax ;

– débouter la société Abax de l’intégralité de ses demandes ;

Statuant à nouveau,

– condamner la société Abax à lui payer:

– la somme de 4.918,60 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 30 septembre 2020 ;

– la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

– condamner la société Abax à lui payer la somme de 43.778,11 euros payée au titre de l’exécution provisoire du jugement, outre intérêts au taux légal à compter de la date de prononcé de l’arrêt à intervenir.

Le 14 février 2024, la société Abax a demandé de :

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

– débouter la société Fimeco de ses demandes ;

– condamner la société Fimeco à lui payer la somme de 6.000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 septembre 2024.

MOTIVATION :

A titre liminaire, et au regard des conclussions des parties, concordantes sur ce point, il y aura lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a :

– donné acte à la société Fimeco de son désistement d’instance à l’encontre de la société Abax s’agissant de ses prétentions relatives au bail commercial du 25 juin 2019 pour les locaux de [Localité 6] ;

– débouté la société Fimeco de sa demande indemnitaire pour résistance abusive.

Sur la facturation des travaux en cours :

Selon l’article 4-5 de la convention litigieuse,

Un état des travaux en cours sera établi au plus tard le 31 octobre 2019. Il indiquera les tâches effectuées par ABAX EXPERTISE et non encore facturées et, a contrario, les factures établies par ABAX EXPERTISE pour des travaux non encore accomplis. La différence fera l’objet d’un règlement entre les parties.

Il ressort des écritures des parties, concordantes sur ce point que la société Abax a reconnu avoir facturé d’avance à ses clients des prestations qui ont été réalisées par la suite par la société Fimeco à hauteur de 9047,82 euros hors taxes, soit 10 857,48 euros toutes taxes comprises (ttc).

Dès lors, au regard des écritures des parties, concordantes sur ce point, il y aura lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a dit la société Fimeco créancière de la société Abax Expertise pour la somme de 10.857,48 euros au titre des travaux facturés d’avance, et au besoin de le rappeler dans le dispositif du présent arrêt.

Sur les sommes payées par les clients à la société Abax alors que la société Fimeco avait réalisé les prestations :

Selon l’article 122 du code de procédure civile,

Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel que le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Selon l’article 30 du même code,

L’action est le droit, pour l’auteur d’une prétention, d’être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée.

Pour l’adversaire, l’action est le droit de discuter le bien-fondé de cette prétention.

Selon l’article 31 du même code, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention.

Il résulte des articles 30 et 31 du code de procédure civile que le bien-fondé d’une demande n’est pas un motif de recevabilité de celle-ci, mais constitue la condition de son succès.

Selon l’article 1104 du code civil, premier alinéa,

Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Selon l’article 1194 du même code,

Les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donne l’équité, l’usage ou la loi.

Mais les conventions se renferment dans leur objet.

Selon l’article 1302 du code civil, tout paiement suppose une dette; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution, mais la restitution n’est pas admise à l’égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées.

Selon l’article 1302-1 du même code, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment perçu.

Selon l’article 1302-2 du même code, celui qui par erreur ou sous la contrainte a acquitté la dette d’autrui peut agir en restitution contre le créancier; néanmoins ce droit cesse dans le cas où par suite du paiement, le créancier a détruit son titre ou abandonné les sûretés qui garantissaient sa créance; la restitution peut aussi être demandée à celui dont la dette a été acquittée.

L’action en répétition de l’indu appartient à celui qui a effectué le paiement, à ses cessionnaires ou subrogés ou encore à celui pour le compte duquel et au nom duquel il a été fait.

En première instance, la société Fimeco a soutenu qu’après le 1er septembre 2019, date de la convention de cession, la société Abax avait continué à encaisser un total d’honoraires de 15 375,21 euros, versé par les clients, mais alors que les prestations correspondantes avaient été réalisées par elle-même la société Fimeco.

Elle avait réclamé paiement des sommes correspondantes à la société Abax.

A hauteur d’appel, la société Fimeco soutient que ces sommes ne seraient plus que de 5011,38 euros, tout en en réclamant paiement à la société Abax.

Et cette dernière vient reconnaître avoir effectivement perçu un total à ce titre de 5011,38 euros de la part de ses anciens clients, qu’elle affirme leur avoir restitués.

En relevant que la société Fimeco n’avait pas précisé le fondement juridique de sa demande, le premier juge a qualifié celle-ci de demande en répétition de l’indu.

Or, avec le premier juge, il échet de relever que la société Fimeco n’étant pas l’auteur des dits paiements, elle ne disposait d’aucune qualité à agir en répétition, cette qualité n’appartenant qu’aux clients de la société cessionnaire ayant indûment adressé leurs paiements à la société Abax, cédante, qui les a reçus, alors que ces paiements se rapportaient à des prestations réalisées par la cessionnaire après la cession.

A hauteur d’appel, la société Fimeco, qui invoque la bonne foi dans les relations contractuelles, qui obligent notamment les parties quant à leurs suites nécessaires, même non exprimées, soutient que l’exécution loyale de la présente convention de cession de clientèle aurait dû conduire la société Abax à lui rétrocéder les honoraires.

Elle déplore que la cédante nel’ait pas avisée de la réalisation, par ses clients, des paiements reçus entre ses mains qui ne la concernaient plus.

Elle soutient que les clients se seraient trouvés dans l’ignorance d’avoir réalisé des paiements indus auprès de la cédante.

Elle affirme ne pas pouvoir réclamer elle-même ces paiements à ces clients, sauf à déprécier auprès d’eux sa propre image de marque et à mettre en péril la pérennité de ses relations d’affaires.

Mais l’examen de la convention litigieuse met en évidence qu’aucune de ses stipulations n’a trait à la facturation des travaux réalisés par les parties après sa date de prise d’effet, susceptible de porter spécialement sur des paiements faits par les clients à la cédante, pour des prestations réalisées par la cessionnaire après la cession.

Car seul l’article 4-5, déjà cité plus haut, porte sur les tâches effectuées par la société Abax, et non facturées, et a contrario, sur les factures établies par la société Abax, pour des travaux non encore accomplis.

Dès lors, en ce que l’action de la cessionnaire n’est plus fondée à hauteur d’appel sur la répétition de l’indu, mais sur le contrat, qu’elle a qualité à invoquer, indépendamment du bien fondé d’un tel moyen, l’action de la société Fimeco sera déclarée recevable, et le jugement sera infirmé de ce chef.

En revanche, aucun fondement contractuel ne permet de faire prospérer l’action de la société Fimeco de ce chef, et elle en sera déboutée.

Sur la clause de révision de prix et le départ de certains clients:

Selon l’article 1188 du code civil,

Le contrat s’interprète d’après la commune intention des parties plutôt qu’en s’arrêtant au sens littéral de ses termes.

Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s’interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation.

Selon l’article 1189 du même code,

Toutes les clauses d’un contrat s’interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l’acte tout entier.

Lorsque, dans l’intention commune des parties, plusieurs contrats concourent à une même opération, ils s’interprètent en fonction de celle-ci.

Selon l’article 1190 du même code,

Dans le doute, le contrat de gré à gré s’interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d’adhésion contre celui qui l’a proposé.

Selon l’article 1191 du même code,

Lorsqu’une clause est susceptible de deux sens, celui qui lui confère un effet l’emporte sur celui qui ne lui en fait produire aucun.

Selon la convention en litige, la société Abax s’est engagée à céder sont droit de présentation de sa clientèle à la société Fimeco, notamment sous les conditions suivantes :

– la société Fimeco exercera en lieu et place de la société Abax à compter du 1er septembre 2019, en étant tenue de toutes obligations auxquelles cette dernière était tenue en la même qualité ;

– la société Abax assurera la responsabilité pleine et entière des travaux effectués jusqu’à la date du 31 août 2019 par les membres de son cabinet, sans, que quelle que soit la date ou la nature des griefs, la responsabilité de la société Fimeco puisse être engagée au sujet des dits travaux ;

– La société Abax s’oblige à présenter la société Fimeco à ses clients dont la liste est arrêtée ci -dessus, comme son successeur, et à les engager à reporter sur celle-ci la confiance qu’ils lui accordaient ;

– la présentation de la clientèle devra être assurée et terminée pour le 31 décembre 2019 ;

– la société Abax et Madame [U] s’interdisent, directement ou indirectement, d’exercer la profession d’expert-comptable sur les secteurs de la Vendée et de la Charente Maritime pendant une durée de 5 ans ;

– l’indemnité correspondant à la présentation à la clientèle et à l’interdiction d’exercice de la société Abax est fixée à 454 000 euros, outre mobiliers, agencements des bureaux, et reprise de contrats énumérés à l’acte;

– le paiement de l’indemnité correspondante se ventile comme suit:

– 400 000 euros payé au jour de l’acte par la société Fimeco par chèque dont la société Abax lui donne quittance, sous réserve d’encaissement;

– 54 000 euros le 31 août 2020.

Selon l’article 5.4 de la dite convention, afférent à la clause de révision,

‘Dans le cas où, pour une cause autre qu’une faute lourde de la FIMECO, certains clients ou leurs ayants-droit n’agréeraient pas la société FIMECO ou cesseraient leur activité dans un délai d’un an soit avant le 31 Août 2020, la fraction de l’indemnité de présentation de clientèle restant due serait réduite dans la proportion de 1,20 des honoraires annuels ainsi perdus par rapport au montant des honoraires ayant servi de base au calcul de l’indemnité de présentation de clientèle’ (article 5 de la convention).

Pour que cette clause s’applique, il faut que le client n’agrée pas la cessionnaire ou cesse son activité avant le 31 août 2020, en l’absence de faute lourde de la société Fimeco.

Cette clause s’interprète comme instituant une cause objective de révision, sauf à rechercher, le cas échéant, une éventuelle faute lourde du cessionnaire.

Il n’y a pas donc lieu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, tendant à discuter de l’existence ou de l’absence de faute de la cédante quant à l’organisation des présentations à la clientèle, de la cessionnaire par la cédante.

A l’inverse, il convient de s’attacher à la preuve d’une éventuelle lourde de la cessionnaire.

La société Fimeco fait grief au premier juge d’avoir dénaturé cette clause, en retenant, pour son application la poursuite de l’exécution de certains travaux après le 31 août 2020.

Ainsi, pour la cédante, le défaut d’agrément, notifié avant cette date, même s’il y a poursuite après celle-ci de travaux en cours, ouvre droit à l’application de la clause de révision.

Celle clause de révision de prix oppose les parties s’agissant de 16 clients, dont les situations seront classifiées ci-après.

Ruptures non contestées à hauteur d’appel:

il résulte des écritures des parties, concordantes sur ce point, et en particulier de celles de la société Abax, que les adversaires s’accordent sur l’inclusion dans le champ d’application de la clause des clients suivants :

– société Jeny Family: liquidation judiciaire du 23 octobre 2019 ;

– indivision [O] [B] [F]: résiliation du 17 mars 2020 ;

– Monsieur [L] [Y]: résiliation du 11 février 2020.

Ruptures non démontrées par la cessionnaire :

Avec le premier juge, il sera relevé que la société Fimeco ne produit aucun élément démontrant que Monsieur [M] et Monsieur [A] ne l’auraient pas agréée ou auraient cessé leur activité avant le 31 août 2020.

Bien au contraire, la société Fimeco produit elle-même un écrit du Groupe [M] en date du 24 octobre 2022, par laquelle ce client atteste travailler avec la société Fimeco depuis 2019 à la suite du rachat du cabinet Abax et exprime sa satisfaction sur ses services et prestations.

Ruptures liées ou non à la faute lourde de la société Fimeco, cessionnaire :

La faute lourde est caractérisée par un comportement d’une extrême gravité, confiant au dol et démontrant l’inaptitude du débiteur de l’obligation à l’accomplissement de la mission contractuelle qui lui avait été confiée.

La non-exécution d’une obligation prévue par une clause expresse, de sorte qu’elle constituait une condition substantielle du contrat, caractérise la faute lourde.

Mais la faute lourde ne peut résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle, mais doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur.

La société Abax fait grief à la société Fimeco de n’avoir pris aucune disposition pour la mettre en mesure de lui présenter certains clients (Madame [P], la société Dsv Brosset), de telle sorte que le défaut d’agrément sera imputable à la faute lourde de la cessionnaire.

Mais elle se fonde pour ce faire sur les écrits de sa dirigeante sociale Madame [U] en date des 26 septembre 2019 et 6 octobre 2019, déplorant le manque d’implication des deux préposés de la cessionnaire quant aux rendez-vous de présentation à la clientèle, le premier de ces mails déplorant en particulier de n’avoir vu que deux clients depuis le début du mois (de septembre 2019).

Toutefois, la personne de l’auteur de ces écrits, qui est la gérante de la société Abax, ne permet pas de considérer que ces pièces revêtent une valeur probante suffisante.

Toujours est-il que s’agissant de ces deux clients, il ressort des échanges entre parties que ceux-ci conviennent en substance que tous deux n’ont pas agréé la cessionnaire ou ont résilié leur lettre de mission avant le 31 août 2020.

Or, s’agissant de Madame [P], exerçant une activité de sophrologue selon la liste des clients annexée à la convention litigieuse, il ressort de son écrit en date du 17 janvier 2022 que celle-ci énonce que:

– son dossier comptable aurait dû être repris par la société Fimeco sur proposition du cabinet Abax ;

– lorsqu’elle a eu besoin des services de Fimeco pour établir son bilan financier, ce cabinet n’a pas retrouvé son dossier, ne retrouvait pas les codes d’accès et de connaissait pas l’utilisation du bilan financier demandé par la Direccte, et que cette cessionnaire laissait les affaires en suspens et ne finalisait pas les rappels téléphoniques quels qu’en fût la demande ;

– ayant constaté ces états de fait, et ayant perdu toute confiance dans le travail de comptabilité qu’aurait pu fournir Fimeco, elle a décidé de s’adresser à un autre cabinet comptable.

Alors que la reprise par la cessionnaire des prestations précédemment assurées par la cessionnaire auprès des clients constitue l’essence même de la convention susdite, et que cette cliente a agréé la société Fimeco, la carence réitérée et intégrale de cette dernière dans la prise en charge des demandes de la cliente, dans ce contexte de passation des missions, ressortant de l’écrit de cette cliente, établit suffisamment la faute lourde de la cessionnaire ayant conduit à la perte de sa clientèle.

Dès lors, Madame [P] ne sera pas incluse dans le champ d’application de la clause de révision.

S’agissant de la société Dsv Brosset, la société Fimeco observe, exactement, que le courrier que lui adressé le nouvel expert comptable choisi par ce client le 5 mars 2020 (pour le bilan clos au 31 décembre 2019), lui indiquant ne plus vouloir travailler avec la cessionnaire, et ne pas avoir signé de lettre de mission avec elle, ne vient lui imputer aucun faute.

A cet égard, la cédante soutient que la cessionnaire ne rapporte pas la preuve d’avoir pris l’attache de ce client pour pérenniser la relation d’affaires.

Mais aucun autre élément produit par les parties ne vient démontrer que cette rupture serait imputable à de quelconques agissements de la cessionnaire, revêtant de surcroît le caractère de faute lourde contractuellement convenu.

Dès lors, la société Dsv Brosset sera incluse dans le champ d’application de la clause de révision.

S’agissant de Monsieur [W], il résulte de son mail en date du 14 juin 2020 qu’alors qu’il avait confié à la société Fimeco la réalisation de sa déclaration de revenus 2019, il a ensuite renoncé à recourir pour ce faire aux services de ce professionnel du chiffre, compte tenu de la réponse tardive de ce professionnel et de l’impossibilité de le joindre par téléphone en raison d’un numéro non valide.

Alors que la reprise par la cessionnaire des prestations précédemment assuré par la cessionnaire auprès des clients constituait l’essence même de la convention susdite, le retard pris par cette dernière dans l’exécution de la prestation de déclaration de revenus confiée par ce client, cette formalité devant notamment s’accomplir avant un certain délai, ainsi que sa carence dans la mission à disposition au profit de ce client, de coordonnées téléphoniques permettant à ce dernier de le joindre, dans ce contexte de passation des missions, ressortant de l’écrit de ce client, caractérise suffisamment la faute lourde de la cessionnaire ayant conduit à la perte de ce client.

Dès lors, Monsieur [W] ne sera pas inclus dans le champ d’application de la clause de révision.

Résiliations avant le 31 août 2020, mais avec demande de poursuite d’activité pour l’exercice comptable en cours:

Eu égard à l’objet du contrat, consistant à assurer une visibilité à court terme sur le portefeuille de clients cédés, et de garantir le cessionnaire des défections du défaut d’agrément des clients avant le 31 août 2020, il y a lieu de considérer que la clause susdite, prévoyant comme condition d’application le défaut d’agrément d’un client avant le 31 août 2020, doit s’interpréter en ce sens qu’une résiliation notifiée par un client avant cette date doit s’assimiler à un défaut d’agrément, et ouvre droit à réduction du complément de prix, et ce peu important que la cédante ait commencé, avant cette date, à exécuter ses prestations pour le compte de ce client.

Car la poursuite d’une activité pour le compte des clients, par la cédante, après le 1er septembre 2019 caractérise non pas l’agrément qui lui aurait été donné par le client, mais seulement l’exécution, par la société Fimeco des obligations auxquelles étaient tenue la société Abax avant cette date, à laquelle la société Fimeco s’était engagée par la convention litigieuse.

S’agissant de Madame [N] [S] (lettre de résiliation du 18 novembre 2019), la société Le Jardin de Saint-Antoine (lettre de résiliation du 22 octobre 2019), la société La Plaque Fulgentaire (lettre de résiliation du 10 avril 2020), la société Menuiserie Grillard (lettre de résiliation du 4 août 2020), les sociétés civiles immobilières Yanthel et Thelma (lettres de résiliation du 10 mars 2020), la circonstance que ces clients demandent toutefois à la cessionnaire de terminer les travaux qui lui avaient été confiés pour l’exercice en cours ne permet pas de faire échapper ces ruptures contractuelles à la clause litigieuse.

Résiliation partielle:

S’agissant de la société Vendée Transports, il sera observé que sa lettre de résiliation du 25 septembre 2019 ne porte que sur la mission sociale et paye confiée à ce cabinet d’expertise comptable, et non pas à sur mission d’établissement des comptes.

Pour exclure les honoraires générés par ce client du champ d’application de la clause, le premier juge, approuvé par la cédante, a retenu que la cessionnaire ne rapportait pas la preuve que cette résiliation portait également sur la partie expertise comptable.

Et la société Abax produit les comptes annuels pour l’exercice 2021 arrêté au 28 février 2021 de la société Vendée Transport, déposés au registre du commerce et des sociétés le 24 juin 2022, qui font apparaître leur réalisation par la société Fimeco, de sorte que la cédante entend en voir déduire que la cessionnaire a, nonobstant la résiliation susdite portant sur une mission annexe, poursuivi sa mission comptable pour le compte de ce client.

A l’inverse, la société Fimeco soutient que dans la mesure où la clause de révision de prix ne distingue pas si la défection partielle du client est partielle ou totale, cette clause doit opérer en cas de défection partielle.

Mais en l’absence de toute précision à cet égard, et alors que la convention litigieuse doit s’analyser comme un contrat de gré à gré, la clause susdite, dont se prévaut la société Fimeco en tant que créancière, et qui oblige la société Abax en tant que débitrice, doit s’interpréter contre la première et en faveur de la seconde.

Or, il sera observé que la dite convention de présentation de clientèle, porte, par définition sur les clients, et ce sans distinguer, s’agissant de ceux-ci, des activités comptables à proprement parler de leurs autres activités annexes confiées au professionnel du chiffre cédant. Et la liste des clients, ainsi que le montant des honoraires générés par chacun de ces derniers, faisant corps avec le contrat, ne distingue pas plus l’activité principale de tenue des comptes des autres activités annexes.

En l’état des éléments ainsi développés, il y aura lieu de retenir qu’en l’absence de démonstration d’une résiliation par le client avant le 31 août 2020 portant sur la mission comptable, ce client a bien agréé la cessionnaire avant cette date.

Dès lors, la société Vendée Transport ne sera pas incluse dans le champ d’application de la clause de révision.

Résiliation avec perte d’honoraires non démontrée selon le premier juge:

S’agissant de Monsieur [T] [H], exerçant sous l’enseigne Albert Automobiles (lettre de résiliation du 9 septembre 2019), il ressort du tableau des clients présentés par la cédante à la cessionnaire (page 2 de 4) annexé à la convention litigieuse, à laquelle celle-ci fait expressément référence (notamment au 5ème paragraphe de son article 1, et comportant le paraphe des parties (tel que présenté par la société Fimeco) de sorte que cette liste fait partie intégrante du contrat, a acquis valeur contractuelle, et que pour ce client, désigné comme [H] [T], il y est mentionné des honoraires à hauteur de 1500 euros.

Dès lors, le premier juge ne pouvait pas dire que le cessionnaire n’avait pas justifié du montant des honoraires perdus.

Et la société Abax ne vient pas alléguer ni justifier, s’agissant de la perte de ce client, d’une quelconque faute lourde de la société Fimeco.

Aussi, Monsieur [H] sera inclus dans le champ d’application de la clause de révision.

Récapitulatif:

Au regard des éléments qui précèdent, ainsi que du tableau des honoraires de la clientèle annexée au contrat, il y aura lieu de dire que les honoraires perdus par la cessionnaire dans les conditions contractuelles s’établissent comme suit:

identité du client

montant des honoraires

société Jeny Family

1815

indivision [O] [B] [F]

470

Monsieur [L] [Y]

625

société Dsv Brosset

2964

Madame [N] [S]

667

société Le Jardin de Saint-Antoine

3936

société La Plaque Fulgentaire

4476

sociétés civiles immobilières Yanthel et Thelma

400

Monsieur [T]. [H], exerçant sous l’enseigne Albert Automobiles

1500

Il en résultera un total d’honoraires perdus de 16 853 euros.

Au regard de la clause susdite, la cessionnaire peut donc prétendre à une minoration du complément de l’indemnité de cession à raison de 20 223,60 euros (16 853 euros x 1,2).

Il y aura donc lieu de dire que la société Abax est créancière de la société Fimeco à hauteur de 33 776,40 euros (54 000 – 20 223,60) au titre du complément de l’indemnité de cession après application de la clause de révision du prix de 54 000 euros, et le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la demande de la société Abax de remboursement des sommes par elle payés au bénéfice de la société Fimeco:

Selon l’article 1303 du même code,

En dehors des cas de gestion d’affaires et de paiement de l’indu, celui qui bénéficie d’un enrichissement injustifié au détriment d’autrui doit, à celui qui s’en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissement.

Selon l’article 1303-1 du même code,

L’enrichissement est injustifié lorsqu’il ne procède ni de l’accomplissement d’une obligation par l’appauvri ni de son intention libérale.

Selon l’article 1303-2 du même code,

Il n’y a pas lieu à indemnisation si l’appauvrissement procède d’un acte accompli par l’appauvri en vue d’un profit personnel.

Selon l’article 1303-3 du même code,

Il n’y a pas lieu à indemnisation si l’appauvrissement procède d’un acte accompli par l’appauvri en vue d’un profit personnel.

Il incombe à la partie qui invoque l’enrichissement injustifié d’établir que l’appauvrissement par elle subi et l’enrichissement corrélatif du défendeur ont eu lieu sans justification.

L’action fondée sur l’enrichissement injustifié ne peut être admise qu’à défaut de toute autre action ouverte au demandeur.

Les règles gouvernant l’enrichissement sans cause ne peuvent pas être invoquées dès lors que l’appauvrissement et l’enrichissement allégués ont leur cause dans l’exécution ou la cessation de la convention conclue entre les parties.

Le caractère subsidiaire d’une telle action constitue non pas une fin de non-recevoir, mais une condition inhérente à l’action.

Selon l’article 1 de la convention, son objet porte, outre sur la cession du droit de présentation de clientèle, sur le droit au bail des locaux d’exploitation de la dite clientèle, sur des éléments corporels listés en annexes, et sur le droit aux lignes téléphoniques.

Selon l’article 4. 4 de la convention litigieuse,

La société FIMECO acquittera à compter du jour de son entrée en jouissance, les impôts, taxes et assurances de toute nature auxquels l’exploitation du cabinet professionnel peut et pourra donner lieu. En conséquence, elle remboursera à la société ABAX EXPERTISE la quote-part des paiements acquittés antérieurement à la cession au titre des charges dont l’engagement se poursuivrait après la cession (assurance, documentation,…) soit le 1er septembre 2019 suivant état établi au plus tard le 31 octobre 2019.

La société Abax demande la condamnation de la société Fimeco à lui payer la somme de 2058 euros, telle que retenue par le premier juge, correspondant au montant des nombreux contrats indispensables à l’usage des locaux et du matériel (abonnements: électricité, eau, téléphonie, internet, documentation, logiciels informatiques), qu’elle déclare avait continué à payer après la cession, alors que la société Fimeco avait repris les baux des locaux et son personnel, et acquis le matériel listé à la convention.

Elle précise n’avoir pas résilié ces contrats indispensables à l’usage des locaux et du matériel, en observant que la société Fimeco a tardé à procéder à leur transfert, profitant ainsi pendant de nombreuses semaines de services dont elle-même supportait le coût.

La société Fimeco entend déduire de l’obligation contractuelle, pour la société Abax de lui présenter au plus tard le 31 octobre 2019 l’état des paiements acquittés antérieurement à la cession au titre de charges dont l’engagement se poursuivrait après la cession, et dont elle lui réclamerait le remboursement, et de l’absence d’une présentation d’un tel état au plus tard au 31 octobre 2019, l’impossibilité de toute réclamation à cet égard.

Mais l’analyse de la clause susdite, y compris à la lumière de l’intégralité des autres clauses contractuelles, ne permet pas de retenir que celle-ci aurait édicté un délai de forclusion.

Ainsi, la société Abax demeurait recevable à présenter une demande de ce chef après le 31 octobre 2019.

Mais il ressort des développements susdits qu’alors que la convention litigieuse avait prévu que la cédante puisse demander à la cessionnaire le remboursement des charges d’exploitation engagées avant la cession dont elle aurait nonobstant poursuivi le paiement, la cédante a fait le choix de fonder son action y afférente exclusivement sur l’enrichissement injustifié.

Car elle demande la confirmation du jugement qui l’a déclarée créancière de la société Fimeco de 2058 euros au titre de l’enrichissement sans cause.

Or, l’action en enrichissement injustifié ne peut prospérer qu’en l’absence de toute autre action ouverte au demandeur, alors qu’en l’espèce, la société Abax disposait d’une action fondée sur le contrat, qu’elle a fait le choix de ne pas invoquer.

Ainsi, en l’état du seul moyen soulevé par la cédante, il y aura lieu de la débouter de son action dirigée contre la cessionnaire au titre du remboursement du paiement des charges d’exploitations postérieures à la cession, et le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les comptes entre parties :

Il y aura lieu d’ordonner la compensation des sommes réciproquement dues, et le jugement sera infirmé de ce chef.

Il ressort des éléments susdits que :

– la société Fimeco est créancière de la société Abax à hauteur de 10 857,48 euros au titre des travaux facturés d’avance ;

– la société Abax est créancière de la société Fimeco à hauteur de 33 776,40 au titre du complément d’indemnité de cession.

Il y aura donc lieu, après compensation, de condamner la société Fimeco à payer à la société Abax la somme de 22 918,92 euros (33 776,40 – 10 857,48), avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, et le jugement sera infirmé de ce chef.

* * * * *

Il sera rappelé que le présent arrêt vaut titre de restitution des sommes allouées en exécution du jugement déféré.

Il y aura lieu de condamner la société Fimeco aux dépens de première instance et à payer à la société Abax la somme de la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, et le jugement sera confirmé de ce chef.

Il y sera ajouté pour débouter la société Fimeco de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.

Toujours succombante à hauteur de cour, la société Fimeco sera condamnée aux entiers dépens d’appel.

Mais l’issue du litige à hauteur de cour conduira à débouter les parties de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles d’appel.

PAR CES MOTIFS:

La cour,

statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a:

– dit la société Fimeco irrecevable en sa demande en paiement relative aux encaissements postérieurs au 1er septembre 2019;

– dit la société Abax créancière de la société Fimeco à hauteur de 50.508 euros au titre de l’indemnité en application de la clause de révision de 54.000 euros et 2.058 euros au titre de l’enrichissement sans cause de la société Fimeco;

– ordonné la compensation des sommes réciproquement dues ;

– condamné la société Fimeco à régler à la société Abax la somme de 41.708,52 euros outre intérêts au taux légal à compter du présent jugement et ce jusqu’à parfait paiement ;

Infirme le jugement des seuls chefs plus haut cités ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :

Déclare la société anonyme Fimeco recevable en sa demande de paiement relative aux encaissements des clients postérieurs au 1er septembre 2019 ;

Déboute la société anonyme Fimeco de sa demande de paiement relative aux encaissements des clients postérieurs au 1er septembre 2019 ;

Déboute la société par actions simplifiée Abax Expertise de sa demande en paiement à l’encontre de la société anonyme Fimeco à hauteur de 2058 euros au titre du remboursement du paiement des charges d’exploitation postérieures à la cession ;

Dit que la société par actions simplifiée Abax Expertise est créancière de la société anonyme Fimeco à hauteur de 33 776,40 euros au titre du complément de l’indemnité de cession après application de la clause de révision du prix ;

Rappelle que la société anonyme Fimeco est créancière de la société par actions simplifiée Abax Expertise pour la somme de 10.857,48 euros au titre des travaux facturés d’avance ;

Ordonne la compensation des créances respectives des parties ;

Condamne après compensation la société anonyme Fimeco à payer à la société par actions simplifiée Abax Expertise la somme de 22 918,92 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Rappelle que le présent arrêt vaut titre de restitution des sommes allouées en exécution du jugement déféré ;

Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles d’appel ;

Condamne la société anonyme Fimeco aux entiers dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


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