Responsabilité des co-gérants et frais d’administration provisoire

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Responsabilité des co-gérants et frais d’administration provisoire

L’Essentiel : La société Quick grill a été fondée par plusieurs associés, chacun détenant 25 % des parts. Un juge des référés a ordonné la révocation d’un co-gérant et la suspension d’un autre gérant, tout en nommant un administrateur provisoire. Ce dernier a convoqué une assemblée générale pour nommer un nouveau gérant. Les gérants révoqués ont interjeté appel de l’ordonnance, infirmée par une cour d’appel. La société a assigné deux associés pour obtenir le paiement de frais liés à l’administrateur. La cour d’appel a débouté la société, mais la Cour de cassation a cassé partiellement l’arrêt, condamnant les associés aux dépens.

Création de la société

La société Quick grill a été fondée par plusieurs associés, chacun détenant 25 % des parts.

Ordonnance de révocation et suspension

Un juge des référés a ordonné la révocation d’un co-gérant et la suspension d’un autre gérant, tout en nommant un administrateur provisoire pour gérer la société.

Convoque d’une assemblée générale

L’administrateur provisoire a convoqué une assemblée générale qui s’est tenue pour nommer un nouveau gérant et fixer sa rémunération.

Appel de l’ordonnance

Les gérants révoqués ont interjeté appel de l’ordonnance, qui a été infirmée par une cour d’appel.

Frais de l’administrateur provisoire

Les frais de l’administrateur provisoire ont été taxés et mis à la charge de la société.

Assignation en paiement

La société a assigné deux associés devant un tribunal de commerce pour obtenir le paiement de frais et honoraires liés à l’administrateur provisoire.

Examen des moyens

Le tribunal a examiné les moyens de la société, mais a jugé que certaines demandes n’étaient pas fondées.

Décision de la cour d’appel

La cour d’appel a débouté la société de sa demande de paiement, considérant que l’ordonnance avait été exécutée spontanément et que l’intervention de l’administrateur avait été bénéfique pour la société.

Cassation partielle de l’arrêt

La Cour de cassation a cassé partiellement l’arrêt de la cour d’appel, remettant l’affaire dans son état antérieur et condamnant les associés aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Question 1 : Quelles sont les conséquences de la révocation d’un co-gérant dans une société ?

La révocation d’un co-gérant dans une société a des conséquences significatives sur la gestion de celle-ci. Selon l’article L. 227-16 du Code de commerce, la révocation d’un gérant peut être décidée par les associés, sauf disposition contraire des statuts.

Cette décision doit être prise en assemblée générale, et l’associé révoqué peut contester cette décision devant le tribunal.

Dans le cas présent, l’ordonnance du juge des référés a ordonné la révocation de M. [Z] [G], ce qui a permis de nommer un administrateur provisoire pour assurer la gestion de la société.

Cette mesure vise à protéger les intérêts de la société et à garantir une continuité dans sa gestion.

Question 2 : Quelles sont les conditions d’exécution forcée d’une obligation ?

L’article L. 111-1 du Code des procédures civiles d’exécution stipule que tout créancier peut contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses obligations.

L’article L. 111-10 précise que l’exécution forcée peut être poursuivie jusqu’à son terme en vertu d’un titre exécutoire à titre provisoire.

Cela signifie que le créancier prend le risque de l’exécution, et si le titre est ultérieurement modifié, il doit rétablir le débiteur dans ses droits.

Dans cette affaire, la cour a jugé que la société ne pouvait pas demander des indemnités à MM. [P] et [W] car l’ordonnance de référé ne constituait pas une obligation d’exécution au profit de ces derniers.

Question 3 : Quelles sont les implications de l’intervention d’un administrateur provisoire sur les frais de la société ?

L’intervention d’un administrateur provisoire, comme le prévoit l’article 1015 du Code de procédure civile, peut engendrer des frais qui sont généralement à la charge de la société.

Dans le cas présent, la cour a retenu que l’intervention de l’administrateur était bénéfique pour la société, justifiant ainsi que les frais soient supportés par celle-ci.

Cela souligne le principe selon lequel les décisions prises dans l’intérêt de la société doivent être financées par celle-ci, même si elles résultent de conflits entre associés.

Ainsi, la société a été déboutée de sa demande de remboursement des frais engagés pour l’administrateur provisoire.

Question 4 : Quelles sont les conditions pour qu’un débiteur puisse agir contre un créancier en réparation ?

Selon l’article L. 111-10 du Code des procédures civiles d’exécution, seul un débiteur condamné à exécuter une obligation peut agir contre son créancier pour obtenir réparation du préjudice résultant de l’exécution d’un titre ultérieurement modifié.

Dans cette affaire, la cour a jugé que la société Quick grill ne pouvait pas agir contre MM. [P] et [W] car l’ordonnance de référé ne constituait pas une obligation d’exécution à leur profit.

Cela signifie que la société ne remplissait pas les conditions nécessaires pour demander des dommages et intérêts, car elle n’était pas dans la position d’un débiteur ayant subi un préjudice en raison d’une exécution forcée.

Ainsi, la cour a violé les textes en déboutant la société de sa demande.

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 mars 2025

Cassation partielle

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 214 F-B

Pourvoi n° X 22-18.209

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 MARS 2025

La société Quick grill, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 22-18.209 contre l’arrêt rendu le 5 mai 2022 par la cour d’appel de Rouen (chambre civile et commerciale), dans le litige l’opposant :

1°/ à M. [D] [W], domicilié [Adresse 3],

2°/ à M. [O] [P], domicilié [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Quick grill, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [W] et M. [P], et l’avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l’audience publique du 22 janvier 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Rouen, 5 mai 2022) et les productions, la société Quick grill (la société) a été créée par MM. [P], [W], [V] [G] et [Z] [G], chacun détenant 25 % des parts.

2. Par une ordonnance du 9 avril 2018, un juge des référés a, sur la saisine de MM. [W] et [P], ordonné la révocation de M. [Z] [G] dans ses fonctions de co-gérant, ordonné la suspension de M. [V] [G] dans ses fonctions de gérant, nommé un administrateur provisoire qui, pour la gestion au quotidien, pourra se faire aider par M. [P], ordonné que, dans le délai d’un mois, l’administrateur convoque une assemblée générale extraordinaire afin de nommer un nouveau gérant et fixer sa rémunération et que, suite aux décisions prises lors de cette assemblée, il fasse le nécessaire auprès du registre du commerce et des sociétés pour modifier les mentions afférentes.

3. L’administrateur provisoire a convoqué les parties à une assemblée générale qui s’est tenue le 30 mai 2018. L’ordonnance a été signifiée le 20 juillet 2018 et MM. [G] en ont interjeté appel le 2 août 2018.

4. Par un arrêt du 20 juin 2019, une cour d’appel a infirmé l’ordonnance et dit n’y avoir lieu à référé.

5. Par une ordonnance du 13 mai 2020, les frais de l’administrateur provisoire ont été taxés à une certaine somme et mis à la charge de la société.

6. Par acte des 5 et 10 août 2020, la société a assigné MM. [P] et [W] devant un tribunal de commerce à fin d’obtenir leur condamnation à lui payer diverses sommes au titre des frais et honoraires de l’administrateur provisoire et de dommages et intérêts.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen

7. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen relevé d’office

8. Après avis donné aux parties, conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l’article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles L. 111-1 et L. 111-10 du code des procédures civiles d’exécution :

9. Selon le premier de ces textes, tout créancier peut, dans les conditions prévues par la loi, contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son égard.

10. Selon le second, l’exécution forcée peut être poursuivie jusqu’à son terme en vertu d’un titre exécutoire à titre provisoire. L’exécution est poursuivie aux risques du créancier. Celui-ci rétablit le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent si le titre est ultérieurement modifié.

11. Il résulte de la combinaison de ces textes que seul un débiteur condamné à exécuter une obligation, exécutoire à titre provisoire, au profit d’un créancier peut agir contre ce dernier, sur le fondement de l’article L. 111-10 du code des procédures civiles d’exécution, en réparation du préjudice résultant de l’exécution du titre ultérieurement modifié.

12. Pour débouter la société de sa demande en paiement de la somme de 9 147,73 euros, l’arrêt retient, d’une part, que l’ordonnance a été exécutée spontanément avant toute signification, d’autre part, que l’intervention de l’administrateur provisoire ayant été profitable pour la société qui est une personne distincte de ses associés et dirigeants, il est légitime que le coût induit par cette intervention soit supporté par elle.

13. En statuant ainsi, alors que l’ordonnance de référé ayant désigné un administrateur provisoire ne pouvait être regardée comme ayant condamné la société à exécuter une obligation au profit de MM. [W] et [P], les demandes indemnitaires que la société avait formées à leur encontre, au titre des frais et honoraires de l’administrateur provisoire et des dommages et intérêts, n’entraient pas dans les prévisions de l’article L. 111-10 du code des procédures civiles d’exécution, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il confirme le jugement du 13 septembre 2021 en ce qu’il a débouté la société Quick grill de sa demande au titre de dommages et intérêts en raison des préjudices d’image et commerciaux nés de l’administration provisoire et en ce qu’il a débouté la société Quick grill de sa demande au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, l’arrêt rendu le 5 mai 2022, entre les parties, par la cour d’appel de Rouen ;

Remet, sauf sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Rennes ;

Condamne M. [P] et M. [W] aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [P] et M. [W] et les condamne in solidum à payer à la société Quick grill la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six mars deux mille vingt-cinq.


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