Inopposabilité d’une donation manuelle au regard des créances fiscales.

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Inopposabilité d’une donation manuelle au regard des créances fiscales.

L’article 1341-1 du Code Civil permet au créancier d’agir pour faire déclarer inopposables à son égard les actes faits par son débiteur en fraude de ses droits, en précisant que pour les actes à titre onéreux, la connaissance de la fraude par le tiers cocontractant doit être établie. La jurisprudence établit que seuls les actes juridiques patrimoniaux, tels que la donation, entrent dans le champ de l’action paulienne, et que pour les actes à titre gratuit, la complicité du tiers est présumée, sans nécessité de prouver la connaissance de la fraude par le donataire. L’intention frauduleuse du débiteur doit être prouvée, ce qui implique qu’il ait conscience du préjudice causé à son créancier par la diminution de son patrimoine. En matière fiscale, la créance du trésor public naît à partir du fait générateur de l’impôt, et la donation consentie postérieurement à la créance fiscale est susceptible de nuire à l’administration fiscale. L’article 9 du Code de Procédure Civile impose à chaque partie de prouver les faits nécessaires à sa prétention. Les articles 696 et 700 du Code de Procédure Civile régissent les dépens et les frais irrépétibles, respectivement, tandis que les articles 514 et 514-1 précisent les conditions d’exécution provisoire des décisions de première instance.

L’Essentiel : L’article 1341-1 du Code Civil permet au créancier d’agir pour faire déclarer inopposables à son égard les actes faits par son débiteur en fraude de ses droits. Pour les actes à titre onéreux, la connaissance de la fraude par le tiers cocontractant doit être établie. La jurisprudence précise que seuls les actes juridiques patrimoniaux, tels que la donation, entrent dans le champ de l’action paulienne. L’intention frauduleuse du débiteur doit être prouvée, impliquant qu’il ait conscience du préjudice causé à son créancier par la diminution de son patrimoine.
Résumé de l’affaire :

Exposé du Litige

Les époux redevables d’impositions supplémentaires sur le revenu et les prélèvements sociaux pour les exercices 2007 et 2008 ont contesté ces impositions devant la juridiction administrative. Leur pourvoi a été définitivement rejeté, et ils demeurent redevables d’une somme importante. En parallèle, une donation manuelle a été effectuée par l’épouse au bénéfice de leur fils, ce qui a été considéré par l’administration fiscale comme un acte d’appauvrissement.

Exposé des Prétentions et Moyens

Le comptable public a demandé l’inopposabilité de la donation manuelle, ainsi que des condamnations financières à l’encontre de l’épouse et du fils. En réponse, l’épouse et le fils ont contesté ces demandes, arguant que l’administration fiscale n’avait pas prouvé l’intention frauduleuse et que la donation était une avance sur succession.

Décisions du Tribunal

Le tribunal a déclaré l’action en inopposabilité recevable, considérant que la donation avait été faite en connaissance de cause par l’épouse, nuisant ainsi à l’administration fiscale. Le fils a été condamné à rembourser le montant de la donation, tandis que les demandes de dommages et intérêts du comptable public ont été rejetées.

Conséquences Financières

Les époux ont été condamnés in solidum aux dépens et à verser une somme pour les frais irrépétibles. L’exécution provisoire de la décision a été ordonnée, confirmant ainsi la recevabilité de l’action en inopposabilité.

Q/R juridiques soulevées :

Sur l’inopposabilité de l’acte de donation

L’article 1341-1 du Code Civil dispose : « Le créancier peut aussi agir en son nom personnel pour faire déclarer inopposables à son égard les actes faits par son débiteur en fraude de ses droits, à charge d’établir, s’il s’agit d’un acte à titre onéreux, que le tiers cocontractant avait connaissance de la fraude ».

Il est de jurisprudence constante que seuls les actes juridiques patrimoniaux, notamment la donation, qui est une libéralité consentie et non un partage successoral, entrent dans le champ de l’action paulienne.

Il est précisé qu’en cas d’acte à titre gratuit, la complicité ou la connivence du tiers est présumée, la connaissance de la fraude par le donataire n’étant pas une condition de recevabilité.

L’exercice de l’action paulienne est subordonné à l’intention frauduleuse du débiteur. Il suffit d’établir que le débiteur a eu conscience du préjudice causé à son créancier par la diminution volontaire de son patrimoine.

En l’espèce, l’acte de donation effectué par l’épouse au bénéfice de son fils est une déclaration de don manuel, enregistrée auprès des services fiscaux.

Le fait générateur de l’impôt est constitué par les revenus distribués par la société aux époux au titre des années fiscales 2007 et 2008. L’administration fiscale a imposé ces revenus, ce qui a créé une créance à son encontre.

Ainsi, la donation consentie postérieurement à la créance fiscale était de nature à nuire à l’administration fiscale, créancière des époux depuis le 31 décembre des années 2007 et 2008.

Il s’ensuit que l’épouse avait conscience, au moment de la donation, que cela affectait son patrimoine et créait un appauvrissement, augmentant son insolvabilité à l’égard de l’administration fiscale.

Sur la condamnation de Monsieur [H] [J]

L’article 9 du Code de Procédure Civile dispose : « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».

Il a été démontré que le trésor public détient une créance certaine, liquide et exigible à l’encontre de l’épouse. Une somme de 99.900 € a été remise à son fils à titre gratuit.

Par la voie de l’action paulienne, cet acte gratuit a entraîné l’appauvrissement du patrimoine de l’épouse. Cette voie de droit rend l’acte inopposable au créancier, sans annuler l’acte envers les tiers.

En l’espèce, le don manuel accordé à son fils sera considéré comme n’ayant pas vu le jour aux yeux du trésor public.

Monsieur [H] [J], bénéficiaire de cet acte, sera donc condamné à payer au comptable public la somme de 99.900 € correspondant au montant total du don manuel.

Sur la demande en dommages et intérêts

Le comptable public ne produit aucun élément permettant de caractériser un lien de causalité, autre que l’appauvrissement du patrimoine de l’épouse, ayant entraîné un préjudice à l’égard du trésor public.

Le tribunal déboutera donc le comptable public de sa demande en dommages et intérêts à l’encontre de l’épouse et de son fils.

Sur les demandes accessoires

Sur les dépens, l’article 696 du Code de procédure civile stipule que la partie perdante est condamnée aux dépens, sauf décision motivée du juge.

En l’espèce, l’épouse et son fils, qui succombent, seront donc condamnés in solidum aux dépens.

Concernant l’article 700 du Code de procédure civile, il prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens à payer à l’autre partie une somme déterminée en tenant compte de l’équité.

Ainsi, l’épouse et son fils seront condamnés in solidum à payer au comptable public la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles.

Sur l’exécution provisoire, l’article 514 du Code de procédure civile dispose que les décisions de première instance sont, de droit, exécutoires à titre provisoire.

L’article 514-1 précise que le juge peut écarter l’exécution provisoire s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire.

Le tribunal rappelle que l’exécution provisoire est de droit.

MINUTE N° :
JUGEMENT DU : 14 Février 2025
DOSSIER N° : N° RG 22/06604 – N° Portalis DB3T-W-B7G-TWVQ
AFFAIRE : COMPTABLE PUBLIC RESPONSABLE DU PÔLE DE RECOUVREMENT SPÉCIALISÉ DU VAL-DE-MARNE C/ [L] [F] épouse [J], [H] [J]

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE CRETEIL

3ème Chambre

COMPOSITION DU TRIBUNAL

PRESIDENT : M. LUCCHINI, Juge

Statuant par application des articles 812 à 816 du Code de Procédure Civile, avis préalablement donné aux Avocats.

GREFFIER : Mme REA

PARTIES :

DEMANDERESSE

COMPTABLE PUBLIC RESPONSABLE DU PÔLE DE RECOUVREME NT SPÉCIALISÉ (PRS) DU VAL-DE-MARNE sis [Adresse 1]

représentée par Me Laurine SALOMONI, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, vestiaire : PC 333

DEFENDEURS

Madame [L] [F] épouse [J]
née le 14 mars 1964 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2]

Monsieur [H] [J]
né le 02 novembre 1993 à [Localité 3], demeurant [Adresse 2]

représentés par Me Stéphane GOLDENSTEIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0303

Clôture prononcée le : 27 juin 2024
Débats tenus à l’audience du : 18 novembre 2024
Date de délibéré indiquée par le Président : 14 février 2025
Jugement prononcé par mise à disposition au greffe du 14 février 2025.

EXPOSE DU LITIGE

A la suite d’une vérification de comptabilité du 7 avril au 8 juillet 2010, Monsieur et Madame [J] ont été déclarés redevables d’impositions supplémentaires sur le revenu et les prélèvements sociaux portant sur les exercices 2007 et 2008, les sommes dues ayant été mises en recouvrement par l’administration fiscale le 31 octobre 2013 pour un montant de 1 031 502 €.

Ils ont contesté ces impositions devant la juridiction administrative qui, en dernier ressort, a confirmé de manière définitive, par non-admission de leur pourvoi devant le Conseil d’Etat en date du 16 mars 2020, l’arrêt du 29 mai 2019 par lequel la Cour administrative d’appel de Paris a rejeté leur requête et confirmé le jugement du tribunal administratif de Melun du 5 avril 2018.

Ils ont, dès lors, procédé au règlement des sommes dues par des versements mensuels de 500 €, puis de 1000 €, les époux [J] demeurant redevables d’une somme 718 629, 81 €.

Dans l’intermède, Madame [L] [F], épouse [J], avait effectué une donation manuelle d’une somme de 99 900 € à son fils [H] [J], domicilié fiscalement chez ses deux parents, par deux chèques de 68 035 € et 31 865 € datés du 7 septembre 2017.

Une déclaration de dons manuels a été complétée et signée le 25 septembre 2017 et l’acte enregistré, sous la référence 2017M190, auprès des services fiscaux le 2 octobre 2017.

L’administration fiscale a dès lors considéré que le don manuel de Madame [L] [F], épouse [J] au bénéfice de son fils [H] [J] constituait un acte d’appauvrissement du redevable qui causait un préjudice au Trésor Public.

Suivant exploit de commissaire de justice délivré le 23 septembre 2022 conformément à l’article 658 du Code de procédure civile, le comptable public responsable du Pôle de recouvrement spécialisé du Val de Marne a fait assigner Madame [L] [F], épouse [J], et Monsieur [H] [J] devant le tribunal judiciaire de Créteil aux fins de voir ordonner l’inopposabilité des actes de donation manuelle.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS :

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 21 février 2024, le comptable public responsable du Pôle de recouvrement spécialisé du Val de Marne a demandé à la juridiction au visa de l’article 1341-2 du Code civil de :

« ORDONNER l’inopposabilité à l’égard du au Pôle de Recouvrement Spécialisé du Val de Marne des actes de donation du 5 septembre 2017 effectués par Madame [L] [F], épouse [J] au profit de son fils Monsieur [H] [J] ;

En conséquence de quoi :

CONDAMNER Monsieur [H] [J] à payer au Pôle de Recouvrement Spécialisé du Val de Marne la somme de 99.900 euros correspondant au montant total du don manuel ;

CONDAMNER in solidum Madame [L] [F], épouse [J], et Monsieur [H] [J] à verser au Comptable Public du Pôle de Recouvrement Spécialisé (PRS) du Val de Marne la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts ;

CONDAMNER in solidum Madame [L] [F], épouse [J], et Monsieur [H] [J] à payer au Comptable Public du Pôle de Recouvrement Spécialisé (PRS) du Val de Marne la somme de 3.000 € en vertu de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

CONDAMNER in solidum Madame [L] [F], épouse [J], et Monsieur [H] [J] aux entiers dépens de l’instance ;

ORDONNER l’exécution provisoire de droit ;

DEBOUTER Madame [L] [F], épouse [J], et Monsieur [H] [J] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions. »

Le Comptable public responsable du Pôle de recouvrement spécialisé du Val de Marne fait valoir que :

– le tribunal est incompétent pour connaître de la prescription de la créance fiscale ;

– les conditions de l’action paulienne sont réunies en ce que l’administration fiscale détient une créance certaine et exigible sur Madame [L] [F], épouse [J], antérieure au don manuel effectué par elle, au bénéfice de Monsieur [H] [J], et qui constitue un acte délibéré d’appauvrissement du débiteur qui cause un préjudice au créancier ;

– le différé de l’action paulienne initiée par l’administration fiscale s’explique par les multiples recours formés par les consorts [J] ;

– la situation patrimoniale des consorts [J] les a conduits à solliciter du tribunal de proximité de Villejuif la reconnaissance de leur situation de surendettement, et leur action a été déclarée irrecevable ;

– elle n’a nullement besoin de caractériser la fraude de Madame [J], ni même une intention de nuire, dès lors, s’agissant en matière de donations d’un acte à titre gratuit, qu’il lui suffit de prouver que le débiteur avait conscience de causer un préjudice à son créancier, ce qui est caractérisé par le fait que Madame [J] ne pouvait ignorer que la donation effectuée à son fils emportait nécessairement préjudice au fisc.

Dans ses dernières conclusions signifiées par RPVA le 14 mai 2024, Madame [L] [F], épouse [J], et Monsieur [H] [J] demandent au tribunal, au visa des articles 882 et 1341-2 du Code civil, de :

« Débouter le Comptable Public responsable du pôle de recouvrement spécialisé du val de Marne de sa demande visant à ordonner l’inopposabilité des actes de donation du 5 septembre 2017 et de sa condamnation de [H] [J] à payer la somme de 99.900 euros correspondant au don manuel ;

Débouter de plus fort le Comptable Public responsable du pôle de recouvrement spécialisé du val de Marne de sa demande de dommages et intérêts dont il ne justifie pas tant à l’égard de Madame [L] [F] qu’en celui du tiers constitué par son fils ;

Condamner le Comptable Public responsable du pôle de recouvrement spécialisé du val de Marne à la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance ;

Subsidiairement, rejeter toute demande fondée sur l’article 700 du CPC à l’encontre de [H] [J] qui n’est en rien responsable de l’action paulienne exercée et rejeter la demande d’exécution provisoire du jugement. »

Madame [L] [F], épouse [J] et Monsieur [H] [J] ont soutenu que

– l’administration fiscale avait déjà exercé une action paulienne devant le tribunal de céans par assignation en novembre 2014, le tribunal ayant jugé que l’administration fiscale n’établissait pas être créancière de Monsieur [B] [J] par défaut du caractère certain dans son principe de la créance détenue à l’égard de Madame [L] [F], épouse [J] ;

– l’intention frauduleuse doit être établie en application de l’article 1341-2 du Code Civil, ce que l’administration fiscale ne parvient pas à faire tant de la part du débiteur que du bénéficiaire de la donation ;

– ladite donation étant une avance sur succession dont l’administration fiscale était parfaitement informée, cette dernière ne dispose pas de l’action paulienne en présence d’un partage successoral consommé.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures déposées, en application de l’article 455 du Code de procédure civile.

Le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Créteil statuant par ordonnance contradictoire en date du 17 mars 2023, a :

– déclaré le tribunal de céans incompétent pour statuer sur la demande de Madame [L] [F], épouse [J], et de Monsieur [H] [J] visant à voir juger prescrite l’action en recouvrement forcé diligentée par l’administration fiscale, au profit du tribunal Administratif, et en conséquence, a renvoyé [L] [F], épouse [J], et Monsieur [H] [J] à mieux se pourvoir ;

– rejeté la demande de Madame [L] [F], épouse [J], et de Monsieur [H] [J] visant à voir déclarer prescrite l’action paulienne diligentée par l’administration fiscale et, en conséquence, a déclaré l’action de cette dernière recevable.

Madame [L] [F], épouse [J], et de Monsieur [H] [J] ont interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 7 avril 2023.

Par arrêt du 25 mars 2024, la Cour d’Appel de Paris a confirmé l’ordonnance dans toutes ses dispositions.

À l’issue de la mise en état, la clôture a été prononcée le 27 juin 2024.

L’affaire a été appelée à l’audience de plaidoirie en juge unique du 18 novembre 2024 et mise en délibéré au 14 février 2025.

MOTIFS DE LA DECISION :

A titre liminaire, il sera rappelé qu’en application des dispositions de l’article 768 alinéa 2 du Code de procédure civile, le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

Sur l’inopposabilité de l’acte de donation

L’article 1341-1 du Code Civil dispose : « Le créancier peut aussi agir en son nom personnel pour faire déclarer inopposables à son égard les actes faits par son débiteur en fraude de ses droits, à charge d’établir, s’il s’agit d’un acte à titre onéreux, que le tiers cocontractant avait connaissance de la fraude ».

Il est de jurisprudence constante que seuls les actes juridiques patrimoniaux et notamment la donation, qui est une libéralité consentie et non un partage successoral, entrent dans le champ de l’action paulienne, y compris lorsque ces actes sont intervenus à la suite d’un contrôle fiscal portant sur des revenus antérieurs, étant précisé qu’en cas d’acte à titre gratuit la complicité ou la connivence du tiers est présumée, la connaissance de la fraude par le donataire n’étant pas une condition de recevabilité.

Il est également de jurisprudence constante que la mise en œuvre de l’action paulienne n’implique pas l’existence, à la date de l’acte attaqué, d’une créance certaine et déterminée mais seulement d’un principe certain de créance, et que, en matière fiscale, la créance du trésor public naît à partir du fait générateur de l’impôt.

De même il est de jurisprudence constante que l’exercice de l’action paulienne est subordonné à l’intention frauduleuse du débiteur et qu’à ce titre, il y a seulement lieu d’établir que le débiteur a eu conscience du préjudice causé à son créancier de par la diminution volontaire de son patrimoine, sans que le créancier n’ait à rapporter la preuve de la volonté de son débiteur de lui nuire.

En l’espèce, l’acte de donation effectué par Madame [L] [F], épouse [J], au bénéfice de son fils [H] [J] est une déclaration de don manuel, acte sous seing privé de nature patrimoniale, enregistré auprès des services fiscaux le 2 octobre 2017, ce qu’aucune des parties ne conteste.

Or, le fait générateur de l’impôt est constitué par les revenus distribués par la société Daliah Traiteur prestige aux époux [J] au titre des années fiscales 2007 et 2008 à la suite de la reconstitution de son chiffre d’affaires, et que l’administration fiscale a par la suite imposés entre les mains de ces derniers sur le fondement du 1° du 1 de l’article 109 du Code général des impôts, ainsi que l’a relevé le juge administratif de première instance (production n° 8 du demandeur). Ces revenus distribués étaient imposables le 31 décembre de chaque année concernée, de sorte que l’administration fiscale disposait en principe d’une créance, à l’encontre de chacun des époux [J], née chaque 31 décembre des années 2007 et 2008, soit antérieurement à l’acte critiqué.

Au regard du fait générateur susmentionné, ainsi que des opérations de vérification effectuées par l’administration fiscale du 7 avril au 8 juillet 2010, une telle donation consentie postérieurement, le 25 septembre 2017, était donc de nature à nuire à l’administration fiscale, créancière des époux [J] depuis le 31 décembre des années 2007 et 2008.

Il s’ensuit que Madame [L] [F], épouse [J], avait bien conscience, au moment où elle procédait à ce don manuel, que ce dernier allait affecter son patrimoine et créer un appauvrissement de celui-ci, en le soustrayant au gage du trésor public. Le caractère frauduleux de cet acte est donc bien la conscience qu’avait Madame [L] [F], épouse [J], qu’elle augmentait son insolvabilité à l’égard de l’administration fiscale.

En outre, il n’est pas contesté en défense que les époux [J] effectuaient depuis le 5 février 2017, et ce jusqu’au 5 mai 2018, des versements mensuels au trésor public dont le montant ne leur permettait manifestement pas d’apurer leur dette dans un délai raisonnable, ce qui se déduit des acomptes payés et du reste dû mentionnés sur le bordereau du 21 juin 2022 relatif aux mise en recouvrement de leur dette fiscale (pièce n° 1 du demandeur).

Il résulte de tout ce qui précède que Madame [L] [F], épouse [J] avait pleinement conscience de l’effet d’appauvrissement de son patrimoine au détriment de son créancier lorsqu’elle a consenti une donation manuelle le 25 septembre 2017 par acte sous seing privé non notarié, qui n’a pas le caractère d’un partage, l’action paulienne étant en tout état de cause recevable à l’encontre des donations-partage.

Par conséquent, l’action en inopposabilité de Monsieur le comptable public responsable du Pôle de recouvrement spécialisé du Val de Marne à l’encontre du don manuel sera déclarée recevable, sans que l’article 882 du Code civil ne permette de l’exclure.

L’action paulienne déclarée recevable peut être exercée directement contre le tiers à qui l’acte litigieux a bénéficié. L’acte de donation a été conclu à titre gratuit, l’administration fiscale n’a pas par conséquent à apporter la preuve de la connaissance de la fraude par le tiers bénéficiaire en l’espèce Monsieur [H] [J], donataire de l’acte critiqué.

Il sera donc ordonné l’inopposabilité à l’égard du comptable public du Pôle de recouvrement spécialisé du Val de Marne des actes de donation du 5 septembre 2017 effectués par Madame [L] [F], épouse [J] au profit de son fils Monsieur [H] [J].

Sur la condamnation de Monsieur [H] [J]

L’article 9 du Code de Procédure Civile dispose : « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».

Il a été démontré supra que le trésor public détient une créance certaine, liquide et exigible à l’encontre de Madame [L] [F], épouse [J]. Une somme de 99.900 € constituant une partie de son patrimoine a été remise à titre gratuit à son fils [H] [J].

Par la voie de l’action paulienne il a été démontré que cet acte gratuit a entraîné l’appauvrissement du patrimoine de Madame [F], épouse [J], cette voie de droit rend l’acte inopposable au créancier qui en a été victime mais ne peut être assimilée à une action en nullité puisqu’elle n’emporte pas annulation de l’acte litigieux envers les tiers, l’acte litigieux étant seulement considéré comme n’ayant pas vu le jour aux yeux du créancier.

En l’espèce, le don manuel litigieux accordé à Monsieur [H] [J] sera considéré comme n’ayant pas vu le jour aux yeux du trésor public, créancier de la donatrice. Monsieur [H] [J], bénéficiaire de cet acte, ayant bénéficié de cet acte par la remise de deux chèques bancaires pour un montant de 99.900 euros, il sera condamné à payer au comptable public du Pôle de recouvrement spécialisé du Val de Marne la somme de 99.900 € correspondant au montant total du don manuel.

Sur la demande en dommages et intérêts

Le comptable public du Pôle de recouvrement spécialisé du Val de Marne ne produit aucun élément permettant de caractériser un lien de causalité, autre que l’appauvrissement du patrimoine de Madame [F], épouse [J], ayant entraîné un préjudice à l’égard du trésor public qui ne soit réparé par la condamnation de Monsieur [H] [J] à restituer la somme reçue.

Le tribunal déboutera le comptable public du Pôle de recouvrement spécialisé du Val de Marne de sa demande en dommages et intérêts solidairement à l’encontre de Madame [F], épouse [J] et de Monsieur [H] [J].

Sur les demandes accessoires

Sur les dépens

Aux termes des articles 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’espèce, Madame [F], épouse [J] et Monsieur [H] [J], qui succombent, seront donc condamnés in solidum aux dépens.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens à payer à l’autre partie, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, la somme qu’il détermine en tenant compte de l’équité.

En l’espèce, Madame [F], épouse [J] et Monsieur [H] [J] seront condamnés in solidum à payer au comptable Public responsable du Pôle de recouvrement spécialisé du Val de Marne la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles.

Sur l’exécution provisoire

Aux termes de l’article 514 du Code de procédure civile, les décisions de première instance sont, de droit, exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

L’article 514-1 du Code de procédure civile dispose que le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire.

Il statue, d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée.

Le tribunal rappelle que l’exécution provisoire est de droit.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant en audience publique par mise à disposition du greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :

ORDONNE l’inopposabilité, à l’égard du Pôle de recouvrement spécialisé du Val de Marne, des actes de donation de Madame [L] [F], épouse [J] effectué au bénéfice de Monsieur [H] [J] ;

CONDAMNE Monsieur [H] [J] à payer au Pôle de recouvrement spécialisé du Val de Marne la somme de 99.900 € ;

DEBOUTE le comptable public responsable du Pôle de recouvrement spécialisé du Val de Marne de sa demande indemnitaire formulées à l’encontre de Madame [L] [F], épouse [J] et de Monsieur [H] [J] au titre de dommages et intérêts ;

CONDAMNE in solidum Madame [L] [F], épouse [J] et Monsieur [H] [J] aux entiers dépens de l’instance ;

CONDAMNE in solidum Madame [L] [F], épouse [J] et Monsieur [H] [J] à payer à Monsieur le comptable public responsable du Pôle de recouvrement spécialisé du Val de Marne la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

DEBOUTE Madame [L] [F], épouse [J] et Monsieur [H] [J] de leurs demandes plus amples ou contraires ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.

Fait à CRETEIL, L’AN DEUX MIL VINGT CINQ ET LE QUATORZE FEVRIER

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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