Cour de cassation, 12 mars 2025, Pourvoi n° 23-22.755
Cour de cassation, 12 mars 2025, Pourvoi n° 23-22.755

Type de juridiction : Cour de cassation

Juridiction : Cour de cassation

Thématique : Licenciement économique : évaluation de la compétitivité et des motifs justifiant la réorganisation.

Résumé

Engagement des salariés

Les faits de l’affaire concernent un groupe de salariés, dont un attaché commercial, qui ont été engagés par une société spécialisée dans les compléments alimentaires. En février 2016, la société a proposé une modification des contrats de travail des salariés, touchant à la répartition géographique et à la rémunération, proposition qui a été refusée par ces derniers.

Homologation du licenciement économique

Suite à cette situation, la direction régionale des entreprises a homologué un projet de licenciement économique collectif le 19 septembre 2016. Les salariés ont été licenciés pour motif économique le 18 novembre 2016 et ont ensuite saisi la juridiction prud’homale pour contester la légitimité de leur licenciement.

Arguments des salariés

Les salariés ont contesté les décisions de la cour d’appel, arguant que la cause économique du licenciement devait être appréciée à la date de celui-ci. Ils ont mis en avant des éléments prouvant que la société affichait des résultats positifs, notamment une croissance de son chiffre d’affaires et une amélioration de sa rentabilité, ce qui, selon eux, contredisait l’argument de la menace pesant sur la compétitivité de l’entreprise.

Réponse de la Cour d’appel

La cour d’appel a constaté que la société justifiait d’une baisse significative de ses parts de marché sur la période 2002-2016, ainsi que d’une intensification de la concurrence. Elle a conclu que ces éléments démontraient l’existence d’une menace sérieuse sur la compétitivité de l’entreprise, justifiant ainsi la réorganisation et les licenciements pour prévenir des difficultés économiques futures.

Conclusion de la Cour

En fin de compte, la cour a rejeté les arguments des salariés, considérant que la réorganisation de l’entreprise était un motif légitime de licenciement, conforme aux dispositions du code du travail en vigueur à l’époque. Les moyens soulevés par les salariés n’ont donc pas été jugés fondés.

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 mars 2025

Cassation partielle

M. SOMMER, président

Arrêt n° 258 FS-D

Pourvois n°
J 23-22.755
P 23-22.759
S 23-22.762
W 23-22.766
X 23-22.767
Y 23-22.768
D 23-22.980 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 MARS 2025

1°/ M. [Z] [Y], domicilié [Adresse 1],

2°/ M. [T] [R], domicilié [Adresse 5],

3°/ M. [P] [X], domicilié [Adresse 6],

4°/ Mme [M] [C], domiciliée [Adresse 7],

5°/ M. [H] [A], domicilié [Adresse 3],

6°/ M. [B] [V], domicilié [Adresse 4],

7°/ Mme [I] [N], domiciliée [Adresse 2],
ont formé respectivement les pourvois n° J 23-22.755, P 23-22.759, S 23-22.762, W 23-22.766, X 23-22.767, Y 23-22.768 et D 23-22.980 contre sept arrêts rendus le 29 septembre 2023 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (chambre 4-7), dans les litiges les opposant à la société Laboratoires Arkopharma, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 8], défenderesse à la cassation.

La société Laboratoires Arkopharma a formé des pourvois incidents contre les mêmes arrêts.

Les demandeurs aux pourvois principaux invoquent, à l’appui de leur recours, un moyen commun de cassation.

La demanderesse aux pourvois incidents invoquent, à l’appui de ses recours, un moyen commun de cassation.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [Y] et des six autres salariés, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Laboratoires Arkopharma, et l’avis de M. Gambert, avocat général, après débats en l’audience publique du 4 février 2025 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Barincou, Seguy, Mmes Douxami, Panetta, Brinet, conseillers, M. Carillon, Mme Maitral, M. Redon, conseillers référendaires, M. Gambert, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° J 23-22.755, P 23-22.759, S 23-22.762, W 23-22.766, X 23-22.767, Y 23-22.768 et D 23-22.980 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 29 septembre 2023) et les productions, M. [Y] et six autres salariés ont été engagés en qualité d’attachés commerciaux par la société Laboratoires Arkopharma (la société).

3. La société, envisageant une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, a proposé aux salariés, en février 2016, une modification de leur contrat de travail portant sur la répartition géographique et leur rémunération, qu’ils ont refusée.

4. Par décision du 19 septembre 2016, devenue définitive par jugement d’un tribunal administratif du 24 janvier 2017, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi Provence-Alpes-Côte d’Azur a homologué le document unilatéral portant sur le projet de licenciement économique collectif.

5. Les salariés, licenciés pour motif économique le 18 novembre 2016, ont saisi la juridiction prud’homale.

Réponse de la Cour

7. Il résulte de l’article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, qu’une réorganisation de l’entreprise constitue un motif de licenciement si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise ou du secteur d’activité du groupe dont elle relève, en prévenant des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l’emploi.

8. La cour d’appel a d’abord constaté que la société justifiait d’une baisse significative de ses parts de marché en France métropolitaine s’agissant de la vente de compléments alimentaires et de produits phytosanitaires dans le circuit officinal sur la période courant 2002 à 2016, la production d’un extrait d’une étude de données IMS-Health-Panell Pharmatrend parue en décembre 2014 démontrant que les parts de marché d’Arkopharma étaient passées de 28,1 % en 2002 à 13,3 % en 2014, quand le chiffre d’affaires généré par les ventes au sein du circuit officinal français représentait, en 2016, 49,1 % du chiffre d’affaires du groupe.

9. Elle a ensuite relevé que, sur la même période, la société démontrait que cette dégradation de son positionnement sur le marché français n’avait pu être compensée au niveau du groupe par ses autres filiales européennes, lesquelles avaient enregistré une diminution de leur activité, passant de 100,4 millions d’euros de chiffres d’affaires en 2011 à 89,2 millions d’euros en 2016.

10. Elle a encore retenu que les causes à l’origine de cette perte de compétitivité étaient notamment l’intensification de la concurrence sur le secteur d’activité de la vente de compléments alimentaires et de produits phytosanitaires dans le circuit officinal, passant de quatre principaux concurrents représentant 50 % du marché en 2002 à huit concurrents en 2015, une sous-performance d’activité sur ses marchés phares, dont notamment le segment « stress et sédatifs » pour lequel elle avait enregistré une croissance de 1 % lorsque celle du marché était de 31 %, une absence de lancement de nouveaux produits apparaissant dans le top 10 du marché depuis plusieurs années, et un manque d’adaptation aux évolutions du marché de la pharmacie en France, notamment en termes de stratégie commerciale.

11. De ces constatations et énonciations, elle a pu déduire, sans pouvoir se substituer à l’employeur quant aux choix qu’il effectue dans la mise en oeuvre de la réorganisation, l’existence d’une menace sérieuse pesant sur la compétitivité du secteur d’activité du groupe auquel appartenait l’entreprise de nature à justifier sa réorganisation pour prévenir des difficultés économiques à venir.

12. Le moyen n’est donc pas fondé.

 


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