Responsabilité pénale et validité des témoignages administratifs

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Responsabilité pénale et validité des témoignages administratifs

L’Essentiel : Le prévenu, un dirigeant d’entreprise, a été poursuivi devant le tribunal correctionnel pour l’exploitation d’une installation non conforme à une mise en demeure, en lien avec la protection de l’eau et du milieu aquatique. Les juges du premier degré ont déclaré le dirigeant d’entreprise coupable. Le prévenu et le ministère public ont interjeté appel, remettant en question la culpabilité établie. La défense a soutenu que les inspecteurs de l’environnement, n’étant pas des officiers du ministère public, ne devraient pas voir leur témoignage pris en compte. La Cour a constaté une méconnaissance des règles de procédure pénale, entraînant une cassation de la décision.

Contexte de l’affaire

Le prévenu, un dirigeant d’entreprise, a été poursuivi devant le tribunal correctionnel pour l’exploitation d’une installation non conforme à une mise en demeure, en lien avec la protection de l’eau et du milieu aquatique.

Décision du tribunal

Les juges du premier degré ont déclaré le dirigeant d’entreprise coupable des faits qui lui étaient reprochés.

Appel de la décision

Le prévenu et le ministère public ont interjeté appel de cette décision, remettant en question la culpabilité établie par le tribunal.

Arguments de la défense

La défense a soulevé un moyen critiquant l’arrêt attaqué, arguant que les inspecteurs de l’environnement ne sont pas des officiers du ministère public et que leur témoignage, sans prestation de serment, ne devrait pas être pris en compte dans le procès pénal.

Réponse de la Cour

La Cour a constaté que l’inspecteur de l’environnement, un agent d’une agence de biodiversité, avait été entendu sans prêter serment, ce qui a conduit à une méconnaissance des règles de procédure pénale.

Conséquences de la décision

En se basant sur le témoignage de cet inspecteur pour établir la culpabilité du dirigeant d’entreprise, la cour d’appel a violé les dispositions légales, entraînant ainsi une cassation de la décision.

Q/R juridiques soulevées :

La validité des témoignages d’un inspecteur de l’environnement sans prestation de serment

La question se pose de savoir si les déclarations d’un inspecteur de l’environnement, entendu sans avoir prêté serment, peuvent être prises en compte dans le cadre d’un procès pénal.

Selon l’article 446 du code de procédure pénale :

« Les témoins entendus à l’audience doivent, avant de commencer leur déposition, prêter le serment qu’il prévoit. »

Il est établi que M. [T], inspecteur de l’environnement, a été entendu sans avoir prêté serment.

La cour d’appel a ainsi méconnu ce texte en se fondant sur les déclarations de cet inspecteur pour établir la culpabilité du prévenu.

En conséquence, la cour a violé le principe selon lequel seuls les témoins ayant prêté serment peuvent voir leurs déclarations prises en compte dans le cadre d’un procès pénal.

La qualité d’une administration dans le cadre des poursuites pénales

Une autre question soulevée concerne la qualité d’une administration, ici l’agence française de la biodiversité, dans le cadre des poursuites pénales.

Il est affirmé que « les inspecteurs de l’environnement ne sont pas des officiers du ministère public et qu’une administration, fût-elle à l’origine des poursuites, ne peut, hors les cas où la loi le prévoit expressément, être considérée comme une partie prenante au procès pénal. »

Cela signifie que les agents d’une telle administration ne peuvent pas être entendus comme témoins sans prestation de serment, ce qui a été le cas dans cette affaire.

La cour d’appel a donc commis une erreur en considérant que l’agent pouvait être entendu sans respecter cette exigence légale, ce qui a conduit à une violation des droits du prévenu.

N° A 24-82.160 F-B

N° 00237

ODVS
4 MARS 2025

CASSATION

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 4 MARS 2025

M. [P] [D] a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Riom, chambre correctionnelle, en date du 15 février 2024, qui, pour infraction au code de l’environnement, l’a condamné à 3 000 euros d’amende et a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [P] [D], et les conclusions de Mme Caby, avocat général, après débats en l’audience publique du 28 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [P] [D] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel du chef de poursuite de l’exploitation d’une installation ou de l’exécution de travaux soumis à déclaration pour la protection de l’eau ou du milieu aquatique non conforme à une mise en demeure.

3. Les juges du premier degré l’ont déclaré coupable.

4. Le prévenu et le ministère public ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré M. [D] coupable des faits qui lui sont reprochés, alors « que les inspecteurs de l’environnement ne sont pas des officiers du ministère public et qu’une administration, fût-elle à l’origine des poursuites, ne peut hors les cas où la loi le prévoit expressément, être considérée comme une partie prenante au procès pénal ; qu’en conséquence, ses agents ne peuvent entendus sans prestation de serment ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a entendu sans prestation de serment M. [T], inspecteur de l’environnement, agent d’agence française de la biodiversité qui ne pouvait être considérée comme partie intervenante ; qu’en se fondant à la suite sur les déclarations de cet inspecteur pour écarter le moyen développé par la défense concernant l’absence de zone humide à l’endroit où le plan d’eau litigieux a été creusé, la cour d’appel a violé les articles 435 à 457 et 513 du code de procédure pénale, ensemble l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 446 du code de procédure pénale :

6. Selon ce texte, les témoins entendus à l’audience doivent, avant de commencer leur déposition, prêter le serment qu’il prévoit.

7. Il résulte de l’arrêt attaqué qu’à l’audience de la cour d’appel, M. [W] [T], inspecteur de l’environnement, a été entendu, sans avoir prêté serment, sur les constatations qu’il a effectuées sur le terrain appartenant au prévenu, dans le cadre de l’enquête préliminaire ordonnée par le procureur de la République.

8. En s’abstenant de faire prêter serment à ce fonctionnaire, fût-il assermenté, qui ne relève pas d’une administration ayant qualité pour exercer conjointement avec le ministère public les poursuites pénales consécutives aux infractions qu’elle est chargée de constater, la cour d’appel, qui s’est fondée sur la déposition de ce témoin pour asseoir sa conviction sur la culpabilité du prévenu, a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.

9. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.


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