Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Rennes
Thématique : Application des règles de droit international et responsabilité délictuelle en matière de fraude.
→ RésuméContexte de l’AffaireLa société Sides et un dirigeant d’entreprise ont interjeté appel le 9 juin 2022. Les dernières conclusions des parties ont été déposées entre octobre 2024 et décembre 2024, avec une ordonnance de clôture rendue le 19 décembre 2024. La cour a demandé des observations sur la loi applicable au litige, en évoquant la possibilité d’appliquer la loi émiratie en vertu du règlement européen « Rome II ». Prétentions des PartiesLa société Sides et le dirigeant d’entreprise demandent à la cour d’infirmer le jugement du tribunal de commerce de Saint-Nazaire, qui avait reconnu sa compétence et condamné la société Sides à verser des dommages et intérêts à la société Tawam. Ils contestent également la responsabilité de la société Sides et demandent le rejet des demandes de la société Tawam, qu’ils qualifient d’abusives. Le créancier, M. [I], souhaite que la cour confirme le jugement initial et déboute la société Tawam de ses demandes. De son côté, la société Tawam demande la confirmation de la compétence du tribunal de commerce et le paiement de dommages et intérêts, tout en contestant la légitimité des demandes des autres parties. Discussion JuridiqueLa cour a examiné la compétence du tribunal de commerce de Saint-Nazaire, concluant qu’il était compétent pour traiter le litige. La société Tawam a allégué une fraude de la part de la société Sides, mais cette accusation n’a pas été retenue par la cour, qui a noté l’absence d’intention frauduleuse. La cour a également analysé la loi applicable, concluant que la loi française devait s’appliquer au litige en raison des liens plus étroits avec la France. Responsabilité et FraudeConcernant la responsabilité des dirigeants d’entreprise, la cour a constaté qu’aucune preuve de fraude n’avait été apportée. Les discussions entre les parties n’ont pas révélé de manœuvres intentionnelles pour nuire à la société Tawam. La cour a également rejeté la demande de la société Tawam pour résistance abusive, considérant que les appelants avaient agi dans leur droit de se défendre. Dépens et FraisLa société Tawam a été condamnée aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à verser des frais irrépétibles à M. [I] et à la société Sides. La cour a confirmé certaines décisions du tribunal de commerce tout en infirmant d’autres, notamment celles relatives aux condamnations financières. ConclusionLa cour a déclaré recevables les notes en délibéré des parties, a infirmé certaines décisions du tribunal de commerce, et a statué en faveur de la société Sides et du dirigeant d’entreprise, rejetant les demandes de la société Tawam. La décision finale a été de condamner la société Tawam aux dépens et de verser des frais à M. [I] et à la société Sides. |
3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N°97
N° RG 24/05865 – N° Portalis DBVL-V-B7I-VJ2T
(Réf 1ère instance : 2021000714)
M. [O] [M]
S.A.S. SOCIETE INDUSTRIELLE POUR LE DEVELOPPEMENT DE LA S ECURITE (CI-APRÈS DÉNOMMÉE SIDES )
C/
M. [V] [I]
Société TAWAM COMMERCIAL ESTABLISHMENT (CI-APRÈS DÉNOMMÉE TAWAM )
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me PRENEUX
Me LE COULS BOUVET
Me COUETMEUR
Copie certifiée conforme délivrée
le :
à :
TC de SAINT NAZAIRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 11 MARS 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Sophie RAMIN, Conseiller, Rapporteur
GREFFIERS :
Madame Frédérique HABARE, lors des débats, et Madame Julie ROUET, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l’audience publique du 07 Janvier 2025
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 11 Mars 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTS :
Monsieur [O] [M]
domicilié à la société SIDES, dont le siège social est situé
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Chloé MORIN substituant Me Stéphanie PRENEUX de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Thierry MONTERAN de la SCP UGGC AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Représenté par Me Marine SIMONNOT de la SCP UGGC AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
S.A.S. SOCIETE INDUSTRIELLE POUR LE DEVELOPPEMENT DE LA SECURITE
immatriculée au RCS de SAINT-NAZAIRE sous le numéro 006 580 195 Agissant poursuites et diligences de son Président domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Chloé MORIN substituant Me Stéphanie PRENEUX de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Thierry MONTERAN de la SCP UGGC AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Représentée par Me Marine SIMONNOT de la SCP UGGC, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
Monsieur [V] [I]
domicilié à la société GIFACOLLET
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représenté par Me Franck LOYAC substituant Me Dominique LE COULS-BOUVET de la SCP PHILIPPE COLLEU, DOMINIQUE LE COULS-BOUVET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Stéphane MIGNE de la SAS BDO AVOCATS ATLANTIQUE, Plaidant, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON
Société TAWAM COMMERCIAL ESTABLISHMENT
société de droit émirati prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 4] (EMIRATS ARABES UNIS)
Représentée par Me Jacques-Yves COUETMEUR de la SCP CADORET-TOUSSAINT, DENIS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE
Représentée par Me François SERRES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
La société industrielle pour le développement de la sécurité (ci-après la société Sides) commercialise des véhicules de secours.
La société Tawam commercial establishment (ci-après la société Tawam), de droit émirati, a été son intermédiaire (Sides agency agreement 1998 et Sides agency agreement 2015).
La société Tawam a remporté un appel d’offre de la société Adma Opco. Pour s’y conformer, selon commande du 23 avril 2015 modifiée le 27 mai 2015, la société Tawam a acheté à la société Sides quatre véhicules de secours pour un montant de 1 661 324 €.
La commande a connu un retard de livraison de nature à ouvrir droit à des dommages et intérêts correspondant, selon les termes de la commande, à 1% de la valeur du bon de commande pour chaque semaine de retard pour un maximum de 10% de ladite valeur.
Le 29 août 2016, M. [V] [I], « managing director » et M. [O] [M] « sales director » ont signé, pour le compte de la société Sides, un document intitulé « promissory note » par lequel la société Sides s’engageait à payer à la société Tawam une somme de 165 632,40 € sur demande avant le 15 mars 2017, somme correspondant au remboursement de 10 % de dommages et intérêts en raison du retard de livraison (« reimbursement of 10% liquidated damages due to delayed dilevery »).
Le 15 mars 2017, la société Tawan a adressé par courriel et lettre une demande de règlement à la société Sides en visant la « promissory note » ; aucun paiement n’a été réalisé par la société Sides.
Par jugement du 4 mai 2017, le tribunal de commerce de Nantes a ouvert une procédure de sauvegarde à l’égard de la société Sides.
La société Tawam n’a pas déclaré de créance.
La société Sides n’a pas mentionné de créance de la société Tawam dans la liste déposée après du mandataire judiciaire.
Par jugement du 21 mars 2018, le tribunal de commerce de Nantes a arrêté le plan de sauvegarde de la société Sides.
Par courrier recommandé en date du 18 novembre 2019, le conseil de la société Tawam a mis en demeure la société Sides de procéder au paiement de la somme de 206 369,55 € correspondant aux pénalités de retard liées à la commande susvisée à hauteur de 169 496,55 € et à deux factures de 8 578 € et de 28 295 €.
Par courrier du 9 décembre 2019, le conseil de la société Sides a répondu que la plupart des créances dont le règlement était réclamé étaient antérieures à la procédure de sauvegarde et ne pouvaient être payées. Il indiquait que seule une somme de 17 795 € correspondant à des diligences effectuées après l’ouverture de la sauvegarde pourrait être réglée.
A la suite d’un courrier du 9 juillet 2020, la société Sides a payé un solde rectifié de 13 395 €.
Le 9 février 2021, la société Tawam a assigné en paiement la société Sides, M. [I], qu’elle désigne comme un ancien directeur général de la société Sides, ainsi que M. [M], qu’elle désigne comme directeur commercial, devant le tribunal de commerce de Saint-Nazaire.
Par jugement du 11 mai 2022, le tribunal de commerce de Saint-Nazaire :
– in limine litis : s’est déclaré compétent,
– a déclaré recevable la demande de la société Tawam,
– a condamné la société Sides à payer à la société Tawam la somme de 140.468,10 dollars au titre des dommages et intérêts outre les intérêts légaux à compter du 17 mars 2017,
– a débouté la société Tawam de ses demandes à l’encontre de MM. [I] et [M],
– a débouté M. [M] de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts,
– a condamné la société SIDES à payer la somme de 4 000 € à la société Tawam au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et débouté la société Tawam du surplus de sa demande,
– a condamné la société Tawam à payer la somme de 3 000 € à M. [M] au titre de l’article 700 du code de procédure civile et débouté ce dernier du surplus de sa demande,
– a condamné la société Tawam à payer la somme de 3 000 € à M. [I] au titre de l’article 700 du code de procédure civile et débouté ce dernier du surplus de sa demande,
– a débouté la société Tawam du surplus de ses demandes,
– a condamné la société Sides et la société Tawam, chacune, à la moitié des dépens de l’instance,
– a liquidé les frais de greffe à la somme de 100,37 € dont TVA 16,76 €.
Par déclaration du 9 juin 2022, la société Sides et M. [M] ont interjeté appel.
Les dernières conclusions de la société Sides et de M. [M] sont du 4 décembre 2024.
Les dernières conclusions de M. [I] sont du 29 octobre 2024.
Les dernières conclusions de la société Tawam sont du 26 novembre 2024.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 décembre 2024.
Au cours du délibéré, la cour a demandé aux conseils des parties des observations dans les termes suivants :
« Le juge est tenu de faire application des règles d’ordre public issues du droit de l’Union européenne, telle une règle de conflit de lois lorsqu’il est interdit d’y déroger, même si les parties ne les ont pas invoquées. (1re Civ.,26 mai 2021, pourvoi n° 19-15.102)
En l’espèce, vous voudrez bien faire toutes observations au plus tard pour le 27 février 2025 sur la loi applicable au litige, laquelle, pourrait, en application de l’article 4 du règlement 864/2007 du parlement européen et du conseil sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (« Rome II »), être la loi émiratie.
Quelles que soient vos appréciations quant à la loi applicable, je vous prie de bien vouloir, en cas d’application d’office de ce droit étranger par la cour d’appel, justifier des conditions générales d’application de la responsabilité délictuelle en droit émirati (fraude/résistance abusive) (…) »
Le conseil de la société Tawam a répondu le 25 février 2025 et transmis de nouvelles pièces dont les « agency agreement » (non traduits) et les extraits (traduits) du code civil émirati.
Le conseil de la société Sides a répondu le 27 février 2025 et transmis de nouvelles pièces dont un extrait du « federal decree law n°9 of 2016 bankruptcy » (non traduit).
Le conseil de la société Tawam a adressé une note complémentaire le 3 mars 2025 pour demander le rejet de la note du conseil de la société Sides et à défaut, pour répondre aux arguments soulevés.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
La société Sides et M. [M] demandent à la cour de :
– infirmer le jugement du tribunal de commerce de Saint-Nazaire du 11 mai 2022 en ce qu’il a reconnu sa compétence,
– infirmer le jugement du tribunal de commerce de Saint-Nazaire du 11 mai 2022 en ce qu’il a retenu la responsabilité de la société Sides et l’a condamnée à payer à la société Tawam la somme de 140 468,10 $, à la somme de 4 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à la moitié des dépens,
– infirmer le jugement du tribunal de commerce de Saint-Nazaire du 11 mai 2022 en ce qu’il a débouté M. [M] de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts,
– confirmer le jugement du tribunal de commerce de Saint-Nazaire du 11 mai 2022, en ce qu’il a débouté les demandes formées par la société Tawam à l’encontre de M. [M],
statuant à nouveau,
– juger que la société Tawam ne justifie pas de la fraude qu’elle allègue à l’encontre de la société Sides,
– subsidiairement, juger que la société Tawam n’établit pas le lien de causalité entre la faute qu’elle reproche à la société Sides et le lien de causalité qu’elle invoque, ni le préjudice dont il est sollicité réclamation,
– par conséquent, débouter la société Tawam de toutes ses demandes à l’encontre de la société Sides,
– dire et juger que la procédure introduite par la société Tawam est une procédure abusive au sens de l’article 32-1 du code de procédure civile,
– par conséquent, condamner la société Tawam à une amende civile de 10 000 € ainsi qu’à des dommages et intérêts au profit de M. [M] et de la société Sides de 25 000 €,
– débouter la société Tawam de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– condamner la société Tawam à payer à la société Sides et à M. [M] la somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Tawam aux entiers dépens de première instance et d’appel.
M. [I] demande à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris en l’ensemble de ses dispositions,
– juger la société Tawam mal fondée en son appel incident dirigé contre M. [V] [I], et l’en débouter,
– débouter la société Tawam de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
y ajoutant,
– condamner la société Tawam à payer à M. [I] une somme de 8 000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure pénale,
– condamner la société Tawam aux entiers dépens d’instance et d’appel.
La société Tawam demande à la cour de :
– confirmer la décision du tribunal de commerce qui a reconnu sa compétence ; à défaut, évoquer le litige et statuer au fond,
– constater l’irrégularité de la publication au BODACC,
– déclarer la société Tawam recevable en ses demandes et la dire bien fondée,
– condamner solidairement ou à défaut in solidum la société Sides, MM. [M] et [I] au paiement d’une somme de 165 632 euros à titre de dommages intérêts,
– condamner solidairement ou à défaut in solidum la société Sides, MM. [M] et [I] au paiement d’une somme de 25 000 euros pour résistance abusive ;
– condamner solidairement ou à défaut in solidum la société Sides, MM. [M] et [I] au paiement d’une somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner solidairement ou à défaut in solidum la société Sides, MM. [M] et [I] aux entiers dépens,
– débouter la société Sides, MM. [M] et [I] de leurs demandes, fins et conclusions.
Par ces motifs,
La cour,
Déclare recevable les notes en délibéré adressées par les parties les 25 et 27 février 2025 et 3 mars 2025,
Infirme le jugement du tribunal de commerce de Saint-Nazaire du 11 mai 2022 (RG 2021000714) en ce qu’il :
– a condamné la société Sides à payer à la société Tawam la somme de 140.468,10 dollars au titre des dommages et intérêts outre les intérêts légaux à compter du 17 mars 2017,
– a condamné la société SIDES à payer la somme de 4 000 € à la société Tawam au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et débouté la société Tawam du surplus de sa demande,
– a condamné la société Sides et la société Tawam, chacune, à la moitié des dépens de l’instance,
Confirme le jugement pour le surplus de ses dispositions soumises à la cour,
Et statuant à nouveau,
Rejette l’ensemble des demandes de la société Tawam formées à l’encontre de la société industrielle pour le développement de la sécurité et de MM. [O] [M] et [V] [I],
Rejette la demande de la société industrielle pour le développement de la sécurité au titre de la procédure abusive,
Condamne la société Tawam aux dépens de première instance et d’appel,
Condamne la société Tawam à payer à M. [V] [I] la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles de l’appel,
Condamne la société Tawam à payer à la société industrielle pour le développement de la sécurité et M. [O] [M], ensemble, la somme totale de 3 000 € au titre des frais irrépétibles de l’appel,
Rejette toute autre demande des parties,
LE GREFFIER LE PRESIDENT
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