Fixation du loyer commercial : enjeux de la valeur locative et des surfaces en débat

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Fixation du loyer commercial : enjeux de la valeur locative et des surfaces en débat

L’Essentiel : Le 18 mai 2009, la SCI [R] a signé un bail commercial avec la société BZB pour un local à Angers, d’une durée de neuf ans et d’un loyer annuel de 65 000 euros. En juin 2021, la SCI a donné congé à BZB, proposant un renouvellement à 89 600 euros. Face à l’absence d’accord, la SCI a saisi le tribunal en avril 2023 pour fixer ce loyer. BZB a réclamé un loyer de 61 000 euros, arguant d’une valeur locative inférieure. Le tribunal a ordonné une expertise pour évaluer la situation, en précisant les missions de l’expert.

Contexte du Bail Commercial

Par acte authentique en date du 18 mai 2009, la SCI [R] a conclu un bail commercial avec la société BZB pour un local situé à Angers. Ce bail, d’une durée initiale de neuf ans, a été établi avec un loyer annuel de 65 000 euros HT et HC, avec une indexation annuelle. À l’issue de cette période, le bail s’est prolongé tacitement.

Congé et Offre de Renouvellement

Le 21 juin 2021, la SCI [R] a donné congé à la société BZB, avec une offre de renouvellement du bail à un loyer annuel de 89 600 euros HT, à compter du 1er janvier 2022. Les parties n’ont pas réussi à s’accorder sur les termes de ce renouvellement.

Demande de Fixation du Loyer

Le 7 avril 2023, la SCI [R] a demandé au tribunal de fixer le loyer du bail renouvelé à 89 600 euros HT et HC, tout en sollicitant la désignation d’un expert judiciaire pour évaluer la valeur locative des locaux. Le 26 septembre 2023, la SCI a assigné la société BZB devant le tribunal judiciaire d’Angers pour obtenir cette fixation.

Réponses de la Société BZB

Dans son dernier mémoire, la société BZB a demandé que le loyer soit fixé à 61 000 euros HT et HC, arguant que la valeur locative était inférieure au loyer proposé par la SCI. Elle a également demandé le remboursement des loyers trop perçus depuis le 1er janvier 2022.

Arguments des Parties

La SCI [R] a soutenu que le déplafonnement du loyer était justifié par la durée prolongée du bail, tandis que la société BZB a contesté la surface des locaux et a mis en avant le déclin commercial de la zone. Les deux parties ont présenté des comparaisons de loyers dans le voisinage, mais leurs évaluations divergeaient.

Décision du Tribunal

Le tribunal a constaté qu’il manquait des éléments factuels suffisants pour fixer la valeur locative des locaux. Il a donc ordonné une expertise pour évaluer la situation, en précisant les missions de l’expert, notamment la visite des lieux et l’analyse des caractéristiques des locaux.

Modalités de l’Expertise

L’expert désigné devra examiner les locaux, évaluer leur surface, et déterminer si des améliorations ont été apportées durant le bail. Il devra également analyser les facteurs locaux de commercialité et fournir un rapport détaillé sur la valeur locative.

Conséquences Financières

La SCI [R] devra avancer les frais de l’expertise, et le loyer pendant l’instance sera maintenu au montant du dernier loyer en cours. Le tribunal a réservé les dépens et a ordonné l’exécution provisoire de la décision.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la durée maximale d’un bail commercial avant déplafonnement du loyer ?

La durée maximale d’un bail commercial avant déplafonnement du loyer est de douze ans, conformément à l’article L. 145-34 du Code de commerce.

Cet article stipule que :

> « Le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d’effet du bail à renouveler, si sa durée n’est pas supérieure à neuf ans, est plafonné, à moins d’une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 145-33 du même code. »

Ainsi, lorsque la durée du bail excède douze ans par l’effet d’une tacite prolongation, le juge peut fixer le loyer du bail renouvelé exclusivement en fonction de la valeur locative, sans avoir à tenir compte du prix plafond.

En l’espèce, le bail consenti le 18 mai 2009 a été tacitement prolongé, dépassant ainsi la durée de douze ans, ce qui permet le déplafonnement du loyer.

Comment est déterminée la valeur locative d’un bail commercial ?

La valeur locative d’un bail commercial est déterminée selon les critères énoncés à l’article L. 145-33 du Code de commerce. Cet article précise que :

> « Le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. A défaut d’accord, cette valeur est déterminée d’après :
> 1° Les caractéristiques du local considéré ;
> 2° La destination des lieux ;
> 3° Les obligations respectives des parties ;
> 4° Les facteurs locaux de commercialité ;
> 5° Les prix couramment pratiqués dans le voisinage. »

Ces éléments doivent être appréciés dans les conditions fixées aux articles R. 145-2 à R. 145-11 du même code.

Dans le cas présent, la bailleresse et la locataire s’opposent sur la surface à retenir et sur les prix pratiqués dans le voisinage, ce qui rend nécessaire une expertise pour évaluer la valeur locative.

Quelles sont les conséquences d’une demande d’expertise sur la fixation du loyer ?

La demande d’expertise a pour conséquence de surseoir à statuer sur les demandes des parties concernant la fixation du loyer.

En effet, le juge a ordonné une expertise pour déterminer la valeur locative des locaux, ce qui implique que :

> « Il convient d’ordonner, avant dire droit, une mesure d’expertise dont les termes seront précisés au dispositif de la présente décision. »

Cela signifie que tant que l’expertise n’est pas réalisée et que le rapport n’est pas déposé, le juge ne peut pas fixer le loyer.

En attendant, le loyer sera maintenu au montant du dernier loyer en cours, conformément à l’article L. 145-57 du Code de commerce, qui stipule que :

> « Le loyer sera fixé, durant l’instance, au montant du dernier loyer en cours dû en vertu du bail échu. »

Ainsi, les parties doivent attendre le rapport d’expertise pour que le juge puisse statuer sur la fixation définitive du loyer.

Quelles sont les obligations de l’expert dans le cadre de l’expertise ?

L’expert désigné a plusieurs obligations dans le cadre de sa mission, qui sont clairement définies dans le jugement.

Il doit notamment :

1. **Entendre les parties** et tout sachant, se faire remettre tous documents utiles et procéder à toutes investigations nécessaires, en respectant le principe du contradictoire.

2. **Visiter les lieux** pour décrire leur situation et leurs caractéristiques propres, évaluer la surface pondérée et distinguer les superficies selon leur affectation.

3. **Rechercher des modifications notables** des facteurs locaux de commercialité et des améliorations apportées aux locaux durant le bail.

4. **Donner son avis sur la valeur locative** des locaux, en tenant compte des caractéristiques, de la destination, des obligations des parties, des facteurs locaux de commercialité et des prix pratiqués dans le voisinage.

5. **Fournir toutes indications utiles** à la détermination de la valeur locative et répondre aux dires des parties.

Ces obligations visent à garantir une évaluation objective et complète de la valeur locative, permettant ainsi au juge de prendre une décision éclairée sur la fixation du loyer.

LE 19 NOVEMBRE 2024

TRIBUNAL JUDICIAIRE D’ ANGERS
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dossier N° RG 23/00004 – N° Portalis DBY2-W-B7H-HKIR

JUGEMENT DE LOYER COMMERCIAL
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Audience des Loyers Commerciaux du Tribunal Judiciaire d’ANGERS tenue le DIX NEUF NOVEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE, par Benoît GIRAUD, Président du Tribunal Judiciaire d’ANGERS, faisant fonction de Juge des Loyers, assisté de Valérie PELLEREAU, Greffière, avons rendu la décision dont la teneur suit :

ENTRE :

DEMANDERESSE :

S.C.I. [R] agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au dit siège
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentant : Maître Jean BROUIN de la SCP AVOCATS DEFENSE ET CONSEIL, avocats au barreau d’ANGERS

DÉFENDERESSE :

S.A.S. BZB prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au dit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Maître Christophe BUFFET de la SCP ACR AVOCATS, avocat postulant au barreau d’ANGERS et maître Aymeric ANTONIUTTI de AARPI ANTONIUTTI -BAUR avocat plaidant au barreau de LILLE

* * *
*

Les parties ayant été entendues à l’audience du 17 Septembre 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 19 Novembre 2024.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique en date du 18 mai 2009, la SCI [R] a donné à bail à la société BZB un local commercial situé [Adresse 4] à Angers (49100).

Ce bail a été consenti pour une durée de neuf années entières et consécutives commençant à courir le 18 mai 2009 pour se terminer le 17 mai 2018, moyennant un loyer annuel de 65000 euros hors taxes (HT) et hors charges (HC), avec indexation annuelle sur la base de l’Indice du coût de la construction.

Le bail s’est ensuite prolongé tacitement.

Par acte extra-judiciaire en date du 21 juin 2021, la SCI [R] a donné congé à la société BZB pour le 31 décembre 2021 avec offre de renouvellement du bail moyennant un loyer fixé à la valeur locative, soit la somme annuelle de 89 600 euros HT à compter du 1er janvier 2022.

Les parties ne sont pas parvenues à un accord amiable.

Suivant mémoire préalable du 7 avril 2023, la SCI [R] a sollicité la fixation du loyer du bail renouvelé à compter du 1er janvier 2022 à la somme annuelle de 89 600 euros HT et HC et, au besoin, avant dire droit, la désignation d’un expert judiciaire avec pour mission de donner son avis sur la valeur locative des locaux considérés.

Par acte de commissaire de justice en date du 26 septembre 2023, la SCI [R] a fait assigner la SAS BZB devant le tribunal judiciaire d’Angers aux fins de voir le juge des loyers commerciaux :
Au besoin, avant dire droit,
– désigner un expert avec pour mission :
*en présence des parties et de leurs conseils, de se rendre sur place, de décrire l’immeuble situé [Adresse 4] à [Localité 5] ;
* de donner son avis sur la valeur locative des locaux considérés au regard de leurs caractéristiques, de la destination des lieux, des obligations des parties, des facteurs locaux de commercialité et des prix couramment pratiqués dans le voisinage ;
Au fond,
– dire y avoir lieu à déplafonnement du loyer du bail commercial existant entre la SCI [R], bailleresse, et la société BZB, locataire, et renouvelé pour une durée de neuf ans à compter du 1er janvier 2022 ;
– fixer le montant du bail renouvelé en fonction de sa valeur locative à la somme annuelle de 89 600 euros en principal HT et HC, toutes les autres clauses, charges et conditions du bail expiré demeurant inchangées avec effet rétroactif au 1er janvier 2022 ;
– condamner la société BZB à payer les arriérés restant dus depuis le 1er janvier 2022 ;
– condamner la société BZB au paiement des intérêts légaux sur le rappel de loyer, à compter de la notification du présent mémoire, intérêts qui porteront eux-mêmes intérêts par capitalisation des intérêts échus tous les 3 mois ;
– ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir ou bien dire n’y avoir lieu à l’écarter ;
– condamner la société BZB à payer à la SCI [R] une indemnité de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société BZB aux dépens, lesquels seront recouvrés selon les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de son dernier mémoire notifié le 13 mars 2024, la SCI [R] maintient ses demandes initiales relatives à la désignation d’un expert et, au fond, à la fixation du loyer. Elle demande également la condamnation de la société BZB à lui verser une indemnité d’un montant de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Au soutien de ses demandes, la bailleresse fait valoir qu’elle est fondée à solliciter la fixation du montant du loyer à la valeur locative dans la mesure où la durée du bail expiré a excédé douze ans par l’effet de la tacite prolongation. Pour déterminer la valeur locative, elle indique qu’il convient de se réfèrer principalement aux caractéristiques du local, en particulier à sa surface, dont le calcul doit être effectué en application de la Charte de l’expertise en évaluation immobilière, sans exclure les parties rendues inaccessibles par le locataire lui-même. Elle invoque également les prix couramment pratiqués dans le voisinage. A ce titre, elle cite quatre termes de comparaison.

Aux termes de son dernier mémoire notifié le 16 mai 2024, la SAS BZB demande au juge des loyers commerciaux de voir :
A titre principal,
– fixer le loyer de renouvellement du bail consenti par la SCI [R] à la SAS BZB pour les locaux visés au présent mémoire à compter du 1er janvier 2022 à un montant annuel de 61 000 euros HT et HC par an, le bail s’étant renouvelé pour neuf ans à compter du 1er janvier 2022 ;
– condamner la SCI [R] à rembourser à la SAS BZB les loyers trop perçus par elle à compter du 1er janvier 2022 avec intérêts au taux légal à compter de chaque échéance ;
– ordonner la capitalisation des intérêts échus depuis plus d’une année ;
A titre infiniment subsidiaire,
– désigner tel expert avec mission de donner son avis sur la valeur locative, au sens de l’article L. 145-33 du code de commerce, des locaux donnés à bail par la SCI [R] à la SAS BZB au 1er janvier 2022 ;
– réserver les dépens ;
En tout état de cause,
– rappeler l’exécution provisoire de droit du jugement à venir, nonobstant appel et sans caution ;
– débouter la SCI [R] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
– condamner la SCI [R] aux entiers dépens ;
– condamner la SCI [R] à verser à la SAS BZB une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

A l’appui de ses demandes, la locataire précise qu’elle ne conteste pas le principe du déplafonnement mais que la valeur locative est inférieure au loyer réglé en fin de bail, de sorte que le loyer renouvelé doit être fixé à la baisse. S’agissant des caractéristiques des locaux loués, elle soutient que la [Adresse 7], dans laquelle se trouve le commerce, subit un déclin significatif, en particulier depuis la crise sanitaire. Elle expose en outre que la surface des locaux est inférieure à celle calculée par la bailleresse, et ce, même en tenant compte des surfaces non accessibles. Concernant les prix pratiqués dans le voisinage, la société BZB fait référence aux données résultant d’un arrêt de la cour d’appel d’[Localité 5] du 30 juin 2020 ayant fixé le loyer d’un commerce voisin à la valeur locative en se fondant lui-même sur six références. Elle ajoute enfin qu’un abattement doit être appliqué pour la charge de l’impôt foncier qu’elle supporte.

L’affaire a été retenue à l’audience du 17 septembre 2024 et mise en délibéré au 19 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

L’article L. 145-34 du code de commerce prévoit que le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d’effet du bail à renouveler, si sa durée n’est pas supérieure à neuf ans, est plafonné, à moins d’une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 145-33 du même code.

Ces dispositions ne sont toutefois plus applicables lorsque, par l’effet d’une tacite prolongation, la durée du bail excède douze ans.

Dans ce cas, le juge peut fixer le loyer du bail renouvelé exclusivement en fonction de la valeur locative sans avoir à tenir compte du prix plafond.

Aux termes de l’article L. 145-33 du code de commerce, “le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. A défaut d’accord, cette valeur est déterminée d’après :
1° Les caractéristiques du local considéré ;
2° La destination des lieux ;
3° Les obligations respectives des parties ;
4° Les facteurs locaux de commercialité ;
5° Les prix couramment pratiqués dans le voisinage ;

Un décret en Conseil d’Etat précise la consistance de ces éléments”.

Conformément à l’article R. 145-2 du même code, les éléments mentionnés aux 1° à 5° de ce texte s’apprécient dans les conditions fixées aux articles R. 145-3 à R. 145-11.

*

En l’espèce, le bail en cause a été consenti suivant acte du 18 mai 2009, pour une durée de neuf années, puis s’est trouvé tacitement prolongé. La bailleresse a donné congé à la locataire par acte extra-judiciaire du 21 juin 2021, avec offre de renouvellement au 1er janvier 2022.

Dans le cadre de la présente procédure, la bailleresse sollicite la fixation du loyer à la valeur locative des locaux loués au motif que le bail s’est tacitement prolongé au-delà de douze années, permettant ainsi le déplafonnement du loyer. La locataire demande également la fixation du loyer à la valeur locative, considérant, à l’inverse, que celle-ci est inférieure au loyer actuellement payé.

Pour calculer la valeur locative, la SCI [R] se fonde, d’une part, sur une surface de 199, 30 m2 pondéré (m2p), retenant une surface utile de 346 m2 selon le bail, à laquelle elle applique un coefficient de pondération moyen, et, d’autre part, sur un prix unitaire de 449 euros par m2 pondéré, qu’elle établit par référence à des loyers de magasins (Célio, Burton, Jules et Flying Tiger) situés à proximité des locaux loués. Elle souligne que le déclin de la [Adresse 7] evoqué par la locataire n’est pas démontré, qu’aucune baisse de fréquentation n’est notamment établie.

La SAS BZB, quant à elle, expose que même en tenant compte des surfaces qu’elle aurait omises, la surface pondérée ne pourrait s’établir qu’à 158, 48 m2p + 2, 78 m2p, soit un total de 161, 26 m2p. Concernant les prix pratiqués dans le voisinage, elle estime que la valeur locative doit être appréciée au regard de l’arrêt de la cour d’appel d’[Localité 5] en date du 30 juin 2020, lequel a retenu six références pour fixation du loyer d’un magasin voisin. A ce titre, elle explique que le loyer a été fixé au 1er août 2016, soit avant la crise sanitaire qui a durablement marqué le commerce de la [Adresse 7] et probablement les valeurs locatives à la baisse, si bien que la valeur retenue par la cour ne saurait constituer qu’un maximum. La locataire retient ainsi une valeur locative unitaire de 420 euros par m2 pondéré, à laquelle elle applique un abattement de 10% relatif à la taxe foncière, soit un loyer de 61 956, 28 euros par an HT, qu’elle arrondit à la somme de 61 000 euros.

En définitive, les parties font état d’éléments factuels divergents pour voir fixer la valeur locative. La bailleresse et la locataire s’opposent notamment sur l’une des caractéristiques principales des locaux considérés, à savoir la surface à retenir, discutant tant de la surface utile que des pondérations à appliquer. Elles s’opposent également sur la comparaison des prix pratiqués dans le voisinage et, ce faisant, sur l’évolution des facteurs locaux de commercialité, sans que les éléments objectifs nécessaires ne soient versés aux débats.

Le juge ne dispose pas, en l’état, de données suffisantes pour fixer la valeur locative des lieux loués.

En conséquence, il convient d’ordonner, avant dire droit, une mesure d’expertise dont les termes seront précisés au dispositif de la présente décision.

L’avance des frais de l’expertise incombera à la SCI [R], demanderesse à la procédure.

En application de l’article L. 145-57 du code de commerce, le loyer sera fixé, durant l’instance, au montant du dernier loyer en cours dû en vertu du bail échu, et ce, à compter du renouvellement du bail. Ledit loyer sera payable selon les modalités prévues par le bail.

Dans l’attente du rapport d’expertise, il y a lieu de surseoir à statuer sur les demandes présentées et de réserver les dépens.

En application des articles 514 et 514-1 du code de procédure civile, la présente décision sera assortie de l’exécution provisoire dès lors qu’aucun élément ne justifie qu’elle soit écartée.

PAR CES MOTIFS

Le juge des loyers commerciaux, statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

ORDONNE avant dire droit une expertise et DÉSIGNE pour y procéder :

M. [D] [J]
[Adresse 6],

expert judiciaire près la cour d’appel d’Angers, avec mission, les parties présentes ou en tout cas régulièrement convoquées :

1) d’entendre les parties ainsi que tout sachant en leurs dires et explications, de se faire remettre tous documents utiles et de procéder à toutes investigations nécessaires, y compris auprès des tiers, en se conformant au principe du contradictoire, joindre au rapport des photographies, plans et autres supports,

2) de visiter les lieux situés [Adresse 4] à [Localité 5] après avoir convoqué les parties, décrire leur situation et leurs caractéristiques propres, évaluer la surface pondérée dont le calcul sera détaillé, en distinguant les superficies en raison de leur affectation selon qu’elles sont ou non destinées à la réception du public et en fonction des activités diverses exercées dans les lieux,

3) de rechercher si les locaux ont subi des améliorations notables au cours du bail expiré et du bail précédent, ou des changements d’affectation et plus spécialement si des travaux importants ont été exécutés et le cas échéant, d’en préciser la date, la nature et le montant, la personne ayant pris l’initiative et celle en ayant assumé la charge ainsi que les répercussions sur l’activité commerciale ; préciser s’il s’agit ou non de simples travaux d’entretien ;

4) de rechercher si au cours du bail expiré, il s’est produit une modification notable des facteurs locaux de commercialité pour l’activité considérée,

5) d’ indiquer si, à son avis, le prix du bail a pu être originairement fixé compte tenu de modalités ou de circonstances particulières,
6) de s’expliquer précisément sur la réalité, l’importance et les incidences des modifications alléguées dans la destination des lieux, dans les caractéristiques des locaux et l’évolution de l’activité commerciale en question ainsi qu’en ce qui concerne les facteurs d’amélioration ou de dépréciation intervenus en cours de bail,

7) de donner son avis sur la valeur locative des locaux considérés, laquelle sera déterminée en fonction de leurs caractéristiques, de leur destination, des obligations respectives des parties, des facteurs locaux de commercialité et des prix couramment pratiqués dans le voisinage, en identifiant les termes de comparaison utilisés (notamment pour des commerces similaires, préciser la date de prise d’effet des baux, de leur renouvellement ou révision et la superficie) et en précisant si les locataires supportent contractuellement des charges (impôts, honoraires de gestion, travaux de mise en conformité…) afin qu’il en soit tenu compte pour l’appréciation de la valeur locative des locaux considérés,

8) plus généralement, de fournir toutes indications utiles à la détermination de la valeur locative, répondre aux dires des parties en se rattachant à la mission et apporter tous éléments de nature à leur permettre de se concilier et de favoriser toute solution amiable éventuelle,

9) d’adresser en temps voulu aux parties un pré-rapport en les invitant à formuler leurs dires et observations dans les deux mois, avant de clore ses opérations par le dépôt d’un rapport définitif comportant sa réponse circonstanciée à ces dires et observations éventuels,
RAPPELLE que l’expert peut s’adjoindre d’initiave, si besoin est, un technicien dans une autre spécialité que la sienne dont le rapport sera joint à son rapport définitif en application des articles 278 et 282 du code de procédure civile et/ou se faire assister par une personne de son choix intervenant sous son contrôle et sa responsabilité en application de l’article 278-1 du code de procédure civile ;

FIXE le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l’expert à la somme de 2 500 euros qu’il appartiendra à la SCI [R] de consigner auprès du régisseur du tribunal judiciaire d’Angers dans le délai de deux mois à compter de la date de la notification de la présente décision, par virement ou par chèque établis à l’ordre de la régie des avances et recettes du tribunal judiciaire d’Angers en indiquant le n° RG et le nom de parties ;

DIT qu’à défaut de consignation dans le délai imparti, la désignation de l’expert sera caduque et privée de tout effet ;

DIT qu’en cas d’empêchement ou de refus de l’expert d’accomplir sa mission, il sera procédé à son remplacement par voie d’ordonnance rendue par le juge chargé du contrôle des expertises saisi sur simple requête par la partie la plus diligente ;

DESIGNE pour surveiller les opérations d’expertise, le juge chargé du service du contrôle des expertises ;

DIT que l’expert devra déposer son rapport en deux exemplaires au greffe de ce tribunal dans le délai de 8 mois à date du jour où il sera informé de la consignation ou du premier versement ;

DIT qu’au cas où, à la suite de la première réunion d’expertise ou ultérieurement, s’il apparaît que ce délai ne peut être respecté ou que la provision consignée est insuffisante, il appartiendra à l’expert d’en informer le magistrat en charge du suivi des opérations de l’expertise en indiquant les difficultés particulières rencontrées, le programme de ses investigations, la date à laquelle son rapport sera remis aux parties et déposé au greffe de ce tribunal et si besoin, le montant prévisible de ses honoraires et débours accompagnés d’une demande de consignation complémentaire destinée à garantir en totalité le recouvrement de ses frais et honoraires ;
FIXE le montant du loyer pendant la durée de l’instance au montant du dernier loyer en cours, et ce, à compter du renouvellement du bail ;

SURSOIT à statuer sur les demandes des parties ;

RESERVE les dépens ;

DIT que l’affaire sera retirée du rôle et qu’il appartiendra à la partie la plus diligente de saisir le tribunal après réalisation de l’expertise ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit ;

Jugement rendu par mise à disposition au Greffe le 19 Novembre 2024 par Benoît GIRAUD, Président, assisté de V. PELLEREAU, Greffière, lesquels ont signé la minute du présent jugement.

Le Greffier Le Juge des loyers commerciaux


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