Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Bordeaux
Thématique : Application mobile de contrôle du salarié : l’étude d’impact RGDP
→ RésuméL’application mobile de géolocalisation installée sur le téléphone personnel de M. [T] constitue une atteinte à sa vie privée, car elle permet à l’employeur de suivre ses horaires et déplacements en dehors du cadre professionnel. La société P&M Business n’a pas réalisé l’analyse d’impact requise par l’article 35 du RGPD, ce qui l’empêche de justifier l’utilisation de ce système. En outre, l’absence de téléphone professionnel pour M. [T] renforce la violation de sa vie privée. La cour a donc conclu que cette mesure était disproportionnée et a condamné l’employeur à indemniser le salarié pour préjudice.
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Une application mobile équipant le téléphone mobile du salarié et qui permet de connaître la position géographique et les horaires du salarié pendant sa vie personnelle est par nature attentatoire à sa vie privée.
La pose d’un tel système est soumise aux dispositions de l’ article 35 du Réglement Général de Protection des Données lequel oblige celui qui y recourt à effectuer une analyse d’impact c’est à dire à évaluer de manière systématique et approfondie les aspects personnels concernant les personnes physiques.
En la cause, la société ne produit aucun élément établissant qu’elle a réalisé cette étude d’impact. Elle ne peut donc valablement soutenir qu’elle a examiné le caractère proportionné de l’utilisation de cette application au but poursuivi qui ne peut être retenu dès lors qu’elle affecte non seulement la vie professionnelle mais aussi la vie privée du salarié.
Aux termes de l’ article L.1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature et la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché.
Aux termes de l’article 14.2 du contrat de travail, ‘dans le cadre de l’optimalisation de la gestion de l’ entreprise, le téléphone professionnel est équipé d’une solution de géolocalisation. La mise en place de ce système a fait l’objet d’une déclaration à la CNIL (..) les informations recueillies feront l’objet d’un traitement informatique destiné notamment : contrôle des horaires de travail, optimiser le temps d’intervention, justifier auprès de nos donneurs d’ordre de la bonne réalisation de la prestation commandée avec horodatage, optimiser les trajets sur les interventions consécutives’.
Résumé de l’affaire
Le 2 juillet 2021, le conseil de prud’hommes a rejeté toutes ses demandes, concluant qu’il n’y avait pas eu atteinte à la vie privée ni exécution déloyale du contrat, et n’a pas accordé de rappels de salaires. M. [T] a fait appel de cette décision le 5 août 2021. Dans ses conclusions d’appel, il demande l’infirmation du jugement et le paiement de diverses sommes, y compris des dommages et intérêts et des rappels de salaires. De son côté, la société P&M Business demande la confirmation du jugement initial et le déboutement de M. [T] de toutes ses demandes, ainsi qu’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’affaire a été fixée pour audience le 14 mai 2024, après que la clôture de l’ordonnance a été acceptée par les deux parties.
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel de Bordeaux
RG n°
21/04651
CHAMBRE SOCIALE – SECTION A
————————–
ARRÊT DU : 03 JUILLET 2024
PRUD’HOMMES
N° RG 21/04651 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-MIXQ
Monsieur [P] [T]
c/
S.A.R.L. P&M BUSINESS
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 juillet 2021 (R.G. n°F19/01685) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d’appel du 05 août 2021,
APPELANT :
Monsieur [P] [T]
né le 27 Août 1976 à [Localité 3] de nationalité Française demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Adeline CORNIC, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
SARL P&M Business exerçant sous l’enseigne ‘Distriplus’, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social[Adresse 2]
N° SIRET : 478 193 733
représentée par Me Bertrand BURMAN, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 mai 2024 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame ROUAUD-FOLLIARD Catherine, présidente chargée d’instruire l’affaire,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente
Madame Sylvie Tronche, conseillère
Madame Bénédicte Lamarque, conseillère
Greffier lors des débats : Evelyne Gombaud,
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
Monsieur [P] [T], né en 1976, a été engagé en qualité de commercial non sédentaire par la SARL P&M Business exerçant sous l’enseigne ‘Distriplus’, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 19 février 2019. Son lieu de travail a été défini comme étant la région Nouvelle-Aquitaine et les départements du Gers et des Hautes-Pyrénées.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du personnel des prestataires de service dans le domaine du secteur tertiaire.
La rémunération mensuelle est discutée.
L’employeur a mis fin à la période d’essai de M. [T] le 11 mars 2019.
M. [T] a saisi l’inspection du travail au sujet de l’absence de règlement de ses frais professionnels et du dispositif de géolocalisation installé sur son téléphone personnel.
Par lettre datée du 27 mars 2019, l’inspection du travail a demandé à la société P&M Business de justifier de formalités de mise en conformité auprès de la CNIL et des représentants du personnel.
M. [T] a saisi le conseil de prud’hommes en sa formation de référé, sollicitant le paiement des frais professionnels exposés en février et mars 2019, ainsi qu’une indemnisation au titre du préjudice économique subi du fait de l’absence de règlement desdits frais.
Un accord est intervenu entre les parties de sorte que le salarié s’est désisté de cette instance le 19 septembre 2019.
Le 29 novembre 2019, M. [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Bordeaux, sollicitant des dommages et intérêts pour atteinte à la vie privée et exécution déloyale du contrat de travail, des rappels de salaires pour heures supplémentaires et, à titre subsidiaire, une contrepartie financière pour les trajets anormaux domicile travail.
Par jugement rendu le 2 juillet 2021, le conseil de prud’hommes a :
– dit que :
– il n’y a pas eu atteinte au droit à la vie privée du salarié,
– il n’y a pas eu exécution déloyale du contrat de travail envers M. [T],
– il n’y a pas lieu à versement de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et congés payés afférents,
– il n’y a pas lieu d’accorder une contrepartie financière pour trajets anormalement longs,
En conséquence,
– débouté M. [T] de l’ensemble de ses demandes,
– débouté la société P&M Business de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles,
– laissé à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de ses dépens d’instance.
Par déclaration du 5 août 2021, M. [T] a relevé appel de cette décision, notifiée par lettre adressée aux parties par le greffe le 5 juillet 2021.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 16 avril 2024, M. [T] demande à la cour de :
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes,
Statuant à nouveau,
– condamner la société P&M Business à lui payer les sommes suivantes :
* 802,35 euros de rappel de salaire sur les heures supplémentaires effectuées entre le 21 février et le 1er mars 2019 et 80,23 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférente,
* 3.500 euros de dommages et intérêts pour atteinte à la vie privée,
* 3.500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
– ordonner la remise des bulletins de paie conformes à l’arrêt à venir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de 15 jours après la signification de la décision,
– à titre subsidiaire, s’il n’était pas fait droit à la demande de rappel de salaire sur les heures supplémentaires, la condamner à lui payer 161,532 euros au titre de contrepartie financière pour les trajets anormaux domicile/travail effectués durant la période allant du 19 février 2019 au 1er mars 2019,
– condamner la société P&M Business à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens,
– la débouter de toutes ses demandes.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 24 avril 2024, la société P&M Business demande à la cour de :
– la dire recevable et bien fondée en ses demandes,
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Bordeaux en toutes ses dispositions,
En conséquence,
– débouter en cause d’appel M. [T] de toutes ses demandes,
– la condamner à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 avril 2024 et l’affaire a été fixée à l’audience du 14 mai 2024.
La demande de la société aux fins de rabat de l’ ordonnance de clôture au jour de l’audience de plaidoirie a été acceptée par M. [T] et la clôture a été fixée le 14 mai 2024.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’à la décision déférée.
l’atteinte à la vie privée du salarié
Au visa de l’ article L.1121-1 du code du travail, M. [T] fait valoir que la société l’a contraint à installer sur son portable personnel une application de géolocalisation alors qu’un moyen moins attentatoire à sa vie privée aurait permis de contrôler ses heures de départ et d’arrivée chez les clients, que l’ employeur n’a pas non plus réalisé une analyse d’impact de ce système.
La société répond que M. [T] a choisi d’utiliser son téléphone personnel dans le cadre de sa vie professionnelle pour bénéficier d’une indemnisation mensuelle de 20 euros ; que M. [T] a consenti à l’installation de cette application qui permettait de s’assurer de l’authenticité et de l’horodatage des photographies des rayons des magasins, que la position géographique du salarié n’était connue que très ponctuellement, enfin, qu’il n’y avait pas de dispositif moins attentatoire à la vie privée et que la restriction apportée à la vie privée était proportionnée au but poursuivi.
Aux termes de l’ article L.1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature et la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché.
Aux termes de l’article 14.2 du contrat de travail, ‘dans le cadre de l’optimalisation de la gestion de l’ entreprise, le téléphone professionnel est équipé d’une solution de géolocalisation. La mise en place de ce système a fait l’objet d’une déclaration à la CNIL (..) les informations recueillies feront l’objet d’un traitement informatique destiné notamment : contrôle des horaires de travail, optimiser le temps d’intervention, justifier auprès de nos donneurs d’ordre de la bonne réalisation de la prestation commandée avec horodatage, optimiser les trajets sur les interventions consécutives’.
Cette application permettait donc de connaître les heures d’arrivée et de départ des sites visités et l’affirmation de la société qu’elle ne connaissait la position géographique du salarié que ‘ très ponctuellement ‘ n’est pas conforme à la réalité. Par ailleurs, l’horodatage des photographies pouvait être réalisé par un autre moyen.
Ensuite, alors que le contrat de travail mentionne que cette application serait mise en place sur le téléphone professionnel du salarié, celle- ci a été installée sur son téléphone personnel. L’ employeur avait donc la possibilité de connaître la position géographique et les horaires du salarié pendant sa vie personnelle. La société ne verse aucun document établissant que M. [T] aurait préféré l’installation de cette application sur son téléphone personnel et un ancien salarié atteste de ce qu’il a été obligé d’installer sur son téléphone personnel la dite application. En tout cas, la société n’ a pas remis à M. [T] de téléphone professionnel de sorte que le salarié ne pouvait décider que l’application serait posée sur ce dernier. En tout état de cause, pour le cas où un salarié aurait préféré la mise en place de l’application de ce système sur son téléphone personnel, l’ employeur qui écrit que la géolocalisation est par nature une mesure attentatoire aux libertés individuelles (page 6 de ses conclusions) aurait dû exiger au contraire que cette application soit posée sur le seul téléphone professionnel.
La pose d’un tel système est soumise aux dispositions de l’ article 35 du Réglement Général de Protection des Données lequel oblige celui qui y recourt à effectuer une analyse d’impact c’est à dire à évaluer de manière systématique et approfondie les aspects personnels concernant les personnes physiques.
La société ne produit aucun élément établissant qu’elle a réalisé cette étude d’impact. Elle ne peut donc valablement soutenir qu’elle a examiné le caractère proportionné de l’utilisation de cette application au but poursuivi qui ne peut être retenu dès lors qu’elle affecte non seulement la vie professionnelle mais aussi la vie privée du salarié.
La société n’établit pas avoir recherché un autre système qui aurait été moins attentatoire à la vie privée de son salarié.
Considération prise de ces éléments, il sera retenu que M. [T] a été soumis à une atteinte à sa vie privée et son préjudice doit être réparé.
Eu égard à la durée de son temps de travail au sein de la société, cette dernière sera condamnée à lui payer la somme de 200 euros.
les heures supplémentaires
M. [T] sollicite le paiement d’ heures supplémentaires réalisées entre le 21 février et le 4 mars 2019. Il fait état, notamment, de trajets anormalement longs entre son domicile et le premier site visité et entre le dernier site visité et son domicile, étant précisé qu’il a dû parfois dormir à l’hôtel.
La société répond qu’elle n’a jamais donné son accord à M. [T] pour effectuer des heures supplémentaires dont le salarié ne l’a pas informée, que ce dernier jouissait d’une entière liberté pour organiser sa journée de travail et ses trajets, les indications qu’elle pouvait donner étant indicatives, que les temps de trajet entre le domicile et le premier site ou entre le dernier site et le domicile du salarié ne sont pas constitutifs d’une durée de travail.
Le contrat de travail de M. [T] mentionne une durée de travail hebdomadaire de 35 heures et qu’aucune heure supplémentaire ne pourra être effectuée sans l’accord écrit préalable de l’ employeur.
Cependant, les heures supplémentaires réalisées avec l’accord implicite de l’ employeur ou par nécessité, compte-tenu des tâches à accomplir, ici, du nombre et de la localisation des sites, doivent être rémunérées.
La société ayant installé un système de géolocalisation la renseignant sur les horaires de travail et sur les temps de trajet de M. [T], ne peut valablement soutenir qu’elle n’avait pas connaissance du nombre d’heures de travail réalisées et il n’est pas établi qu’elle aurait interdit à son salarié d’effectuer des heures supplémentaires.
Il est constant que l’ employeur établissait des plans de tournées dont il ne peut valablement arguer qu’ils étaient purement indicatifs puisqu’ils étaient contrôlés via le système de géolocalisation.
Les temps de déplacement entre le domicile et le lieu de travail habituel ne sont pas assimilés à du temps de travail effectif. Les temps de déplacement entre le domicile et le lieu d’exécution du travail autre que le lieu de travail habituel ne le sont pas non plus sauf à établir que le salarié devait se tenir à la disposition de l’ employeur et se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à ses occupations personnelles
Par ailleurs, aux termes de l’ article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’ employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Si la preuve des horaires effectués n’incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l’ employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’ employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
M. [T] produit un décompte de l’horaire travaillé, les lieux d’implantation des différents sites visités et le nombre de kilomètres réalisés chaque jour de la période du mardi 19 février au lundi 4 mars 2019.La cour constate cette dernière journée ne correspondait pas à une semaine alors que le décompte des heures supplémentaires est calculé sur une durée de travail hebdomadaire, de sorte qu’aucune heure supplémentaire ne peut être retenue le 4 mars 2019.
Pour autant, les éléments versées par M. [G] sont précis et permettent à l’ employeur de fournir les horaires effectivement réalisés. La société ne produit pas ces horaires.
Il revient à la cour d’évaluer les heures supplémentaires réalisées, étant rappelé que les tournées de visite établies par la société contraignaient le salarié à partir de son domicile et à y retourner dans des temps lui permettant de relier les différents sites et de réaliser son travail – faire le point avec le chef de rayon, présenter les nouveaux produits, vérifier l’emplacement et le prix des produits, photographier les rayons d’exposition de ceux-ci -;
Au regard des distances parcourues confirmées par les captures d’écran de sites dédiés, du temps nécessaire à l’exécution des tâches ( la société fait état d’une durée moyenne de 30 minutes), de ce que le salarié devait se tenir à la disposition de l’ employeur et se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à ses occupations personnelles , la cour a la conviction que la société est débitrice à l’égard de M. [G] de la somme de 534,86 euros majorée des congés payés afférents (53,48 euros).
Un bulletin de paye conforme devra être délivré à M. [T] dans le délai de
deux mois à compter de la signification de l’arrêt.
La demande subsidiaire fondée sur la contrepartie financière de temps anormaux de trajet domicile – travail est sans objet.
l’exécution déloyale du contrat de travail
Au visa de l’ article L.1222-1 du code du travail, M. [G] fait valoir que la société :
-n’a pas respecté sa vie privée en utilisant un système de géolocalisation ;
-ne lui a remboursé les frais professionnels qu’après avoir été assignée devant la formation de référé du conseil des prud’hommes ;
– a déduit de son salaire les journées des 5,6,7; 8 et 11 Mars 2019 au motif qu’il n’avait pas travaillé alors que le non remboursement des frais professionnels le mettait en situation délicate avec sa banque qui a restreint l’usage de sa carte bancaire et qu’il avait alerté l’ employeur par mail du 5 mars 2019.
La société répond que :
– une avance sur frais de 300 euros a été versée le 5 mars pour être utilisée dans le courant de ce mois et M. [G] a cessé de travailler depuis le lundi 4 mars de sorte que cette avance a été déduite de son dernier salaire,
– le remboursement des frais des mois de février et mars 2019 a été incontestablement tardif mais il faut prendre en compte que M. [G] a utilisé son véhicule professionnel à des fins personnelles du 5 au 11 mars soit une location de sept jours supplémentaires facturés par la société de location ; qu’il a restitué une voiture accidentée sans avoir ‘ fait le plein d’essence ‘; qu’il a perdu l’ordinateur portable ; qu’elle lui a payé les frais professionnels le 6 juin et que M. [G] a perçu une somme de 700 euros à titre de dédommagement pour ce retard dans le remboursement des frais dans le cadre de la procédure de référé.
– le débit bancaire existait depuis le 12 février 2019 et il a perçu son salaire du mois de février le 6 mars 2019.
Le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.
Il a été retenu supra que le système de géolocalisation était contraire au respect de la vie privée de M. [G] qui a toutefois été indemnisé de ce chef, un même préjudice ne pouvant être indemnisé deux fois.
La déduction de l’avance sur frais de 300 euros a été déduite sans prise en compte par la société des frais engagés du 1er au 4 mars 2019.
Les frais professionnels des mois de février et mars ont été remboursés avec plus de deux mois de retard alors que d’ une part, la société n’indique pas la manière dont elle a imputé les frais sus évoqués sur ceux dont le remboursement était dû au salarié et d’autre part, que le compte débiteur du salarié a été impacté par les frais engagés notamment les frais de train et d’hôtel importants, peu important que le solde débiteur antérieur à la période considérée.
M. [G] a alerté l’ employeur par mail explicite du 5 mars et la société ne lui a répondu que le 26 mars pour l’informer qu’elle examinait le problème et le tenait au courant. Ce délai est contraire à l’exécution de bonne foi du contrat de travail.
Enfin, la société ne produit pas les pièces établissant que la somme de 700 euros mentionnée sur le chèque produit sous sa cote 2 constituait l’indemnisation des retards ou défaut de paiement de frais ou de salaire.
La société a manqué à son obligation d’exécuter le contrat de travail de bonne foi.
Dans ces conditions, la société devra verser à M. [G] des dommages et intérêts d’un montant de 600 euros.
Vu l’équité, la société devra verser à M. [G] la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre des procédures de première instance et d’appel.
Partie perdante, la société supportera les dépens des procédures de première instance et d’appel.
la cour,
Infirme le jugement entrepris,
statuant à nouveau,
Condamne la société P&M Business à payer à M.[T] les sommes suivantes :
– 200 euros pour atteinte à la vie privée ;
– 534,86 euros et 53,48 euros à titre d’ heures supplémentaires ;
– 600 euros pour exécution déloyale du contrat de travail ;
– 4 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre des procédures de première instance et d’appel ;
Dit que la société P&M Business devra délivrer à M. [T] un bulletin de paye conforme à l’arrêt dans le délai de deux mois à compter de la signification de l’arrêt ;
Condamne la société P&M Business aux dépens des procédures de première instance et d’appel et les frais éventuels d’exécution de la décision.
Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard
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