Cour d’appel d’Angers, 11 mars 2025, RG n° 20/00766
Cour d’appel d’Angers, 11 mars 2025, RG n° 20/00766

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel d’Angers

Thématique : Indemnité d’immobilisation et conditions suspensives : responsabilité du bénéficiaire en question

Résumé

Contexte de l’Affaire

Le 1er octobre 2018, un vendeur et une vendeuse ont consenti à un acheteur et une acheteuse une promesse unilatérale de vente pour plusieurs immeubles, au prix de 280 000 euros. Cette promesse incluait une condition suspensive liée à l’obtention d’un prêt de 200 000 euros. Cependant, la vente n’a pas été réalisée.

Ordonnance du Tribunal

Le 1er avril 2019, le président du tribunal judiciaire a ordonné à l’acheteur et à l’acheteuse de verser au vendeur et à la vendeuse une indemnité d’immobilisation de 28 000 euros, ainsi que des frais annexes. L’acheteur et l’acheteuse ont contesté cette ordonnance.

Jugement du Tribunal Judiciaire

Le 2 juin 2020, le tribunal a condamné solidairement l’acheteur et l’acheteuse à payer l’indemnité d’immobilisation et a débouté leurs demandes. Ils ont ensuite interjeté appel de cette décision.

Prétentions des Parties

Dans leurs conclusions, l’acheteur et l’acheteuse ont demandé l’infirmation du jugement et la décharge des condamnations, tout en réclamant des dommages et intérêts au vendeur et à la vendeuse. Ils soutiennent avoir respecté leurs obligations pour obtenir le prêt, mais avoir été entravés par le comportement du notaire et des promettants.

Réponse des Vendeurs

Le vendeur et la vendeuse ont demandé la confirmation du jugement et ont soutenu que l’acheteur et l’acheteuse n’avaient pas fait preuve de diligence pour obtenir le prêt dans les délais impartis. Ils ont également demandé des indemnités pour couvrir leurs frais de justice.

Motivation Juridique

Le tribunal a rappelé que la condition suspensive d’obtention d’un prêt est réputée accomplie si l’acheteur présente une demande conforme. En l’espèce, il a été établi que l’acheteur et l’acheteuse avaient effectivement sollicité un prêt dans les délais, mais que des éléments extérieurs, notamment des erreurs de ventilation des frais par le notaire, avaient entravé l’accomplissement de la condition.

Décision Finale

La cour a infirmé le jugement en ce qui concerne les demandes des vendeurs, rejetant leur demande d’indemnité. Elle a confirmé le rejet de la demande de dommages et intérêts de l’acheteur et de l’acheteuse, tout en condamnant solidairement les vendeurs aux dépens. Les vendeurs ont également été condamnés à verser une somme en application de l’article 700 du code de procédure civile.

COUR D’APPEL

D’ANGERS

CHAMBRE A – CIVILE

YW / PM

ARRET N°

AFFAIRE N° RG 20/00766 – N° Portalis DBVP-V-B7E-EVL2

Jugement du 2 juin 2020

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LAVAL

n° d’inscription au RG de première instance : 19/00238

ARRET DU 11 MARS 2025

APPELANTS :

Madame [C] [O]

née le 20 juin 1979 [Localité 6] (72)

[Adresse 8]

[Localité 3]

Monsieur [J] [N]

né le 2 juin 1977 à [Localité 7] (53)

[Adresse 8]

[Localité 3]

Tous deux représentés par Me Audrey PAPIN, substituant Me Etienne DE MASCUREAU de la SCP ACR AVOCATS, avocats au barreau d’ANGERS

INTIMES :

Madame [T] [K] épouse [Y]

née le 21 avril 1970 à [Localité 11] (94)

[Adresse 1]

[Localité 2]

Monsieur [E] [Y]

né le 12 décembre 1965 à [Localité 10] (93)

[Adresse 5]

[Localité 4]

Tous deux représentés par Me Patrice LECHARTRE de la SCP LECHARTRE-GILET, avocat au barreau de LAVAL – N° du dossier 119039

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 9 avril 2024 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, M. WOLFF, conseiller, ayant été préalablement entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente

Madame GANDAIS, conseillère

Monsieur WOLFF, conseiller

qui en ont délibéré

Greffière lors des débats : Madame GNAKALE

Greffier lors du délibéré : Monsieur DA CUNHA

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 11 mars 2025 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine MULLER, conseillère faisant fonction de présidente et par Tony DA CUNHA, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 1er octobre 2018, M. [E] [Y] et Mme [T] [K] épouse [Y] ont consenti à M. [J] [N] et Mme [C] [O] une promesse unilatérale de vente, au prix de 280 000 euros, portant sur plusieurs immeubles situés au [Adresse 9] à [Localité 12] (53) et répartis en deux articles :

Un article un composé d’une maison, de divers bâtiments et de terres agricoles, devant être acquis en indivision par M. [N] et Mme [O] ;

Un article deux composé de diverses parcelles de terre, devant être acquis par M. [N] seul.

L’acte était conclu sous la condition suspensive de l’obtention par ‘ le BENEFICIAIRE  d’un prêt de 200 000 euros.

La vente n’a finalement pas eu lieu.

Par ordonnance du 1er avril 2019, le président du tribunal judiciaire de Laval a, à la requête de M. et Mme [Y], enjoint à M. [N] et Mme [O] de payer à ces derniers les sommes de :

28 000 euros avec, intérêts au taux légal à compter du 6 février 2019, et ce au titre de l’indemnité d’immobilisation contractuelle ;

290,21 euros au titre des frais annexes.

M. [N] et Mme [O] ont formé opposition à cette ordonnance par déclarations au greffe du 4 avril 2019.

Par jugement contradictoire du 2 juin 2020, le tribunal judiciaire de Laval a notamment :

Condamné solidairement M. [N] et Mme [O] à payer à M. et Mme [Y] la somme précitée de 28 000 euros ;

Débouté M. [N] et Mme [O] de l’ensemble de leurs demandes ;

Condamné solidairement M. [N] et Mme [O] à payer à M. et Mme [Y] la somme de 1000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamné solidairement M. [N] et Mme [O] aux dépens comprenant les frais de la procédure d’injonction payer, dont distraction au profit de la SCP Delafond Lechartre Gilet.

M. [N] et Mme [O] ont relevé appel de ces chefs du jugement par déclaration du 26 juin 2020.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 13 mars 2024.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 9 octobre 2020, M. [N] et Mme [O] demandent à la cour :

D’infirmer le jugement ;

De débouter M. et Mme [Y] de leurs demandes ;

De les décharger des condamnations prononcées contre eux ;

De condamner solidairement M. et Mme [Y] à leur verser la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leurs préjudices matériel et moral ;

De condamner solidairement M. et Mme [Y] à leur verser la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

De condamner solidairement M. et Mme [Y] aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

M. [N] et Mme [O] soutiennent que :

L’indemnité d’immobilisation n’est acquise au promettant que lorsque la vente ne se concrétise pas du fait du comportement fautif du bénéficiaire ayant fait obstacle à la levée des conditions suspensives.

Or ils ont parfaitement respecté leurs obligations en se rapprochant de leur établissement bancaire afin de se voir accorder un prêt de 200 000 euros pour l’acquisition du bien indivis, outre un prêt de 100 000 euros pour l’acquisition par M. [N] des terres agricoles. Pour toute émission d’une offre de crédit ferme et sans réserve, la banque devait disposer de l’ensemble des éléments financiers inhérents aux opérations de vente envisagées, lesquels n’ont été transmis par le notaire que le 17 décembre 2018. C’est à la lecture de cette attestation que la banque a constaté que les frais afférents à l’acquisition de la maison d’habitation excédaient l’enveloppe de 200 000 euros initialement prévue, au-delà laquelle ils se trouvaient dans l’incapacité d’assumer les mensualités du prêt, puis qu’elle leur a indiqué qu’elle refusait de leur accorder un prêt couvrant l’acquisition en indivision frais de notaire inclus. C’est donc à tort que le tribunal a considéré que la condition suspensive était réputée accomplie sur la seule fois de ces accords de financement, et qu’il a mis l’indemnité d’immobilisation à leur charge.

Ils ont été injustement poursuivis alors même qu’ils étaient parfaitement étrangers au refus de financement opposé par la banque. Ils se sont heurtés à l’inflexibilité du notaire et des promettants, dont le comportement est directement à l’origine de l’échec de l’opération de vente envisagée. Ils n’ont eu d’autre choix que de renoncer à l’acquisition, faute de se voir accorder les concours financiers nécessaires. Ils ont été injustement assignés en justice.

Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 22 décembre 2020, M. et Mme [Y] demandent à la cour :

De confirmer purement et simplement le jugement ;

De condamner solidairement ou in solidum M. [N] et Mme [O] à verser une indemnité de 2500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

De les condamner également aux dépens d’appel avec application de l’article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Delafond Lechartre Gilet.

M. et Mme [Y] soutiennent que :

M. [N] et Mme [O] ne produisent aucun document justificatif démontrant qu’ils auraient fait preuve de diligence pour l’obtention du ou des prêts au plus tard le 15 novembre 2018. Leur passivité est d’autant plus critiquable qu’ils avaient déjà obtenu le 18 septembre 2018 un accord de principe pour l’octroi d’un prêt de 200 000 euros. Une simulation de taxe leur avait déjà été transmise par le notaire le 31 août 2018, et c’est uniquement en décembre 2018 qu’une nouvelle demande a été faite. Au lieu de présenter les documents nécessaires pour le financement bancaire à hauteur de 200 000 euros, ils ont sollicité un financement bancaire d’un total de 300 000 euros qui ne répondait nullement à ce qui avait été stipulé dans la promesse. En outre, la banque a donné son accord pour deux prêts, l’un de 200 000 euros et l’autre de 100 000 euros. La décision favorable de la banque n’a cependant pas convenu à M. [N] et Mme [O], qui ont voulu demander un financement encore plus important correspondant à la totalité de l’investissement, soit au moins 300 000 euros. La condition suspensive d’octroi du prêt doit donc être fictivement considérée comme accomplie.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

CONFIRME le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts de M. [J] [N] et Mme [C] [O] ;

INFIRME le jugement en ses autres dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Rejette la demande de M. [E] [Y] et de Mme [T] [K] épouse [Y] ;

Condamne solidairement M. [E] [Y] et Mme [T] [K] épouse [Y] aux dépens de première instance et d’appel ;

Accorde le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile à l’avocat de M. [J] [N] et de Mme [C] [O] ;

Condamne in solidum M. [E] [Y] et Mme [T] [K] épouse [Y] à verser à M. [J] [N] et Mme [C] [O] la somme de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette les autres demandes des parties.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

T. DA CUNHA C. MULLER

 


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