Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel d’Aix-en-Provence
Thématique : Droit de jouissance privative et statut de copropriété : clarification des prérogatives.
→ RésuméContexte de l’affaireL’affaire concerne un ensemble immobilier situé à [Adresse 2], dont le règlement de copropriété a été établi par acte notarié le 4 décembre 2002. Cet ensemble comprend un bâtiment principal avec 14 appartements, des parkings, une piscine extérieure et un jardin. Le terrain avait précédemment appartenu à une famille, qui a cédé une parcelle de jardin à un promoteur pour un euro symbolique, créant ainsi le lot n° 39 de la copropriété. Conflit entre la copropriétaire et le syndicatEn septembre 2019, le syndicat des copropriétaires a mis en demeure une copropriétaire, titulaire du lot n° 39, de démolir des constructions non autorisées et de cesser d’utiliser la piscine, rappelant qu’elle n’avait qu’un droit de jouissance privative sur une partie commune. En mai 2022, la copropriétaire a assigné le syndicat devant le tribunal, demandant à être reconnue comme copropriétaire et à avoir accès à la piscine, tout en réclamant des dommages pour préjudice moral. Décision du tribunalLe tribunal a rendu son jugement le 7 juin 2022, déboutant la copropriétaire de sa demande d’accès à la piscine et rejetant la demande du syndicat en dommages-intérêts. La copropriétaire a été condamnée aux dépens et à payer une somme de 1.500 euros au titre des frais de justice. Appel de la décisionLa copropriétaire a interjeté appel de cette décision, soutenant que le tribunal avait mal interprété les actes et qu’elle avait un droit de propriété sur le jardin. Elle a demandé à la cour d’infirmer le jugement et de reconnaître ses droits en tant que copropriétaire, tout en réclamant des réparations pour préjudice moral. Arguments du syndicat des copropriétairesLe syndicat des copropriétaires a contesté les prétentions de la copropriétaire, affirmant qu’un droit de jouissance exclusive sur une partie commune ne confère pas la qualité de copropriétaire. Il a demandé à la cour de confirmer le jugement initial et de réitérer sa demande de dommages-intérêts. Décision de la cour d’appelLa cour d’appel a confirmé le jugement du tribunal en toutes ses dispositions, déboutant la copropriétaire de ses demandes principales et subsidiaires. Elle a également condamné la copropriétaire aux dépens de l’instance d’appel et à payer une somme de 2.000 euros au syndicat des copropriétaires pour les frais de justice. |
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-8
ARRÊT AU FOND
DU 12 MARS 2025
N° 2025 / 060
N° RG 22/10874
N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ2PG
[C] [U]
C/
Syndicat des copropriétaires de l’immeuble
[Adresse 2]
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Thimothée JOLY
Me Roselyne SIMON-THIBAUD
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal Judiciaire de GRASSE en date du 07 Juin 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 20/01841.
APPELANTE
Madame [C] [U]
née le 08 Janvier 1979, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Thimothée JOLY, membre de la SCP CABINET PIETRA & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant
Me Krystel MALLET, membre de la SELARL LBVS AVOCATS, avocat au barreau de NICE
INTIMÉE
Syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2] sis [Adresse 1]
représenté par son syndic en exercice la Cabinet ESPARGILLIERE SAS, elle-même pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD, membre de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant Me Agnès ELBAZ, membre de la SELARL ELBAZ AGNES, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Janvier 2025, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Philippe COULANGE, Président
Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère
Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Maria FREDON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Mars 2025.
ARRÊT
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Mars 2025, signé par Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère pour le Président empêché et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Aux termes d’un acte notarié reçu le 4 décembre 2002, il a été établi le règlement de copropriété et l’état descriptif de division d’un ensemble immobilier dénommé [Adresse 2], à édifier sur un terrain situé [Adresse 1], comprenant:
– un bâtiment principal élevé de trois étages sur sous-sol et rez-de-chaussée abritant 14 appartements, des parkings et des caves,
– des emplacements de stationnement,
– une piscine extérieure,
– un jardin.
Le terrain formant l’assiette de la copropriété avait appartenu précédemment à la famille [U] depuis plusieurs générations, celle-ci ayant conservé une maison d’habitation avec jardin attenant . Par la suite le promoteur a négocié avec l’indivision [U] le détachement et la cession de la parcelle de jardin afin de compléter ses droits à construire ; puis, suivant acte du 2 novembre 2004, ladite parcelle, formant désormais le lot n° 39 de la copropriété, a été cédée pour l’euro symbolique à M. [R] [U], aux droits duquel a succédé sa fille Madame [C] [U].
Par lettre recommandée de son conseil en date du 26 septembre 2019, le syndicat des copropriétaires a mis en demeure Madame [C] [U] de démolir les ouvrages édifiés sans autorisation sur le lot n° 39 et de cesser d’utiliser la piscine de la résidence, lui rappelant qu’elle était uniquement titulaire d’un droit de jouissance privative sur une partie commune.
Par acte du 18 mai 2022, Madame [U] a assigné le syndicat des copropriétaires à comparaître devant le tribunal judiciaire de Grasse aux fins d’entendre juger que l’assiette du lot n° 39 ne constituait pas une partie commune mais une partie privative, et qu’elle avait donc pleinement la qualité de copropriétaire, ce qui lui donnait le droit de jouir de tous les éléments d’équipement communs. Elle demandait en conséquence à la juridiction saisie de condamner le syndicat à lui laisser libre accès à la piscine ainsi qu’à lui payer la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice moral et de jouissance.
Le syndicat s’est opposé à l’ensemble de ces prétentions, soutenant que les droits acquis par la requérante ne lui conféraient pas la qualité de copropriétaire et réclamant reconventionnellement paiement d’une somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts.
Par jugement rendu le 7 juin 2022, le tribunal a :
– débouté Madame [U] de sa demande tendant au rétablissement du libre accès à la piscine commune,
– débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande en dommages-intérêts,
– condamné la requérante aux dépens, ainsi qu’au paiement d’une somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Madame [C] [U] a interjeté appel de cette décision le 27 juillet 2022. Aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées le 26 avril 2023, elle fait valoir :
– que le premier juge aurait dénaturé le sens et la portée des actes soumis à son examen,
– qu’elle est en réalité titulaire d’un droit de propriété privative sur le jardin, lequel a été restitué à son auteur à l’issue de l’opération de construction et n’a d’utilité pour aucun autre copropriétaire,
– que le lot n° 39 comprend 18/10.000èmes des parties communes générales,
– qu’elle contribue aux charges dans les proportions indiquées au règlement de copropriété,
– et qu’en vertu de l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965, chaque copropriétaire peut user et jouir librement des parties communes, sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble.
Elle demande principalement à la cour d’infirmer le jugement entrepris et :
– de dire et juger que l’assiette du lot n° 39 ne constitue pas une partie commune de l’immeuble mais une partie privative,
– de lui reconnaître la qualité de copropriétaire,
– et de condamner en tant que de besoin le syndicat des copropriétaire à lui laisser libre accès à la piscine commune, ainsi qu’à tout acquéreur à venir du lot n° 39.
Subsidiairement, pour le cas où il serait jugé qu’elle n’a pas la qualité de copropriétaire, elle demande :
– que le syndicat soit condamné sous astreinte à publier un modificatif au règlement de copropriété et à l’état descriptif de division, portant suppression pure et simple du lot n°39, nouvelle répartition des tantièmes de copropriété, reconnaissance de son droit de jouissance réel et perpétuel sur le jardin et définition des frais d’entretien auxquels elle doit participer,
– à être dispensée de participation aux charges jusqu’à la production des justificatifs des dépenses engagées et la publication de l’acte modificatif précité,
– et que le syndicat soit condamné à lui restituer la somme de 3.586,71 euros, à parfaire, au titre des charges dont elle s’est acquittée jusqu’à présent.
En tout état de cause, elle réclame paiement d’une somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice moral et de jouissance, outre 6.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et ses entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions notifiées le 27 janvier 2023, le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 2], représenté par son syndic en exercice le cabinet ESPARGILLIERE, soutient pour sa part :
– qu’un droit de jouissance exclusive sur une partie commune n’est pas un droit de propriété et ne peut constituer la partie privative d’un lot,
– que Madame [U] n’a donc pas la qualité de copropriétaire,
– et que le lot n° 39 n’est assujetti qu’aux charges générales de l’immeuble, tandis que les charges d’entretien de la piscine sont réparties entre les seuls propriétaires de logements.
Il demande à la cour de débouter l’appelante de toutes ses prétentions et de confirmer la décision déférée, sauf en ce qu’elle a rejeté sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts, qu’il réitère en cause d’appel à hauteur de la somme de 15.000 euros. Il réclame en outre paiement d’une somme de 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles, outre ses dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 23 décembre 2024.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute Madame [C] [U] de ses autres demandes principales tendant à voir juger que l’assiette du lot n° 39 constitue une partie privative, à se voir reconnaître la qualité de copropriétaire, ainsi qu’à obtenir paiement de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral et de jouissance,
Déboute Madame [U] de ses demandes subsidiaires tendant à la condamnation du syndicat des copropriétaires à publier un modificatif au règlement de copropriété et à l’état descriptif de division et à lui rembourser les charges échues, ainsi qu’à être dispensée du paiement des charges à venir,
Condamne Madame [U] aux dépens de l’instance d’appel, ainsi qu’à payer au syndicat une somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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