L’article L. 3141-24 du Code du travail stipule que l’indemnité de congés payés est égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence, sans être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler. En vertu de l’article L. 4131-13, l’employeur a l’obligation d’informer le salarié sur ses droits en matière de congés, notamment en mentionnant sur le bulletin de paie les dates de congé et le montant de l’indemnité correspondante. Le non-respect de cette obligation d’information peut entraîner des dommages-intérêts pour privation du droit au repos annuel, comme l’indique la jurisprudence (Cass. Soc., 13 juin 2012, n° 11-10.929).
Les accords collectifs, tels que l’accord du 5 mars 1984, prévoient des modalités spécifiques concernant la rémunération des congés payés, stipulant que les jours de congés prépositionnés doivent être rémunérés au même taux que les congés payés, ce qui implique une majoration de 22 % pour le personnel posté. L’article 15 de cet accord précise que les heures de congés payés doivent faire l’objet d’une indemnité forfaitaire, et l’article 24 affirme que les dispositions de l’accord sont supérieures à toutes les dispositions légales ou conventionnelles en vigueur sur les points traités. En cas de non-respect de ces dispositions, le salarié peut revendiquer le paiement des congés prépositionnés non pris, ainsi que des dommages-intérêts pour le préjudice subi en raison de la violation de ses droits au repos. La jurisprudence et les textes législatifs établissent ainsi un cadre clair pour la protection des droits des salariés en matière de congés payés, en insistant sur l’importance de l’information et de la transparence dans la gestion des congés par l’employeur. |
L’Essentiel : L’indemnité de congés payés est égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié durant la période de référence. L’employeur doit informer le salarié sur ses droits, notamment sur le bulletin de paie. Le non-respect de cette obligation peut entraîner des dommages-intérêts. Les accords collectifs, comme celui du 5 mars 1984, prévoient des modalités spécifiques, incluant une majoration de 22 % pour le personnel posté. En cas de non-respect, le salarié peut revendiquer le paiement des congés non pris.
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Résumé de l’affaire :
Engagement et Conditions de TravailUn salarié a été engagé par une société en qualité de fileur permanent à compter du 17 septembre 2004, sous un contrat de travail à durée déterminée. Ce salarié travaillait selon un cycle de cinq semaines, bénéficiant de 31 jours de congés payés, dont 11 jours dits ‘prépositionnés’. Cependant, il a affirmé que ces jours n’avaient jamais été rémunérés et n’apparaissaient pas sur ses bulletins de paie. Procédure JudiciaireLe salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Nîmes, d’abord en référé, puis par une requête au fond le 19 octobre 2020, demandant à son employeur de lui faire bénéficier des congés payés prépositionnés et de lui verser diverses sommes. Par jugement du 02 juin 2022, le conseil a condamné la société à payer au salarié des sommes pour la majoration des congés prépositionnés, des dommages et intérêts, et à rectifier les bulletins de paie. Appel de la SociétéLa société a interjeté appel de cette décision le 28 juin 2022, demandant la réformation du jugement. Elle a contesté la décision du conseil de prud’hommes, arguant que les jours prépositionnés avaient été intégrés dans le calendrier de travail et que les salariés avaient bénéficié de leurs congés. Arguments de la SociétéLa société a soutenu que les accords d’entreprise prévoyaient que les jours de congés prépositionnés étaient intégrés dans le calendrier de travail, et que la rémunération des congés payés était plus favorable que les dispositions légales. Elle a également contesté les calculs présentés par le salarié, affirmant qu’ils étaient erronés et que les bulletins de paie respectaient les exigences légales. Arguments du SalariéLe salarié a demandé à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a limité la condamnation de l’employeur. Il a soutenu que les jours prépositionnés n’étaient pas effectifs et n’avaient pas été rémunérés, demandant des dommages et intérêts pour la violation de son droit au repos. Il a également souligné que l’employeur n’avait pas respecté son obligation d’information concernant les congés. Décision de la CourLa cour a révoqué l’ordonnance de clôture et a confirmé que le salarié avait bien bénéficié de ses jours prépositionnés. Elle a ordonné la réouverture des débats pour déterminer le montant de la majoration des congés prépositionnés, en enjoignant aux parties de produire un décompte sur la base d’un taux d’indemnisation de 22 % sur les trois années précédant la saisine du conseil de prud’hommes. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur la question de la rémunération des congés prépositionnésLa question centrale ici est de savoir si le salarié a effectivement bénéficié de la rémunération des 11 jours de congés prépositionnés, conformément aux dispositions de l’article L.3141-24 du Code du travail. Cet article stipule que l’indemnité de congés payés est égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence, sans être inférieure à la rémunération qu’il aurait perçue s’il avait continué à travailler pendant cette période. Le jugement du conseil de prud’hommes a reconnu que le salarié n’avait pas bénéficié de la majoration des congés prépositionnés au même taux que les congés payés. En effet, l’accord du 5 mars 1984, qui régit les modalités de paiement des congés, précise que les heures de congés payés doivent faire l’objet d’une majoration de 22 % pour le personnel posté. Il est donc essentiel de déterminer si les 11 jours prépositionnés ont été correctement intégrés dans le calcul des congés payés. La société a soutenu que ces jours étaient pris en compte dans le nombre total de jours de repos, mais le salarié a contesté cette affirmation, arguant que ces jours n’apparaissaient pas sur les bulletins de paie, ce qui remet en question leur effectivité. Sur la conformité des bulletins de paieUne autre question soulevée concerne la conformité des bulletins de paie, en vertu de l’article R.3243-1 du Code du travail, qui exige que les bulletins de paie mentionnent les dates de congé et le montant de l’indemnité correspondante lorsque la période de congé annuel est comprise dans la période de paie considérée. Le salarié a fait valoir que les 11 jours de congés prépositionnés n’étaient pas mentionnés sur ses bulletins de paie, ce qui constitue une violation des obligations de l’employeur en matière d’information. La société a reconnu que les jours prépositionnés n’étaient pas visibles sur les bulletins, mais a soutenu que cela ne signifiait pas qu’ils n’étaient pas pris en compte dans le calcul des congés. Cette absence de mention sur les bulletins de paie pourrait exposer l’employeur à des dommages-intérêts pour privation du droit au repos annuel, comme l’indique la jurisprudence (Cass. Soc., 13 juin 2012, n°11-10.929). Sur la question de la violation du temps de repos hebdomadaireLe salarié a également soulevé la question de la violation de son droit au repos hebdomadaire, en se référant à l’article L.3121-20 du Code du travail, qui fixe la durée maximale hebdomadaire de travail à 48 heures. Il a affirmé que les plannings de travail l’obligeaient à travailler jusqu’à 56 heures sur sept jours, ce qui serait manifestement illégal. Cependant, la société a rétorqué que l’article L.3132-10 du Code du travail permet des dérogations pour les établissements fonctionnant en continu, à condition que chaque salarié bénéficie d’un nombre de repos de 24 heures consécutives au moins égal au nombre de semaines comprises dans la période de travail. Il a été constaté que la société respectait les normes en matière de durée de travail, et le rapport du Cabinet SECORR a confirmé que la moyenne du cycle de travail était en dessous des plafonds autorisés. Ainsi, la demande du salarié concernant la violation du temps de repos hebdomadaire a été rejetée. Sur l’exécution provisoire de la décisionLa question de l’exécution provisoire de la décision a également été soulevée, en vertu de l’article 515 du Code de procédure civile, qui permet d’ordonner l’exécution provisoire d’une décision. Le conseil de prud’hommes a prononcé l’exécution provisoire, ce qui signifie que les sommes dues au salarié devaient être versées immédiatement, même en cas d’appel. La société a contesté cette exécution provisoire, mais le tribunal a maintenu cette décision, considérant que les droits du salarié devaient être protégés en attendant la décision finale sur l’appel. En conclusion, les questions soulevées par cette jurisprudence portent sur la rémunération des congés prépositionnés, la conformité des bulletins de paie, la violation du temps de repos hebdomadaire et l’exécution provisoire de la décision. Les articles du Code du travail et du Code de procédure civile cités sont essentiels pour comprendre les obligations de l’employeur et les droits du salarié dans ce contexte. |
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/02170 – N° Portalis DBVH-V-B7G-IPMB
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE NIMES
02 juin 2022
RG:20/00677
S.A.S.U OWENS CORNING FIBERGLAS FRANCE
C/
[Z]
Grosse délivrée le 18 NOVEMBRE 2024 à :
Grosse délivrée le 18 NOVEMBRE 2024 à :
– Me PERICCHI
– Me EXPERT
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 18 NOVEMBRE 2024
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NIMES en date du 02 Juin 2022, N°20/00677
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président,
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère,
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 5ème chambre sociale, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l’audience publique du 02 Octobre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 18 Novembre 2024.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
S.A.S.U OWENS CORNING FIBERGLAS FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me PERILLI Maud, avocat au barreau de LYON
INTIMÉ :
Monsieur [I] [Z]
né le 09 Décembre 1979 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Margaux EXPERT de la SCP B.C.E.P., avocat au barreau de NIMES
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 18 Novembre 2024, par mise à disposition au greffe de la cour.
M. [I] [Z] a été engagé par la société Owens Corning Fiberglas France à compter du 17 septembre 2004 suivant contrat de travail à durée déterminée à temps complet, en qualité de fileur permanent, emploi dépendant de la convention collective nationale des industries de fabrication mécanique du verre du 08 juin 1972.
Salarié posté, il travaillait huit heures par poste sur un cycle de cinq semaines, et, selon l’accord d’entreprise du 31 mars 2005, bénéficiait de 31 jours de congés payés dont 11 jours dits ‘prépositionnés’.
Or, M. [I] [Z] affirme que ces 11 jours dits ‘prépositionnés’ n’ont jamais été rémunérés et n’apparaissent aucunement comme tel sur ses bulletins de paie, ni sur les plannings annuels.
C’est ainsi que le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Nîmes, dans un premier temps en référé, avant de déposer sa requête au fond le 19 octobre 2020, afin de voir son employeur condamné à lui faire bénéficier de tels congés payés prépositionnés et à lui payer divers sommes à caractère salarial et indemnitaire.
Par jugement contradictoire du 02 juin 2022, le conseil de prud’hommes de Nîmes :
– Considère que la société Owens Corning Fiberglas France n’a pas permis à M. [Z] [I] de bénéficier de la majoration des congés payés prépositionnés au même taux que les congés payés ;
– Condamne la société Owens Corning Fiberglas France à payer à M. [Z] [I] les sommes suivantes :
– 953,30 euros au titre de la majoration des congés payés prépositionnés
– 1500 euros au titre des dommages et intérêts,
– 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– Fait produire à la décision à intervenir les intérêts légaux ;
– Ordonne à la société Owens Corning Fiberglas France la rectification des bulletins de paies sur les trois dernières années ;
– Prononce l’exécution provisoire de la décision à intervenir sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile,
– Déboute la SAS Owens Corning Fiberglas France de ses demandes, fins et prétentions,
– Met les dépens à la charge de la SAS Owens Corning Fiberglas France
Par acte du 28 juin 2022, la société Owens Corning Fiberglas France a régulièrement interjeté appel de cette décision.
En l’état de ses dernières écritures en date du 25 septembre 2024, la société Owens Corning Fiberglas France demande à la cour de :
A titre liminaire, sur la révocation de l’ordonnance de clôture :
– rabattre l’ordonnance de clôture prononcée le 2 septembre 2024
– juger recevables les conclusions et pièces communiquées pour le compte de la société Owens Corning Fiberglas France en réponse à celles de l’intimé en date du jour de la clôture.
– subsidiairement rejeter les écritures de l’intimé en date du 2 septembre 2024.
A titre principal :
– Réformer le jugement du conseil de prud’hommes de Nîmes du 02 juin 2022 en ce qu’il :
– Considère que la société Owens Corning Fiberglas France n’a pas permis M. [I] [Z] de bénéficier de la majoration des congés payés prépositionnés au même taux que les congés payés ;
– Condamne la société Owens Corning Fiberglas France à payer M. [I] [Z] les sommes suivantes :
– 1294,66 euros au titre de la majoration des congés payés prépositionnés
– 1500 euros au titre des dommages et intérêts,
– 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– Fait produire à la décision à intervenir les intérêts légaux ;
– Ordonne à la société Owens Corning Fiberglas France la rectification des bulletins de paies sur les trois dernières années ;
– Prononce l’exécution provisoire de la décision à intervenir sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile,
– Déboute la SAS Owens Corning Fiberglas France de ses demandes, fins et prétentions,
– Met les dépens à la charge de la SAS Owens Corning Fiberglas France
– Débouter l’intimé de l’ensemble de ses demandes, ainsi que de son appel incident.
A titre subsidiaire :
Si par extraordinaire, la cour devait confirmer la décision en ce qu’elle a considéré que la société Owens Corning Fiberglas France n’avait pas permis au salarié de bénéficier de la majoration des congés prépositionnés au même taux que les congés payés :
– Réformer le jugement du conseil de prud’hommes de Nîmes du 02 juin 2022 en ce qu’il a condamné la société Owens Corning Fiberglas France à payer au salarié un rappel de majoration des congés prépositionnés ainsi que 1.500 euros au titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi issu du non-paiement des congés prépositionnés ;
– Débouter l’intimé de sa demande de dommages et intérêts.
Sur l’appel incident :
– Confirmer le jugement rendu en ce qu’il a :
– rejeté la demande en paiement au titre des congés prépositionnés ;
– rejeté la demande de réparation du préjudice né de la violation du temps de repos et de son absence d’information.
– Infirmier le jugement rendu en ce qu’il a :
– condamné la société Owens Corning Fiberglas France à verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi issu du non-paiement de la majoration des congés prépositionnés ;
– condamné la société Owens Corning Fiberglas France à rectifier les bulletins de paie sur les trois dernières années.
En tout état de cause :
– juger que les mentions relatives aux congés prépositionnés portées sur les bulletins de paie depuis janvier 2019 sont conformes aux dispositions légales et conventionnelles ;
– Par conséquent, débouter l’intimé de sa demande de rectification sous astreinte des bulletins de paie pour le passé et pour l’avenir ;
– condamner l’intimé à verser à la société Owens Corning Fiberglas France la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– condamner l’intimé aux entiers dépens.
Elle fait valoir que :
– l’accord du 5 mars 1984 avait pour objet de programmer les jours de congés sur le calendrier avant de planifier les jours (dits X) de travail, il était prévu un coefficient multiplicateur de 1,22 pour le paiement des jours de congés payés et les parties convenaient que cet accord était plus favorable à toute autre norme, en 1985 le nombre de jours de congés est passé de 18 à 19, en 1994 intervient une réduction d’horaires par la suppression des jours X : les salariés n’ont donc plus à revenir sur ces jours-là, en 2005 un accord prévoit en son article 2.4 relatif à l’organisation des congés payés que le personnel posté bénéficie de 31 jours ouvrés de congés pour 12 mois de travail effectif, dont 11 jours sont déjà positionnés sur le calendrier et 20 à la main du salarié étant précisé que le paiement des congés reste inchangé,
– les dispositions conventionnelles applicables intègrent les congés prépositionnés dans le calendrier forfaitaire des salariés postés, ainsi la réduction régulière du nombre de postes programmés par an, sans baisse de rémunération, a nécessairement généré des jours de repos payés pour les salariés, lors du passage en 1984 au principe du calendrier forfaitaire (puis à chaque fois que le calendrier a connu des réductions d’horaires), la rémunération du salarié a été maintenue (voire augmentée),
– la synthèse du Cabinet SECORR produite par le demandeur est contestable : elle ne préconise
pas de formule de calcul, elle déduit de l’absence de mention des dates des congés prépositionnés dans le bulletin de salaire, l’absence de bénéfice de ces jours,
– le décompte des 21 jours de congés payés à la main du salarié est précisément exprimé en jours ouvrés,
– aucune comparaison ne peut exister entre les salariés postés et les journaliers dont les situations sont radicalement différentes,
– les calculs présentés par le salarié sont manifestement erronés,
– la synthèse du Cabinet SECORR ne relève aucune irrégularité en matière de prise de repos hebdomadaires,
– il a toujours été entendu que 18 congés payés étaient rémunérés au taux favorable de 1,22 et 11 congés prépositionnés (légaux et conventionnels) étaient rémunérés au taux horaire du salarié, l’appelant n’explique pas plus que ne l’a fait le premier juge la raison pour laquelle tous les congés devraient être rémunérés à 22% alors que l’accord de 1984 en son article 15 « Paiement des jours de congés » fait exclusivement référence à des « heures de congés payés » qui seraient majorées de 22 % et que dans l’article 9 « Nouveaux calendriers : postés et 2×8 continus » il n’est fait référence à des « heures de congés payés » uniquement pour calculer les 18 jours de congés payés (soit 0,0821 heure de congé par heure de référence), qui viendront en déduction du calendrier, c’est-à-dire ceux qui seront posés par les salariés, à l’exclusion donc des jours de congés prépositionnés étant rappelé qu’il est plus avantageux d’appliquer un taux de 1,22 sur 18 jours que la règle du 10ème sur 25 jours,
– l’appelant n’apporte aucune justification au soutien de sa demande de dommages et intérêts,
– concernant la modification à apporter sur les bulletins de paie, il n’est pas matériellement possible pour la Direction d’identifier les jours de congés prépositionnés (puisqu’ils sont venus en réduction en amont du calendrier), par ailleurs une tolérance administrative permet à l’employeur de ne pas faire apparaître sur le bulletin de paie l’absence et l’indemnité lorsque la règle du maintien est appliquée, ce qui est le cas en l’espèce.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 2 septembre 2024 contenant appel incident, M. [I] [Z] demande à la cour de :
A titre principal,
– Infirmer le jugement rendu le 2 juin 2022 par le conseil de prud’hommes de Nîmes en ce qu’il a limité la condamnation de l’employeur au montant de la majoration, déboutant ainsi le salarié de sa demande principale tendant à voir condamner la société Owens Corning Fiberglas France au paiement d’une somme de 5 286,60 euros bruts au titre des congés payés prépositionnés non pris et à la voir condamner à lui payer la somme de 3 000 euros nets de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de la violation du droit au congé,
Statuant à nouveau,
– Juger que la société Owens Corning n’a pas permis au salarié de bénéficier de ses congés payés prépositionnés,
En conséquence,
– Condamner la société Owens Corning Fiberglas France à payer au concluant la somme de 5 286,60 euros bruts au titre des congés payés prépositionnés non pris dans la limite de la prescription prud’homale,
– Condamner la société Owens Corning Fiberglas France à payer au concluant la somme de 3 000,00 euros nets de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de la violation du droit aux congés,
Y ajoutant, tenant l’omission de statuer,
– Condamner la société Owens Corning Fiberglas France à payer au concluant une somme de 3 000,00 euros nets à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié à la violation par l’employeur du temps de repos et de son obligation d’information,
A titre subsidiaire et à tout le moins,
– Confirmer le jugement rendu en ce qu’il a :
– Considéré que la société Owens Corning Fiberglas France n’a pas permis au salarié de bénéficier de la majoration des congés payés prépositionnés au même taux que les congés payés,
– Condamné la société Owens Corning Fiberglas France à payer au salarié les sommes suivantes :
– 953,30 euros au titre de la majoration des congés payés prépositionnés,
– 1500 euros au titre des dommages et intérêts s’agissant du préjudice lié au non-paiement de la majoration,
– Fait produire à la décision à intervenir les taux d’intérêts légaux,
– Ordonné à la société Owens Corning Fiberglas France la rectification des bulletins de paie sur les trois dernières années,
– Débouté la SAS Owens Corning Fiberglas France de ses demandes, fins et prétentions,
– Prononcé l’exécution provisoire de la décision à intervenir sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile,
– Mis les dépens à la charge de la SAS Owens Corning Fiberglas France .
Y ajoutant, tenant compte de l’omission de statuer,
– Condamner la société Owens Corning Fiberglas France à payer au concluant une somme de 3 000,00 euros nets à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié à la violation par l’employeur du temps de repos et de son obligation d’information,
En tout état de cause,
Condamner la Société Owens Corning Fiberglas France France à régulariser la situation et à rémunérer correctement les congés payés pour l’avenir ainsi que pour la période comprise entre la saisine du Conseil de prud’hommes et la décision à intervenir
– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a limité à 300 euros l’indemnité allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et statuant à nouveau condamner la société Owens Corning Fiberglas France à verser au salarié la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 pour les frais irrépétibles de première instance,
– Condamner la société Owens Corning Fiberglas France au paiement, en cause d’appel, de la somme supplémentaire de 1500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel,
– Débouter la société Owens Corning Fiberglas France de toutes autres demandes, fins ou prétentions,
– Ordonner à la société Owens Corning Fiberglas France de remettre des bulletins de paie rectifiés au concluant sur les dernières années en remontant à trois ans avant la saisine du Conseil de prud’hommes ainsi que pour l’avenir, sous astreinte de 100,00 euros par jour de retard dans les 15 jours de la notification de l’arrêt à intervenir,
– Faire produire à la décision à intervenir les intérêts légaux avec capitalisation.
Il soutient que :
– les « congés payés prépositionnés » n’apparaissent ni sur les bulletins de salaires, ni sur les journaux de période, ni sur les plannings annuels, ils ne sont absolument pas effectifs et ne donnent d’ailleurs lieu à aucune indemnisation ; les 11 jours de congés payés prépositionnés, qui selon les calendriers annuels interviennent durant les jours de repos (jours blancs sur le planning), devraient a minima apparaître dans la colonne « information journalière » du bulletin de salaire, aux dates correspondant à ces jours de repos,
– l’inspection du travail comme le conseil des salariés avaient fait injonction à l’employeur d’identifier les 11 jours de congés prépositionnés dans le planning, avec mention sur les bulletins de salaire des dates de ces congés, des indemnités correspondantes et de l’information sur les modalités de calcul conduisant à fixer à 11 le nombre de jours de congés prépositionnés,
– le décompte sur les bulletins de paie des congés prépositionnés ne répond pas aux exigences du code du travail,
– au demeurant lorsqu’ils sont arrêtés pour maladie, les salariés ne bénéficient d’aucun report de congés payés « prépositionnés », ce qui démontre encore le caractère totalement fictif de ces jours
de congé,
– l’audit du cabinet SECORR confirme l’irrégularité de la situation,
– seuls 21 jours de congés payés sont effectifs et rémunérés, les onze jours « prépositionnés » ne sont pas identifiables,
– en plus d’être totalement illégal, ce mode de fonctionnement crée une rupture d’égalité très importante entre les postés et les journaliers, ces derniers travaillent en effet 212 jours par an et ont droit à : 30 jours de congés payés annuels, 10 jours de RTT, 104 jours de samedi et dimanche et 9 jours fériés en moyenne,
– en s’abstenant de délivrer une information claire concernant les congés et en ne rémunérant
pas les congés payés prépositionnés, l’employeur commet une violation réitérée du droit au repos des salariés, les plannings communiqués aux salariés postés conduisent ces derniers à travailler parfois 56 heures sur sept jours ce qui est manifestement illégal, l’employeur fait travailler les salariés sept jours d’affilés à l’usine,
– subsidiairement, l’article 15 de l’accord de 1984 relatif au paiement des congés payés ne fait aucune distinction entre congés payés « classiques » et prépositionnés, un taux unique de 22% doit donc s’appliquer.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 06 mars 2024, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 02 septembre 2024. L’affaire a été fixée à l’audience du 02 octobre 2024.
Sur la révocation de l’ordonnance de clôture et le rejet des conclusions de l’intimé
Les parties ne s’y opposant pas, la révocation de l’ordonnance de clôture sera ordonnée afin d’accepter les dernières conclusions de chacune d’elles.
Sur la prise des congés prépositionnés
La SAS Owens Corning Fiberglas France expose sans être contredite qu’en application des accords d’entreprise des 14 février 1974, 09 mars 1977 et 22 février 80, le personnel posté bénéficie de 24 jours ouvrés de congés payés ( au lieu de 20 jours légaux).
La SAS Owens Corning Fiberglas France développe qu’en 1984, les parties ont convenu d’intégrer un certain nombre de jours de congés et de repos avant de procéder à la planification des postes, ce qui a engendré une baisse du nombre de postes à programmer dans le respect des droits des salariés en matière de repos compensateurs ou de congés payés.
En pratique, cela revenait à positionner sur le calendrier les jours de congés anticipés, le roulement étant ensuite établi en tenant compte de ces jours de congés.
Aucun des salariés en litige avec la SAS Owens Corning Fiberglas France soutient que les accords collectifs leur seraient inopposables. Ils n’en demandent pas davantage l’annulation.
Le protocole d’accord conclu au sein de l’entreprise le 5 mars 1984 prévoit en son article 9 :
« Article 9 : nouveaux calendriers
Postés continus et 2X8 continus :
Pour le personnel posté continu 5X8 et 2X8 (avec dimanche 4 équipes), deux nouveaux
calendriers seront mis en place.
Ces calendriers intègrent forfaitairement les repos compensateurs pour nuit ou jour férié
travaillé, heures supplémentaires travaillées, jour de fractionnement et remplacent les modalités de réduction d’horaire telles que définies dans l’article 5 du 22 février 1980.
A ‘ POSTES CONTINUS
Ce calendrier sur base de 42 postes pour 10 semaines intègre également une nouvelle réduction
d’horaire théoriquement égale en moyenne à 4,5 jours par année moyenne respectivement.
Viendront en déduction de ce calendrier (qui intègre également forfaitairement 16,5 postes de
congés légaux ou conventionnels) des congés payés acquis à raison de :
– 0,0821 H par heure de référence pour les postés continus (soit 18 jours par année moyenne).
Ce nouveau calendrier est considéré comme rigoureusement forfaitaire et ne peut subir donc
un quelconque ajustement en fonction des jours réellement travaillés, sauf modalités définies
à l’Article 20 ».
L’article 15 prévoit l’application pour le personnel posté en 5 X 8 continu d’un coefficient multiplicateur de 1,22 pour le paiement des jours de congés payés.
L’article 24 de l’accord prévoit que ses dispositions sont expressément considérées par les parties signataires comme globalement supérieures à toutes les dispositions légales, conventionnelles ou contractuelles actuellement en vigueur sur tous les points traités par l’accord et qu’elles sont considérées comme à valoir sur toutes les dispositions légales ou conventionnelles pouvant intervenir pendant la durée du présent accord sur ces points.
Un accord d’entreprise du 24 janvier 1985 procédait à une réduction d’horaires et à une augmentation du nombre de jours de congés à la main du salarié qui passait de 18 à 19 jours ouvrés par an ainsi qu’à une augmentation du coefficient multiplicateur qui passait à 0,867.
Un accord d’entreprise du 31 mars 2005 prévoyait que le personnel posté bénéficie de 31 jours ouvrés de congés pour 12 mois de travail effectif, dont 11 jours sont déjà positionnés sur le calendrier et 20 à la main du salarié.
L’article 2.4.2 de l’accord précise bien expressément que le paiement des congés reste
inchangé.
La difficulté vient du fait que ces jours prépositionnés n’apparaissent pas sur le calendrier ni sur les bulletins de salaires en sorte que les salariés en concluent qu’ils ne sont absolument pas effectifs et ne donnent lieu à aucune indemnisation.
La SAS Owens Corning Fiberglas France soutient que la réduction régulière du nombre de postes programmés par an, sans baisse de rémunération, a nécessairement généré des jours de repos payés pour les salariés, que le fait que ces jours ne soient pas mentionnés sur le calendrier ne signifie pas que le salarié n’en a pas bénéficié, dès lors qu’ils ont été pris en compte, en amont, pour fixer le nombre de postes à travailler par an, qu’à défaut, le nombre de postes programmés aurait été bien supérieur.
Ainsi, la société appelante explique qu’à titre d’exemple, en 2019, chaque équipe bénéficiait de 42 à 43 jours de repos en sus des 104 jours de repos hebdomadaires obligatoires :
Equipe A : 147 jours de repos ‘ 104 jours de repos hebdomadaires = 43 jours
Equipe B : 146 jours de repos ‘ 104 jours de repos hebdomadaires = 42 jours
Equipe C : 145 jours de repos ‘ 104 jours de repos hebdomadaires = 41 jours
Equipe D : 146 jours de repos ‘ 104 jours de repos hebdomadaires = 42 jours
Equipe E : 146 jours de repos ‘ 104 jours de repos hebdomadaires = 42 jours
Il est exact qu’aucun salarié ne prétend avoir travaillé plus de temps que ceux découlant des différents accords. Aucun salarié ne prétend avoir effectué plus de 1607 heures de travail effectif.
L’accord NAO de 2005 présentait les temps de travail des salariés postés ainsi que suit :
– 1607 heures de travail effectif = 8h30 de présence par jour dont 45mn de pause repas et 10mn de pause café, soit 7h35 de travail effectif
– 30 jours de congés payés par année pleine (soit 2,5 jours par mois plein)
– 10 jours de RTT (desquels ont déjà été déduits la journée de solidarité).
Cet accord précisait que le personnel dit posté bénéficie de 31 jours ouvrés de congé pour 12 mois de travail effectif (soit 2,58 jours par mois plein travaillé) et que le personnel dit «en poste» dispose de 31 jours dont 11 jours sont déjà positionnés sur le calendrier. Il a ainsi à sa disposition 20 jours qu’il peut poser à sa convenance en fonction des besoins du service.
Les salariés dénoncent l’opacité du dispositif et se fondent sur la synthèse du Cabinet SECORR qui rappelle avoir exclusivement été missionné pour établir un audit sur la conformité des bulletins de salaire et notamment sur la gestion des congés payés.
Ce cabinet relève que en gratifiant d’une méthode en jours ouvrés de 31 jours, les salariés possèdent théoriquement une semaine supplémentaire de congés (même si prépositionnés).
Il est donc acté qu’en application des accords d’entreprise, les salariés bénéficient d’une semaine de congés payés de plus que ce à quoi ils ont légalement droit.
Ce cabinet, après avoir compilé les textes légaux et réglementaires, constate que l’accord prévoit un positionnement de 11 jours de congés qui ne sont visiblement pas communiqués aux salariés. Seul un encart en bas de bulletin, mentionne le nombre de jours prépositionnés décomptés sur chaque période.
La société ne respecte pas l’information aux salariés qui devrait intervenir au 1er novembre de chaque année soit deux mois avant l’ouverture de la période des congés.
Le cabinet relève que, contrairement aux dispositions de l’article L.4131-13 du code du travail selon lequel La période de prise des congés doit comprendre dans tous les cas la période du 1er mai au 31octobre de chaque année, la SAS Owens Corning Fiberglas France déroge sur la période de référence via l’article 2.4.2 de l’accord du 31 mars 2005. En effet, la période d’acquisition débute le 1er janvier et se termine le 31 décembre. L’employeur fixe théoriquement des jours prépositionnés sur la période, et laisse 20 jours libres aux personnels postés.
Toutefois, ces textes traitent des congés définis à l’article L.3141-3 alors que les 11 jours prépositionnés sont des jours de congés conventionnels pris selon les modalités arrêtés par l’accord d’entreprise dont les signataires admettent que ses dispositions sont globalement supérieures à toutes les dispositions légales, conventionnelles ou contractuelles actuellement en vigueur sur tous les points traités par l’accord et qu’elles sont considérées comme à valoir sur toutes les dispositions légales ou conventionnelles pouvant intervenir pendant la durée du présent accord sur ces points. Il est rappelé qu’aucun salarié n’entend remettre en cause la validité de ces accords.
La seul point pertinent relevé est que la SAS Owens Corning Fiberglas France ne respecte pas son devoir d’information et de communication. En effet, les modalités de fixations des jours prépositionnés demeurent obscures.
Pour autant le cabinet d’audit ne soutient pas que les salariés ne bénéficient pas de l’intégralité de leurs jours de congés mais conclut de manière très discutable que le manque d’information obligatoire doit être considéré comme un défaut et une privation au droit au repos. Il est rappelé que les salariés ne soutiennent pas avoir travaillé plus que ce qui était prévu ( 1607 heures ) et ne formulent du reste aucune prétention en ce sens.
Au demeurant, la SAS Owens Corning Fiberglas France rappelle justement que lors du passage en 1984 au principe du calendrier forfaitaire (puis à chaque fois que le calendrier a connu des réductions d’horaires), la rémunération du salarié a été maintenue (voire augmentée), ce que nul ne conteste, ce qui signifie nécessairement que les salariés bénéficient bien des 11 jours de congés prépositionnés dans l’année et que leur rémunération intègre bien la rémunération de ces 11 jours de congés prépositionnés
Dans un courrier adressé au conseil de certains salariés le 12 novembre 2018, la SAS Owens Corning Fiberglas France reconnaissait qu’en 1994, pour des raisons pratiques, le calendrier n’a plus fait apparaître les congés prépositionnés. Cela étant, ils ont bien été maintenus puisque le nombre de postes travaillés est resté identique et que la rémunération des salariés a été maintenue.
Aucun des salariés n’a alors prétendu qu’il ne bénéficiait plus de ces congés, ni qu’il ait été amené à travailler davantage.
Le courrier de l’inspecteur du travail du 8 février 2018 se bornait à enjoindre à l’employeur d’identifier les 11 jours de congés prépositionnés dans le planning, de mentionner sur les bulletins de salaire les dates de ces congés et les indemnités correspondantes et d’informer les salariés sur les modalités de calcul conduisant à fixer à 11 le nombre de jours de congés prépositionnés. Il n’est nullement dénoncé l’absence de prise effective de ces congés.
Enfin, lorsque l’employeur a fait apparaître les jours de congés prépositionnés en mai 2018, les salariés n’ont constaté aucune modification dans le nombre tant de journées travaillées que de congés accordés en sorte qu’il s’agit plus d’un problème de visibilité que de prise effective de ces jours de congés. Le salarié se bornant à relever que selon l’article R. 3243-1 du code du travail le bulletin de paie doit comporter « Les dates de congé et le montant de l’indemnité correspondante, lorsqu’une période de congé annuel est comprise dans la période de paie considérée» critiquant ainsi les seules modalités de prise de congés.
Par contre, les salariés relèvent pertinemment que lorsqu’ils sont arrêtés pour maladie, ils ne bénéficient d’aucun report de ces congés payés prépositionnés ce sur quoi l’employeur ne formule aucune observation. Toutefois l’intimé ne démontre pas avoir été absent tout un mois pour revendiquer un quelconque rappel à ce titre.
Le jugement mérite confirmation en ce qu’il a déclaré que les salariés avaient bien bénéficié de leurs jours de congés payés prépositionnés.
Sur le paiement des jours de congés prépositionnés
Concernant la rémunération des jours de congés prépositionnés, le salarié se réfère aux dispositions de l’article L.3141-24 selon lesquelles l’indemnité de congés payés est égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence sans être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler.
L’accord du 05 mars 1984 stipulait :
« Article 9 : Nouveaux calendriers : postés continus et 2X8 continus
A. Postés continus
Ce calendrier sur base de 42 postes pour 10 semaines intègre également une nouvelle réduction
d’horaire théoriquement égale en moyenne à 4,5 jours par année moyenne respectivement.
Viendront en déduction de ce calendrier (qui intègre également forfaitairement 16,5 postes de
congés légaux ou conventionnels), des congés payés acquis à raison de :
– 0,0821H par heure de référence pour les postés continus (soit 18 jours par année moyenne).
Ce nouveau calendrier est considéré comme rigoureusement forfaitaire et ne peut subir un quelconque ajustement en fonction des jours réellement travaillés, sauf modalités définies à l’article 20.
(‘)
Article 15 : Paiement des jours de congés
Les heures de congés payés feront l’objet :
– d’une diminution du salaire mensuel égale à un taux horaire par heure de congé,
– du versement d’une indemnité forfaitaire de congés payés par heure de congé égale à :
– (‘)
– 1,22 du taux horaire mensuel pour le personnel posté 5X8 continu
– (‘)»
La SAS Owens Corning Fiberglas France avance que la Direction et les partenaires sociaux ont négocié que 18 jours de congés payés seraient rémunérés au taux favorable de 1,22 et 11 congés prépositionnés (légaux et conventionnels) seraient rémunérés au taux horaire du salarié.
La SAS Owens Corning Fiberglas France fait observer que les modalités de calcul de congés payés prévues par l’accord d’entreprise sont plus favorables que l’application des dispositions légales en matière de congés payés puisqu’il est plus avantageux d’appliquer un taux de 22 % sur 18 jours qu’un taux de 10 % sur 25 jours, étant rappelé que les jours de repos (repos compensateurs par exemple) ne donnent pas lieu à majoration.
La SAS Owens Corning Fiberglas France fournit l’exemple suivant avec un taux par jour de travail de 100 euros bruts pour 25 jours de congés payés :
– calcul en application de l’accord de 1984 :
(100 euros x 18 x 1,22) + (100 euros x 7) = 2 896 euros bruts
– calcul en application de la règle du 10ème :
(100 x 25 x 1,10) = 2 750 euros bruts
La société appelante relève que l’écart est encore plus vrai aujourd’hui, puisque le taux de 1,22 s’applique sur 21 jours (et non plus 18) :
(100 x 21 x 1,22) + (100 x 4) = 2 962 euros bruts.
Or l’accord de 1984 ne prévoit pas deux types d’indemnisation des congés payés, l’article 9 concerne l’établissement des calendriers et les modes d’acquisition des congés payés, l’article 15 leur montant soit 1,22 ou 22 % du taux horaire mensuel.
Il est incontournable que les bulletins de paie ne précisent pas le taux horaire pratiqué.
Le cabinet SECORR relève : «Nous notons un encadrement sur la partie droite des bulletins stipulant les jours de prise de congés. Nous affirmons que cela ne concerne en aucun cas les 11 jours de conges prévus par l’accord.
Nous notons également un journal période. Celui-ci est transmis au salarié en tant que récapitulatif des heures effectuées, et en laissant apparaître un compteur de congés payés.
De part ces éléments, et alors que le compteur diminue au fil des périodes, nous n’avons aucune
possibilité de connaître les dates effectives des jours prépositionnés. Nulle mention n’est faite
sur le bulletin de salaire en termes de dates et d’indemnisations.
Pour rappel : ‘Le défaut de mention des dates de congés payés sur le bulletin de paie expose
l’employeur au versement de dommages-intérêts pour privation du repos annuel’.
Cass. Soc., 13 juin 2012, n°11-10.929, n° 1518 FS – P + B + R
De plus, comme nous l’avons précisé, l’entreprise OWENS CORNING procéde à une majoration de 22% du salaire horaire (salaire mensuel + prime d’ancienneté) conformément à l’accord de 1984.
C’est pourquoi, aux vues des différents éléments, nous confirmons l’absence de règlement des
11 jours normalement prépositionnés.
Le défaut d’information sur les planifications ainsi que le défaut de mention sur les bulletin nous laissent conclure que les salariés :
– Ne disposent pas réellement du bénéfice de ses 11 jours prévus par l’accord.
Ainsi il est justifiable d’indemniser le préjudice par le paiement intégral des 11 jours sous forme
d’indemnité compensatrice de conges payés.
Il n’est pas concevable d’en demander seulement la majoration, qui correspondrait a une prise
effective des jours de congés. Or ce n’est pas le cas.
Il est évident que le paiement intégral portera sur une période rétroactive limitée à 3 ans.
Le défaut de mention devrait être dédommagé pour chacun des salariés concernés sur le principe
d’une privation au droit au repos. Mais également, il est nécessaire de procéder au paiement
intégral des 11 jours non prépositionnées pour les raisons suivantes :
– Les périodes de référence sont clôturées
– Le cycle actuel de travail ne peut laisser place à une régularisation de 33 jours de congés par salarié (11 jours x 3 ans) sur les compteurs qui impliquerait une prise des congés avec le paiement seulement de la majoration
L’activité ne peut se permettre l’absences successives des salariés (gestion des départs en congés délicates)
Par conséquent, il est évident de conclure que d’un point de vue légal, organisationnel, d’assurer
une continuité d’activité à la société OWENS CORNING et d’indemniser les salariés, une indemnité compensatrice de congés payés sera à verser à chacun des salariés avec un paiement
intégral selon une formule stipulée en synthèse».
Or, il a été précédemment observé que les salariés avaient bien bénéficié de leurs jours de congés payés prépositionnés.
Une difficulté demeure concernant leur paiement.
Il convient donc d’ordonner la réouverture des débats afin que, sur la base d’un taux d’indemnisation des 11 jours de congés prépositionnés de 22 % sur les trois années précédant la saisine du conseil de prud’hommes, les parties présentent un décompte conforme à ce qui précède.
Sur la violation par l’employeur du temps de repos hebdomadaire et de son obligation d’information
Au visa de l’article L. 3121-20 du code du travail qui prévoit qu’« au cours d’une même semaine, la durée maximale hebdomadaire de travail est de quarante-huit heures », le salarié sollicite le paiement de dommages et intérêts estimant que l’employeur ne lui a pas accordé les 11 jours de congés payés prépositionnés. Or il a été constaté que tel n’était pas le cas.
Le salarié ajoute que les plannings communiqués aux salariés postés conduisent ces derniers à travailler parfois 56 heures sur sept jours ce qui est manifestement illégal.
La SAS Owens Corning Fiberglas France rétorque que l’article L.3132-10 du code du travail prévoit :
« Dans les établissements industriels fonctionnant en continu, les repos hebdomadaires des salariés affectés aux travaux en continu peuvent être en partie différés dans les conditions suivantes :
1° Chaque salarié bénéficie, dans une période de travail donnée, d’un nombre de repos de vingt-quatre heures consécutives au moins égal au nombre de semaines comprises dans cette période ;
2° Chaque salarié bénéficie le plus possible de repos le dimanche.
Un décret en Conseil d’Etat détermine les conditions d’application du repos hebdomadaire aux salariés intéressés, les travaux auxquels s’appliquent cette dérogation et pour chacun de ces travaux, la durée maximale de la période de travail mentionnée au 1° ».
Or cet article concerne la prise du repos hebdomadaire, non la durée hebdomadaire de travail.
La SAS Owens Corning Fiberglas France rappelle que dans la branche de la Verrerie, un décret du 13 février 1937 permet aux entreprises fonctionnant en continu d’apprécier la durée hebdomadaire sur une période de 4 semaines, que la Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 permet uniquement une dérogation de la période de référence de 7 jours au profit d’une période
de référence ne dépassant pas 14 jours.
Le décret de 1937, dont il n’est pas discuté qu’il soit toujours en vigueur, prévoit que la durée hebdomadaire de travail pourra atteindre une moyenne de 42 heures établie sur une période ne dépassant pas quatre semaines.
Elle explique que la direction, après validation de la majorité des salariés, a mis en place un calendrier prévoyant le bénéfice pour chaque salarié d’au moins 4 jours de repos consécutifs par période de 2 semaines, que cette organisation est parfaitement conforme au droit national et au droit européen, que s’agissant plus spécifiquement de la durée maximale de travail, elle rappelle que le rapport du Cabinet SECORR mentionne expressément que la moyenne du cycle est en-dessous des plafonds autorisés en matière de durée du travail, qu’ainsi l’organisation de la durée du travail respecte bien les dispositions européennes en la matière.
Il est exact que le rapport du Cabinet SECORR mentionne à ce titre :
« Pour les repos :
La planification actuelle stipulant, 4 à 5 jours de repos hors congés prépositionnés, nous ne semble pas irrégulière. Nous notons que les heures supplémentaires sont, au choix, récupérées en tout ou partie en veillant au respect des règles régissant les repos compensateurs de remplacement.
Cependant, afin de rester dans une situation régulière, et comme nous l’avons précités, nous affirmons qu’il est primordial de prépositionnés les 11 jours (absents des planifications actuelles) sur une semaine de travail et non de repos.
Comme nous l’avons susmentionnées, le travail à 7 jours consécutifs laisse perplexe quant au respect du maxima hebdomadaire autorisé.
Nous sommes conscients que la moyenne du cycle est en-dessous des plafonds autorisés en matière de durée du travail, cependant la durée hebdomadaire se voit litigieuse.
Nous vous laissons le soin d’apprécier la justification d’une semaine de travail. Une semaine
s’entend en 7 jours consécutifs ou du Lundi au Dimanche.
En tout état de cause, un cycle est basé sur des semaines de travail par équipes successives
qui se chevauchent. La planification joue sur les semaines afin d’effectuer un roulement. »
La cabinet SECORR a relevé que le cycle moyen hebdomadaire est de 33.60 heures sur cinq semaines soit 168 heures qui se renouvelle à l’identique suivant le modèle suivant :
– 3 semaines à 56 heures comportant deux matins, deux après-midis et trois nuits entrecoupés de deux semaines de repos.
L’article 16 de la Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 permet d’adopter une période de référence en matière de durée maximale de travail hebdomadaire pouvant aller jusqu’à quatre mois. L’article 18 envisage la possibilité de dérogations à l’article 16 en contrepartie de repos compensateurs sans que la période de référence excède six mois.
Il n’est pas rapporté que la société appelante ait enfreint les dispositions applicables en matière de durée hebdomadaire du travail.
La demande est en voie de rejet.
Il sera réservé pour le surplus des demandes.
LA COUR,
Par arrêt mixte, contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort
Révoque l’ordonnance de clôture et ordonne à nouveau la clôture avant les débats, ú
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a considéré que M. [I] [Z] a bien bénéficié de 11 jours prépositionnés rémunérés,
Réparant l’omission de statuer, déboute M. [I] [Z] de sa demande tendant au paiement de dommages et intérêts en raison de la violation par l’employeur du temps de repos hebdomadaire et de son obligation d’information,
Sur la majoration des 11 jours de congés prépositionnés, ordonne la réouverture des débats à l’audience du 23 avril 2025 à 14h00 et enjoint aux parties de produire un décompte sur la base d’un taux d’indemnisation de 22 % du taux horaire mensuel sur les trois années précédant la saisine du conseil de prud’hommes et éventuellement les sommes échues depuis,
Dit que la notification du présent vaut convocation à comparaître,
Réserve pour le surplus,
Arrêt signé par le président et par le greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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