Licenciement et Harcèlement Moral : Enjeux de la Protection des Salariés

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Licenciement et Harcèlement Moral : Enjeux de la Protection des Salariés

L’Essentiel : Madame [P] [W] a été engagée par l’association APF FRANCE HANDICAP en tant que comptable au SESSAD d'[Localité 5] depuis le 2 juin 2003. Après un arrêt de travail débuté le 1er avril 2019, elle a été déclarée inapte par le médecin du travail en octobre 2019. Suite à un entretien préalable, son licenciement pour inaptitude a été notifié le 15 avril 2020. Madame [W] a contesté ce licenciement, invoquant un harcèlement moral. Le tribunal a finalement déclaré le licenciement nul, ordonnant à l’association de verser plusieurs indemnités, y compris pour préjudice moral.

Engagement et évolution de la relation de travail

Madame [P] [W] a été engagée par l’association APF FRANCE HANDICAP en tant que comptable au SESSAD d'[Localité 5] à partir du 2 juin 2003, initialement à temps partiel. Son contrat a été modifié en mai 2006 pour passer à un temps complet de 35 heures par semaine. Elle a été élue membre titulaire du comité d’entreprise en octobre 2017, mandat qui a pris fin en janvier 2020.

Arrêt de travail et résiliation judiciaire

À partir du 1er avril 2019, Madame [W] a été arrêtée par son médecin. Elle a saisi le conseil de prud’hommes le 3 septembre 2019 pour demander la résiliation judiciaire de son contrat et des indemnités. Après un arrêt de travail, elle a été déclarée inapte par le médecin du travail le 17 octobre 2019, indiquant qu’aucun reclassement n’était possible.

Procédure de licenciement

Un entretien préalable au licenciement a eu lieu le 25 novembre 2019, suivi d’une consultation du comité social et économique en janvier 2020, qui a donné un avis favorable au licenciement. L’association a demandé l’autorisation de licencier pour inaptitude, accordée le 23 mars 2020, et le licenciement a été notifié le 15 avril 2020.

Appel et demandes de Madame [W]

Madame [W] a interjeté appel du jugement du conseil de prud’hommes, demandant la nullité de son licenciement pour harcèlement moral et, subsidiairement, qu’il soit déclaré sans cause réelle et sérieuse. Elle a également sollicité diverses indemnités.

Arguments de l’association APF FRANCE HANDICAP

L’association a demandé la confirmation du jugement initial, tout en contestant les demandes de Madame [W]. Elle a soutenu que les heures supplémentaires revendiquées n’étaient pas contractualisées et a contesté les allégations de harcèlement moral.

Éléments de preuve et constatations

Le tribunal a examiné les éléments fournis par Madame [W], y compris des attestations de collègues et des échanges avec la direction, qui laissaient supposer l’existence d’un harcèlement moral. L’association a contesté ces éléments, mais le tribunal a noté que la salariée avait subi une dégradation de ses conditions de travail et que l’employeur n’avait pas pris de mesures correctives.

Décision du tribunal

Le tribunal a déclaré le licenciement nul en raison du harcèlement moral subi par Madame [W]. Il a ordonné à l’association de verser plusieurs indemnités, y compris pour le préavis, le licenciement nul, et des dommages et intérêts pour préjudice moral. L’association a également été condamnée à rembourser les indemnités de chômage dans la limite de six mois.

Conclusion et conséquences financières

Le jugement a été infirmé sur plusieurs points, et l’association a été condamnée à verser des sommes spécifiques à Madame [W], ainsi qu’à remettre des documents conformes. Les condamnations ont été assorties d’intérêts au taux légal, et l’association a été déboutée de sa demande au titre des frais de procédure.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le cadre juridique du désistement d’appel selon le Code de procédure civile ?

Le désistement d’appel est régi par les articles 384 à 403 du Code de procédure civile.

L’article 384 précise que « l’appelant peut se désister de son appel ». Ce désistement doit être pur et simple, sans réserve, ce qui signifie qu’il ne doit pas être conditionné à un accord ou à une contrepartie.

L’article 385 stipule que « le désistement d’appel est notifié à l’autre partie ». Dans le cas présent, la société IENA a notifié son désistement à Madame [F], ce qui est conforme à la procédure.

Les articles 400 à 403 traitent des conséquences du désistement. L’article 400 indique que « le désistement d’appel entraîne l’extinction de l’instance ». Cela signifie que l’affaire est considérée comme n’ayant jamais été portée devant la cour.

Enfin, l’article 405 précise que « le désistement d’appel ne peut être opposé à la partie adverse que si elle y a consenti ». Dans cette affaire, Madame [F] a accepté le désistement, ce qui valide la procédure.

Quelles sont les conséquences du désistement d’appel sur l’instance ?

Les conséquences du désistement d’appel sont clairement établies dans le Code de procédure civile.

L’article 400, comme mentionné précédemment, stipule que « le désistement d’appel entraîne l’extinction de l’instance ». Cela signifie que la cour ne peut plus statuer sur l’affaire, et celle-ci est considérée comme close.

De plus, l’article 401 précise que « lorsque l’appel est désisté, la cour doit constater l’extinction de l’instance ». Dans le cas présent, la cour a bien constaté cette extinction, ce qui est conforme à la législation.

L’article 402 indique que « les dépens restent à la charge de la partie qui a succombé ». Dans cette affaire, il a été décidé que, sauf meilleur accord des parties, les dépens resteront à la charge de la société IENA, ce qui est une application directe de cet article.

Enfin, l’article 403 précise que « le désistement d’appel ne peut être opposé à la partie adverse que si elle y a consenti ». Ici, l’acceptation du désistement par Madame [F] a permis de valider cette procédure.

Comment se déroule la procédure de désistement d’appel ?

La procédure de désistement d’appel est encadrée par plusieurs articles du Code de procédure civile, notamment les articles 384 à 403.

L’article 384 permet à l’appelant de se désister de son appel, ce qui doit être fait par écrit et notifié à l’autre partie.

L’article 385 exige que ce désistement soit notifié à l’autre partie, ce qui a été respecté dans cette affaire par la société IENA.

Ensuite, l’article 400 stipule que « le désistement d’appel entraîne l’extinction de l’instance ». Cela signifie que la cour doit constater cette extinction, ce qui a été fait dans le jugement.

L’article 401 précise que la cour doit constater l’extinction de l’instance, ce qui a également été respecté dans cette décision.

Enfin, l’article 403 indique que le désistement ne peut être opposé à la partie adverse que si elle y a consenti. Dans ce cas, Madame [F] a accepté le désistement, ce qui a permis de clore l’affaire de manière légale et conforme aux dispositions du Code.

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRET DU 08 JANVIER 2025

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/03105 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFKMZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Janvier 2022 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de LONGJUMEAU – RG n° 19/00523

APPELANTE

Madame [P] [W]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Sandra MORENO-FRAZAK, avocat au barreau d’ESSONNE

INTIMEE

Association APF FRANCE HANDICAP

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Stéphane PICARD, avocat au barreau de PARIS, toque : D1367

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Octobre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nelly CHRETIENNOT, conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre

Monsieur Fabrice MORILLO, conseiller

Madame Nelly CHRETIENNOT, conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Marika WOHLSCHIES

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre et par Madame Marika WOHLSCHIES, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [P] [W] a été engagée par l’association APF FRANCE HANDICAP en qualité de comptable, au sein du SESSAD (service d’éducation spécial et de soins à domicile) d'[Localité 5], selon contrat à durée indéterminée à temps partiel (5 heures/semaine soit 21,66 heures/mois), à compter du 2 juin 2003.

Par avenant à son contrat à effet au 1er mai 2006, la durée de travail de Madame [W] a évolué vers un temps complet, soit 35 heures par semaine.

La convention collective applicable à la relation contractuelle est celle des établissements privés d’hospitalisation, de soins de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951.

La salariée a été élue membre titulaire du comité d’entreprise à compter du 2 octobre 2017, et son mandat a pris fin au mois de janvier 2020.

A compter du 1er avril 2019, Madame [W] a été arrêtée par son médecin traitant.

Elle a saisi le 3 septembre 2019 le conseil de prud’hommes de Longjumeau aux fins d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et la condamnation d’APF FRANCE HANDICAP à diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture de ce contrat.

Au terme de son dernier arrêt de travail fixé au 13 octobre 2019, une visite de reprise a été organisée le 17 octobre 2019, au terme de laquelle le médecin du travail a déclaré Madame [W] inapte en mentionnant que l’état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Les délégués du personnel convoqués par l’employeur constataient lors d’une réunion du 24 octobre 2019 qu’aucun reclassement n’étaient possible et qu’ils avaient été régulièrement informés et consultés.

La salariée était ensuite convoquée le 12 novembre 2019 à un entretien préalable qui se tenait le 25

novembre 2019.

Le comité social et économique était consulté le 23 janvier 2020 sur le projet de licenciement de Madame [W] et rendait un avis favorable.

Par courrier du 2 mars 2020, l’association APF FRANCE HANDICAP adressait à l’Inspecteur du travail une demande d’autorisation du licenciement pour inaptitude, laquelle était accordée le 23 mars 2020.

Le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement était notifié par courrier du 15 avril 2020.

Par conclusions communiquées le 1er juillet 2020, Madame [W] modifiait ses demandes devant le conseil de prud’hommes et sollicitait le prononcé de la nullité du licenciement à raison du harcèlement moral subi à titre principal, et subsidiairement, que celui-ci jugé dépourvue de cause réelle et sérieuse, l’inaptitude trouvant sa cause dans le manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur.

Par jugement en date du 28 janvier 2022, notifié le 3 février 2022, le conseil de prud’hommes de Longjumeau, statuant en formation de départage, a :

-débouté Madame [W] de l’ensemble de ses demandes ;

-condamné Madame [W] aux dépens ;

-débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Madame [W] a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration du 23 février 2022, en visant expressément les dispositions critiquées.

Par écritures récapitulatives notifiées électroniquement le 18 mars 2024, Madame [W] demande à la cour de :

-Infirmer le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté l’association de sa demande au titre des frais de procédure,

Statuant de nouveau,

A titre principal,

-Dire le licenciement nul pour harcèlement moral,

-Condamner l’association APF au paiement de la somme 70.290€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

A titre subsidiaire,

-Dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-Condamner l’association APF au paiement de la somme de 70.290€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause,

-Condamner l’association APF au paiement des sommes suivantes :

– indemnité compensatrice de préavis : 15.619,88€

– congés payés afférents : 1.561,99€

– indemnité licenciement : 2.594,41 €

– dommages intérêts pour harcèlement moral et manquement à l’obligation de sécurité et de prévention : 23.000€

– rappel de salaires sur heures supplémentaires : 4.268,38€

– congés payés afférents : 426,89€

– article 700 du code de procédure civile : 2.500€

-Assortir l’ensemble des condamnations pécuniaires des intérêts au taux légal,

-Ordonner la remise d’une attestation Pôle emploi et d’un bulletin de paie conformes au jugement à intervenir sous astreinte de 50€ par jour de retard,

-Condamner l’association APF aux entiers dépens.

Par écritures récapitulatives notifiées électroniquement le 20 juillet 2022, l’association APF – FRANCE HANDICAP demande à la cour de :

-Confirmer le jugement déféré sauf en ce qu’il l’a déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant de nouveau,

-A titre subsidiaire, si la cour considérait que le licenciement était nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse, limiter l’indemnité pour licenciement nul à six mois de salaire, ou l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au minimum prévu par l’article L. 1235-3 du code du travail,

– Débouter Madame [W] du surplus de ses demandes,

– Débouter Madame [W] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés en première instance comme en cause d’appel,

– Condamner Madame [W] à lui verser la somme de 3.500 € au titre des frais engagés en première instance et 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés en appel,

– Condamner Madame [W] aux dépens d’appel.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 18 septembre 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.

MOTIFS

Sur les heures supplémentaires

Aux termes de l’article L.3243-3 du code du travail, l’acceptation sans protestation ni réserve d’un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en application de la loi, du règlement, d’une convention ou d’un accord collectif de travail ou d’un contrat.

Aux termes de l’article L.3171-4 du même code, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il appartient donc au salarié de présenter, au préalable, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies, afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement, en produisant ses propres éléments.

Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.

En l’espèce, Madame [W] fait valoir qu’il était convenu que 20 heures supplémentaires par mois avaient été contractualisées en 2013, à la suite du départ en retraite de la comptable du site d'[Localité 6], afin qu’elle puisse réaliser un travail de comptabilité sur ce site en plus de ses fonctions habituelles sur le site d'[Localité 5]. Elle ajoute que par la suite, à compter du 1er janvier 2018, c’était 10 heures supplémentaires qui étaient contractualisées. Elle expose que malgré cette contractualisation, l’ensemble des heures supplémentaires dues ne lui ont pas été réglées, notamment pendant ses congés, et elle sollicite un rappel de salaire au titre de 79 heures supplémentaires qui ne lui auraient pas été réglées entre novembre 2016 et août 2018, correspondant à la somme de 4.268,38 € outre 426,89 € de congés payés afférents.

L’association conteste quant à elle la contractualisation des heures supplémentaires revendiquée par la salariée.

La cour relève qu’il ressort des pièces versées aux débats qu’il n’est pas établi qu’il ait été contractualisé entre les parties que Madame [W] effectuerait 20 heures supplémentaires par mois suite au départ à la retraite de sa collègue du site d'[Localité 6]. En effet, le projet d’avenant qui avait été rédigé en ce sens en septembre 2013 n’a été signé par aucune des deux parties, et les échanges de mails ne permettent pas non plus de retenir qu’il existait un accord des parties sur ce point. Par ailleurs, les bulletins de paie pour la période entre 2013 et décembre 2017 font apparaître des heures supplémentaires en nombre variable, ce qui ne permet pas de considérer qu’il existait une pratique constante des parties en la matière.

Il ressort en revanche des échanges entre les parties et notamment de leurs courriers des 23 septembre 2017 et 22 janvier 2018 que celles-ci avaient trouvé un accord pour la mise en place de 10 heures supplémentaires par mois, qui a été appliqué au vu des bulletins de paie produits, à l’exception du mois d’août 2018 pour lequel seules 5 heures supplémentaires ont été payées.

Il sera donc retenu que ces 10 heures supplémentaires ont été contractualisées à compter du 1er janvier 2018 et que les 5 heures supplémentaires non réglées à la salariée pour le mois d’août 2018 doivent lui être payées, soit la somme de 145,62 € outre 14,56 € de congés payés afférents.

Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a débouté la salariée de la totalité de sa demande au titre des heures supplémentaires, et statuant de nouveau, de condamner l’association APF FRANCE HANDICAP à lui verser 145,62 € de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires, outre 14,56 € de congés payés afférents.

Sur le licenciement

-Sur la demande de nullité du licenciement

Le juge peut prononcer la nullité du licenciement pour inaptitude d’un salarié protégé lorsque cette inaptitude trouve sa cause dans le harcèlement moral qu’il a subi.

Aux termes de l’article L.4121-1 du code du travail, l’employeur a l’obligation de protéger la santé physique et mentale de ses salariés.

Aux termes de l’article L.1152-4 du même code, l’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Aux termes de l’article L.1152-1 du même code, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Conformément aux dispositions de l’article L.1154-1 du même code, il appartient au salarié d’établir des faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il juge utiles.

En l’espèce, Madame [W] fait valoir qu’elle a été victime de harcèlement moral ayant abouti à la dégradation de son état de santé, car :

-elle a dû assumer une lourde charge de travail à compter de 2013, date du départ à la retraite de la collègue comptable qui était affectée au site d'[Localité 6], car elle a dû assumer en plus de ses fonctions sur le site d'[Localité 5] la charge comptable du site d'[Localité 6] ;

-elle a dû faire face sans soutien à une détérioration de ses conditions de travail après la mise en place d’un nouveau logiciel comptable ;

-elle a subi de nombreuses pressions de sa direction relativement à son travail, et un management critique et agressif ;

-malgré les alertes réalisées, aucune action n’a été mise en place par la direction pour remédier à la situation ;

-l’ensemble de ces éléments lui ont causé un stress très important durant plusieurs mois voire années, ce qui a détérioré son état de santé, et l’a conduite à être placée en arrêt de travail à compter du 1er avril 2019 puis déclarée inapte le 17 octobre 2019.

Au soutien de ses dires, la salariée produit des attestations d’anciennes collègues, des échanges de mails et courriers avec la direction, et des communication syndicales.

L’ensemble de ces éléments laissent supposer l’existence d’un harcèlement.

En réponse, l’association conteste tout fait de harcèlement et fait valoir les éléments suivants :

-Sur la durée de travail de la salariée : s’il est établi que le départ à la retraite de la comptable du site d'[Localité 6] en 2013 a entraîné une charge de travail supplémentaire pour Madame [W], il ressort des échanges de mails produits que cette surcharge avait été consentie par la salariée qui avait accepté de faire des heures supplémentaires à ce titre, qui ont varié entre 11 et 20 heures par mois de 2013 à décembre 2017, puis qui ont, conformément à sa demande, été diminuées à 10 heures supplémentaires par mois à compter du 1er janvier 2018. Par ailleurs, Madame [W] n’apporte pas d’éléments précis relatif à la réalisation d’heures supplémentaires impayées autre que celle contractualisées entre les parties à compter du 1er janvier 2018, soit 5 heures, ainsi que jugé plus haut.

Il ressort de ces éléments que la durée de travail de Madame [W] ne peut constituer un élément de harcèlement moral à son encontre.

-Sur la détérioration des conditions de travail liées à la mise en place d’un nouveau logiciel comptable : l’association fait valoir que la salariée a été accompagnée lors de la mise en place de ce logiciel, par 21 heures de formation réalisées en novembre 2016 et janvier 2017 et la mise à disposition d’une  » hotline  » à laquelle elle pouvait avoir recours. Toutefois, il ressort des communications syndicales, qui concernent certes un autre site que celui sur lequel travaillait la salariée, que, de façon générale, la mise en place de ce logiciel a entraîné de nombreuses difficultés pour les personnels y ayant recours. Une enquête de satisfaction relative à la mise en place au nouveau logiciel réalisée en 2018 met également en évidence les difficultés rencontrées par l’ensemble des salariés, et les attestations produites par la salariée de Mesdames [B] et [M] font état des difficultés rencontrées spécifiquement par Madame [W] dans l’utilisation de ce logiciel, qui donnait lieu à des difficultés récurrentes et appels fréquents et chronophages de la hotline, générant chez elle un stress important. Au regard de l’ensemble des difficultés associées à la mise en place de ce logiciel, la formation réalisée était manifestement insuffisante et les problèmes récurrents rencontrés par la salariée n’ont pas été pris en considération, ce qui peut constituer un élément de harcèlement moral dans la mesure où le stress généré était important et a duré de nombreux mois.

-Sur les pressions subies de la direction : Madame [W] produit des attestations de Mesdames [B], [M], [Z], [F], [K] et [C] qui témoignent d’un management pressant et critique de la part de certains membres de la direction, et font état d’occasions au cours desquelles Madame [W] a été malmenée, étant accusée notamment de porter préjudice à l’association de par son travail. Ces personnes font également état de la souffrance au travail exprimée par la salariée.

L’employeur répond que Mesdames [F] et [Z] ont quitté l’association en 2013 et 2014, ce qui rend leur témoignage sans pertinence dans l’affaire de Madame [W] qui se plaint de faits précédents ses arrêts de travail à compter d’avril 2019. Au regard de leur date de départ de l’association, il est exact que leurs attestations ne sont pas pertinentes pour prouver l’existence d’un harcèlement. En revanche, les quatre autres attestations sont pertinentes, peu important que les salariés attestants ne travaillaient pas tous dans le même service que Madame [W].

La salariée évoque également un audit réalisé en 2015 sur la question du management qui était problématique, et dont les conclusions ne sont pas produites par l’employeur, alors que les délégués du personnel en avaient demandé la communication sans l’obtenir à l’époque. L’employeur indique que cet audit a été communiqué et que des mesures ont été prises, mais l’audit n’est pas produit aux débats, et il n’est pas explicité que les problèmes soulevés à l’époque avaient été résolus depuis.

L’existence d’un management problématique et générateur de souffrance au travail pour Madame [W] est donc établie.

-Sur les alertes réalisées : La salariée a alerté son employeur de la situation par courrier du 29 avril 2019, et le CHSCT par courriel du 10 mai 2019. Les salariés de son lieu de travail, le SESSAD d'[Localité 5], ont également dénoncé la situation par courrier du 8 octobre 2019. L’employeur n’a toutefois mis en place aucune enquête pour évaluer les difficultés dénoncées, ou action pour y remédier.

L’association réplique que les alertes auraient été réalisées après que la salariée a été placée en arrêt de travail le 1er avril 2019, et qu’elle ne pouvait donc plus agir. Cela est inexact, car tant que la salariée n’était pas déclarée inapte sans possibilité de reclassement, des mesures correctives auraient pu être prises.

L’association avance également que la salariée n’a dénoncé la situation qu’elle prétendait subir qu’à compter du moment où elle a commis une faute professionnelle importante en mars 2019, qui a donné lieu à une sanction (observation disciplinaire le 4 juillet 2019). Toutefois, si la salariée a reconnu avoir commis des erreurs dans l’établissement des payes en mars 2019, cette seule erreur en plus de 16 ans d’ancienneté a pu être réparée sans préjudice pour les salariés concernés et l’association, et a donné lieu à une sanction mineure. Ces erreurs interviennent par ailleurs dans un contexte où la salariée explique, dès mars 2019, qu’elle est très éprouvée par ses conditions de travail et la mise en place du nouveau logiciel.

L’absence de prise en compte des diverses alertes réalisées alors que la souffrance au travail de Madame [W] était dénoncée participe de faits de harcèlement.

-Sur la détérioration de l’état de santé de la salariée : la salariée justifie de son placement en arrêt de travail à compter du 1er avril 2019 de façon continue jusqu’à l’avis d’inaptitude pour des faits de dépression. Il ressort des alertes réalisées par celle-ci et des attestations de ses collègues que la dégradation de son état de santé et son état dépressif présentent un lien avec des conditions de travail dégradées pendant plusieurs mois, et que l’employeur pourtant alerté n’a mis en place aucune mesure pour y remédier.

Il ressort de ces éléments que Madame [W] a subi des faits de harcèlement moral dans son travail, et que ce harcèlement a été à l’origine d’un état dépressif ayant lui-même conduit à son inaptitude.

Dès lors, le licenciement pour inaptitude de la salariée doit être déclaré nul.

Sur les conséquences du licenciement nul

-Sur l’indemnité de préavis

A la date de la rupture, Madame [W] avait 16 ans et 10 mois d’ancienneté.

Madame [W] sollicite 4 mois de salaire à titre d’indemnité de préavis en application de l’article 15.02.2.1 de la convention collective applicable. Toutefois, cette durée de préavis concerne les cadres et la salariée n’avait pas ce statut. Elle a donc droit à une indemnité de préavis de deux mois compte tenu de son ancienneté et de son statut, soit la somme de 7.809,94 € (2 x 3.904,97 €), outre 780,99 € de congés payés afférents.

-Sur l’indemnité de licenciement

L’article 15.02.03 de la convention collective nationale applicable renvoie aux conditions légales pour le calcul de l’indemnité de licenciement.

L’article R.1234-2 du code du travail prévoit que l’indemnité légale ne peut être inférieure à :

– 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté jusqu’à dix ans ;

– 1/3 de mois de salaire pour les années à partir de dix ans.

La salariée sollicite un reliquat d’indemnité de licenciement au motif d’une ancienneté de 18 ans et 7 mois.

Toutefois, ainsi que le relève l’employeur, la salariée a travaillé pour l’association entre le 2 juin 2003 et le 15 avril 2020 date de son licenciement, soit 16 ans et 10 mois, dont il convient de déduire les périodes durant lesquelles celle-ci a été en arrêts maladie non liés à un accident du travail ou une maladie professionnelle qui ne sont pas assimilées à un temps de travail effectif pour le calcul de l’indemnité de licenciement. L’ancienneté retenue est donc calculée entre le 2 juin 2003 et 31 mars 2019, soit 15 ans et 10 mois.

L’Association AFP a versé à Madame [W] la somme de 18.340,55 € sur cette base d’ancienneté, et il n’y a donc pas de reliquat dû.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande au titre de reliquat de l’indemnité légale de licenciement.

-Sur l’indemnité pour licenciement nul

Aux termes de l’article L.1235-3-1 du code du travail, l’article L.1235-3 n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une nullité pour harcèlement moral. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Madame [W] justifie de 16 ans et 10 mois d’ancienneté et l’association emploie habituellement plus de 10 salariés.

En dernier lieu, elle percevait un salaire mensuel brut de 3.904,97 €.

Au moment de la rupture, elle était âgée de 60 ans et elle justifie de sa situation de demandeur d’emploi jusqu’au 31 mars 2021.

Au vu de cette situation, et de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle il convient d’évaluer son préjudice à 47.000 €.

En conséquence, il convient d’infirmer le jugement en ce qu’il a débouté la salariée de ses demandes indemnitaires et statuant de nouveau, de condamner l’employeur à lui verser ces différentes indemnités.

Enfin, sur le fondement de l’article L.1235-4 du code du travail, il convient de condamner l’employeur à rembourser les indemnités de chômage dans la limite de six mois.

Sur la demande de dommages intérêts pour harcèlement moral et manquement à l’obligation de sécurité et de prévention

Le harcèlement moral de Madame [W] est établi. Il a été à l’origine d’une dégradation de son état de santé, qui l’a amenée à souffrir d’un syndrome dépressif pendant plusieurs mois.

En l’absence de mise en place par l’employeur d’un environnement de travail assurant la sécurité et la protection de la santé physique et mental de la salariée, l’employeur a manqué à son obligation de sécurité. En effet, il ne justifie pas avoir mis en place des mesures suite à l’audit réalisé en 2015 sur les problèmes de management rencontrés au sein de l’association, ni suite aux alertes réalisées par la salariée et ses collègues du SESSAD d'[Localité 5]. Ce manquement a contribué à maintenir des conditions de travail dégradées ce qui a influé sur son état de santé et l’a conduite à souffrir d’un syndrome dépressif pendant plusieurs mois.

Le préjudice de la salariée justifie l’attribution de dommages et intérêts à hauteur de 3.000 €.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande à ce titre, et statuant de nouveau, l’employeur sera condamné à lui verser cette somme.

Sur la remise des documents

Il convient d’ordonner la remise d’un bulletin de salaire rectificatif, ainsi que d’un certificat de travail et d’une attestation destinée à Pôle emploi, devenu France travail, conformes aux dispositions du présent arrêt, sans que le prononcé d’une astreinte apparaisse nécessaire.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Il y a lieu d’infirmer la décision du conseil de prud’hommes sur ces points, et statuant de nouveau, de condamner l’association aux dépens tant de la première instance que de l’appel, ainsi qu’à verser à Madame [W] la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’association APF France HANDICAP sera déboutée de sa demande au titre des frais de procédure.

Sur les intérêts

Il convient de dire, conformément aux dispositions de l’article 1231-7 code civil, que les condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, que les autres condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2020, date de convocation devant le bureau de jugement, conformément aux dispositions de l’article 1231-6 du même code.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a débouté la salariée de ses demandes au titre :

-des heures supplémentaires,

-du licenciement nul,

-de l’indemnité de préavis et des congés afférents,

-d’indemnité pour licenciement nul,

– de dommages et intérêts pour préjudice au titre du harcèlement moral et du manquement à l’obligation de sécurité,

-de la remise des documents,

-de l’article 700 du code de procédure civile,

-des intérêts au taux légal,

Statuant de nouveau,

Dit nul le licenciement de Madame [W] à raison du harcèlement moral subi,

Condamne l’association APF France HANDICAP à verser à Madame [W] les sommes suivantes :

-145,62 € de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires, outre 14,56 € de congés payés afférents,

-7.809,94 € au titre de l’indemnité de préavis et 780,99 € de congés afférents,

-47.000 € d’indemnité pour licenciement nul,

-3.000 € de dommages et intérêts pour préjudice au titre du harcèlement moral et du manquement à l’obligation de sécurité,

-2.500 € de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne l’association APF France HANDICAP à rembourser les indemnités de chômage dans la limite de six mois,

Ordonne la remise d’un bulletin de salaire rectificatif, ainsi que d’un certificat de travail et d’une attestation destinée à Pôle emploi, devenu France travail, conformes aux dispositions du présent arrêt, sans que le prononcé d’une astreinte apparaisse nécessaire,

Déboute l’association APF France HANDICAP de sa demande au titre des frais de procédure,

Condamne l’association APF France HANDICAP aux dépens de la première instance et de l’appel,

Dit que les condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, que les autres condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2020.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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