Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Reims
Thématique : Compétence du juge aux affaires familiales en matière de liquidation patrimoniale post-PACS
→ RésuméContexte de l’AffaireLe 28 juin 2021, une partenaire de PACS et un partenaire de PACS ont conclu un pacte civil de solidarité sous le régime de la séparation de biens. Par la suite, ils ont acquis une maison à usage d’habitation pour un montant de 485 000 euros, financée par un emprunt modulable souscrit auprès d’une banque. Rupture et AssignationLe 2 mai 2023, la partenaire de PACS a quitté le domicile commun, et la rupture du PACS a été enregistrée le 11 décembre 2023. En raison de l’absence de liquidation amiable de leurs intérêts patrimoniaux, la partenaire de PACS a assigné son partenaire devant le juge des référés du tribunal judiciaire. Décision du Juge des RéférésLe 2 août 2024, le juge des référés a rendu une ordonnance qui a renvoyé les parties à se pourvoir comme elles l’entendaient, tout en condamnant le partenaire de PACS à verser une somme provisionnelle à sa partenaire. Cette décision a été partiellement contestée par le partenaire de PACS, qui a interjeté appel. Arguments de l’AppelantDans ses conclusions, le partenaire de PACS a soutenu que seul le juge aux affaires familiales était compétent pour statuer sur la demande d’indemnité d’occupation. Il a également affirmé que la demande de provision se heurtait à une contestation sérieuse, notamment en ce qui concerne la capacité de sa partenaire à occuper le bien. Arguments de l’IntiméeDe son côté, la partenaire de PACS a demandé à la cour de confirmer l’ordonnance initiale, en soutenant que le juge des référés était compétent pour traiter sa demande de provision. Elle a également sollicité la désignation d’un notaire pour évaluer le bien immobilier et établir un projet de liquidation de l’indivision. Décision de la CourLa cour a statué que la demande de provision présentée par la partenaire de PACS était irrecevable, car elle relevait de la compétence exclusive du juge aux affaires familiales. De plus, la demande de désignation d’un notaire a été rejetée, car elle constituait une demande de partage judiciaire qui excédait les attributions du juge des référés. Frais de ProcédureLa cour a également condamné la partenaire de PACS aux dépens de première instance et d’appel, tout en accordant une indemnité à son partenaire sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. |
ARRET N°
du 11 mars 2025
R.G : 24/01375
N° Portalis DBVQ-V-B7I-FRGM
[W] [H]
c/
[F] [K]
Formule exécutoire le :
à :
la SELARL [7]
la SCP DELVINCOURT – CAULIER-RICHARD – CASTELLO AVOCATS ASSOCIES
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRET DU 11 MARS 2025
APPELANT :
d’une ordonnance de référé rendue le 2 août 2024 par le président du tribunal judiciaire de REIMS,
Monsieur [H] [W], né le [Date naissance 2] 1964, à [Localité 10], de nationalité française, acteur, demeurant :
[Adresse 1]
[Localité 4],
Représenté par Me Nathalie CAPELLI, avocat au barreau de REIMS (SELARL [7]),
INTIMEE :
Madame [K] [F], née le [Date naissance 3] 1989, à [Localité 8], de nationalité française, comédienne, demeurant :
[Adresse 5]
[Localité 6],
Représentée par Me Mélanie CAULIER-RICHARD, avocat au barreau de REIMS (SCP DELVINCOURT – CAULIER-RICHARD – CASTELLO AVOCATS ASSOCIES), avocat postulant, et par Me Anne AUBRY DE MARAUMONT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant,
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
Madame Anne POZZO DI BORGO, conseillère, a entendu les plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées ; elle en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre,
Madame Sandrine PILON, conseillère,
Madame Anne POZZO DI BORGO, conseillère,
GREFFIER LORS DES DEBATS ET DE LA MISE A DISPOSITION :
Madame Jocelyne DRAPIER, greffier,
DEBATS :
A l’audience publique du 27 janvier 2025, où l’affaire a été mise en délibéré au 11 mars 2025,
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 11 mars 2025 et signé par Madame Anne POZZO DI BORGO, conseillère, en remplacement de la présidente de chambre régulièrement empêchée, et Madame Jocelyne DRAPIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * *
EXPOSE DU LITIGE
Le 28 juin 2021, Mme [K] [F] et M. [H] [W] ont conclu un pacte civil de solidarité sous le régime de la séparation de biens.
Suivant acte notarié du 9 septembre 2021, ils ont acquis une maison à usage d’habitation de 350 m2 habitable, située à [Localité 9] (Marne), au prix de 485 000 euros dans les proportions suivantes : 63,67 % pour M. [W] et 36,33 % pour Mme [F].
Pour financer l’acquisition de ce bien, ils ont souscrit, dans les mêmes proportions, un emprunt modulable auprès de la banque CIC d’un montant de 520 900 euros d’une durée de 245 mois au taux fixe de 0,95 % hors assurance.
Le 2 mai 2023, Mme [F] a quitté le domicile.
Le 11 décembre 2023, la rupture du PACS a été enregistrée.
Faute de liquidation amiable de leurs intérêts patrimoniaux, par exploit du 21 mai 2024, Mme [F] a fait assigner M. [W] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Reims.
Par ordonnance du 2 août 2024, ce juge a :
– au principal, renvoyé les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront,
à titre provisoire,
– dit que le juge des référés du tribunal judiciaire est compétent pour connaître de la demande de condamnation provisionnelle,
– condamné M. [W] à payer à Mme [F] la somme de 7 847,28 euros à titre provisionnel,
– rejeté le surplus de la demande,
– dit mal fondée la demande d’expertise et rejeté celle-ci,
– débouté les parties de leurs autres demandes,
– rappelé que la décision est exécutoire de droit par provision,
– condamné M. [W] aux dépens ainsi qu’au paiement d’une somme de 1 000 euros à Mme [F] au titre des frais irrépétibles.
Par déclaration du 29 août 2024, M. [W] a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses conclusions transmises par la voie électronique le 9 janvier 2025, il demande à la cour de :
– le déclarer recevable et bien fondé en son appel,
en conséquence,
– infirmer l’ordonnance dont appel en ce qu’elle a :
* dit que le juge des référés est compétent pour connaître de la demande de condamnation provisionnelle,
* l’a condamné à payer à Mme [F] la somme de 7 847,28 euros,
statuant à nouveau,
– dire et juger que les demandes de Mme [F] ne relèvent pas de la compétence du président du tribunal judiciaire statuant en référé,
en tout état de cause,
– dire et juger que la demande d’indemnité provisionnelle de Mme [F] se heurte à une contestation sérieuse,
en conséquence,
– déclarer les demandes de Mme [F] irrecevables et, en tout état de cause, mal fondées, l’en débouter,
– déclarer Mme [F] mal fondée en son appel incident,
– confirmer en conséquence l’ordonnance en ce qu’elle l’a déclarée mal fondée et a rejeté ses demandes,
– la débouter de ses demandes plus amples ou contraires,
– la condamner à lui verser la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d’appel.
Il soutient que seul le juge aux affaires familiales est compétent pour statuer sur l’allocation d’une provision à valoir sur l’indemnité d’occupation qu’il devrait à Mme [F], cette demande étant relative au fonctionnement de l’indivision existant entre eux du fait de leur conjugalité et la rupture de leur couple ne retirant en rien la compétence de ce juge.
Il expose qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du président du tribunal judiciaire, statuant en référé, d’octroyer une provision d’indemnité d’occupation, seul le président du tribunal, saisi selon la procédure accélérée au fond, pouvant le faire.
Il réfute l’application des dispositions de l’article 90 du code de procédure civile permettant à la cour de statuer au fond en cas d’infirmation du chef de la compétence, relevant que le premier juge n’avait pas pouvoir de statuer.
Il affirme que l’indemnité d’occupation sollicitée se heurte à une contestation sérieuse relevant que Mme [F] n’est aucunement dans l’impossibilité d’occuper une partie de l’immeuble indivis et qu’il n’est pas lui même à l’origine de l’occupation exclusive qu’il n’a pas souhaitée.
Il fait valoir qu’il existe en outre une contestation sérieuse relative au défaut de qualité de créancière directe de l’indemnité d’occupation de Mme [F] et sur le montant de cette indemnité.
Il relève enfin que la demande de désignation d’un notaire constitue une demande de partage judiciaire qui relève de la compétence du juge aux affaires familiales de sorte que Mme [F] est mal fondée à la solliciter.
Aux termes de ses conclusions transmises par la voie électronique le 21 novembre 2024, Mme [F] demande à la cour de :
– au fond : renvoyer les parties à mieux se pourvoir,
par impossible,
– faire application de l’article 90 du code de procédure civile,
en conséquence,
– confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a condamné M. [W] à lui payer la somme de 7 847,28 euros,
– la déclarer recevable et bien fondée en son appel incident et y faire droit,
– condamner M. [W] au paiement complémentaire de la somme provisionnelle de 5 231,20 euros (653,94 euros x 8 mois) représentant sa quote-part annuelle prorata temporis de l’indemnité d’occupation due par M. [W] à l’indivision, pour la période courant du 2 mai 2024 au 1er janvier 2025,
– infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a dit mal fondée la demande d’expertise et l’a rejetée et en ce qu’elle l’a déboutée de sa demande en paiement de sa quote-part d’indemnité d’occupation mensuelle provisionnelle jusqu’au partage,
statuant de nouveau de ces deux chefs,
– condamner par provision M. [W] à lui payer la somme mensuelle de 653,94 euros au titre de sa quote-part prorata temporis mensuel du bénéfice annuel d’indemnité d’occupation due par M. [W] à l’indivision, ce à compter du 2 janvier 2025 jusqu’à la date de réalisation effective du partage et payable chaque deuxième jour de chaque mois,
constatant l’absence de saisine du juge du fond et l’existence d’un motif légitime,
– désigner tel notaire qu’il plaira de désigner avec mission de :
‘ déterminer la valeur locative et à la vente du bien immobilier indivis et de ses dépendances,
‘ se faire communiquer tous justificatifs des dépenses et recettes indivises,
‘ faire les comptes entre les parties, élaborer un projet de liquidation de l’indivision ayant existé entre elles,
‘ faire des propositions de partage,
– juger que le notaire désigné aura faculté d’interroger le fichier central de la banque de France (FICOBA) ainsi que tous les fichiers tous assureurs vie (FICOVIE) et tous tiers détenant des informations financières sur les avoirs et revenus des parties sans que le secret professionnel puisse lui être opposé,
– fixer au notaire désigné un délai de quatre mois pour rendre son projet,
– dire que le notaire devra fixer aux parties un délai pour formuler leurs dernières observations ou réclamations en application de l’article 276 du code de procédure civile,
– désigner le magistrat chargé du contrôle des expertises pour suivre la mesure d’instruction et statuer sur les incidents éventuels,
– fixer la provision à verser au notaire désigné à la somme de 800 euros payable à proportion de 36,33 % par elle-même et de 63,67 % par M. [W],
en tout état de cause,
– confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a condamné M. [W] à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.
Elle soutient que le juge des référés est compétent observant que :
– le PACS a été rompu le 29 novembre 2023,
– l’indivision ne résulte pas de la rupture du PACS mais de l’achat en commun de l’immeuble,
– la demande porte sur une provision sur indemnité d’occupation et le juge du fond n’a pas été saisi.
Elle affirme qu’elle est bien-fondée à saisir le juge des référés, sans qu’il excède ses pouvoirs, pour l’ensemble de ses demandes qui relèvent de la compétence de la même juridiction et de la même cour d’appel et fait valoir que, si la cour considère qu’elle aurait dû engager deux procédures différentes, elle doit statuer sur le fond du litige dans la mesure où elle est juridiction d’appel relativement à la juridiction qu’elle estime compétente en faisant droit à sa demande de provision.
Elle expose qu’aucune contestation sérieuse ne s’oppose à celle-ci et que la provision accordée en première instance doit être complétée par le paiement d’une somme provisionnelle au titre de sa quote-part annuelle prorata temporis due pour la période du 2 mai 2024 au 1er janvier 2025 et d’une somme mensuelle supplémentaire au titre de la quote-part mensuelle prorata temporis qui lui est due dans le bénéfice de l’indivision à compter du 2 janvier 2025 jusqu’à la date de réalisation effectif du partage.
Elle fait valoir enfin qu’aucune action en liquidation-partage n’ayant été introduite au fond, elle est bien-fondée à solliciter la désignation d’un notaire pour estimer les valeurs locatives et de vente de la maison indivise, pour obtenir les preuves des revenus générés par l’exploitation de celle-ci par M. [W] depuis la séparation et effectuer les comptes entre les parties.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 14 janvier 2025 et l’affaire a été renvoyée pour être plaidée à l’audience du 27 janvier 2025.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme la décision entreprise sauf en ce qu’elle a rejeté la demande de désignation du notaire ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Rejette la demande de provision présentée par Mme [K] [F] ;
Condamne Mme [K] [F] aux dépens de première instance et d’appel ;
Condamne Mme [K] [F] à payer à M. [H] [W] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
La déboute de sa demande formée à ce titre.
Le greffier, La conseillère en remplacement
de la présidente de chambre régulièrement empêchée,
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