Synthèse des Mesures de Facilitation des Introductions en Bourse et Autres Dispositions de la Loi
Facilitation des Introductions en Bourse
La loi vise à faciliter les introductions en bourse des sociétés en favorisant le développement des actions à droit de vote multiple. Ce mécanisme permet aux fondateurs et dirigeants de lever du capital tout en conservant un plus grand contrôle de leur entreprise par rapport aux actions ordinaires. De nombreuses places de cotation à l’étranger offrent déjà cette possibilité.
Objectif : Offrir aux jeunes entreprises en croissance, telles que les startups innovantes et les futurs champions industriels, la possibilité de se coter sur la place française avec ces actions de préférence lors de leur première admission à la négociation.
Modifications pour les Fonds Communs de Placement à Risques (FCPR)
Capitalisation Boursière : Les FCPR pourront désormais accompagner les entreprises cotées jusqu’à une capitalisation boursière de 500 millions d’euros, contre 150 millions d’euros auparavant.
Délai de Blocage : Le délai de blocage des porteurs de parts dans des FCPR est porté à 15 ans, contre 10 ans actuellement. Cette mesure vise à mieux accompagner les investissements dans des startups, PME et entreprises innovantes dont l’arrivée à maturité peut demander plus de temps.
Autres Mesures de la Loi
Mesure | Description |
---|---|
Assouplissement des règles d’éligibilité au PEA-PME | Facilitation de l’accès au plan d’épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises. |
Assouplissement des règles d’investissement des FCPE | Permettre une plus grande flexibilité dans les investissements des fonds communs de placement d’entreprise. |
Dématérialisation des titres transférables | Numérisation des lettres de change, billets à ordre, etc., pour faciliter la croissance internationale des entreprises françaises. |
Favorisation des consultations et réunions à distance | Permettre les assemblées générales d’actionnaires et les réunions des organes de décision des sociétés commerciales à distance. |
Spécialisation de la cour d’appel de Paris en arbitrage commercial international | Inscription de cette spécialisation dans le code de l’organisation judiciaire pour traiter plus de 80% des affaires d’arbitrage commercial international. |
Autorisation de Prendre des Ordonnances
La loi autorise le gouvernement à prendre des ordonnances pour :
- Réformer le cadre applicable aux organismes de placement collectif (OPC).
- Simplifier le régime des nullités en droit des sociétés.
- Créer un régime de fractionnement des instruments financiers.
- Modifier certains pans du droit des sociétés pour offrir plus de souplesse à la gouvernance des entreprises.
Disposition sur les Indemnités de Licenciement des Traders
Plafonnement des Indemnités : La loi plafonne les indemnités de licenciement des traders et de leurs responsables directs. Le montant de la rémunération mensuelle prise en compte par les juges pour les licenciements sans cause réelle et sérieuse ne pourra plus dépasser le plafond annuel de la sécurité sociale (environ 46 000 euros en 2024).
Impact : Ce dispositif, déjà en vigueur dans d’autres pays, concernera un nombre limité de personnes mais vise à accroître l’attractivité financière de la place de Paris.
Exemple de Plafonnement des Indemnités
Ancienneté | Indemnité Maximale (en euros) |
---|---|
15 ans | 602 000 |
30 ans | 927 360 |
Ces dispositions combinent le nouveau dispositif de plafonnement et le barème « Pénicaud » pour déterminer les indemnités maximales.
Conclusion
Ces mesures visent à moderniser et renforcer l’attractivité de la place financière française, à offrir des outils plus flexibles et adaptés aux besoins des entreprises innovantes et à améliorer la gouvernance et le cadre juridique des entreprises.
RENFORCER LES CAPACITÉS DE FINANCEMENT DES ENTREPRISES DEPUIS LA FRANCE
L’article 1er autorise les sociétés à s’introduire en bourse en se dotant d’actions de préférence donnant chacune droit, pour une période de dix ans au plus, prolongeable une fois jusqu’à cinq ans, à plusieurs droits de vote. Il permet aussi le recours à des promesses d’action sur les systèmes multilatéraux de négociation.
L’ÉTAT DU DROIT : L’IMPOSSIBILITÉ D’ÉMETTRE DES ACTIONS À DROIT DE VOTE MULTIPLE POUR LES SOCIÉTÉS COTÉES
Au contraire de celui d’autres pays, le droit français ne permet pas aux sociétés cotées ni aux sociétés s’introduisant en bourse l’émission d’actions à droits de vote multiples (A). En outre, il n’envisage la possibilité de négocier des promesses d’actions que lors de l’admission sur un marché réglementé (B).
- UN DROIT NATIONAL QUI NE PRÉVOIT PAS L’ÉMISSION D’ACTIONS À DROITS DE VOTE MULTIPLES DANS LE CADRE DES SOCIÉTÉS COTÉES
Alors qu’il ne permet pour les sociétés cotées, en fait de droits de vote multiples, que le droit de vote double conféré depuis 2014 aux actions faisant l’objet depuis au moins deux ans d’une inscription nominative au nom du même actionnaire, le droit français est exposé à la concurrence des régimes plus souples des principales places financières concurrentes.
- Un principe de proportionnalité du droit de vote à la quotité de capital détenue qui souffre peu d’exceptions
Aux termes du I de l’article L. 225-122 du code de commerce, « le droit de vote attaché aux actions de capital ou de jouissance est proportionnel à la quotité de capital qu’elles représentent et chaque action donne droit à une voix au moins », toute clause contraire étant réputée non écrite.
Les dérogations introduites au cours des dernières années sont limitées.
Par la loi n° 2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l’économie réelle, dite loi Florange, le législateur a entendu favoriser l’actionnariat de long terme.
Ainsi, aux termes de l’article L. 225-123 du code de commerce, un droit de vote double peut être attribué aux actions entièrement libérées pour lesquelles il est justifié d’une inscription nominative, depuis deux ans au moins, au nom du même actionnaire. Par extension, le droit de vote double peut également être conféré, en cas d’augmentation du capital par incorporation de réserves, bénéfices ou primes d’émission, dès leur émission, aux actions nominatives attribuées gratuitement à un actionnaire à raison d’actions anciennes pour lesquelles il bénéficie de ce droit.
Aux termes de l’article L. 22-10-46 du code de commerce, dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, les droits de vote double sont de droit dès lors que les conditions fixées à l’article L. 225-123 du même code sont respectés et que les statuts de la société ne comportent aucune clause s’y opposant adoptée postérieurement à la promulgation de la loi du 29 mars 2014 précitée.
Si l’article L. 228-11 dudit code admet la création, lors de la création d’une société ou au cours de son existence, d’actions de préférence dont le droit de vote peut être aménagé, les droits attachés à ces actions doivent, dans le cas des sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation, respecter l’article L. 225-122. Dès lors, pour les sociétés cotées, les seuls droits de vote multiples envisageables sont les droits de vote doubles conférés en application de l’article L. 225-123 du code de commerce. Or, si elles peuvent être envisagées comme un instrument de défense face à une offre publique d’achat hostile, les actions à droit de vote double n’ont pas pour objectif d’asseoir le contrôle de l’actionnaire principal, puisque l’ensemble des actionnaires y sont théoriquement éligibles.
- La concurrence des droits étrangers
Selon la direction générale du Trésor, « l’avantage tiré des actions à droits de vote multiples est un élément déterminant dans le choix de se coter ou non et peut conduire certains émetteurs à changer de place de cotation pour s’en doter. Le nombre d’émetteurs choisissant de se coter aux États-Unis pour y recourir a d’ailleurs été à l’origine des évolutions réglementaires constatées dans de nombreux pays hébergeant les places financières de premier plan – notamment à Londres. »
La direction générale du Trésor estime que « la place de Paris est d’abord concurrencée par Amsterdam : le droit néerlandais autorise une souplesse totale aux émetteurs souhaitant émettre des actions à droits de vote multiples (et lorsqu’ils souhaitent procéder à des augmentations de capital) et a l’avantage d’être intégré au groupe Euronext, ce qui offre le même accès à la liquidité qu’une société cotée à Paris (les différentes places du groupe Euronext partagent en effet le même carnet d’ordres) [mais] la France est également en concurrence directe avec les États-Unis : la flexibilité y est aussi importante qu’aux Pays-Bas et la cotation peut présenter des avantages significatifs pour les sociétés des secteurs les plus innovants. »
PRÉSENTATION DES RÉGIMES D’ACTIONS À DROITS DE VOTE MULTIPLES
DES GRANDES PLACES FINANCIÈRES

Source : Direction générale du Trésor
- Une proposition de paquet législatif autorisant l’émission d’actions à droits de vote multiples lors des introductions en bourse
Visant à mettre en œuvre de la feuille de route sur l’Union des marchés de capitaux de septembre 2020 et à faciliter l’accès des sociétés au financement de marché, le paquet législatif Listing Act proposé par la Commission européenne au mois de décembre 2022 comporte quatre volets :
– l’allègement des obligations d’informations lors des introductions en bourse et des émissions secondaires ;
– l’allègement des règles d’information continue imposées aux sociétés cotées ;
– l’évolution du mode de facturation de la recherche financière ;
– une nouvelle directive autorisant les introductions en bourse avec des actions à droits de vote multiples sur les marchés de croissance pour les petites et moyennes entreprises (SME Growth Markets), directive qui prévoit des protections minimales pour les actionnaires minoritaires et renvoie aux États membres le soin de définir le régime national des actions à droits de vote multiples.
Le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen ont annoncé le 2 février 2024 un accord politique sur un texte de compromis très proche du texte proposé par la Commission européenne. Le Listing Act requiert des évolutions limitées du droit français, notamment en ce qui concerne le mode de rémunération de la recherche en investissement, et en vue de la création d’un régime français d’actions à droits de vote multiples.
- UN RECOURS AUX PROMESSES D’ACTIONS POSSIBLE DANS LE SEUL CAS D’ACTIONS ADMISES SUR UN MARCHÉ RÉGLEMENTÉ
Les promesses d’actions sont des titres fictifs émis et garantis par les banques chargées d’organiser l’opération d’introduction en bourse afin de remplacer les actions venant d’être émises au cours des premières heures de cotation d’une société. Aux termes de la première phrase du second alinéa de l’article L. 228-10 du code de commerce, leur négociation n’est possible que dans le cas où il s’agirait « d’actions à créer dont l’admission sur un marché réglementé a été demandée, ou à l’occasion d’une augmentation du capital d’une société dont les actions anciennes sont déjà admises aux négociations sur un marché réglementé ».
Ces titres de réplication, qui sont signalés comme tels (le terme « promesse » est accolé au nom de la société), contribuent effectivement à améliorer la liquidité d’un titre récemment émis. Ils sont rendus nécessaires par le décalage entre le début des négociations sur les actions d’une société, qui intervient dès le matin de son introduction en bourse, et le règlement-livraison des titres achetés à l’émission, qui n’intervient qu’après deux jours. Les promesses d’actions disparaissent au terme de cette période.
- LE DISPOSITIF PROPOSÉ : DES MESURES FACILITANT ET SÉCURISANT L’INTRODUCTION EN BOURSE DE SOCIÉTÉS À FORTE CROISSANCE
La loi prévoit deux mesures de nature à faciliter les introductions en bourse : d’une part, la possibilité pour une société de se doter d’actions à droits de vote multiple lors de son introduction en bourse (A) ; d’autre part, l’extension aux systèmes multilatéraux de négociation de la possibilité de négocier des promesses d’action (B).
- LA POSSIBILITÉ D’ÉMETTRE, LORS D’UNE INTRODUCTION EN BOURSE, DES ACTIONS DE PRÉFÉRENCE DONT LE DROIT DE VOTE EST AMÉNAGÉ
L’article crée un nouveau régime d’actions de préférence (1) qui s’ajoute aux actions à droits de vote double (2).
- La faculté pour une société de se doter d’actions à droits de vote multiple lors de son introduction en bourse
Plusieurs considérations justifient l’introduction dans notre droit de la possibilité de créer des actions à droits de vote multiples dans les sociétés cotées (a). C’est l’objet de l’article L. 22-10-46-1 que l’article 1er vise à insérer dans le code de commerce (b).
- Une évolution dont le Haut Comité juridique de la place financière de Paris souligne l’opportunité
Selon le Haut Comité juridique de la place financière de Paris, plusieurs raisons plaident en faveur d’une évolution du droit français afin de mettre un terme à l’interdiction des droits de vote multiples dans les sociétés cotées :
– un principe de liberté des parties concernées, soit les fondateurs ou dirigeants de la société – qui fixent les conditions de la mise sur le marché de leur société – et les investisseurs, qui peuvent accepter ou non l’offre ;
– la concurrence entre les places financières, les droits de vote multiples étant admis et pratiqués « sur le continent nord-américain (États-Unis et Canada), en Europe (Pays-Bas, Suisse, Italie, Suède) et sur les principales places asiatiques (Singapour et Hong Kong) » ;
– le souci d’éviter de détourner de la cotation les fondateurs de sociétés à forte croissance, en leur donnant tous les moyens de franchir cette étape cruciale de leur développement qu’est le stade de l’ouverture de leur capital, « y compris en assouplissant certains aspects du régime juridique applicable aux sociétés cotées » ;
– les conséquences de la mobilité accrue des sociétés.
- L’insertion d’un nouveau dispositif faisant exception au principe de proportionnalité des droits de vote à la quotité de capital détenue
Le 5° de l’article 1er a pour objet d’introduire un nouvel article L. 22-10-46-1 dans le code de commerce.
Le I de cet article L. 22-10-46-1 prévoit la possibilité de créer, dans le cadre d’une première admission à la négociation sur un marché réglementé ou un système multilatéral de négociation, au profit de personnes nommément désignées, des actions de préférence dont le droit de vote est aménagé.
Si le Haut Comité juridique de la place financière de Paris avait jugé « naturel de subordonner l’attribution d’actions de préférence porteuses de tels droits à l’exercice au sein de la société (ou de la holding contrôlant la société cotée) d’une fonction exécutive », il n’a pas paru opportun de retenir cette restriction, et ce pour plusieurs raisons :
– il existe des cas où les personnes essentielles à la conduite de la société n’exercent pas de fonctions exécutives, parce qu’elles occupent des fonctions de direction non exécutives, notamment dans les sociétés à un stade avancé de maturation, ou parce qu’elles ont choisi de ne se consacrer qu’à une partie de l’activité de l’entreprise (par exemple, le directeur de la recherche dans une société pharmaceutique) ;
– les investisseurs sont en mesure d’opérer un contrôle de la qualité et de la compétence des actionnaires détenteurs de droits de vote multiples au moment de l’introduction en bourse et de la présentation du projet et de la gouvernance de l’entreprise, cette étape leur permettant d’évaluer et, le cas échéant, de remettre en question la qualité de la gouvernance proposée en amont de l’introduction en bourse ;
– aucun pays européen ou nord-américain, à l’exception du Royaume-Uni, ne conditionne l’octroi d’actions à droits de vote multiples à l’exercice de fonctions exécutives au sein de l’entreprise.
Il est précisé au dernier alinéa du même I que, pour les sociétés dont les titres sont admis à la négociation sur un système multilatéral de négociation, le ratio entre les droits de vote attachés aux actions de préférence ainsi créées et ceux attachés à une action ordinaire ne peut excéder vingt-cinq pour un et doit être un nombre entier.
Les places financières concurrentes de Paris ayant choisi de ne pas définir de ratio maximal (New York, Amsterdam) ou de le fixer à un niveau élevé (ratio de vingt pour un à Londres), il importe que le régime français offre une souplesse maximale. Si le Haut Comité juridique de la place financière de Paris avait préconisé de retenir un ratio maximal de dix pour un, il semble néanmoins souhaitable de ne pas limiter aussi fortement ce ratio. Un ratio élevé ou l’absence d’un ratio maximal fixé par la loi ne donne pas une liberté absolue à l’émetteur et à l’actionnaire de contrôle pour imposer une gouvernance trop déséquilibrée : celle-ci est généralement mal perçue par les investisseurs et fait courir le risque d’une décote d’émission très significative voire d’un échec de l’introduction en bourse, les investisseurs étant toujours libres d’accepter ou non l’offre et de juger au cas par cas si le ratio proposé leur convient.
Le II dispose que ces actions de préférence sont créées pour une durée déterminée ou déterminable qui ne peut excéder dix ans, renouvelable une seule fois, pour une durée ne pouvant excéder cinq ans. Le cas échéant, l’assemblée générale extraordinaire statue au vu d’un rapport spécial des commissaires aux comptes, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État, les titulaires des actions de préférence ne pouvant prendre part au vote.
La rédaction proposée ne permettrait pas que, si la durée initialement retenue lors de l’introduction en bourse est inférieure à dix ans, la durée complémentaire accordée lors d’un éventuel renouvellement puisse excéder cinq ans. La durée maximale de quinze ans est donc un maximum, et la durée effective de validité des actions de préférence peut en pratique être moindre.
La clause d’extinction lie l’avantage tiré des droits de vote multiples à un projet économique précis et présenté au moment de l’introduction en bourse. Les autres actionnaires disposent ainsi d’une perspective de pouvoir retrouver une influence plus importante sur la stratégie de l’entreprise à moyen terme et voient leurs intérêts pris en compte. Une durée maximale de dix ans, renouvelable pour cinq ans au plus, offre aux actionnaires et dirigeants concernés un temps suffisamment long pour mettre en œuvre la stratégie définie au moment de l’introduction en bourse ; elle n’en est pas moins inférieure à celle fixée dans la plupart des autres grandes places financières (seule Londres prévoit une durée inférieure, de cinq ans), qui ne l’imposent d’ailleurs pas toujours.
Le III prévoit que la cession ou la transmission d’une action de préférence créée en application de cet article L. 22-10-46-1 provoque sa conversion en action ordinaire et donc la perte des droits de vote multiples. Toutefois, si elle remplit les conditions du droit de vote double prévu aux articles L. 225-123 et L. 22-10-46 du code de commerce, l’action se voit alors dotée de ce droit de vote double.
Le IV prévoit, au premier alinéa, que les droits de vote multiples ne s’appliquent pas pour certaines décisions fondamentales de la vie de la société : la désignation des commissaires aux comptes, l’approbation des comptes annuels et la modification des statuts de la société ne concernant pas les augmentations de capital.
Associée à l’extinction des droits de vote multiples au terme d’une période de dix ans au plus, renouvelable une seule fois pour cinq ans au plus, cette mesure assure un degré de protection des actionnaires minoritaires supérieur à celui imposé par la plupart des systèmes juridiques prévoyant la possibilité d’émettre des actions à droits de vote multiples. Il s’agit d’éviter que le décalage entre le pouvoir politique et le risque économique du porteur des actions de préférence à droits de vote multiples ne conduise à un trop fort affaiblissement de l’influence et une trop faible prise en compte des intérêts des actionnaires minoritaires dans la vie de la société.
Les trois alinéas suivants disposent que les statuts de la société peuvent aussi prévoir que les actions de préférence ne donnent chacune droit qu’à une voix en cas d’offre publique :
– lors de l’assemblée générale des actionnaires qui arrête toute mesure dont la mise en œuvre est susceptible de faire échouer l’offre, dès lors que les statuts de la société le prévoient ;
– lors de la première assemblée générale des actionnaires suivant la clôture de l’offre publique, lorsqu’à l’issue de celle-ci, l’initiateur détient au moins les trois quarts du capital et des droits de vote de la société.
Cette construction est imposée par la directive du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d’acquisition , dite directive OPA, et le choix de ne pas neutraliser par principe les droits de vote multiples des actions de préférence lorsque la société est la cible d’une offre publique. En effet, si les paragraphes 3 et 4 de l’article 11 de cette directive posent un principe de neutralisation des droits de vote multiples lors des assemblées générales organisées au moment d’une offre publique sur la société, cette neutralisation devant aussi faire l’objet d’une indemnisation des porteurs d’actions à droits de vote multiples en application du paragraphe 5 du même article, la directive laisse néanmoins aux États membres la possibilité de déroger à ce principe, sous réserve de préserver la possibilité des sociétés concernées de prévoir dans les statuts une neutralisation des droits de vote multiples.
- L’articulation du dispositif avec les actions à droit de vote double
Le dispositif proposé organise l’articulation des actions à droit de vote double, dont la possibilité a été introduite par la loi du 29 mars 2014 précitée, avec les actions à droit de vote multiple qui seraient créées en application de l’article L. 22-10-46-1 du code de commerce.
Le 2° explicite, par l’ajout d’un alinéa à l’article L. 22-10-46, le principe selon lequel les actions à droits de vote multiples ne peuvent se voir conférer des droits de vote double lorsque l’actionnaire satisfait aux conditions fixées par ce même article. Cette précision est nécessaire afin d’éviter d’accroître l’avantage de l’actionnaire au bout de deux ans de détention en doublant le droit de vote multiple que ses actions lui confèrent. Il peut en effet sembler que l’attribution du droit de vote double ne se justifie pas pour les actions de préférence à droits de vote multiples, qui confèrent dès l’introduction en bourse un avantage très significatif et qu’il n’est pas nécessaire d’amplifier.
Le droit de vote double a été pensé pour favoriser l’actionnariat de long terme. Son articulation avec un dispositif juridique donnant ab initio un contrôle de fait à un actionnaire durablement présent dans la vie de la société est une question sensible. On peut toutefois faire observer qu’il est également possible que les statuts de la société fassent le choix de ne pas appliquer le régime des droits de vote double.
Il est toutefois dérogé, au V de l’article L. 22-10-46-1 créé par le 5°, au principe de non-octroi des droits de vote doubles dans les cas de désactivation des droits de vote multiples, afin de ne pas désavantager le porteur de ces actions de préférence par rapport aux détenteurs d’actions ordinaires lors de ces votes.
- L’EXTENSION AUX SYSTÈMES MULTILATÉRAUX DE NÉGOCIATION DE LA POSSIBILITÉ DE NÉGOCIER DES PROMESSES D’ACTIONS
Le 3° de l’article modifie la première phrase du second alinéa de l’article L. 228-10 du code de commerce, laquelle n’envisage que le contexte de marchés réglementés, pour prévoir la possibilité de négocier des promesses d’actions à créer dont l’admission sur un système multilatéral de négociation a été demandée ou à l’occasion d’une augmentation du capital d’une société dont les actions anciennes sont déjà admises aux négociations sur un système multilatéral de négociation.
Se trouve couvert par cette disposition le cas des introductions sur des marchés de croissance des petites et moyennes entreprises (SME Growth Markets).
FONDS COMMUNS DE PLACEMENT A RISQUE
L’article 2 a pour objet de permettre aux fonds communs de placement à risque d’accompagner les entreprises cotées jusqu’à une capitalisation boursière de 500 millions d’euros.
- L’ÉTAT DU DROIT : DES POSSIBILITÉS RÉDUITES, POUR LES FONDS COMMUNS DE PLACEMENT À RISQUES, D’INVESTIR DANS DES TITRES COTÉS
Ouverts à des investisseurs non professionnels, les fonds communs de placement à risques (FCPR) constituent une catégorie particulière de fonds d’investissement alternatifs (FIA) (A). La composition de leur actif est soumise à des exigences précises, qui n’admettent l’éligibilité des titres de capital des sociétés cotées que si leur capitalisation boursière est inférieure à 150 millions d’euros (B).
- LES FONDS COMMUNS DE PLACEMENT À RISQUES, CATÉGORIE PARTICULIÈRE DE FONDS D’INVESTISSEMENT ALTERNATIFS
Les fonds d’investissement se répartissent en deux catégories principales :
– les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), agréés conformément à la directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009, dite directive OPCVM, dont l’objet exclusif est le placement collectif en valeurs mobilières ou dans d’autres actifs financiers liquides des capitaux recueillis auprès du public. Leur fonctionnement est soumis au principe de la répartition des risques et leurs parts sont, à la demande des porteurs, rachetées ou remboursées, directement ou indirectement, à charge des actifs de ces organismes ;
– les fonds d’investissement relevant de la directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs.
En droit français, outre qu’ils ne sont pas des OPCVM, les FIA se définissent aux termes de l’article L. 214-24 du code monétaire et financier par le fait qu’ils « lèvent des capitaux auprès d’un certain nombre d’investisseurs en vue de les investir, dans l’intérêt de ces investisseurs, conformément à une politique d’investissement que ces FIA ou leurs sociétés de gestion définissent ». Ils sont régis par la section 2 du chapitre IV du titre premier du code monétaire et financier.
Quatre types de FIA peuvent être distingués, régis par des sous-sections distinctes de ladite section 2 :
– les FIA ouverts à des investisseurs non professionnels ;
– les FIA ouverts à des investisseurs professionnels ;
– les fonds d’épargne salariale ;
– les organismes de titrisation ou de financement.
Les FIA ouverts à des investisseurs non professionnels se déclinent eux-mêmes en plusieurs catégories, un paragraphe spécifique de la même section 2 rassemblant les dispositions applicables à chacune des catégories :
– les fonds d’investissement à vocation générale ;
– les fonds de capital investissement, soit les FCPR et ces formes particulières de FCPR que sont les fonds communs de placement dans l’innovation (FCPI) et les fonds d’investissement de proximité (FIP), dont la composition de l’actif est soumise à des exigences supplémentaires ([14]) ;
– les organismes de placement collectif immobilier ;
– les sociétés civiles de placement immobilier, sociétés d’épargne forestière et groupements forestiers d’investissement ;
– les sociétés d’investissement à capital fixe ;
– les fonds de fonds alternatifs.
Prenant la forme de « prise de participations dans des sociétés non cotées en bourse, afin de permettre le financement de leur démarrage, de leur développement ou encore de leur transmission/cession » ([15]), le capital-investissement, en contrepartie de performances potentiellement élevées, se caractérise par une prise de risque plus importante et une moindre liquidité.
Ainsi, aux termes de l’article L. 214-28 du code monétaire financier, qui fixe les règles applicables aux FCPR :
– les porteurs de parts ne peuvent demander le rachat de celles-ci avant l’expiration d’une période qui ne peut excéder dix ans ;
– la souscription des parts n’est possible que pendant une ou plusieurs périodes de souscription à durée déterminée, prévues par le règlement du fonds.
- UN ACTIF À LA COMPOSITION PRÉCISÉMENT ENCADRÉE
L’actif d’un FCPR est composé en majorité de titres d’entreprises non cotées en bourse.
En effet, aux termes du I de l’article L. 214-28 du code monétaire et financier, il doit être constitué, pour 50 % au moins, de titres associatifs, de titres participatifs, de titres de capital de sociétés qui ne sont pas admis aux négociations sur un marché d’instruments financiers ou de titres donnant accès au capital de telles sociétés.
Aux termes du II du même article, il peut également comprendre, dans la limite de 15 % :
– les avances en compte courant consenties, pour la durée de l’investissement réalisé, à des sociétés dans lesquelles le fonds détient au moins 5 % du capital, ces avances étant prises en compte pour le calcul du quota de 50 % prévu au I lorsqu’elles sont consenties à des sociétés remplissant les conditions pour être retenues dans ce quota ;
– des droits représentatifs d’un placement financier dans une entité constituée dans un État membre de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dont l’objet principal est d’investir dans des sociétés dont les titres de capital ne sont pas admis aux négociations sur un marché d’instruments financiers. Ces droits ne sont retenus dans le quota d’investissement de 50 % du fonds qu’à concurrence du pourcentage d’investissement direct de l’actif de l’entité concernée dans les sociétés éligibles à ce même quota.
Aux termes du III dudit article, sont également éligibles au quota d’investissement prévu au I, dans la limite de 20 % de l’actif du fonds :
– les titres de capital, admis aux négociations sur un marché d’instruments financiers d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, émis par des sociétés dont la capitalisation boursière est inférieure à 150 millions d’euros, ou les titres donnant accès au capital de telles sociétés ;
– les titres de créance, autres que ceux mentionnés audit I, émis par des sociétés dont les titres de capital ne sont pas admis aux négociations sur un marché d’instruments financiers.
Des exigences supplémentaires s’appliquant
aux FCPI et aux FIP
Catégories particulières de FCPR, les FCPI et les FIP, en contrepartie d’avantages fiscaux spécifiques, voient la composition de leur actif soumise à des contraintes spécifiques, qui s’ajoutent aux règles applicables aux FCPR de droit commun.
Définis à l’article L. 214-30 du code monétaire et financier, les FCPI ont un actif constitué pour au moins 70 % d’investissements dans de petites et moyennes entreprises (PME) innovantes de moins de dix ans.
Définis à l’article L. 214-31 du même code, les FIP ont un actif constitué pour au moins 70 % d’investissements dans des PME régionales de moins de sept ans.
- LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE EXTENSION DE LA POSSIBILITÉ D’INVESTIR DANS DES TITRES COTÉS
Le dispositif proposé consiste à substituer, à la première phrase du III de l’article L. 214-28 du code monétaire et financier, au montant de 150 millions d’euros retenu comme seuil auquel la capitalisation boursière d’une société doit être inférieure pour que les titres de capital de celle-ci soient éligibles à l’actif d’un FCPR un montant de 500 millions d’euros.
Selon les indications fournies par la direction générale du trésor au rapporteur, tirées de la base de données en finance d’entreprise Orbis, la France comptait en 2022 88 entreprises cotées dont la capitalisation est comprise entre 150 et 500 millions d’euros et 417 entreprises cotées dont la capitalisation était inférieure à 150 millions d’euros. Au niveau de l’Union européenne, le nombre d’entreprises cotées dont la capitalisation était comprise entre 150 et 500 millions d’euros s’élevait à 667, tandis que la capitalisation de 3 944 autres était inférieure à 150 millions d’euros.
Outre un élargissement de l’horizon d’investissement des FCPR, qui inclurait donc 21 % d’entreprises supplémentaires en France et 17 % en Europe, le dispositif permettrait à ces fonds d’accompagner plus longtemps des entreprises cotées dont la forte croissance, caractéristique des entreprises soutenues par le capital-investissement, peut entraîner un franchissement relativement rapide du seuil de 150 millions d’euros.
AUGMENTATION DE CAPITAL SANS DROIT PRÉFÉRENTIEL
L’article 3 assouplit les conditions auxquelles sont soumises les augmentations de capital sans droit préférentiel de souscription (DPS) :
– en portant de 20 % à 30 % du capital social, le plafond de l’émission de titres de capital sans DPS qui peut être réalisée chaque année par une offre qui s’adresse exclusivement à un cercle restreint d’investisseurs agissant pour compte propre ou à des investisseurs qualifiés ;
– en supprimant la limite de 10 % du capital social applicable à la possibilité dérogatoire d’une délégation, par l’assemblée générale d’une société cotée procédant à une augmentation de capital par une offre au public, au conseil d’administration ou au directoire du soin de fixer le prix d’émission ;
– en ouvrant la possibilité pour l’assemblée générale d’une société cotée de déléguer, dans la limite de 30 % du capital social, au conseil d’administration ou au directoire le pouvoir de désigner les personnes à qui l’opération est réservée, le prix d’émission étant alors fixé selon des modalités prévues par décret en Conseil d’État ;
– en portant de 10 % à 20 % du capital social la limite applicable à la possibilité, pour l’assemblée générale d’une société cotée, de déléguer au conseil d’administration ou au directoire les pouvoirs nécessaires à l’effet de procéder à une augmentation de capital en vue de rémunérer des apports en nature consentis à la société et constitués de titres de capital.
- L’ÉTAT DU DROIT : DES AUGMENTATIONS DE CAPITAL SANS DROIT PRÉFÉRENTIEL DE SOUSCRIPTION PLUS ENCADRÉES EN FRANCE QU’À L’ÉTRANGER
Le droit français encadre étroitement les possibilités d’augmentation de capital sans droit préférentiel de souscription (A), au contraire du droit applicable à de nombreuses places financières étrangères (B).
- UN ÉTROIT ENCADREMENT DES AUGMENTATIONS DE CAPITAL SANS DROIT PRÉFÉRENTIEL DE SOUSCRIPTION EN DROIT FRANÇAIS
Les augmentations du capital des sociétés anonymes sont régies par les articles L. 225-127 à L. 225-150 du code de commerce.
- Le droit préférentiel de souscription : principe et avantages
En application de l’article L. 225-132 du code de commerce, « les actionnaires ont, proportionnellement au montant de leurs actions, un droit de préférence à la souscription des actions de numéraire émises pour réaliser une augmentation de capital ». En effet, les augmentations de capital conduisent à émettre sur le marché primaire de nouveaux titres à un prix inférieur au cours de bourse afin d’intéresser les investisseurs. Un actionnaire déjà présent au capital subit pour sa part une dilution que le droit préférentiel de souscription (DPS) vient pallier, en lui permettant d’acheter un nombre d’actions nouvelles proportionnel à sa participation au capital.
Outre l’augmentation des fonds propres qu’elle occasionne, une augmentation de capital avec droit préférentiels de souscription permet :
– d’intéresser les actionnaires existants au développement de l’entreprise, en leur proposant un prix avantageux par rapport au prix de marché ;
– d’envoyer ainsi un signal sur le degré de confiance des actionnaires déjà présents au capital ;
– de faciliter l’acceptation d’une opération par le marché.
- L’encadrement de la possibilité d’augmentations de capital sans droit préférentiel de souscription
Une partie des actionnaires peut ne pas souhaiter ou ne pas être en mesure de souscrire à une augmentation de capital, ce qui occasionne une dispersion de l’actionnariat et n’est pas compatible avec des opérations de grande envergure. Par ailleurs, les opérations avec droit préférentiel de souscription sont complexes à organiser car les DPS sont distincts des actions dont ils émanent et font l’objet d’une procédure d’admission à la négociation particulière.
Aussi, aux termes de l’article L. 225-135, « l’assemblée qui décide ou autorise une augmentation de capital […] peut supprimer le droit préférentiel de souscription pour la totalité de l’augmentation de capital ou pour une ou plusieurs tranches de cette augmentation ».
Aux termes de l’article L. 225-136 du code de commerce, l’émission de titres de capital sans droit préférentiel de souscription par une offre au public est possible sous réserve du respect d’une double condition :
– le prix d’émission ou les conditions de fixation doivent être déterminés par l’assemblée générale extraordinaire sur rapport du conseil d’administration ou du directoire et sur rapport spécial du commissaire aux comptes de la société, ou, s’il n’en a pas été désigné, d’un commissaire aux comptes désigné à cet effet ;
– l’émission de titres de capital est limitée à 20 % du capital social par an s’il s’agit d’une offre qui s’adresse exclusivement à des investisseurs qualifiés ou à un cercle restreint d’investisseurs agissant pour compte propre.
Par dérogation, l’article L. 22-10-52 du code de commerce prévoit, pour les sociétés dont les titres de capital sont admis aux négociations sur un marché réglementé et dans la mesure où les titres de capital à émettre de manière immédiate ou différée leur sont assimilables, que le prix d’émission de titres de capital sans droit préférentiel de souscription doit être fixé selon des modalités prévues par décret en Conseil d’État pris après consultation de l’Autorité des marchés financiers. Toutefois, dans la limite de 10 % du capital social par an, l’assemblée générale extraordinaire peut autoriser le conseil d’administration ou le directoire à fixer le prix d’émission selon des modalités qu’elle détermine au vu d’un rapport du conseil d’administration ou du directoire et d’un rapport spécial du commissaire aux comptes. Le conseil d’administration ou le directoire doit alors établir un rapport complémentaire, certifié par le commissaire aux comptes, décrivant les conditions définitives de l’opération et donnant des éléments d’appréciation de l’incidence effective de cette opération sur la situation de l’actionnaire.
Par ailleurs, l’article L. 22-10-53 prévoit que l’assemblée générale extraordinaire d’une société dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé peut déléguer, pour une durée maximale de vingt-six mois, au conseil d’administration ou au directoire les pouvoirs nécessaires à l’effet de procéder à une augmentation de capital, dans la limite de 10 % de son capital social, en vue de rémunérer des apports en nature consentis à la société et constitués de titres de capital ou de valeurs mobilières donnant accès au capital.
Les contraintes du droit français affectent tout particulièrement le financement des petites et moyennes entreprises cotées, qui concentrent des capitaux levés en bourse ces dernières années, le plus souvent par voie de placement privé.
OPÉRATIONS D’AUGMENTATION DE CAPITAL
POSTÉRIEURES À L’INTRODUCTION EN BOURSE
PAR TAILLE DE SOCIÉTÉ COTÉE
(2010-2021)
Capitaux levés (en millions d’euros) | Type d’opération | |||
Montant | Part | Offres au public | Placement privé | |
Microentreprises | 411 | 7 % | 197 | 207 |
Petites et moyennes entreprises | 3 971 | 70 % | 1 490 | 2 340 |
Entreprises de taille intermédiaire | 710 | 13 % | 703 | 7 |
Grande entreprise | 544 | 10 % | 375 | 169 |
Total | 5 636 | 100 % | 2 765 | 2 723 |
Source : Observatoire du financement des entreprises par le marché.
- UN MOINDRE ENCADREMENT DES AUGMENTATIONS DE CAPITAL SANS DPS SUR LES AUTRES PLACES
La plupart des pays européens plafonnent, comme la France, le volume des opérations de capital sans DPS à un niveau souvent identique au seuil d’exemption à l’obligation de produire un prospectus pour les émissions secondaires, en référence au règlement Prospectus pour les émissions secondaires.
Cependant, la France prescrit dans la loi des règles d’encadrement de la décote plus strictes que les pays voisins, qui parfois renvoient cette question à l’assemblée générale, comme le montre la revue de droit comparée à laquelle la direction générale du Trésor, sollicitée par le rapporteur, a procédé et dont les principaux éléments sont restitués ci-après. Cette situation est préjudiciable à l’attractivité de la place financière de Paris pour de futurs émetteurs.
- Au Royaume-Uni
La législation britannique (Companies Act de 2006) renvoie à des organismes de place le soin de définir les règles régissant la désactivation des droits préférentiels de souscription et l’encadrement du prix d’émission dans ces opérations. Relevant du Financial Reporting Council, autorité de régulation des comptables, auditeurs et des pratiques de gouvernance, le Pre-Emption Group(PEG) élabore et publie des lignes directrices qui ont une valeur prescriptive pour les sociétés cotées sur le marché réglementé du London Stock Exchange (Premium listing) ou, plus rarement, ont valeur de code de référence sur le compartiment inférieur (High Growth segment), équivalent d’un marché de croissance pour les PME au sens de la directive du 15 mai 2014 concernant les marchés d’instruments financiers, dite MiFID II .
Le PEG a révisé au mois de novembre 2022 ses lignes directrices aux fins de faciliter le recours aux augmentations de capital sans droit préférentiel de souscription. Cette révision porte la taille maximale des augmentations de capital sans droit préférentiel de souscription de 10 % du capital sur trois ans glissants à 20 % du capital sur une période de douze mois. Cette décision pérennise le régime dérogatoire mis en place au début de la crise sanitaire. Les émetteurs considérés comme ayant un besoin très significatif de capitaux (capital hungry) pourront s’affranchir du seuil de 20 % sous réserve d’annoncer et justifier cet écart dans la résolution et à la condition de publier un prospectus d’émission.
Pour les sociétés cotées sur le marché réglementé, la décote d’émission lors des augmentations de capital sans droit préférentiel de souscription est plafonnée à 10 % pour une offre au public et, sauf si les actionnaires disposent d’un droit de préemption, à 5 % pour un placement privé. Les sociétés cotées sur un marché non réglementé ne sont assujetties à aucune règle prescriptive.
- Aux Pays-Bas
Le droit néerlandais ne pose que très peu de limites à la faculté des émetteurs à procéder à des augmentations de capital sans droit préférentiel de souscription, pas plus qu’il n’encadre la décote. Sous réserve de l’accord de l’assemblée générale, l’émetteur dispose d’une liberté quasi-totale de définir les paramètres d’une augmentation de capital sans droit préférentiel. La seule limitation concerne les opérations de placement privé, pour lesquelles le nombre de titres nouvellement admis aux négociations – et non pas émis – ne peut dépasser 20 % du capital sur douze mois glissants ; à l’inverse, les opérations réalisées par voie d’offre au public ne sont pas concernées par cette limite. Le prix d’émission n’est pas encadré, pour peu qu’il soit au moins égal à la valeur nominale des titres émis.
- En Espagne
En Espagne, les émetteurs peuvent procéder à une augmentation de capital sans droit préférentiel de souscription jusqu’à 50 % du capital et avec une décote maximale de 10 %. Le conseil d’administration peut aussi recevoir une délégation de pouvoir de l’assemblée générale des actionnaires pour statuer sur la suppression du droit préférentiel de souscription dans la limite de 20 % du capital.
- En Allemagne
Le droit des sociétés allemand permet aux émetteurs de procéder à des augmentations de capital sans droit préférentiel de souscription dans la limite de 20 % du capital chaque année, mais encadre la décote de façon systématique. La limite de 20 % résulte de la dernière réforme de droit boursier (Zukunftsfinanzierungsgesetz), publiée le 15 décembre 2023 – elle était auparavant fixée à 10 % du capital par an. Quelle que soit la taille de l’opération, la décote reste limitée à 5 % par rapport au dernier cours de bourse, ce qui en fait un régime peu attractif – et qualifié comme tel par les observateurs nationaux.
- Aux États-Unis
Contrairement au droit européen, le droit boursier américain ne pose pas pour principe l’attribution de droit préférentiel de souscription lors d’une augmentation de capital. Tant les conditions d’augmentations de capital que l’encadrement du prix d’émission relèvent de dispositions statutaires. Les paramètres des augmentations de capital découlent donc principalement de l’équilibre entre l’émetteur, l’actionnaire de contrôle et les minoritaires ainsi que des conditions de marchés.
COMPARAISON DES RÈGLES D’AUGMENTATION DE CAPITAL
SANS DROIT PRÉFÉRENTIEL DE SOUSCRIPTION
Plafond annuel des augmentations de capital sans DPS | Seuil d’activation de l’encadrement de la décote | Décote maximale | |
France (actuel) | 20 % | 10 % | 10 % |
Royaume-Uni | 20 %, mais dérogations | Aucun | 10 %, mais dérogations |
Pays-Bas | Aucune sauf exception | Aucun | Aucune |
Allemagne | 20 % | 0 % | 5 % |
Espagne | 50 % | Aucun | 10 % |
États-Unis | Aucun | Aucun | Aucun |
Source : direction générale du Trésor.
- LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UN ASSOUPLISSEMENT DE L’ENCADREMENT DES AUGMENTATIONS DE CAPITAL SANS DPS
Le 1° rehausse, pour le porter de 20 % à 30 % du capital social par an, le plafond, prévu au 2° de l’article L. 225-136 du code de commerce, de l’émission de titres de capital qui peut être réalisée par une offre qui s’adresse exclusivement à un cercle restreint d’investisseurs agissant pour compte propre ou à des investisseurs qualifiés.
Le 2° supprime la limite de 10 % applicable à la possibilité dérogatoire, prévue à l’article L. 22-10-52 du même code, pour les sociétés dont les titres de capital sont admis aux négociations sur un marché réglementé et dans la mesure où les titres de capital à émettre de manière immédiate ou différée leur sont assimilables, d’une délégation par l’assemblée générale au conseil d’administration ou au directoire du soin de fixer le prix d’émission.
Le 3°, par l’insertion d’un nouvel article L. 22-10-52-1 dans ledit code, crée la possibilité pour l’assemblée générale d’une société dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé ou un système multilatéral de négociation et dans le cas d’une augmentation de capital réservée à une ou plusieurs personnes de déléguer, dans la limite de 30 % du capital social, au conseil d’administration ou au directoire le pouvoir de désigner cette ou ces personnes, qui ne peut prendre part aux délibérations et au vote sur l’opération. La fixation du prix de l’émission est alors encadrée : il est fixé selon des modalités prévues par décret en Conseil d’État.
L’absence de désignation du bénéficiaire d’une augmentation de capital donne au conseil d’administration le temps d’identifier le futur actionnaire de référence, voire de le sélectionner parmi plusieurs investisseurs potentiels. Cette marge de manœuvre place également le conseil d’administration dans une position plus confortable au moment de négocier les conditions de l’augmentation de capital : la réservation au profit d’une ou plusieurs personnes nommément désignées induit un risque de retard significatif en cas d’échec des négociations, lié à la nécessité de procéder à un nouveau vote de l’assemblée générale pour pouvoir relancer le processus.
Le 4° porte de 10 % à 20 % du capital social la limite, prévue à l’article L. 22-10-53 du code de commerce, applicable à la possibilité, pour l’assemblée générale extraordinaire d’une société dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, de déléguer, pour une durée maximale de vingt-six mois, au conseil d’administration ou au directoire les pouvoirs nécessaires à l’effet de procéder à une augmentation de capital en vue de rémunérer des apports en nature consentis à la société et constitués de titres de capital ou de valeurs mobilières donnant accès au capital.
ÉCHANGE D’INFORMATIONS ENTRE HOMOLOGUES DE L’AMF
L’article 4 permet aux sociétés de gestion de portefeuille de transmettre des informations aux autorités homologues de l’Autorité des marchés financiers et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Ce faisant, il étend à ces sociétés le bénéfice des dérogations à la loi dite de blocage introduites dans le code monétaire et financier depuis 2007.
- L’ÉTAT DU DROIT
La loi n° 68-678 du 26 juillet 1968 relative à la communication des documents et renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères, dite loi de blocage, fait obstacle à la transmission de documents ou de renseignements à des autorités de supervision étrangères (A). Si des dérogations ont été introduites à partir de l’année 2007, les sociétés de gestion de portefeuille en demeurent exclues (B).
- LE PRINCIPE INITIAL D’INTERDICTION DE LA TRANSMISSION D’INFORMATIONS À DES AUTORITÉS ÉTRANGÈRES
Initialement, la loi du 26 juillet 1968 précitée ne visait que les informations relatives aux transports maritimes. Aux termes de son article 1er, il était « interdit à toute personne physique de nationalité française ou résidant habituellement sur le territoire français et à tout dirigeant, représentant, agent ou préposé d’une personne morale de droit privé y ayant son siège ou un établissement, de communiquer, en quelque lieu que ce soit, à des autorités publiques étrangères, les documents ou les renseignements relatifs aux transports par mer définis par arrêté du ministre chargé de la marine marchande », ces renseignements et documents étant « ceux dont la communication à une autorité étrangère serait contraire aux règles du droit international ou de nature à porter atteinte à la souveraineté de l’État français ».
Modifié par la loi n° 80-538 du 16 juillet 1980 relative à la communication de documents ou renseignements d’ordre économique, commercial ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères, ce dispositif a pris un tour à la fois plus général et moins absolu, la loi prévoyant désormais :
– d’une part, aux termes de son article 1er, une interdiction « de communiquer par écrit, oralement ou sous toute autre forme, en quelque lieu que ce soit, à des autorités publiques étrangères, les documents ou les renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique dont la communication est de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, aux intérêts économiques essentiels de la France ou à l’ordre public », interdiction faite à « toute personne physique de nationalité française ou résidant habituellement sur le territoire français et à tout dirigeant, représentant, agent ou préposé d’une personne morale y ayant son siège ou un établissement », ces documents et renseignements étant « précisés par l’autorité administrative en tant que de besoin » ;
– d’autre part, aux termes d’un article 1er bis nouveau, une interdiction « de demander, de rechercher ou de communiquer, par écrit, oralement ou sous toute autre forme, des documents ou renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique tendant à la constitution de preuves en vue de procédures judiciaires ou administratives étrangères ou dans le cadre de celles-ci », interdiction faite à « toute personne » mais « sous réserve des traités ou accords internationaux et des lois et règlements en vigueur ».
Comme l’écrivait, dans un rapport remis en 2019, M. Raphaël Gauvain, alors député, cette loi est une « loi d’aiguillage qui a pour but de réorienter les demandes de coopération internationale vers leurs canaux de traitement normaux », non « une loi de non-coopération, ni une loi prohibant la coopération internationale ». Elle n’en faisait cependant pas moins obstacle à la transmission d’informations à des autorités de supervision étrangères.
Le rôle de l’Autorité des marchés financiers
et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution
dans l’application de la loi de blocage
Dans le cadre de l’exécution de leurs missions de supervision, l’Autorité des marchés financiers (AMF) et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution sont garantes à la fois des canaux d’entraide (article 1er bis) et de la protection des informations sensibles (article 1er), en lien avec le service de l’information stratégique et de la sécurité économique (SISSE) de la direction générale des Entreprises (DGE).
Le décret n° 2022-207 du 18 février 2022 confère au SISSE le rôle de guichet unique pour accompagner les entreprises françaises confrontées à des demandes d’informations sensibles de la part d’autorités étrangères. Un dossier comportant notamment les motifs de la requête et les échanges ayant eu lieu avec l’autorité étrangère doit y être déposé dans les plus brefs délais par l’entreprise, laquelle reçoit une réponse rapidement .
- DES DÉROGATIONS DONT LES SOCIÉTÉS DE GESTION DE PORTEFEUILLE DEMEURENT EXCLUES
Le législateur a entendu lever l’obstacle que la loi du 26 juillet 1968 précitée opposait à la transmission d’informations en accordant des dérogations aux infrastructures de marché (1), puis aux établissements de crédit et entreprises de marchés placés sous la supervision de l’Autorité des marchés financiers (AMF) et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) (2).
- Une dérogation accordée aux infrastructures de marchés
Prise sur le fondement de la loi du 20 février 2007 portant diverses dispositions intéressant la Banque de France, l’ordonnance du 12 avril 2007 relative aux marchés d’instruments financiers a introduit dans le code monétaire et financier un article L. 632-17 permettant la communication par les entreprises de marché et chambres de compensation à leurs homologues étrangers ainsi qu’aux autorités homologues de l’Autorité des marchés financiers « les informations nécessaires à l’accomplissement de leurs missions respectives relatives à l’accès, à l’organisation et à la sécurité des marchés ».
Cette possibilité de communication était soumise à une double condition :
– que ces organismes homologues soient eux-mêmes soumis au secret professionnel dans un cadre législatif offrant des garanties équivalentes à celles applicables en France ;
– une réserve de réciprocité.
Il était par ailleurs précisé que les informations ainsi recueillies ne pouvaient être utilisées que conformément aux indications de l’autorité compétente qui les avait transmises.
Cette rédaction a été modifiée par l’article 8 de la loi du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière.
D’une part, il s’est agi d’adapter le dispositif pour tenir compte de la création d’une nouvelle autorité de supervision, l’Autorité de contrôle prudentiel. D’autre part, la dérogation introduite en 2007 a été étendue à l’ensemble des infrastructures de marché. Il est en outre précisé que, lorsque les échanges d’informations interviennent entre les infrastructures de marché et les autorités homologues des autorités françaises de supervision, ils sont effectués dans les conditions prévues par un accord de coopération.
Le dispositif a encore été l’objet d’une modification, purement rédactionnelle, aux termes de l’article 24 de la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, pour tirer les conséquences de la nouvelle dénomination de l’Autorité de contrôle prudentiel.
- Une extension des dérogations aux entreprises d’investissement et aux établissements de crédit proposant des services d’investissement
Par l’ajout d’un II à l’article L. 632-17 du code monétaire et financier, la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises, dite Pacte, introduit une nouvelle dérogation.
Adoptée à l’initiative du Gouvernement avec l’avis favorable du rapporteur, lors de l’examen du texte en séance à l’Assemblée nationale, cette disposition permet aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement français soumis à la supervision de l’ACPR et de l’AMF de transmettre aux autorités de pays tiers des informations couvertes par le secret professionnel.
La levée du secret professionnel est toutefois soumise à une triple condition :
– l’existence d’un accord de coopération avec l’ACPR ou l’AMF ;
– le respect du principe de réciprocité ;
– le fait que les autorités homologues soient elles-mêmes soumises au secret professionnel dans un cadre législatif offrant des garanties équivalentes.
- L’exclusion pérenne des sociétés de gestion de portefeuille
Aux termes du dispositif prévu par la loi du 22 mai 2019 précitée, les sociétés de gestion de portefeuille, prestataires de services d’investissement non assimilables aux entreprises d’investissement, demeuraient exclues du champ des dérogations à la loi dite de blocage.
Or, selon les indications fournies par la direction générale du Trésor au rapporteur, au moins une dizaine de sociétés de gestion française se sont heurtées, de ce fait et en raison d’une évolution de la doctrine du superviseur américain, la Securities and Exchange Commission (SEC), à un refus par celui-ci de les agréer comme Investment Advisor (conseiller en investissement). Compte tenu du fait que les États-Unis représentent près de 50 % du marché mondial de la gestion pour compte de tiers, ce changement de doctrine, également confirmé par des échanges bilatéraux entre l’AMF et la SEC, affecte fortement les perspectives de développement de l’industrie française de la gestion.
- LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE EXTENSION AUX SOCIÉTÉS DE GESTION DE PORTEFEUILLE DE LA DÉROGATION CONSENTIE AUX ENTREPRISES D’INVESTISSEMENT
Prévoyant une double substitution de termes à l’article L. 632-17 du code monétaire et financier, le dispositif proposé rend applicable aux sociétés de gestion de portefeuille la dérogation accordée aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement.
Substituant aux mots « entreprises d’investissement » les mots « prestataires de service d’investissement » (PSI), le 1° aligne le régime des sociétés de gestion de portefeuille sur celui des entreprises d’investissement. En effet, les PSI se répartissent en trois catégories, dont deux bénéficient déjà de la dérogation prévue par la rédaction actuelle :
– les entreprises d’investissement, expressément visées par le droit en vigueur ;
– les établissements de crédit ayant reçu un agrément pour fournir des services d’investissement ;
– les sociétés de gestion de portefeuille.
Substituant à la conjonction « et » la conjonction « ou », le 2° tire les conséquences de la supervision des sociétés de gestion de portefeuille par la seule AMF. À défaut, l’extension de la dérogation n’aurait pu leur être appliquée, puisqu’elles ne sont pas des PSI placés sous la supervision de l’ACPR.
S’inscrivant dans la continuité des dispositions prises depuis 2007, l’article 4 permettra à la fois de garantir un traitement identique à l’ensemble des acteurs des marchés financiers et de lever les difficultés récemment rencontrées par des sociétés de gestion avec la SEC.
Une application maintenue de l’article 1er de la loi de blocage
Selon les informations communiquées par la direction générale du Trésor au rapporteur, la situation dans laquelle des sociétés de gestion de portefeuille détiendraient des informations dont la communication serait de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, aux intérêts économiques essentiels de la France ou à l’ordre public est très peu probable.
La majorité d’entre elles, agissant sur titres cotés (ou dans l’immobilier), traitent essentiellement de l’information publique. Les informations les plus confidentielles qu’elles détiennent sont des informations qu’elles doivent recueillir sur leurs clients ou distributeurs, lesquelles sont pour leur plus grande part également publiques.
Le risque résiduel concernerait des sociétés de gestion de portefeuille de capital investissement détenant de l’information sur des sociétés non cotées agissant dans des secteurs sensibles, mais il serait surprenant qu’un régulateur de marché fasse des demandes d’information sur ce type d’informations. Ce risque peut être couvert par une bonne communication auprès des sociétés concernées, à qui il pourra être rappelé que l’article 1er de la loi de blocage continue de s’appliquer.
L’article 5 limite aux seuls opérateurs de marché de pays non parties à l’accord sur l’Espace économique européen le champ de l’exigence d’une reconnaissance préalable du marché étranger objet d’une communication promotionnelle adressée de leur part aux investisseurs non professionnels établis ou résidant en France en vue de les inciter à agir directement sur ce marché et à y conclure des transactions. Ce faisant, il autorise la communication promotionnelle auprès des mêmes investisseurs non professionnels, dès lors qu’elle est le fait de prestataires de service d’investissement agréés en France.
RECONNAISSANCE DU MARCHÉ ÉTRANGER
- L’ÉTAT DU DROIT : LA CONDITION DE RECONNAISSANCE DU MARCHÉ ÉTRANGER, UNE BARRIÈRE SPÉCIFIQUE À LA FRANCE
L’article L. 423-1 du code monétaire et financier soumet la possibilité, pour quiconque, de solliciter le public aux fins d’opérations sur un marché étranger à une reconnaissance préalable de ce marché (A). Les droits étrangers ne prévoient pas de barrière analogue à la sollicitation du public (B).
- LA RECONNAISSANCE DU MARCHÉ TIERS À L’ESPACE ÉCONOMIQUE EUROPÉEN, EXIGENCE PRÉALABLE À LA SOLLICITATION DE CLIENTS NON PROFESSIONNELS
Aux termes de l’article L. 423-1 du code monétaire et financier, le public ne peut être sollicité, sous quelque forme que ce soit et par quelque moyen que ce soit, directement ou indirectement, en vue d’opérations sur un marché étranger de titres financiers autre qu’un marché réglementé d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE), de contrats à terme négociables ou de tous produits financiers que lorsque le marché a été reconnu dans des conditions fixées par décret et sous réserve de réciprocité.
Cette condition s’applique quelle que soit l’origine de la sollicitation. Ainsi, un prestataire de service dûment agréé par les autorités de supervision nationales ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen qui exerce son activité en France y est soumis comme un opérateur de pays tiers. En revanche, elle ne vaut que pour la sollicitation de clients non-professionnels, comme le précise l’instruction de l’AMF DOC-2019-05 intitulée « Procédure de reconnaissance des marchés étrangers ». La reconnaissance du marché est ainsi une exigence préalable lorsque :
– des instruments financiers négociés sur le marché peuvent donner lieu à une sollicitation de clients non professionnels ;
– le marché admet des clients non professionnels en tant que membres.
Un marché situé en dehors de l’EEE n’est pas soumis à la procédure de reconnaissance lorsque :
– ses membres sont des clients professionnels agissant pour compte propre ou pour le compte de clients professionnels ;
– ses membres sont des clients professionnels agissant pour le compte de clients non professionnels n’ayant pas été sollicités, par le membre lui-même ou par tout autre intermédiaire ;
– des intermédiaires sollicitent des clients professionnels.
La procédure de reconnaissance d’un marché étranger
(articles D. 423-1 à D. 423-3 du code monétaire et financier
et instruction DOC-2019-05 de l’AMF)
Un marché étranger ne peut être reconnu que lorsque les règles de protection des investisseurs, de sécurité, de surveillance et de contrôle de ce marché sont équivalentes à celles qui existent sur les marchés placés sous l’autorité de l’Autorité des marchés financiers et à condition que les personnes autorisées à intervenir sur ces marchés et les produits qui peuvent y faire l’objet de transactions bénéficient d’un traitement équivalent dans le pays concerné.
Les personnes domiciliées ou ayant leur siège social hors du territoire de la République sont autorisées à solliciter le public en France en vue d’opérations sur un marché étranger reconnu de valeurs mobilières, de contrats à terme ou de tous produits financiers, lorsqu’elles ont été agréées par l’autorité de contrôle compétente dans leur pays d’origine et après que les autorités compétentes françaises se sont assurées que les règles de compétence, d’honorabilité et de solvabilité auxquelles sont soumises ces personnes sont équivalentes à celles qui sont applicables en France.
La demande de reconnaissance doit être adressée par une lettre au ministre signée par le président du marché étranger demandeur, ou par toute personne habilitée à signer au nom et pour le compte du marché. La direction générale du Trésor transmet la demande du marché étranger à l’AMF qui émet ensuite un avis sur cette reconnaissance à la direction générale du Trésor.
L’AMF vérifie que la demande respecte les critères fixés. À ce titre, elle compare l’organisation et les dispositifs du marché avec le cadre européen applicable et examine notamment si :
– le marché étranger est soumis à un agrément, une surveillance effective ainsi qu’un contrôle de manière continue dans son pays d’origine ;
– le marché étranger dispose de règles claires et transparentes concernant l’admission d’instruments financiers à la négociation de manière à ce qu’ils soient négociés de manière équitable, ordonnée et efficace, et que ces derniers soient librement négociables ;
– les émetteurs d’instruments financiers sont soumis à des obligations d’information périodiques et continues assurant un haut niveau de protection des investisseurs ;
– la transparence et l’intégrité du marché étranger sont garanties par une prévention effective des abus de marché.
Afin d’assurer la protection des investisseurs et avant toute reconnaissance d’un marché étranger, l’AMF exige qu’il soit démontré qu’un cadre de coopération et d’échange d’informations existe avec l’autorité nationale compétente du marché étranger.
Une fois le dossier instruit, le collège de l’AMF émet un avis favorable ou défavorable qui est transmis au ministre chargé de l’économie. Dès réception de l’avis, si celui-ci est favorable, le ministre prend un arrêté de reconnaissance publié au Journal officiel et informe le marché étranger de sa décision de reconnaissance.
- UNE BARRIÈRE SPÉCIFIQUE À LA FRANCE
Selon les indications communiquées par la direction générale du Trésor au rapporteur, il n’existe pas, dans d’autres législations, de régime d’interdiction de la sollicitation du public en vue d’opérations sur un marché étranger. Toutefois, l’accès de plateformes de négociation étrangères au marché national est parfois encadré.
Ainsi, le dispositif italien prévoit une reconnaissance du marché étranger couplée à une notification des membres italiens souhaitant accéder aux marchés reconnus. Le superviseur italien (Commissione nazionale per le società e la Borsa, CONSOB) peut reconnaître des marchés étrangers pour « étendre leur activité » en Italie. La reconnaissance vise uniquement la possibilité pour des marchés étrangers d’offrir la possibilité à des entités italiennes de devenir membres desdits marchés.
Le droit allemand n’impose pas, quant à lui, aux entreprises d’investissement établies en Allemagne d’obtenir une autorisation particulière pour exécuter des ordres d’achat ou de vente d’instruments financiers négociés sur des marchés de pays tiers. En revanche, il impose aux marchés d’instruments financiers de pays non membres de l’Espace économique européen qui ne sont pas des systèmes organisés de négociation ou des systèmes multilatéraux de négociation agréés dans l’Union, ou à leurs opérateurs, d’obtenir une autorisation de l’Autorité fédérale de supervision financière (Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht, BAFIN) pour octroyer à leurs participants établis en Allemagne un accès électronique direct en tant que membre de marché.
- LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE CONDITION DE RECONNAISSANCE PRÉALABLE DU MARCHÉ APPLICABLE À LA SEULE COMMUNICATION PROMOTIONNELLE ÉMANANT D’OPÉRATEURS ÉTRANGERS
L’article 5 a pour objet de substituer au texte actuel de l’article L. 423-1 du code monétaire et financier une nouvelle rédaction qui soumet spécifiquement la communication promotionnelle destinée aux investisseurs non professionnels établis ou résidant en France issue d’opérateurs de marché d’États non partie à l’accord sur l’Espace économique européen à l’exigence d’une reconnaissance préalable, dans des conditions reconnues par décret, du marché.
Ce faisant, elle lève les restrictions pesant sur les prestataires de services d’investissement agréés en France, auxquelles la communication promotionnelle en vue d’opérations sur les marchés étrangers est autorisée, y compris auprès de clients non professionnels, dès lors qu’elle ne se couple pas avec une proposition d’adhésion des clients finaux au marché, sans qu’il y ait de besoin d’une reconnaissance dudit marché. La gamme d’instruments financiers et de produits qu’il serait possible de proposer aux clients non professionnels établis ou résidant en France demeurerait toutefois limitée par les règles de commercialisation prévues par le droit national et le droit européen, qui continuent de s’appliquer.
La suppression d’une condition de réciprocité d’un maniement délicat
Dans sa rédaction actuelle, prévoyant une réserve de réciprocité que ne comporte pas la rédaction qui serait issue de l’article 5 , l’article L.423-1 du code monétaire et financier soumet la reconnaissance du marché à une condition qui dépend non de ce dernier mais de l’État dans lequel il est situé. Ainsi, les contours de cette condition de réciprocité sont incertains : des exigences peuvent s’appliquer à une plateforme de négociation dans l’État sans qu’on puisse nécessairement considérer que l’accès soit interdit. Par ailleurs, si une plateforme de négociation française n’a pas demandé d’accès à cet État, la condition doit-elle être considérée comme remplie ?
Les critères et la procédure de reconnaissance sont définis par les articles D. 423-1 à D. 423-3 du code monétaire et financier. Le règlement général de l’AMF complète ce cadre en fixant, à ses articles 251-1 à 251-7, des conditions relatives à la commercialisation en France d’instruments financiers négociés sur un marché étranger reconnu. L’instruction AMF DOC-2019-05 intitulée « Procédure de reconnaissance des marchés étrangers » précise en outre les critères et la procédure de reconnaissance de marchés étrangers.
À la suite de l’adoption de la nouvelle rédaction de l’article L. 423-1 du code monétaire et financier, la réciprocité, sans plus constituer un critère qu’il est théoriquement indispensable de remplir, pourra donc être retenue par le règlement général de l’AMF ou l’instruction de l’AMF comme l’un des éléments à prendre en compte parmi plusieurs pour décider si un marché doit bénéficier d’une reconnaissance.
- LA POSITION DE LA COMMISSION
Après avoir adopté une série d’amendements rédactionnels du rapporteur, la commission a adopté cet article.
FACILITER LA CROISSANCE À L’INTERNATIONAL DES ENTREPRISES
FRANÇAISES PAR LA DÉMATÉRIALISATION DES TITRES TRANSFÉRABLES
Les dispositions du titre II trouvent directement leur inspiration dans les travaux d’une commission des Nations unies (I) et d’une mission constituée à la demande du Gouvernement (II).
- LA LOI-TYPE DES NATIONS UNIES
Créée « afin d’encourager l’harmonisation et l’unification progressives du droit commercial international dans l’intérêt de tous les peuples, particulièrement ceux des pays en développement », la commission des Nations unies pour le droit commercial international (CNUDCI) a été à l’origine de divers instruments juridiques intéressant le champ du présent rapport, dont la convention sur le transport de marchandises par mer, signée le 31 mars 1978 à Hambourg, la convention sur les communications électroniques dans les contrats internationaux, signée le 23 novembre 2005 New-York, et la convention sur le transport international de marchandises, signée le 23 septembre 2009 à Rotterdam.
Néanmoins, la commission reconnaît que ces textes « n’abordent pas ou abordent de manière insuffisante les questions découlant de l’utilisation de documents transférables électroniques dans le commerce international ». Elle a donc élaboré une loi-type sur ces documents et invité les autorités compétentes des États membres de l’Organisation des Nations unies (ONU) à s’en inspirer :
– le paragraphe 2 de l’article 1er prévoit que « rien dans [cette loi-type], en dehors de ce qui y est disposé, n’a d’incidence sur l’application à un document transférable électronique d’une règle de droit régissant les documents ou instruments transférables papier, y compris d’une règle de droit applicable à la protection des consommateurs » ;
– le dernier alinéa de l’article 2 indique qu’il vise tout titre « qui donne au porteur le droit d’exiger l’exécution de l’obligation qui y est spécifiée et de transférer ce droit en transférant le document ou l’instrument » ;
– le paragraphe 1 de l’article 7 précise que « le document transférable électronique n’est pas privé de ses effets juridiques, de sa validité ou de sa force exécutoire au seul motif qu’il se présente sous une forme électronique » ;
– aux termes de l’article 9, le recours à une signature électronique implique « une méthode fiable […] pour identifier [la] personne [signataire] » ;
– d’après le paragraphe 2 de l’article 10, « l’intégrité du document électronique s’apprécie en déterminant si l’information figurant dans ce document, y compris toute modification autorisée susceptible d’intervenir depuis sa création jusqu’au moment où il cesse de produire des effets ou d’être valable, est restée complète et inchangée, exception faite de toute modification intervenant dans le cours normal de la communication, du stockage et de l’affichage » ;
– le paragraphe 1 de l’article 11 prévoit que « lorsque la loi [nationale] exige ou permet la possession d’un document ou instrument transférable papier, cette exigence est satisfaite, dans le cas d’un document transférable électronique, si une méthode fiable est employée pour établir le contrôle exclusif d’une personne sur ce document transférable électronique et pour identifier cette personne comme la personne qui en a le contrôle » ;
– l’article 15 est relatif au mécanisme de l’endossement (cf. infra le commentaire de l’article 6) ;
– les articles 17 et 18 concernent le remplacement de documents imprimés par des documents électroniques et inversement.
Ainsi que le souligne la note explicative annexée à la loi-type :
– la commission « met l’accent sur la transférabilité du document et non sur sa négociabilité, étant entendu que celle-ci est liée aux droits sous-jacents du porteur de l’instrument, qui relèvent du droit matériel [national] » ;
– le principe de neutralité technologique « implique l’adoption d’une démarche neutre vis à-vis du système, ce qui permet l’utilisation de modèles qui peuvent être fondés sur un registre, des jetons […] ou une autre technologie » ;
– le principe d’équivalence fonctionnelle signifie que « le même droit matériel [national] s’applique à un document ou instrument transférable papier et à un document transférable électronique qui comprend les mêmes informations que ce document ou instrument transférable papier, à chaque étape du cycle de vie d’un document transférable électronique ».
- LA MISSION SUR LA DIGITALISATION DU COMMERCE INTERNATIONAL
Par un courrier daté du 28 novembre 2022, MM. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la justice, et Olivier Becht, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger, chargeaient Mme Béatrice Collot, directrice générale de la filiale de La Banque postale chargée du crédit-bail et de l’affacturage, et M. Philippe Henry, directeur général de la société de conseil en investissement Dewenson, représentant tous deux l’association Paris Europlace, d’une « mission sur la numérisation de l’activité de financement du commerce international [devant] permettre d’identifier les pistes d’amélioration de notre dispositif législatif et réglementaire et de fédérer l’écosystème de la trade finance sur les opportunités liées à la dématérialisation, au bénéfice de l’attractivité de la place de Paris ». Les conclusions de cette mission ont été remises le 29 juin 2023 aux trois ministres susmentionnés. Puisque le titre II reprend l’essentiel des dispositions législatives proposées par cette mission, il paraît utile de citer de larges extraits de son rapport.
● En premier lieu, est formulé le constat que « les activités de financement de court terme du commerce international sont aujourd’hui confrontées à un impératif de modernisation auquel la digitalisation peut répondre » : ces activités « permettent de réduire les risques […] des exportateurs et des importateurs » et elles sont « indissociables de flux documentaires dont l’absence de dématérialisation nuit à la fluidité des chaînes logistiques ».
En deuxième lieu, Mme Collot et M. Henry relèvent que « la digitalisation est d’abord un levier de réduction des coûts pour les banques et leurs clients, de sécurisation des échanges et d’accès élargi aux produits de financement du commerce international » et qu’elle « répond également à un enjeu d’attractivité juridique, dans un contexte où plusieurs pays se mobilisent pour l’adoption de la loi-type de la commission des Nations unies pour le développement du commerce international », mais qu’elle « nécessite la pleine reconnaissance de la forme électronique des titres transférables dans le droit français », singulièrement de leur force probante en matière cambiaire comme sur le plan contentieux.
En troisième lieu, la mission précise que « si l’établissement d’un écrit électronique revêtu d’une ou plusieurs signatures, également électroniques, est juridiquement possible en l’état de notre droit actuel, celui-ci ne prévoit rien pour assurer l’équivalence fonctionnelle pour un document électronique, par essence immatériel, de la possession de l’original du document transférable établi sur support papier ; or cette possession est indispensable pour l’exercice ou le transfert des droits représentés par le document transférable et pour éviter des exécutions multiples ou des transferts à plusieurs personnes d’un même droit ».
En quatrième lieu, « chaque transaction internationale nécessite en moyenne l’usage et la transmission de 36 documents et de 240 copies » et « deux tiers des transactions de financement documentaire comportent des irrégularités ou nécessitent des corrections », ce qui se comprend lorsque l’on rappelle que « les équipes [dans les banques et les entreprises de commerce] gèrent successivement la réception des documents, la numérisation des jeux de documents pour traitement en back office, l’établissement de fiches de contrôle pour conserver la trace du nombre de copies et originaux reçus, l’enregistrement dans les systèmes de gestion électronique de documents permettant le stockage des documents scannés et l’envoi de la liasse documentaire vers la banque émettrice ou vers le client donneur d’ordre ».
La mission mentionne plusieurs estimations des gains de productivité que permettrait l’application dans le monde entier de dispositions analogues à celles faisant l’objet du titre II :
– du point de vue microéconomique, « une étude menée en 2014 par la commission économique et sociale des Nations unies pour l’Asie et le Pacifique montre que si le traitement d’un document commercial sur papier prend environ quatre heures [étalées sur] sept jours, ce temps sera réduit à dix minutes en cas d’usage de documents électroniques » et « le comité français de la Chambre de commerce internationale estime ainsi de douze à quinze jours le délai moyen de traitement pour une lettre de crédit sur papier et évalue un délai réduit de quarante-huit à soixante-douze heures en cas de lettre de crédit électronique » ;
– du point de vue macroéconomique, « le cabinet McKinsey estimait en 2022 que la dématérialisation du connaissement maritime – qui représente 10 % à 30 % des coûts de documentation commerciale associés à une transaction type – pourrait à terme générer plus de 15,5 milliards de dollars d’avantages directs pour l’écosystème du transport maritime et jusqu’à 40 milliards de dollars d’augmentation des échanges commerciaux » et « à l’échelle de la France, en appliquant une méthodologie similaire à celle [retenue par les autorités] du Royaume-Uni […], les gains générés pour l’ensemble de l’écosystème pourraient atteindre 3,8 milliards d’euros d’ici à 2030 ».
En dernier lieu, la mission sur la digitalisation des activités de financement du commerce international préconise expressément de transposer la loi-type de la CNUDCI, qui présente l’avantage de laisser aux États « le soin de déterminer le champ des documents ou instruments considérés comme transférables, sans se montrer prescriptive en matière de technologies ou de méthodes de contrôle ».
D’après les informations recueillies par le rapporteur, cette transposition est effective, partiellement dans l’État de New-York et en Allemagne, et pleinement au Royaume-Uni, à Bahreïn, à Singapour, à Abou Dabi, au Belize, dans les Kiribati, à Tuvalu, au Paraguay et en Papouasie-Nouvelle-Guinée.
● S’agissant du droit français, Mme Collot et M. Henry jugent que « la difficulté posée par l’utilisation de la forme électronique pour un document transférable tient au fait que l’existence des droits est liée à la détention physique du support papier ; dans le cas d’un écrit électronique, il n’existe pas à proprement parler d’original : un écrit électronique peut être dupliqué sans qu’il soit possible de distinguer l’original de la copie et, partant, le porteur unique de l’original ;[…] la pratique bancaire considère que l’utilisation de titre transférable électronique est à proscrire, dès lors qu’il n’existe pas à ce jour de système fiable assurant une impossibilité pour le porteur d’un titre de le transférer plusieurs fois, ou de solliciter plusieurs fois son exécution ».
Le juge judiciaire ne reconnaît d’ailleurs pas la lettre de change avec relevé magnétique comme un effet de commerce, mais simplement comme un procédé de recouvrement dont l’exécution doit être prouvée par papier.
Dans la perspective d’une révision du cadre législatif applicable aux outils de financement à court terme du commerce international, la mission insiste sur les quatre enjeux suivants :
– « la possession du titre par celui qui veut exercer ou transférer les droits représentés par lui, quoique non mentionnée dans les dispositions [en vigueur] encadrant individuellement les différents titres transférables, apparaît comme une de leurs caractéristiques essentielles [puisque] l’incorporation des droits dans le titre impose […] de posséder de façon tangible l’original du titre transférable », si bien que « la reconnaissance de titres transférables électroniques pose la question de l’applicabilité de la possession aux choses incorporelles », même s’il « importe moins de trancher ce débat que de s’assurer que l’usage de la forme électronique soit suffisamment encadré pour que le titre ne puisse faire l’objet d’exécutions ou de transferts multiples » ;
– « l’équivalence entre la forme électronique et la forme papier du titre transférable » devra être prévue, car aujourd’hui « le droit français ne contient pas de dispositions qui permettraient au porteur d’un titre transférable dématérialisé[…] de disposer des mêmes garanties que celles offertes par la possession de l’original du titre équivalent établi sur support papier » ;
– « à la différence du contenu d’un contrat, qui n’a pas vocation à circuler et par conséquent à être modifié à cette occasion, le contenu de l’original du titre transférable n’est pas statique et peut être modifié depuis sa création jusqu’au moment où il cesse de produire des effets ou d’être valable ; le contenu d’une lettre de change, par exemple, peut être modifié par l’adjonction d’une signature d’acceptation, d’un aval ou par des endos successifs », ce qui rend « nécessaire de préciser que l’intégrité d’un titre transférable électronique sera préservée et ne sera pas remise en cause si des modifications successives et permises par les textes ont été apportées au sein du titre au cours de son existence [ou] en cas de modifications purement techniques résultant de la communication, conservation ou affichage du document » ;
– « s’agissant du contrôle du document, il importe, dès lors que ce contrôle est exclusif, qu’une méthode fiable permette d’identifier tous les intervenants concernés (créateurs, obligés, porteurs) et d’assurer la traçabilité des porteurs et des signataires successifs, le contrôle exclusif s’imposant comme l’équivalent fonctionnel, pour un document sous forme électronique, de la possession de l’original d’un document sur support papier ».
L’article 6 crée une définition des titres transférables au sens et pour l’application des dispositions du titre II . Cette définition s’appliquerait aux écrits représentant un bien ou un droit et dotant leur porteur d’une créance (notamment les lettres de change et billets à ordre, les récépissés et warrants, les connaissements maritimes ou fluviaux négociables, les polices d’assurance à ordre ou au porteur ou convenues comme telles et les bordereaux de cession dits Dailly). En sont exclus certains véhicules financiers comme les chèques.
La complexité des transactions commerciales internationales (A) a justifié le développement de documents de garantie financière épars (B).
- UN COMMERCE INTERNATIONAL RISQUÉ
De la même manière que le commerce domestique, le commerce international engendre la confection et l’utilisation de documents tels que des devis, des factures, des listes de colisage – lesquels récapitulent la composition, le poids ou encore les dimensions des différents cartons expédiés ensemble –, des certificats produits ou requis par les inspections sanitaires ou douanières, etc.
La distance entre les parties et les différences juridiques entre pays, cause respectivement de risques de délai ou de péremption et d’incertitudes, ont toutefois mené au développement dans le commerce international d’autres documents garantissant le paiement des marchandises en circulation.
Puisque leur objectif est de rendre les transactions plus liquides, tant pour lisser la trésorerie des parties que pour les prémunir contre un aléa, il s’agit d’outils de financement à part entière, aux côtés de véhicules plus connus comme le crédit.
Ces produits peuvent couvrir des opérations à court terme (« trade finance »), servis en majorité par des banques au profit d’entreprises de toute taille, ou à plus long terme (« export finance »), souscrits pour des projets d’une plus grande ampleur ou d’un plus fort risque auprès d’établissements d’assurance-crédit, le cas échéant avec le soutien de la puissance publique.
FLUX ASSOCIÉS À UNE TRANSACTION INTERNATIONALE

Source : mission sur l’accélération de la digitalisation des activités de financement du commerce international (juin 2023).
L’enchaînement de ces étapes multiplie les risques matériels – altération ou perte des biens, etc. – et immatériels – modification de la législation locale dans telle matière, dysfonctionnement bancaire, choc de change, etc. – auxquels sont confrontés l’acheteur et le vendeur. Les outils de financement du commerce international sécurisent la relation contractuelle entre l’un et l’autre tout en allégeant la mobilisation de leur fonds de roulement et l’exposition de leur capital.
- DES DOCUMENTS AU RÉGIME JURIDIQUE HÉTÉROGÈNE
En ce qui concerne les transactions internationales à court terme, plusieurs outils du droit positif français permettent aux banques, ou plus rarement aux assurances, de jouer le rôle d’un tiers de confiance entre les exportateurs et les importateurs.
Il s’agit des effets de commerce (1), des garanties pour les dépôts dans les magasins généraux (2), des connaissements de transport (3), de certaines polices d’assurance (4) et du bordereau de cession d’une créance professionnelle (5).
Ces contrats de droit cambiaire – ou droit du change – reposent sur les mécanismes de l’endossement et de l’escompte (6).
- Les effets de commerce
Aux termes du titre Ier du livre V du code de commerce, la lettre de change et le billet à ordre constituent les deux types d’effets de commerce. Ils ne sont pas nécessairement payables à vue, ce qui les différencie du chèque (cf. infra).
● Selon l’article L. 511-1, la lettre de change, qu’un usage remontant au Moyen-âge fait parfois appeler traite, est le « mandat pur et simple de payer une somme déterminée » – à une « échéance » donnée ([42]) –, par « celui qui doit payer, dénommé tiré », au profit de « celui auquel ou à l’ordre duquel le paiement doit être fait », lequel est appelé porteur, et « celui qui émet la lettre [est] dénommé tireur » ; il peut aussi être désigné comme le créancier. L’article L. 511-2 dispose que « la lettre de change peut être à l’ordre du tireur lui-même ; elle peut être tirée sur le tireur lui-même [ou] pour le compte d’un tiers […] ».
Pour sa part, le tiré peut aussi être désigné comme le débiteur, qui doit s’acquitter d’intérêts si la lettre le stipule.
Des précisions sont apportées par les dispositions suivantes dudit code :
– le troisième alinéa de son article L. 511-7 indique que « la propriété de la provision est transmise de droit aux porteurs successifs » d’une telle lettre ;
– les premier, troisième et cinquième alinéas de son article L. 511-8 prévoient que « toute lettre de change, même non expressément tirée à ordre, est transmissible par la voie de l’endossement » (cf. infra), que « l’endossement peut être fait même au profit du tiré, accepteur ou non, du tireur ou de tout autre obligé […] » et que « l’endossement partiel est nul » ;
– le I de son article L. 511-9 et la première phrase du second alinéa de son article L. 511-10 disposent que « l’endossement transmet tous les droits résultant de la lettre de change », de sorte qu’il « peut interdire un nouvel endossement » ;
– la première phrase du premier alinéa de son article L. 511-11 prévoit que « le détenteur d’une lettre de change est considéré comme porteur légitime s’il justifie de son droit par une suite ininterrompue d’endossements, même si le dernier endossement est en blanc » ;
– les deux derniers alinéas de son article L. 511-15 indiquent que « lorsque la lettre de change est créée en exécution d’une convention relative à des fournitures de marchandises et passée entre commerçants, et que le tireur a satisfait aux obligations résultant pour lui du contrat, le tiré ne peut se refuser à donner son acceptation dès l’expiration d’un délai conforme aux usages normaux du commerce en matière de reconnaissance de marchandises ; le refus entraîne de plein droit la déchéance du terme aux frais et dépens du tiré » ;
– les deux premiers et le dernier alinéa de son article L. 511-21 disposent que « le paiement d’une lettre de change peut être garanti pour tout ou partie de son montant par un aval ([44]) ; cette garantie est fournie par un tiers ou même par un signataire de la lettre » et que « quand il paie la lettre de change, le donneur d’aval acquiert les droits résultant de la lettre de change contre le garanti et contre ceux qui sont tenus envers ce dernier en vertu de la lettre de change ».
Le paiement de la somme stipulée dans une lettre change est réglé par les articles L. 511-26 à L. 511-37, lesquels prévoient notamment que
– « le porteur d’une lettre de change payable à jour fixe ou à un certain délai de date ou de vue doit présenter la lettre de change au paiement soit le jour où elle est payable, soit l’un des deux jours ouvrables qui suivent » ;
– « le tiré peut exiger, en payant la lettre de change, qu’elle lui soit remise acquittée par le porteur ; le porteur ne peut refuser un paiement partiel » ;
– « le porteur d’une lettre de change ne peut être contraint d’en recevoir le paiement avant l’échéance ; le tiré qui paie avant l’échéance le fait à ses risques et périls ; celui qui paie à l’échéance est valablement libéré, à moins qu’il n’y ait de sa part une fraude ou une faute lourde ; il est obligé de vérifier la régularité de la suite des endossements, mais non la signature des endosseurs » ;
– « à défaut de présentation de la lettre de change au paiement le jour de son échéance, ou l’un des deux jours ouvrables qui suivent, tout débiteur a la faculté d’en remettre le montant en dépôt à la Caisse des dépôts et consignations, aux frais, risques et périls du porteur » ;
– « il n’est admis d’opposition au paiement qu’en cas de perte de la lettre de change ou de sauvegarde, de redressement ou liquidation judiciaire du porteur ; si la lettre de change perdue est revêtue de l’acceptation, le paiement ne peut en être exigé sur toute suivante que par ordonnance du juge et en donnant caution ; si celui qui a perdu la lettre de change, qu’elle soit acceptée ou non, ne peut représenter toute suivante, il peut demander le paiement de la lettre de change perdue et l’obtenir par l’ordonnance du juge en justifiant de sa propriété par ses livres et en donnant caution ; […] le propriétaire de la lettre de change égarée doit, pour se procurer la suivante, s’adresser à son endosseur immédiat qui est tenu de lui prêter son nom et ses soins pour agir envers son propre endosseur, et ainsi en remontant d’endosseur à endosseur jusqu’au tireur […] ».
La garantie de l’aval ne doit pas être confondue avec la facilité prévue par le premier alinéa de l’article L. 511-65, aux termes duquel « le tireur, un endosseur ou un avaliseur peut indiquer une personne pour accepter ou payer au besoin » ; selon les cas, le porteur peut ou non refuser cette « intervention ».
Des recours peuvent être exercés par le porteur faute d’acceptation ou de paiement, dans les conditions prévues aux articles L. 511-38 à L. 511-51 et après le constat d’un tel refus par un acte authentique dénommé protêt, dont le régime est lui-même fixé par les articles L. 511-52 à L. 511-31.
Le protêt libère le porteur d’un certain nombre de ses obligations ; l’établissement de ce document par un notaire ou un huissier et celui d’un acte de protestation sont par ailleurs susceptibles d’exposer le tiré aux peines prévues par les articles 314-1 et 314-10 du code pénal pour la commission d’un abus de confiance, soit cinq ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende, assorties ou non de l’interdiction d’exercer telle activité professionnelle ou d’émettre des chèques.
La protection du porteur – d’autant plus grande si l’on rappelle qu’il peut s’agir du tireur – est renforcée par les deux premiers alinéas de l’article L. 511-44 et le I de l’article L. 511-45 du code de commerce, lesquels indiquent que « tous ceux qui ont tiré, accepté, endossé ou avalisé une lettre de change sont tenus solidairement envers le porteur ; le porteur a le droit d’agir contre toutes ces personnes, individuellement ou collectivement, sans être astreint à observer l’ordre dans lequel elles se sont obligées » et « le porteur peut réclamer à celui contre lequel il exerce son recours : le montant de la lettre de change non acceptée ou non payée avec les intérêts, s’il en a été stipulé ; […] les frais du protêt […] ».
En revanche, aux termes des I et III de l’article L. 511-49, « après l’expiration des délais fixés : pour la présentation d’une lettre de change à vue ou à un certain délai de vue ; pour la confection du protêt […] ; pour la présentation au paiement […] ; le porteur est déchu de ses droits contre les endosseurs, contre le tireur et contre les autres obligés, à l’exception de l’accepteur » et, sauf exception contractuelle, « à défaut de présentation à l’acceptation dans le délai stipulé par le tireur, le porteur est déchu de ses droits de recours, tant pour défaut de paiement que pour défaut d’acceptation ».
Il convient enfin d’aborder le mécanisme du rechange : les deux premiers alinéas de l’article L. 511-62 et l’article L. 511-64 disposent que « toute personne ayant le droit d’exercer un recours peut, sauf stipulation contraire, se rembourser au moyen d’une nouvelle lettre dénommée retraite tirée à vue sur l’un de ses garants […] ; [comprenant] un droit de courtage et le droit de timbre de la retraite » et que « les rechanges ne peuvent être cumulés ; chaque endosseur n’en supporte qu’un seul ainsi que le tireur ».
● Le fonctionnement du billet à ordre est plus simple.
S’il présente de nombreuses similarités avec la lettre de change, il en diffère pour deux raisons majeures :
– d’une part, ainsi que le prévoient le 2° et le 7° du I de l’article L. 512-1 du code de commerce, le billet à ordre n’est pas émis par le créancier mais revêt au contraire « la promesse pure et simple de payer une somme déterminée » contre « la signature de celui qui émet le titre, dénommé souscripteur » ;
– d’autre part, l’article L. 512-6 du même code dispose certes que « le souscripteur d’un billet à ordre est obligé de la même manière que l’accepteur d’une lettre de change » sur le fond, mais, aux termes de son article L. 512-6, le paiement nécessite simplement le « visa », non l’acceptation du souscripteur.
À la fois reconnaissance de dette et instrument de paiement fréquemment utilisé par les responsables de petites et moyennes entreprises (PME), les artisans et les commerçants, le billet à ordre est exécuté par les établissements bancaires aussi simplement qu’un virement : la période entre son émission et son paiement permet par exemple à un commerçant de ne se libérer d’une dette vis-à-vis d’un grossiste qu’après avoir vendu une quantité suffisante de marchandises pour que son compte soit liquide – ce qui constitue une autre différence avec le chèque, ce dernier imposant une provision initiale.
- Les garanties pour les dépôts en magasins généraux
Aux termes de l’article L. 522-1 du code de commerce, un « établissement à usage d’entrepôt où des industriels, commerçants, agriculteurs ou artisans déposent des matières premières, des marchandises, des denrées ou des produits fabriqués » peut être qualifié de magasin général sous certaines conditions et une fois agréé par le préfet.
Désormais codifié, leur régime juridique a d’abord reposé sur la loi du 28 mai 1858 relatives aux négociations des marchandises déposées dans les magasins généraux, abrogée par le troisième alinéa de l’article 43 de l’ordonnance n° 45-1744 du 6 août 1945 relative aux magasins généraux, elle-même abrogée par le 17° du I de l’article 4 de l’ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du code de commerce.
La sous-section 1 de la section 4 du chapitre II du titre II du livre V du même code porte sur un premier type de garantie afférente aux dépôts dans ces magasins, à savoir le récépissé et le warrant – la seconde catégorie, constituée des reçus, est abordée infra.
D’après les trois premiers alinéas de l’article L. 522-24, « il est délivré à chaque déposant un ou plusieurs récépissés [qui] énoncent les nom, profession et domicile du déposant ainsi que la nature de la marchandise déposée et les indications propres à en établir l’identité et à en déterminer la valeur ; les marchandises fongibles déposées en magasin général et sur lesquelles il a été délivré un récépissé et un warrant peuvent être remplacées par des marchandises de même nature, de même espèce et de même qualité ; la possibilité de cettesubstitution doit être mentionnée à la fois sur le récépissé et sur le warrant ; les droits et privilèges du porteur du récépissé et du porteur du warrant sont reportés sur les marchandises substituées ».
Selon le premier alinéa de l’article L. 522-25, « à chaque récépissé de marchandise est annexé, sous la dénomination de warrant, un bulletin de gage contenant les mêmes mentions que le récépissé ».
Les articles L. 522-26 à L. 522-28 disposent que « les récépissés et les warrants peuvent être transférés par voie d’endossement, ensemble ou séparément », que « tout cessionnaire du récépissé ou du warrant peut exiger la transcription sur les registres à souches dont ils sont extraits de l’endossement fait à son profit […] » et que « l’endossement du warrant séparé du récépissé vaut nantissement de la marchandise au profit du cessionnaire du warrant ; l’endossement du récépissé transmet au cessionnaire le droit de disposer de la marchandise, à charge pour lui, lorsque le warrant n’est pas transféré avec le récépissé, de payer la créance garantie par le warrant ou d’en laisser payer le montant sur le prix de la vente de la marchandise ».
Concernant le paiement, l’article L. 522-30 prévoit que « le porteur du récépissé séparé du warrant peut, même avant l’échéance, payer la créance garantie par le warrant », la somme due pouvant être « consignée à l’administration du magasin général » aux fins de libérer la marchandise si le porteur du warrant n’est pas connu ou si ce porteur et le débiteur sont en désaccord sur les conditions de l’anticipation du paiement.
Le porteur du warrant est protégé par le premier alinéa de l’article L. 522‑31 et l’article L. 522-34, lesquels disposent respectivement :
– qu’en l’absence de paiement à l’échéance, il « peut, huit jours après le protêt, et sans aucune formalité de justice, faire procéder par officiers publics à la vente publique aux enchères et en gros de la marchandise engagée » ;
– qu’en toute circonstance il « a, sur les indemnités d’assurance dues en cas de sinistre, les mêmes droits et privilèges que sur la marchandise assurée ».
Cependant, les premier et dernier alinéas de l’article L. 522-33 prévoient que « le porteur du warrant n’a de recours contre l’emprunteur et les endosseurs qu’après avoir exercé ses droits sur la marchandise et en cas d’insuffisance ; […] le porteur du warrant perd, en tout cas, son recours contre les endosseurs s’il n’a pas fait procéder à la vente dans le mois suivant le protêt ».
Pour sa part, le I de l’article L. 522-32 protège le créancier en indiquant qu’il « est payé de sa créance sur le prix, directement et sans formalité de justice, par privilège et préférence à tous créanciers, sans autre déduction que celles : des contributions indirectes et droits de douane dus par la marchandise ; des frais de vente, de magasinage et autres frais pour la conservation de la chose ».
L’article L. 522-35 dispose que « les établissements publics agréés pour réaliser des opérations de crédit peuvent recevoir les warrants […] ».
Enfin, les articles L. 522-36 et L. 522-37 traitent de la perte d’un récépissé ou d’un warrant et de l’éventuel appel de sa caution.
- Les connaissements maritime et fluvial
Souvent désignés sous leur intitulé anglais abrégé « B / L » (pour « bills of lading »), les connaissements sont des documents représentant les marchandises faisant l’objet d’un contrat de transport par mer ou par voie navigable.
● La section 2 du chapitre II du titre II du livre IV de la cinquième partie du code des transports est relative au connaissement maritime. Ce document est dit « nominatif » lorsqu’il mentionne l’identité de son destinataire ou « à ordre » ou « au porteur » en cas de mandat.
Un tel écrit « vaut présomption, sauf preuve contraire, de la réception par le transporteur des marchandises, telles qu’elles y sont décrites » ; une fois endossé, leur propriété passe du vendeur à l’acquéreur alors même qu’en pratique elles sont en route. La présentation de l’original du connaissement permet le retrait des marchandises au port final. Le connaissement est délivré au chargeur, sur sa demande, par le transporteur ou son représentant – dans les faits, le capitaine du navire –, sachant que :
– « le chargeur est garant de l’exactitude des mentions […] inscrites sur le connaissement conformément à ses déclarations ; toute inexactitude commise par lui engage sa responsabilité à l’égard du transporteur » ;
– « toutes lettres ou conventions par lesquelles le chargeur s’engage à dédommager le transporteur lorsque celui-ci […] a consenti à délivrer un connaissement sans réserves, sont nulles et sans effet à l’égard des tiers […] » ;
– « si une réserve volontairement omise concerne un défaut de la marchandise dont le transporteur avait ou devait avoir connaissance lors de la signature du connaissement, le transporteur ne peut se prévaloir de ce défaut pour éluder sa responsabilité ».
● De manière analogue, un arrêté du 20 juillet 1960 a créé la catégorie du connaissement fluvial négociable .
Son article 1er dispose que peuvent en faire l’objet « les marchandises transportées par bateaux de navigation intérieure » et qu’il est à ordre.
Les deux premiers alinéas de son article 3 prévoient que « le connaissement est établi aussitôt après le chargement […] ; toutefois, après réception de la marchandise et avant son embarquement, l’expéditeur peut se faire délivrer un connaissement pour embarquer, lequel est, après embarquement, complété ou échangé contre un connaissement embarqué ».
Conformément à son article 7, « en cas d’avarie ou de perte, le transporteur ne sera pas tenu au-delà de la valeur de la marchandise indiquée par l’expéditeur ; est nulle la convention par laquelle l’expéditeur renonce à ses droits à l’encontre du transporteur en cas de pertes ou dommages survenus aux marchandises ».
Ses articles 10 et 11 indiquent respectivement que « le destinataire doit se présenter au lieu de destination le jour même de l’arrivée du bateau ; si le destinataire refuse la marchandise ou s’il ne s’est pas fait connaître […], le transporteur peut faire procéder d’office et sans formalité, pour le compte et aux risques et périls du destinataire, au déchargement de la marchandise sur quai ou en magasin ou en demander le dépôt en mains tierces avec mandat d’en faire effectuer la vente par autorité de justice […] » et que « les marchandises ne sont délivrées au destinataire que contre remise du connaissement et du paiement du prix du fret ; l’expéditeur est garant du paiement au transporteur des surestaries au déchargement ; le destinataire doit donner décharge au transporteur […] ».
- Les polices d’assurance à ordre ou au porteur
La promesse d’un assureur de servir à un assuré une prestation, pécuniaire la plupart du temps, lorsqu’un risque se réalise, contre le paiement d’une prime ou d’une cotisation, est inscrite dans un contrat appelé police d’assurance.
● Le titre Ier du livre Ier du code des assurances comprend les règles communes aux assurances de dommage et aux assurances de personnes. Au sein de ce titre Ier, un chapitre II est consacré à la conclusion et à la preuve du contrat d’assurance, ainsi qu’à la forme et à la transmission des polices.
Le sixième alinéa de l’article L. 112-2 et la première phrase du cinquième alinéa de l’article L. 112-3 disposent que « seule la police ou la note de couverture constate leur engagement réciproque » et que « toute addition ou modification au contrat primitif doit être constatée par un avenant signé des parties ». L’article L. 112-4 prévoit que la police d’assurance indique notamment « la chose ou la personne assurée ; la nature des risques garantis ; le moment à partir duquel le risque est garanti […] ; le montant de cette garantie ».
Aux termes l’article L. 112-5, « la police d’assurance peut être à personne dénommée, à ordre ou au porteur », à l’exception de l’assurance sur la vie qui « ne peut être ni à ordre, ni aux porteurs » aux termes de l’article L. 132-6.
Selon la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 112-10, « avant la conclusion d’un contrat d’assurance, l’assureur remet à l’assuré un document l’invitant à vérifier s’il n’est pas déjà bénéficiaire d’une garantie couvrant l’un des risques couverts par le nouveau contrat […] ».
● Le titre VII du livre Ier du code des assurances est relatif aux contrats d’assurance maritime, aérienne et aéronautique, fluviale et lacustre, couvrant les marchandises transportées par tous modes, et aux contrats de responsabilité civile spatiale. Son chapitre II regroupe les règles communes à ces assurances quant à la conclusion du contrat, aux obligations des parties et au règlement des indemnités.
Compte tenu des particularités des biens ou intérêts garantis par de telles polices, l’article L. 172-3 dispose, par dérogation au droit commun, que « toute modification en cours de contrat, soit de ce qui a été convenu lors de sa formation, soit de l’objet assuré, d’où résulte une aggravation sensible du risque, entraîne la résiliation de l’assurance si elle n’a pas été déclarée à l’assureur dans les trois jours où l’assuré en a eu connaissance […], à moins que celui-ci n’apporte la preuve de sa bonne foi […] ; si cette aggravation n’est pas le fait de l’assuré, l’assurance continue, moyennant augmentation de la prime correspondant à l’aggravation survenue ; si l’aggravation est le fait de l’assuré, l’assureur peut, soit résilier le contrat dans les trois jours à partir du moment où il en a eu connaissance, la prime lui étant acquise, soit exiger une augmentation de prime correspondant à l’aggravation survenue ».
Les articles L. 172-4 et L. 172-5 prévoient la nullité de l’assurance faite après le sinistre ou l’arrivée des objets assurés ou du navire si la nouvelle en était connue avant la conclusion du contrat et celle de l’assurance sur bonnes ou mauvaises nouvelle si le sinistre était connu de l’assuré ou l’arrivée des objets assurés était connue de l’assureur avant la conclusion.
Conformément à l’article L. 172-29, « l’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance acquiert, à concurrence de son paiement, tous les droits de l’assuré nés des dommages qui ont donné lieu à garantie ».
Le dernier alinéa de l’article R. 172-3, inchangé depuis 1968, prévoit que la police d’une assurance maritime, aérienne et aéronautique, fluviale et lacustre ou de responsabilité civile spatiale doit comporter « la clause à ordre ou au porteur, si elle a été convenue ».
- Le bordereau de cession de créances professionnelles
D’après l’article L. 313-23 du code monétaire et financier, « tout crédit qu’un établissement de crédit, qu’un FIA […] ou qu’une société de financement consent à une personne morale de droit privé ou de droit public, ou à une personne physique dans l’exercice par celle-ci de son activité professionnelle, peut donner lieu au profit de cet établissement, de ce FIA, ou de cette société, par la seule remise d’un bordereau, à la cession ou au nantissement par le bénéficiaire du crédit, de toute créance que celui-ci peut détenir sur un tiers, personne morale de droit public ou de droit privé ou personne physique dans l’exercice par celle-ci de son activité professionnelle ; peuvent être cédées ou données en nantissement les créances liquides et exigibles, même à terme ; peuvent également être cédées ou données en nantissement les créances résultant d’un acte déjà intervenu ou à intervenir mais dont le montant et l’exigibilité ne sont pas encore déterminés ».
En référence au sénateur Étienne Dailly à l’origine de la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises, modifiée par l’article 61 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit puis abrogée et codifiée par le 66° du I de l’article 4 de l’ordonnance n° 2000‑1223 du 14 décembre 2000, ce bordereau de cession ou de nantissement d’une créance professionnelle est aussi appelé bordereau Dailly.
Quant à sa forme, le bordereau Dailly doit comporter « la désignation ou l’individualisation des créances cédées ou données en nantissement ou des éléments susceptibles d’effectuer cette désignation ou cette individualisation, notamment par l’indication du débiteur, du lieu de paiement, du montant des créances ou de leur évaluation et, s’il y a lieu, de leur échéance ». Le premier alinéa de l’article L. 313‑24, la dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 313-25 et l’article L. 313-26 du code monétaire et financier précisent que « même lorsqu’elle est effectuée à titre de garantie et sans stipulation d’un prix, la cession de créance transfère au cessionnaire la propriété de la créance cédée », que « le bordereau peut être stipulé à ordre » et qu’il « n’est transmissible qu’à un autre établissement de crédit ou une autre société de financement ou à un autre FIA ».
Sur ses effets, les premier et troisième alinéas de l’article L. 313-27 disposent que « la cession ou le nantissement prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise […], sans qu’il soit besoin d’autre formalité […] ; la remise du bordereau entraîne de plein droit le transfert des sûretés, des garanties et des accessoires attachés à chaque créance, y compris les sûretés hypothécaires, et son opposabilité aux tiers sans qu’il soit besoin d’autre formalité ».
Par ailleurs, l’article L. 313-28 et le premier alinéa de l’article L. 313-29 indiquent respectivement que « l’établissement de crédit ou la société de financement ou le FIA […] peut, à tout moment, interdire au débiteur de la créance cédée ou nantie de payer entre les mains du signataire du bordereau ; à compter de cette notification […], le débiteur ne se libère valablement qu’auprès de l’établissement de crédit ou de la société de financement ou du FIA » et qu’au moyen d’une acceptation, « sur la demande du bénéficiaire du bordereau, le débiteur peut s’engager à le payer directement ».
Le cas particulier de la cession d’une créance afférente à un contrat de partenariat est prévu aux articles L. 313-29-1 et L. 313-29-2.
- Des contrats qui reposent sur l’escompte et l’endossement
Les documents de commerce servant à sécuriser la relation entre les exportateurs et les importateurs par l’intermédiation d’un établissement le plus souvent bancaire ou assuranciel ont en commun de mettre en œuvre les techniques de l’endossement et de l’escompte.
● L’endossement fait que ces documents sont des titres négociables.
Il s’agit d’un « mode de transmission spécifique aux titres à ordre, [qui] s’effectue par la remise du titre avec une mention inscrite, en principe, à son dos : c’est ce qui explique son nom ; celui qui remet le titre est l’endosseur, celui qui le reçoit est l’endossataire, devenu le nouveau porteur du titre ; […] bien que l’endossement ait pour effet normal de transmettre la propriété du titre endossé (endossement translatif), il peut également ne pas être translatif de propriété et, par conséquent, couvrir un simple mandat (endossement de procuration), ou tendre à la constitution d’une sûreté (endossement pignoratif) […] ; le procédé comporte des inconvénients inhérents à l’absence de garantie de solvabilité du débiteur cédé […] ; la transmission par endossement d’un titre à ordre se fonde sur une convention entre celui qui le remet et celui qui le reçoit ; elle implique donc le consentement au moins tacite de l’endossataire qui reçoit l’effet sans protester ; la rencontre des deux consentements rend irrévocable l’endossement qui peut, toutefois, jusque-là être biffé par l’endosseur, c’est-à-dire tant que l’endossataire n’a pas donné son consentement […] ; il peut même être effectué à l’égard de plusieurs endossataires, cumulativement ou alternativement ».
Un endossement translatif peut résulter autant de la circulation commerciale normale du titre et des biens qu’il représente que d’une succession notariée, d’une fusion de sociétés, etc.
● L’escompte fait de ces titres négociables un levier de financement.
Si « la notion d’escompte n’est pas très aisée à appréhender dans la mesure où la loi ne définit pas ce procédé qui relève de la pratique bancaire, elle est l’opération de crédit par laquelle un client – le crédité titulaire d’une créance à terme – remet un effet à un banquier fournisseur de crédit – l’escompteur – qui en paie le montant au remettant ou en crédite son compte, déduction faite d’une somme représentant le service rendu et les intérêts à courir jusqu’à l’échéance, cette somme portant elle-même le nom d’escompte ».
Autrement dit, le mécanisme de l’escompte est celui de « remise [d’un effet] au banquier sans besoin d’accomplir les formalités du droit civil qu’impose la cession de créance ; il constitue un instrument de crédit pratique, pour le crédité, qui est dispensé de l’obligation de recouvrer l’effet […] et, pour le créditeur, qui peut se financer de nouveau ; il est le type même d’opération de crédit à court terme qui permet aux fournisseurs de mobiliser leurs créances sur leurs acheteurs et de reconstituer par anticipation leurs fonds de roulement ; il présente une grande sécurité en raison des garanties du change, sans omettre les avantages attachés à la propriété du titre, plus particulièrement, la propriété de la provision, l’inopposabilité des exceptions et la faculté de transmission ; le banquier a la possibilité, par le réescompte, de récupérer les fonds qu’il a avancés en endossant à son tour l’effet escompté auprès d’une autre banque ou de l’institut d’émission »
Grâce à l’escompte, les lettres de change, warrants, connaissements, etc. peuvent être remis en gage à une banque pour le remboursement du crédit consenti pour l’achat de marchandises non encore récupérées puis revendues : le débiteur s’est libéré de sa dette sans décaisser de sommes et le créancier originel est payé par l’escompteur, qui s’est servi des intérêts.
- UNE DÉFINITION NOUVELLE
Le premier alinéa du I de l’article 6 définit un titre transférable comme un « écrit qui représente un bien ou un droit et qui donne à son porteur le droit de demander l’exécution de l’obligation qui y est spécifiée ainsi que de transférer ce droit ».
Le terme de « titre » a déjà été retenu par le législateur et présente par rapport à celui de « document » l’avantage de correspondre à un « support », par hypothèse tangible, aussi bien qu’à un « fichier », pouvant être dématérialisé.
Cette formulation est alignée aussi bien avec la doctrine – adage suivant lequel l’instrumentum constate le negotium – qu’avec la jurisprudence judiciaire, laquelle estime que posséder l’instrument dans sa matière imprimée même permet d’être maître du sort du droit qu’il exprime .
Le rapport, précité, de la mission sur l’accélération de la digitalisation des activités de financement du commerce international souligne que les titres « incorporent des droits – celui de se faire remettre une marchandise ou un droit de créance » ou qu’ils les « représentent dans leur substance ».
- UN PÉRIMÈTRE PRÉCIS
- Les titres transférables inclus dans le champ du titre II
Au sens des deuxième à derniers alinéas du I de l’article 6, entreraient dans la catégorie des titres transférables :
– d’une part, l’ensemble des documents mentionnés au B du I du présent commentaire, à savoir les lettres de change, les billets à ordre, les récépissés, les warrants, les connaissements maritimes à ordre ou au porteur, les connaissements fluviaux négociables, les polices d’assurance à ordre ou au porteur ou certaines d’entre elles – maritimes, aériennes, etc. – convenues comme telles et les bordereaux de cession de créances professionnelles à ordre ;
– d’autre part, pour ne pas figer la loi face à l’évolution libre des pratiques commerciales et des instruments que les banques et assurances peuvent proposer, « tout autre écrit, à ordre ou au porteur, répondant à la définition de l’alinéa premier, à l’exception de ceux » expressément exclus par le II de l’article 6.
- Les écrits exclus du champ des titres transférables
Six types de documents ne seraient pas définis comme des titres transférables et ne relèveraient donc pas des dispositions du titre II relatives à la dématérialisation de ces titres, à savoir :
– les instruments financiers, parmi lesquels les articles L. 211-1 et D. 211‑1 A du code monétaire et financier distinguent (étant précisé que les effets de commerce et les bons de caisse ne font pas partie de ces instruments) :
* les titres financiers (titres de capital émis par les sociétés par actions, titres de créances et parts d’organismes de placement collectif) ;
* les contrats financiers (d’une part, contrats d’option, contrats à terme fermes, contrats d’échange, accords de taux futurs, autres contrats à terme relatifs à des instruments financiers, des devises, des taux d’intérêt, des rendements, etc., ou à des matières premières qui doivent être réglés en espèces ou peuvent l’être à la demande d’une des parties pour des raisons autres qu’une défaillance ou qu’un autre incident conduisant à la résiliation, ou à des matières premières qui peuvent être réglés par livraison physique et non destinés à des fins commerciales, ou à des variables climatiques, à des tarifs de fret ou à des taux d’inflation ou d’autres statistiques qui doivent être réglés en espèces ou peuvent l’être à la demande d’une des parties pour les mêmes raisons ; d’autre part, contrats à terme servant au transfert du risque de crédit ou prévoyant le paiement d’un différentiel ou concernant des actifs, des droits, des obligations, des indices et des mesures notamment négociés sur un marché réglementé ou un système multilatéral ou organisé) ;
– les chèques bancaires et postaux, instruments de monnaie scripturale dont l’article L. 131-2 du même code dispose qu’ils comprennent « […] le mandat pur et simple de payer une somme déterminée ; le nom de celui qui doit payer, nommé le tiré ; l’indication du lieu où le paiement doit s’effectuer […] ; la signature de celui qui émet le chèque, nommé le tireur » ;
– les titres spéciaux de paiement dématérialisés, mobilisés aux termes de l’article L. 525-4 dudit code « exclusivement à l’acquisition d’un nombre limité de catégories de biens ou de services déterminées ou à une utilisation dans un réseau limité » , de sorte que les entreprises qui les émettent et les gèrent ne sont pas soumises, pour les opérations concernées, aux règles applicables aux établissements de monnaie électronique et de crédit ;
– les titres à ordre particuliers mentionnés à l’article L. 143-18 du code de commerce afférents à la vente ou au nantissement d’un fonds de commerce et réglant soit le privilège du cédant quand le paiement n’est pas comptant soit la sûreté d’un créancier par rapport aux autres ;
– les reçus d’entreposage, dont l’article L. 522-37-1 du même code réserve la délivrance à la « représentation de matières premières […] qui peuvent faire l’objet d’un contrat négocié sur une plateforme de négociation d’instruments financiers » et qui « atteste[nt] de la propriété par son titulaire des marchandises déposées au magasin général qui l’a délivré » et pour lesquels l’article L. 522-37-2 précise qu’ils « pren[nent] la forme d’une inscription dans un registre [comportant] les nom, profession et domicile du titulaire du reçu ainsi que la nature des marchandises déposées et les indications propres à en établir l’identité et à en déterminer la valeur de remplacement » ;
– les copies exécutoires de créances hypothécaires à ordre relevant de la loi n° 76-519 du 15 juin 1976 relative à certaines formes de transmission des créances, laquelle prévoit qu’elles peuvent être créées « en représentation d’une créance garantie par un privilège spécial immobilier ou par une hypothèque immobilière […] si [leur] création a été prévue dans l’acte notarié constatant la créance ou dans un acte rédigé à la suite de celui-ci ».
L’exclusion de l’application des dispositions du titre II à ces différentes catégories de titres est fondée sur leurs caractéristiques particulières. Le rapport, précité, de la mission sur l’accélération de la digitalisation des activités de financement du commerce international note ainsi que « leur transférabilité est très limitée – à l’instar des chèques –, fait appel à d’autres techniques – inscription en compte dans des registres ou dispositif d’enregistrement électronique pour les instruments financiers dits “négociables” – ou porte sur un champ d’application spécialisé et est régi par des textes particuliers, à l’instar des copies exécutoires de créances hypothécaires ».
C’est, de même, leur transférabilité limitée, qui conduit l’article 6 à ne pas inclure dans son champ les instruments faisant appel aux techniques de négociation relevant de l’ordonnance n° 2017-1674 du 8 décembre 2017 relative à l’utilisation d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé pour la représentation et la transmission de titres financiers . En revanche, dans le respect du principe de neutralité technologique, le mécanisme de la chaîne de blocs (ou blockchain) sur laquelle reposent certains registres distribués, c’est-à-dire synchronisés sur un réseau d’ordinateurs sans stockage de données centralisé, pourrait être utile à la détermination de la « méthode fiable » garantissant l’identité du porteur d’un titre transférable électronique et l’intégrité de ce titre (cf. infra le commentaire des articles 7 et 8).
FORME ÉLECTRONIQUE DES TITRES TRANSFÉRABLES
L’article 7 prévoit la possibilité pour tout titre transférable au sens de l’article 6 d’être établi, signé et conservé sous forme électronique, puis transféré, remis et modifié sous la même forme dans des conditions prévues par l’article 8.
L’article 7 définit le porteur du titre transférable électronique comme celui qui dispose de son contrôle exclusif.
Position de la commission des finances
La commission a adopté cet article, assorti de corrections rédactionnelles.
- L’ÉTAT DU DROIT
Aucune disposition du droit existant n’est relative à la forme électronique des titres transférables, dans la mesure où la catégorie de ces derniers est créée par l’article 6
● Les dispositions codifiées, citées supra dans le commentaire du même article 6, concernant individuellement les lettres de change, les billets à ordre, les récépissés, les warrants, les connaissements maritimes ou fluviaux, les polices d’assurance et les bordereaux de cession de créances professionnelles n’abordent ni directement ni indirectement la numérisation de ces documents.
En revanche, les articles 1366 et 1367 du code civil, auxquels le I de l’article 7 se réfère, prévoient de manière générale que :
– « l’écrit électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité » ;
– « la signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l’authenticité à l’acte. Lorsqu’elle est électronique, elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État ».
La rédaction de ces deux articles du code civil est issue de l’article 4 de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations
L’article 1er du décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique précise que « la fiabilité d’un procédé de signature électronique est présumée, jusqu’à preuve du contraire, lorsque ce procédé met en œuvre une signature électronique qualifiée. Est une signature électronique qualifiée une signature électronique avancée […] créée à l’aide d’un dispositif de création de signature électronique qualifié […], qui repose sur un certificat qualifié de signature électronique […] ».
● Ce décret vise les articles 26, 28 et 29 du règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur – dit règlement EIDAS –, aux termes desquels :
– « une signature électronique avancée satisfait aux exigences suivantes : être liée au signataire de manière univoque ; permettre d’identifier le signataire ; avoir été créée à l’aide de données de création de signature électronique que le signataire peut, avec un niveau de confiance élevé, utiliser sous son contrôle exclusif ; être liée aux données associées à cette signature de telle sorte que toute modification ultérieure des données soit détectable » ;
– « les certificats qualifiés de signature électronique satisfont aux exigences » de l’annexe I du règlement, de sorte qu’ils « contiennent […] un ensemble de données représentant sans ambiguïté le prestataire de services de confiance qualifié délivrant les certificats qualifiés, comprenant au moins l’État membre dans lequel ce prestataire est établi […] ; au moins le nom du signataire ou un pseudonyme […] ; des données de validation de la signature électronique qui correspondent aux données de création de la signature électronique ; des précisions sur le début et la fin de la période de validité du certificat ; le code d’identité du certificat, qui doit être unique pour le prestataire de services de confiance qualifié […] » ;
– « les dispositifs de création de signature électronique qualifiés respectent les exigences » de l’annexe II du règlement, afin d’une part qu’ils « garantissent[…] la confidentialité des données ; […] une assurance suffisante que les données de création […] ne peuvent être trouvées par déduction et que la signature électronique est protégée de manière fiable contre toute falsification par les moyens techniques actuellement disponibles » et d’autre part qu’ils « ne modifient pas les données à signer et n’empêchent pas la présentation de ces données au signataire avant la signature ».
- LE DISPOSITIF PROPOSÉ
S’inspirant de la recommandation faite en 2017 par les Nations unies et du rapport remis en 2023 par Mmes Collot et Teper et M. Henry au Gouvernement (cf. supra), l’article 7 reconnaît que chaque étape d’utilisation d’un titre transférable peut intervenir sous forme électronique.
Sont traitées par l’article 7 à la fois la question de la faculté pour un titre transférable d’être numérique (A) et celle de son contrôle exclusif (B).
- UN FORMAT ÉLECTRONIQUE CONCERNANT TANT LA SUBSTANCE QUE LA DIFFUSION DES TITRES TRANSFÉRABLES
Le I de l’article 7 prévoit la possibilité pour tout titre transférable d’être d’abord « établi, signé et conservé sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 1366 et 1367 du code civil », précités, et ensuite « transféré, remis et modifié » selon une « méthode fiable », qui pourrait par exemple reposer sur l’utilisation d’un registre (cf. infra le commentaire de l’article 8).
S’agissant des changements qui peuvent être apportés à un tel document au cours de sa vie, le III de l’article 7 précise que « les mentions, tel l’endos, l’acceptation, l’aval ou tout autre modification susceptibles d’être apposées sur le titre peuvent figurer à tout emplacement approprié du titre transférable électronique si leur nature et leur objet ressortent sans ambiguïté ».
Cette rédaction souple est nécessaire car la dématérialisation des titres peut faire disparaître l’existence même d’un recto et d’un verso, voire la possibilité de biffer ou annoter son texte, tout en permettant des équivalences.
En ce qui concerne, précisément, la circulation du document entre les exportateurs, les importateurs et leurs intermédiaires, le IV de l’article 7 que « la présentation ou la remise d’un titre transférable électronique est effectuée par tout moyen de communication électronique à l’adresse électronique indiquée par le destinataire » et qu’elle peut aussi être « réalisée en communiquant l’information permettant l’accès au titre ».
Le premier cas de figure est l’envoi classique d’un e-mail et le second correspond, par exemple, à la mise à disposition du titre sur un serveur ou via un lien de téléchargement qui exigent un mot de passe.
Le V de l’article 7 précise que « le transfert ou le nantissement de ses droits par endossement ou par la simple remise du titre [électronique] s’opère par le transfert du contrôle exclusif exercé sur ce titre » et qu’un « endos en blanc » suppose l’identification du porteur (cf. infra le commentaire de l’article 8).
Le VI de l’article 7 précise que si « un tampon, [un] cachet, [une] griffe ou [un] autre signe distinctif » a été apposé ou doit l’être – nécessairement au moyen d’encre – sur un titre transférable imprimé, cette pratique peut trouver satisfaction dans « l’apposition horodatée d’une image reproduisant fidèlement » le signe.
- LE PRINCIPE D’UN CONTRÔLE EXCLUSIF
Aux termes du II de l’article 7, « le porteur du titre transférable électronique est celui qui dispose, pour lui-même ou pour un tiers, de son contrôle exclusif. Ce contrôle lui permet d’exercer les droits conférés par ce titre, de le modifier ou de le faire modifier et de le transférer ».
Une telle disposition est nécessaire dès lors que la dématérialisation d’un document ne permet pas à son porteur en droit de revendiquer la possession des biens qu’il représente aussi simplement que grâce à un original physique.
D’après les réponses écrites apportées par la direction générale du Trésor au questionnaire du rapporteur, « utiliser la nouvelle notion de “contrôle exclusif” permet d’éviter l’utilisation de la notion de possession du titre, qui poserait la question de l’applicabilité de la possession aux choses incorporelles, qui suscite de nombreux débats ; d’un côté, il est soutenu que “les choses incorporelles n’étant par définition pas tangibles, tout corpus à leur égard est nécessairement exclu, et partant, toute possession” ; d’un autre côté, il est estimé qu’il suffirait “qu’un individu exerce les prérogatives liées à propriété d’une chose incorporelle pour qu’il puisse sans plus d’embarras être déclaré son possesseur, et d’ailleurs, l’article 1240 du code civil, depuis 1804 et jusqu’en 2016, prévoyait que le paiement fait de bonne foi à celui qui est en possession de la créance est valable, encore que le possesseur en soit par la suite évincé, ce qui montre que la possession d’une chose incorporelle est une figure admise” ; en fait, c’est souvent l’inscription dans des registres qui a permis à des auteurs d’assimiler cette inscription à une forme de matérialisation nouvelle permettant ainsi une certaine forme de possession ».
L’article 8 définit les garanties permettant d’assurer effectivement ce contrôle exclusif dont le principe est posé à l’article 7.
L’article 8 prévoit que, dès lors que plusieurs paramètres comme l’identité de son porteur ou l’intégrité de son contenu sont vérifiées suivant une méthode qu’un décret en Conseil d’État devra définir, tout titre transférable électronique a les mêmes effets qu’un titre transférable imprimé. Dès lors, de tels titres peuvent être convertis d’un format à un autre, sauf à comprendre dès leur création une mention contraire.
Position de la commission des finances
La commission a adopté cet article, assorti de corrections rédactionnelles.
- L’ÉTAT DU DROIT
Dans la mesure où la catégorie des titres transférables et la reconnaissance de la valeur probante de tels titres lorsqu’ils sont électroniques sont créées par les articles 6 et 7 le droit en vigueur ne comprend aucune disposition sur l’équivalence des effets qu’ils emportent, qu’ils soient au format imprimé et au format électronique, ou sur leur convertibilité d’un format à l’autre.
- LE DISPOSITIF PROPOSÉ
L’article 8 traduit les principes d’équivalence fonctionnelle, de neutralité technologique et de convertibilité que l’on retrouve dans les travaux de la commission des Nations unies pour le droit commercial international (CNUDCI) et dans le rapport de la mission sur la digitalisation des activités de financement du commerce international (cf. supra le commentaire introductif du titre II).
● Le premier alinéa du I prévoit l’équivalence des effets d’un titre transférable électronique avec un titre transférable imprimé, sous la double réserve que le premier contienne les informations que le second devrait contenir dans le cas d’un établissement sur papier (selon les dispositions applicables à chaque type de titre, comme les lettres de change, les warrants, etc.) et qu’une « méthode fiable » soit, comme le préconise d’ailleurs la CNUDCI, employée pour la démonstration cumulative de cinq garanties :
– la caractérisation même du document ou de l’instrument comme un titre transférable électronique, ce que la CNUDCI appelle sa « singularité » (1° du I) ;
– l’identification du porteur d’un tel titre transférable électronique comme la « personne qui en a le contrôle exclusif » (2° du I) ;
– l’établissement du contrôle exclusif du porteur sur ce titre (3° du I) ;
– l’identification des signataires et porteurs successifs du titre, « depuis sa création jusqu’au moment où il cesse de produire des effets » (4° du I) ;
– la préservation de son « intégrité », c’est-à-dire de sa complétude et de sa stabilité, et l’attestation de ses « éventuelles modifications […], telles des adjonctions, biffures ou radiations, permises par la loi, les coutumes, les usages ou la convention des parties » (5° du I).
● Le II prévoit la convertibilité, dans un sens comme dans l’autre, entre un titre transférable sur support papier et un tel titre sur support électronique.
Le premier alinéa du I précise qu’il appartiendra aux « obligés et titulaires de droits en vertu du titre » de prévoir les conditions d’une telle convertibilité, mais aussi qu’un titre transférable peut, à sa création, comporter la mention qu’il ne sera pas convertible d’un support à un autre.
D’après le deuxième alinéa du II, la conversion « n’opère pas novation et n’altère pas les obligations ou droits respectifs des signataires, porteurs, ou personnes ayant le contrôle exclusif du titre ni ses effets envers les tiers ».
La novation est une notion du droit des obligations qui désigne l’opération résultant du remplacement des termes de la relation quant à une prestation ou une transmission entre un débiteur et son créancier.
L’article 1329 du code civil la définit comme le « contrat qui a pour objet de substituer à une obligation, qu’elle éteint, une obligation nouvelle, qu’elle crée » et précise qu’elle « peut avoir lieu par substitution d’obligation entre les mêmes parties, par changement de débiteur ou par changement de créancier ».
L’article 1331 du même code dispose qu’elle « n’a lieu que si l’obligation ancienne et l’obligation nouvelle sont l’une et l’autre valables, à moins qu’elle n’ait pour objet déclaré de substituer un engagement valable à un engagement entaché d’un vice ».
Le dernier alinéa du II de l’article 8 indique d’une part que « le titre converti conserve, en tant que de raison, les propriétés du titre initial et porte mention de cette conversion sur le nouveau support » et d’autre part que « l’ancien support cesse d’être valable à compter de l’émission du nouveau ».
L’incise « en tant que de raison » n’est pas surabondante : elle s’inspire de la rédaction de l’article 1100-1 du code civil, renvoyant pour la validité des règles juridiques aux règles régissant les contrats. Elle est justifiée au II de l’article 8 , car certaines informations présentes au format électronique, dépassant celles qui sont habituellement nécessaires à la validité d’un titre, ne sont pas reproductibles dans un document papier : c’est d’ailleurs l’intérêt de la dématérialisation que d’autoriser de nombreuses pièces jointes.
Une telle disposition est nécessaire afin d’éviter que deux documents comportant les mêmes informations puissent connaître des modifications différentes ou des endos successifs distincts, au détriment de la confiance dans les contrats d’import et d’export international.
● Le III renvoie la définition des modalités d’application de l’article 8 à un décret en Conseil d’État.
Compte tenu de la technicité croissante et de l’évolution rapide des outils informatiques, il serait en effet à la fois contradictoire avec le principe de neutralité technologique mis en avant par la loi-type de la CNUDCI et contre-productif de figer dans la loi les garanties afférentes à l’identification du porteur d’un titre, à la vérification de son contrôle exclusif et au suivi de son intégrité.
L’autorité réglementaire devra, aux yeux du rapporteur, s’attacher à ce que l’interopérabilité entre les titres soit effective et aisée si plusieurs solutions techniques venaient à être développées par les entreprises privées.
Il importera aussi de trouver le bon équilibre entre l’exigence de fiabilité qu’il est légitime d’avoir en France – et à propos de laquelle l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) pourra apporter son concours aux administrations chargées de la rédaction du projet de décret en Conseil d’État – et le besoin d’une normalisation ou d’une accréditation assez simples pour que les sociétés établies dans le monde entier les reconnaissent et les utilisent.
Comme l’a indiqué la direction générale du Trésor au rapporteur, pour « garantir une flexibilité sur les méthodes fiables pouvant être employées, le Gouvernement ne souhaite pas être prescriptif sur les technologies employées […] dès lors que celles-ci sont communément acceptées par l’ensemble des parties impliquées avec le ou les titres transférables utilisés » et que, le cas échéant, elles obtiennent une certification publique.
L’article 9 tire dans le code de commerce, le code monétaire et financier, le code des transports et le code des assurances les conséquences qu’exigent les articles 6, 7 et 8 quant à la possibilité de créer ou de modifier au format électronique sept catégories de titres transférables : la lettre de change, le billet à ordre, le récépissé, le warrant, le bordereau de cession d’une créance professionnelle, le connaissement maritime et la police d’assurance.
- L’ÉTAT DU DROIT
- LE DISPOSITIF PROPOSÉ
L’article 9 crée trois articles dans le code de commerce et modifie trois articles des codes monétaire et financier, des transports et des assurances afin de tirer les conséquences des articles 6, 7 et 8.
● Les alinéas 1 à 12 (I) modifient le code de commerce.
Les alinéas 2 à 5 (1° du I) créent un article L. 511-1-1, les alinéas 6 à 8 (2° du I) créent un article L. 512-1-1 et les alinéas 9 à 12 (3° du I) créent un article L. 512-1-1 disposant respectivement et dans les mêmes termes que la lettre de change, le billet à ordre et le récépissé et le warrant « peut être établi(e), signé(e), transféré(e), présenté(e), remis(e) , modifié(e) et conservé(e) sous forme électronique dans les conditions prévues par la loi […] visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France ».
Nonobstant une erreur matérielle qui conduira le rapporteur, par amendement, à substituer à la référence « I de l’article 2 » la référence « IV de l’article 7 » (cf. infra), l’alinéa 5 fait s’agissant des lettres de change une adaptation utile entre les dispositions classiques applicables à une présentation ou à une remise à domicile et l’accomplissement de l’acte équivalent par message électronique ou transfert sur un serveur électronique.
Comme le note la direction générale du Trésor dans ses réponses écrites au questionnaire du rapporteur, « en principe, l’adresse du débiteur figure sur le titre et son porteur le présente physiquement [au] domicile [du premier] pour obtenir acceptation ou paiement, ce qui n’est pas évident avec un titre électronique », or c’est la loi (premier alinéa de l’article L. 511-15 du code de commerce) qui pose cette règle, de sorte qu’il « fallait donc bien un autre texte de même niveau normatif pour y déroger ».
Les nouveaux articles comportent également des dispositions applicables seulement à certains titres transférables :
– il est prévu que la section 12 du chapitre Ier du titre Ier du livre V du code de commerce, relative à la pluralité d’exemplaires et de copies de la lettre de change, ne s’applique pas à la lettre de change électronique, que « cette dernière ne peut être tirée en plusieurs exemplaires » et que « des copies régies par les articles L. 511-75 et L. 511-76 ne peuvent en être établies » ;
– il est précisé que « les dispositions de l’article L. 511‑1‑1 relatives à la lettre de change électronique s’appliquent au billet à ordre électronique en tant qu’elles ne sont pas incompatibles avec la nature de ce titre » ;
– il est aussi indiqué que « le registre à souche mentionné aux articles L. 522‑25 et L. 522‑27 est alors un registre électronique maintenu selon une méthode fiable dont un décret en Conseil d’État définit les caractéristiques » et qu’« il ne peut être émis de récépissé électronique si le warrant est en format papier et inversement ».
● Les alinéas 13 et 14 (II) complètent l’article L. 313-23 du code monétaire et financier, les alinéas 15 et 16 (III) complètent l’article L. 5422-3 du code des transports et les alinéas 17 et 18 (IV) complètent l’article L. 112-5 du code des assurances par un alinéa disposant respectivement et dans des termes proches que le bordereau de cession d’une créance professionnelle, lorsqu’il est stipulé à ordre, « peut être établi, signé, transféré et conservé », le connaissement maritime « peut être établi, signé, transféré, modifié, conservé et remis » et la police d’assurance, lorsqu’elle est stipulée à ordre ou au porteur, « peut être établie, signée, transférée, modifiée et conservée sous forme électronique dans les conditions prévues par la loi […] visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France ».
MODERNISER, SIMPLIFIER ET RENFORCER L’ATTRACTIVITÉ DU DROIT
EN FAVEUR DE L’ÉCONOMIE FRANÇAISE
L’article 10 :
– généralise la consultation par voie électronique des actionnaires des sociétés en nom collectif ;
– autorise le vote par correspondance dans les sociétés à responsabilité limitée ;
– facilite la tenue dématérialisée des réunions des conseils d’administration, des comités de surveillance et des assemblées générales extraordinaires, ordinaires ou spéciales, en supprimant dans ces trois derniers cas le droit d’opposition des actionnaires des sociétés anonymes ;
– dispose que sont réputés présents aux assemblées d’actionnaires les participants recourant à une visioconférence ;
– prévoit que les assemblées des sociétés anonymes cotées soient retransmises en direct comme en différé ;
– encadre dans un délai de trois mois la formulation d’actions en nullité à l’encontre de délibérations prises malgré la défaillance du système informatique de la société.
- L’ÉTAT DU DROIT
Les titres Ier à IV du livre II du code de commerce sont relatifs aux sociétés commerciales.
Les articles L. 210-1, L. 210-2 et L. 210-3 (premier alinéa) disposent respectivement que « le caractère commercial d’une société est déterminé par sa forme ou par son objet ; sont commerciales à raison de leur forme et quel que soit leur objet, les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite simple, les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés par actions », que « la forme, la durée qui ne peut excéder quatre-vingt-dix-neuf ans, la dénomination sociale, le siège social, l’objet social et le montant du capital social sont déterminés par les statuts de la société » et que « les sociétés dont le siège social est situé en territoire français sont soumises à la loi française ».
● Pour la société en nom collectif (SNC), le premier alinéa de l’article L. 221-1 et le premier alinéa de l’article L. 221-3 prévoient respectivement que « les associés en nom collectif ont tous la qualité de commerçant et répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales » et que « tous les associés sont gérants, sauf stipulation contraire des statuts ».
● S’agissant de la société en commandite simple (SCS), les articles L. 222-1 et L. 222-2 indiquent respectivement que « les associés commandités ont le statut des associés en nom collectif ; les associés commanditaires répondent des dettes sociales seulement à concurrence du montant de leur apport ; celui-ci ne peut être un apport en industrie » et que « les dispositions relatives aux sociétés en nom collectif sont applicables aux sociétés en commandite simple, sous réserve [de] règles » qui ne sont pas concernées
En outre, les articles L. 222-8 et L. 222-10 (premier alinéa) précisent respectivement que « les parts sociales ne peuvent être cédées qu’avec le consentement de tous les associés ; toutefois, les statuts peuvent stipuler : que les parts des associés commanditaires sont librement cessibles entre associés ; que les parts des associés commanditaires peuvent être cédées à des tiers étrangers à la société avec le consentement de tous les commandités et de la majorité en nombre et en capital des commanditaires ; qu’un associé commandité peut céder une partie de ses parts à un commanditaire ou à un tiers étranger à la société dans les[mêmes] conditions » et que « la société continue malgré le décès d’un commanditaire ».
● Les deux premiers et le dernier alinéas de l’article L. 223-1 disposent que la société à responsabilité limitée (SARL) « est instituée par une ou plusieurs personnes qui ne supportent les pertes qu’à concurrence de leurs apports ; lorsque la société ne comporte qu’une seule personne, celle-ci est dénommée “associé unique” […] ; les sociétés d’assurance, de capitalisation et d’épargne ne peuvent adopter [cette] forme ». Les deux premiers alinéas de l’article L. 223-18 indiquent que la SARL « est gérée par une ou plusieurs personnes physiques ; les gérants peuvent être choisis en dehors des associés ; ils sont nommés par les associés ».
Concernant le capital d’une SARL :
– les articles L. 223-2, L. 223-3 et L. 223-7 précisent respectivement que « [son] montant du capital […] est divisé en parts sociales égales », que « […] si la société vient à comprendre plus de cent associés, elle est dissoute au terme d’un délai d’un an à moins que, pendant ce délai, le nombre des associés soit devenu égal ou inférieur à cent ou que la société ait fait l’objet d’une transformation » et que « les parts sociales doivent être souscrites en totalité par les associés ; elles doivent être intégralement libérées lorsqu’elles représentent des apports en nature ; les parts représentant des apports en numéraire doivent être libérées d’au moins un cinquième de leur montant ; la libération du surplus intervient en une ou plusieurs fois sur décision du gérant, dans un délai qui ne peut excéder cinq ans à compter de l’immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés ; toutefois, le capital doit être intégralement libéré avant toute souscription de nouvelles parts à libérer en numéraire, à peine de nullité ».
– les articles L. 223-9 et L. 223-12 disposent respectivement que « les statuts doivent contenir l’évaluation de chaque apport en nature » et que « les parts sociales ne peuvent être représentées par des titres négociables » ;
– les articles L. 223-13, L. 223-14 et L. 223-16 prévoient respectivement que les parts sociales « sont librement transmissibles par voie de succession ou en cas de liquidation de communauté de biens entre époux et librement cessibles entre conjoints et entre ascendants et descendants », qu’elles « ne peuvent être cédées à des tiers étrangers à la société qu’avec le consentement de la majorité des associés représentant au moins la moitié des parts sociales, à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte » et qu’elles « sont librement cessibles entre les associés ».
● La société par actions, dont le capital social doit être de 37 000 euros au moins, peut prendre quatre formes.
Une première catégorie est la société anonyme (SA), qui est définie comme « la société dont le capital est divisé en actions et qui est constituée entre des associés qui ne supportent les pertes qu’à concurrence de leurs apports » (premier alinéa de l’article L. 225-1).
Au nombre des particularités de la SA figurent le formalisme qui règle sa constitution (le projet de statuts doit être déposé au greffe du tribunal de commerce du lieu du siège social) et le fait que ses actions, le cas échéant cotées en bourse, doivent être intégralement souscrites puis sont cessibles.
D’après le premier alinéa des articles L. 225-17 et L. 225-51-1 d’une part et les articles L. 225-58 et L. 225-58 d’autre part, la SA peut être :
– administrée par un conseil d’administration de trois à dix-huit membres et dirigée soit par son président, soit par une autre personne physique nommée par le conseil et portant le titre de directeur général ;
– ou dirigée par un directoire de cinq membres au plus, nommés et placés sous le contrôle d’un conseil de surveillance.
Le premier alinéa de l’article L. 225-258, l’article L. 225-60 et le premier alinéa de l’article L. 225-260 indiquent que les statuts d’une SA peuvent stipuler qu’elle est « à participation ouvrière », auquel cas ses actions « se composent : d’actions ou coupures d’action de capital ; d’actions dites “actions de travail” », étant entendu que « les actions de travail sont la propriété collective du personnel[qui] comprend obligatoirement et exclusivement tous les salariés liés à l’entreprise depuis au moins un an et âgés de plus de dix-huit ans […] ».
La société en commandite par actions (SCA) constitue le deuxième type de société par actions.
Le premier alinéa de l’article L. 226-1 dispose que « [son] capital est divisé en actions » et qu’elle est « constituée entre un ou plusieurs commandités, qui ont la qualité de commerçant et répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales, et des commanditaires, qui ont la qualité d’actionnaires et ne supportent les pertes qu’à concurrence de leurs apports », le nombre des seconds ne pouvant être inférieur à trois.
Une SCA est dirigée par des gérants, contrôlés par un conseil de surveillance, au sein duquel les associés commandités ne peuvent siéger.
Dans les SA et SCA de plus de 1 000 salariés – ou de plus de 5 000 salariés si les sièges sociaux de la société et de ses filiales sont à la fois en France et à l’étranger –, ces derniers sont représentés au conseil de surveillance
Une troisième forme de société par actions est la société par actions simplifiées (SAS). Les deux premiers et alinéas de l’article L. 227-1 prévoient qu’elle « peut être instituée par une ou plusieurs personnes qui ne supportent les pertes qu’à concurrence de leur apport ; lorsque cette société ne comporte qu’une seule personne, celle-ci est dénommée “associé unique” […] » et le premier alinéa de l’article L. 227-6 indique qu’elle est représentée par un président, « investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l’objet social ».
Les articles L. 227-13, L. 227-14 et L. 227-16 disposent que « les statuts de la société peuvent prévoir l’inaliénabilité des actions pour une durée n’excédant pas dix ans », ou « soumettre toute cession d’actions à l’agrément préalable de la société », mais aussi « qu’un associé peut être tenu de céder ses actions », le cas échéant avec une « suspension des droits non pécuniaires de cet associé tant que celui-ci n’a pas procédé à cette cession ».
Sur le fondement du droit européen et, aux termes du deuxième alinéa de l’article L. 229-1 du code de commerce, des dispositions de ce code applicables aux sociétés anonymes – sous réserve de compatibilité –, une quatrième forme de société par actions existe avec la société européenne (SE). Sa particularité réside dans le fait, prévu à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 229-2, que « toute société européenne régulièrement immatriculée au registre du commerce et des sociétés peut transférer son siège dans un autre État membre » de l’Union européenne (UE). Son capital doit être d’au moins 120 000 euros.
● Les modalités de participation à distance des associés, administrateurs, actionnaires ou membres du conseil de surveillance de certaines de ces sociétés, en l’occurrence les SNC, les SARL et les SA, sont, lorsque le droit existant comprend des dispositions à leur égard, résumées dans le tableau ci-après.
MODALITÉS DE PARTICIPATION À DISTANCE
DANS LES ORGANES DE DÉCISION DE CERTAINES SOCIÉTÉS COMMERCIALES
Articles du code de commerce | Forme de société commerciale | Organe | Modalités de consultation ou de réunion |
Art. L. 221-6 | Société en nom collectif | Assemblée | Possibilité pour les statuts de prévoir une consultation écrite des associés |
Art. L. 223-27 | Société à responsabilité limitée | ||
Art. L. 225-37 | Société anonyme | Conseil d’administration | Sauf pour certaines opérations et sauf disposition contraire des statuts, possibilité pour le règlement intérieur de prévoir que sont réputés présents les administrateurs participant par un moyen de télécommunication |
Art. L. 225-82 | Conseil de surveillance | ||
Art. L. 225-103-1 | Assemblée | Possibilité pour les statuts de prévoir que les réunions se tiennent exclusivement par un moyen de télécommunication | |
Art. L. 225-107 | Vote par correspondance autorisé ; possibilité pour les statuts de prévoir que sont réputés présents les actionnaires participant par un moyen de télécommunication | ||
s. o. | Société anonyme cotée | Conseil de surveillance | Pas de disposition sur la réputation de présence des membres participant à la réunion par un moyen de télécommunication |
s. o. | Conseil d’administration | Pas de disposition sur la réputation de présence des administrateurs participant à la réunion par un moyen de télécommunication | |
s. o. | Assemblée | Pas de disposition sur la retransmission audiovisuelle |
Source : commission des finances d’après le code de commerce.
- LE DISPOSITIF PROPOSÉ
L’article 10 modifie sept articles du code de commerce et en crée trois, pour moderniser les réunions et les décisions des sociétés commerciales. En comparaison avec les dispositions disparates et incomplètes du droit aujourd’hui applicable (cf. supra), il facilite la consultation écrite des associés de deux types de société (A), ainsi que la dématérialisation des assemblées générales (B).
Le rapporteur y voit une modernisation source d’économies pour les organisateurs des réunions comme pour les participants, parfois conduits à s’acquitter de frais disproportionnés au regard des ordres du jour.
- LA SIMPLIFICATION DE LA CONSULTATION DES ASSOCIÉS DES SOCIÉTÉS EN NOM COLLECTIF ET À RESPONSABILITÉ LIMITÉE
En premier lieu, l’article 10 ouvre aux sociétés en nom collectif (SNC) et aux sociétés à responsabilité limitée (SARL) la possibilité d’une délibération des associés par voie électronique. En second lieu, il élargit le champ des décisions prises par consultation écrite plutôt qu’en assemblée générale.
● L’alinéa 2 de l’article 10 (1°) complète le second alinéa de l’article L. 221-6 du code de commerce et prévoit que lorsque les statuts d’une société en nom collectif prévoient que les décisions sont prises par consultation écrite, en l’absence de demande de réunion d’une assemblée par un des associés, « l’organe compétent pour convoquer l’assemblée ou son délégataire peut décider que les associés peuvent adresser leur réponse par message électronique ». La faculté pour l’organe de donner délégation est définie par les statuts de la SNC.
● Les alinéas 3 à 5 (2°) modifient le premier alinéa de l’article L. 223-27 du même code afin de :
– permettre aux statuts d’une société à responsabilité limitée de prévoir que toutes les décisions de cette société peuvent être prises par consultation écrite des associés plutôt qu’en assemblée générale, en supprimant l’exception relative à l’approbation du rapport de gestion, de l’inventaire et des comptes actuellement prévue par le premier alinéa de l’article L. 233-26 (a) ;
– prévoir que, d’une part, dans le cas d’une telle consultation, l’organe compétent peut décider que les associés peuvent répondre par message électronique et que, d’autre part, « les statuts peuvent admettre le vote [des actionnaires] par correspondance, au moyen du formulaire » ad hoc (b).
- LA DÉMATÉRIALISATION DES RÉUNIONS DES ORGANES DÉLIBÉRANTS DES SOCIÉTÉS ANONYMES
L’article 10 facilite la dématérialisation des assemblées générales ainsi que des conseils de surveillance ou d’administration des sociétés anonymes (SA).
● Son alinéa 6 (3°) lève certaines interdictions concernant les modalités suivant lesquelles, au sens du troisième alinéa de l’article L.225-37, « sont réputés présents, pour le calcul du quorum et de la majorité, les administrateurs qui participent [à la réunion du conseil d’administration d’une société anonyme] par des moyens de visioconférence ou de télécommunication permettant leur identification et garantissant leur participation effective ».
En l’état du droit, cette réputation de présence peut être prévue par le règlement intérieur sous la double réserve de ne pas contrarier les statuts de la société anonyme et de ne pas appliquer ce mode de calcul aux réunions du conseil d’administration dont l’objet est de dresser l’inventaire, les comptes annuels et le rapport de gestion ainsi que, dans le cas des sociétés commerciales ayant des filiales ou des participations ou une autre forme de contrôle dans d’autres entreprises, des comptes consolidés et un rapport de gestion du groupe.
La loi retient ce mode de calcul « sauf disposition contraire des statuts ou du règlement intérieur ».
● Son alinéa 7 (4°) procède à une substitution équivalente au troisième alinéa de l’article L. 225-82, relatif au conseil de surveillance d’une société anonyme, l’exception supprimée portant sur les réunions au cours desquelles le directoire présente à ce conseil les comptes annuels et, le cas échéant, consolidés, accompagnés du rapport de gestion et du gouvernement d’entreprise.
● Ses alinéas 8 à 11 (5°) proposent de remplacer les deux premiers alinéas de l’article L. 225-103-1 par trois nouveaux alinéas.
Aux termes du droit existant, les statuts des sociétés anonymes peuvent prévoir, sans préjudice de la faculté de voter par correspondance, que les assemblée générales extraordinaires ou ordinaires « sont tenues exclusivement par visioconférence ou par des moyens de télécommunication permettant l’identification des actionnaires […] » mais que, pour les assemblées générales extraordinaires, « un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital social peuvent s’opposer à ce qu’il soit recouru exclusivement » à ces techniques.
Le dispositif proposé indique que :
– sans qu’il soit besoin pour les statuts de le prévoir et sans droit d’opposition pour une fraction des porteurs, les assemblées générales « peuvent être tenues par tout moyen de télécommunication permettant l’identification des actionnaires ». « Le recours, exclusif ou non, à ces moyens […] est indiqué dans l’avis de convocation » et « sont réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité les actionnaires qui participent à l’assemblée par [de tels] moyens » ;
– si les statuts le prévoient et toujours sans préjudice du vote par correspondance, les assemblées extraordinaires et ordinaires ou spéciales peuvent se tenir exclusivement sous cette forme numérisée.
● Ses alinéas 12 à 14 (6°) tirent les conséquences de la nouvelle rédaction de l’article L. 225-103-1 pour abroger le II de l’article L. 225-107, aux termes duquel, dans le cas où l’assemblée d’actionnaires d’une société anonyme conduit certains d’entre eux à voter par correspondance et si les statuts le prévoient, « sont réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité les actionnaires qui participent à l’assemblée par visioconférence ou par des moyens de télécommunication permettant leur identification […] ».
● Ses alinéas 15 et 16 (7°) d’une part et ses alinéas 17 et 18 (8°) d’autre part créent deux nouveaux articles L. 22-10-21-1 et L. 22-10-3-1 dans le code de commerce, disposant que pour les sociétés anonymes cotées (sur un système de marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation), « nonobstant toute disposition contraire des statuts, sont réputés présents, pour le calcul du quorum et de la majorité » les membres du comité de surveillance ou du conseil d’administration « qui participent à la réunion par des moyens de visioconférence ou de télécommunication permettant leur identification et garantissant leur participation effective, dont les conditions d’application sont déterminées par décret en Conseil d’État », sous la réserve que « les statuts ou le règlement intérieur s’il en existe un, peuvent limiter la nature des décisions pouvant être prises lors d’une réunion tenue dans ces conditions ».
● Ses alinéas 19 à 21 (9°) créent dans le code de commerce un nouvel article L. 22-10-38-1 prévoyant que les sociétés anonymes cotées assurent, en direct comme en différé et suivant des modalités définies par un décret en Conseil d’État, la retransmission des réunions des assemblées d’actionnaires, sauf si cela était rendu impossible ou si cette retransmission connaissait des perturbations graves pour des raisons techniques.
● Enfin, ses alinéas 22 et 23 (10°) complètent l’article L. 235-2-1.
Pour toutes les sociétés commerciales, cet article prévoit actuellement que « les délibérations prises en violation des dispositions régissant les droits de vote attachés aux actions peuvent être annulées » .
L’article complété précisera que l’actionnaire qui n’a pu participer à la délibération ou au vote lors d’une assemblée se tenant à distance à cause d’une « défaillance des systèmes […] mis à sa disposition par la société » disposera de trois mois après qu’elle aura été prise pour introduire une action en nullité à l’encontre de la décision.
ARBITRAGE INTERNATIONAL DEVANT LA COUR D’APPEL DE PARIS
L’article 11 prévoit que la cour d’appel de Paris connaît seule des recours en annulation ou des recours contre une décision de demande de reconnaissance ou d’exequatur d’une sentence rendue en matière d’arbitrage international.
- L’ÉTAT DU DROIT
Sont abordés le rôle des cours d’appel (A) et l’arbitrage international (B).
- LES COMPÉTENCES GÉNÉRALES ET SPÉCIALISÉES DES COURS D’APPEL, NOTAMMENT CELLE DE PARIS
Les trente-six cours d’appel connaissent l’essentiel des recours formés contre les jugements rendus en première instance par les juridictions judiciaires ; certaines d’entre elles ont des attributions spécialisées, dont celle de Paris.
● Les livres II à IV du code de l’organisation judiciaire disposent que les juridictions sont réparties en trois degrés connaissant des instances successives d’une affaire civile ou pénale :
– au cas général, le tribunal judiciaire, au sein duquel des fonctions particulières sont exercées par le président, le juge aux affaires familiales (JAF), le juge des contentieux de protection (JCP), un juge de l’exécution et un juge des libertés de la détention (JLD) et qui comprend une commission d’indemnisation des victimes d’infraction, ou, par exception, la cour d’assises, la cour criminelle départementale, le tribunal pour enfants ou le juge des enfants, la cour d’assises des mineurs et les juridictions dites d’attribution, à savoir le tribunal de commerce, le tribunal maritime, le juge de l’expropriation, les juridictions des forces armées, le tribunal d’application des peines, le tribunal paritaire des baux ruraux, le conseil de prud’hommes et la prud’homie de pêche ;
– la cour d’appel ou la cour d’assises statuant en appel ;
– la Cour de cassation , dont les articles L. 421-1 et L. 421-2 du même code prévoient qu’elle « comprend des chambres civiles et une chambre criminelle » et que « les arrêts […] sont rendus soit par l’une des chambre, soit par une chambre mixte, soit par l’assemblée plénière » et auprès de laquelle sont placées la commission nationale de réparation des détentions, la cour de révision et de réexamen et la commission d’examen des recours en matière de discipline des officiers de police judiciaire.
● L’article L. 311-1 dudit code dispose de manière générale que « la cour d’appel connaît, sous réserve des compétences attribuées à d’autres juridictions, des décisions judiciaires, civiles et pénales, rendues en premier ressort ; la cour d’appel statue souverainement sur le fond des affaires ».
La section 2 du chapitre Ier du titre Ier de son livre III prévoit qu’elle connaît aussi, par exemple, des contestations relatives à l’élection du président du tribunal de commerce, à celle du bâtonnier de l’ordre des avocats, à certains recours contre les décisions de la chambre départementale des huissiers de justice ou du conseil d’administration du centre de formation professionnelle des notaires.
La section 3 du même chapitre Ier attribue des compétences particulières au premier président de la cour d’appel et la section 4 dudit chapitre Ier indique que la cour d’appel comprend une chambre de l’instruction, une chambre de l’application des peines et une chambre des appels correctionnels.
● La possibilité de prévoir qu’une ou plusieurs cour d’appel spécialement désignées connaissent de certains recours indépendamment de leur compétence territoriale est prévue par la section 5 dudit chapitre Ier.
Comme le montre le tableau infra, la cour d’appel de Paris est celle qui s’est vue confier le plus clair de ces attributions exclusives.
Le ressort de la cour d’appel de Paris est le plus important de France puisqu’il couvre neuf tribunaux judiciaires, à savoir ceux de Paris, Bobigny, Créteil, Évry, Meaux, Melun, Auxerre, Sens et Fontainebleau, vingt-six tribunaux de proximité, onze conseils de prud’hommes et huit tribunaux de commerce, soit ceux des départements de Paris, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne, de l’Essonne, de la Seine-et-Marne et de l’Yonne ([80]).
COMPÉTENCES SPÉCIALISÉES DE CERTAINES COURS D’APPEL
Objet des recours | Cour d’appel | ||
Art. L. 311-10 du COJ | Décisions de l’Institut de la propriété industrielle | Selon le domicile de l’auteur du recours | |
Art. L. 311-11 et D. 311-9 du COJ | Décisions de l’Autorité de la concurrence et relatifs à la validité de la notification par elle de certains actes de contrôle des ententes et abus de position dominante | Paris | |
Décisions individuelles de l’Autorité des marchés financiers | |||
Décisions de l’instance des obtentions végétales | |||
Art. L. 311-12 et D. 311-10 du COJ | Actions engagées en matière d’indemnisation des victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus d’immunodéficience humaine contre l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales | ||
Art. L. 311-13 du COJ | Décisions de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse | ||
Art. L. 311-14 et D. 311-11 du COJ | Contestations relatives à l’élection des membres du Conseil national des barreaux et de son bureau | ||
Décisions individuelles du Conseil national des barreaux | |||
Décisions des commissions nationales en matière d’inscription, de retrait ou de discipline des administrateurs judiciaires, des mandataires judiciaires au redressement et à la liquidation des entreprises et des experts en diagnostic d’entreprise | |||
Art. D. 311-9 du COJ | Décisions du collège des sanctions de la commission de contrôle des organismes de gestion des droits d’auteur et des droits voisins | ||
s. o. | Décisions de la Commission de régulation de l’énergie | ||
Décisions de l’Autorité de régulation des transports | |||
Art. L. 211-16 et L. 311-15 et annexe n° VIII-III du COJ | Jugements des tribunaux judiciaires spécialement désignés en matière de contentieux technique et général de la sécurité sociale et de l’admission à l’aide sociale | Dérogations diverses à la carte judiciaire | |
Art. L. 311-16 et D. 311-12 du COJ | Décisions des caisses d’assurance retraite et de la santé au travail et des caisses de mutualité sociale agricole en matière d’accidents du travail | Amiens | |
Source : commission des finances d’après le code de l’organisation judiciaire (COJ) ; les articles L. 327-15, L. 411-4, L. 412‑1 et R. 411-19-1 du code de la propriété intellectuelle ; l’article L. 462-9-1 et le chapitre IV du titre VI du livre IV du code de commerce ; l’article L. 621-30 du code monétaire et financier ; les articles L. 3122-3 et L. 3122-4 du code de la santé publique ; le IV de l’article L. 36-8 du code des postes et des communications électroniques ; le chapitre IV du titre III du livre Ier du code de l’action sociale et des familles ; l’article L. 142-1 du code de la sécurité sociale ; l’article L. 134-24 du code de l’énergie ; l’article L. 1263-1 du code des transports.
● La sous-section 1 de la section 1 du chapitre II du titre Ier du livre III dudit code dispose que « la cour d’appel statue en formation collégiale ; la formation de jugement de la cour d’appel se compose d’un président et de plusieurs conseillers ; […] ; les avocats dans l’ordre du tableau peuvent être appelés à suppléer les conseillers pour compléter la cour d’appel ; toutefois, la formation de jugement de la cour d’appel ne peut comprendre, en matière pénale, une majorité de juges non professionnels ».
Selon l’article L. 312-7 dudit code, « le procureur général représente en personne, ou par ses substituts, le ministère public près la cour d’appel ».
● La cour d’appel de Paris comprend, au sein de son pôle consacré aux affaires économiques et commerciales, une chambre commerciale internationale.
Cette chambre a été créée par un protocole signé le 7 février 2018 entre la première présidente de la cour d’appel de Paris, la procureure générale près cette cour et la bâtonnière de Paris ([81]).
COMPÉTENCES DES HUIT PÔLES DE LA COUR D’APPEL DE PARIS

Source : ministère de la justice.
Le préambule du protocole indique que « la nouvelle chambre a vocation à connaître des litiges relatifs aux contrats du commerce international, que ceux-ci soient soumis au droit français ou qu’ils relèvent du droit d’un autre pays, [et] à répondre aux attentes des opérateurs économiques qui souhaitent pouvoir bénéficier d’un système juridictionnel attractif » et que devant elle « une large place est laissée à l’utilisation de la langue anglaise et à la preuve testimoniale ».
Le paragraphe 1 de son article 1er énumère les contentieux qui entrent dans la compétence de cette chambre : « litiges en matière de contrats commerciaux et rupture de relations commerciales ; de transports ; de concurrence déloyale ; en réparation à la suite de la mise en œuvre de pratiques anti-concurrentielles ; en matière d’opérations sur instruments financiers, conventions-cadres de place, de contrats, d’instruments et de produits financiers » et, de façon générale, « recours formés contre les décisions prononcés dans les litiges de nature économique et commerciale à dimension internationale et contre les décisions prononcées en matière d’arbitrage international ». Les paragraphes 2 et 3 du même article précisent que sa compétence « peut résulter d’une stipulation contractuelle attribuant compétence [de premier degré] aux juridictions situées dans le ressort de la cour d’appel de Paris » et qu’en tout état de cause elle est la « juridiction d’appel des décisions prononcées en première instance par la chambre internationale du tribunal de commerce de Paris ».
Aux termes des articles 2, 3 et 7 du protocole, la langue anglaise peut être utilisée tant dans les pièces versées aux débats que dans l’expression des parties comparaissant devant le juge, des témoins et techniciens intervenant au procès ainsi que, « lorsqu’ils sont étrangers et habilités à plaider », des conseils, tandis que des interprétations simultanées peuvent être organisées et qu’une traduction jurée accompagne l’arrêt rédigé en français.
Un guide bilingue de procédure a été édité, fort de 201 pages, et une abondante documentation est également disponible sur internet en allemand, en espagnol et en chinois.
- L’ARBITRAGE INTERNATIONAL
Forme particulière du contentieux privé – ne devant pas être confondue avec les modes de résolution amiable des différends que sont la médiation et la conciliation conventionnelle d’une part et la procédure participative d’autre part, pouvant suivant les cas être soumises, aux fins de rendre exécutoire l’accord qui en résulte, à l’homologation du juge compétent –, l’arbitrage consiste à confier le règlement d’un litige en première instance non à une juridiction mais à un ou des arbitres indépendants choisis par les parties.
● Sans revenir sur la part de leur histoire tenant à la diplomatie, les grands principes de l’arbitrage international sont définis par certaines dispositions du titre Ier et par le titre II du livre IV du code de procédure civile, dont il convient de rappeler qu’il est exclusivement de nature réglementaire.
Parmi les dispositions communes à l’arbitrage interne et international, l’on peut relever en ce qu’elles intéressent le champ du présent rapport :
– l’article 1442, qui prévoit que « la convention d’arbitrage prend la forme d’une clause compromissoire ou d’un compromis ; la clause compromissoire est la convention par laquelle les parties à un ou plusieurs contrats s’engagent à soumettre à l’arbitrage les litiges qui pourraient naître relativement à ce ou à ces contrats ; le compromis est la convention par laquelle les parties à un litige né soumettent celui-ci à l’arbitrage » ;
– l’article 1452, aux termes duquel « en l’absence d’accord des parties sur les modalités de désignation du ou des arbitres : en cas d’arbitrage par un arbitre unique, si les parties ne s’accordent pas sur le choix de l’arbitre, celui-ci est désigné par la personne chargée d’organiser l’arbitrage ou, à défaut, par le juge d’appui ; en cas d’arbitrage par trois arbitres, chaque partie en choisit un et les deux arbitres ainsi choisis désignent le troisième ; si une partie ne choisit pas d’arbitre dans un délai d’un mois à compter de la réception de la demande qui lui en est faite par l’autre partie ou si les deux arbitres ne s’accordent pas sur le choix du troisième dans un délai d’un mois à compter de l’acceptation de leur désignation, la personne chargée d’organiser l’arbitrage ou, à défaut, le juge d’appui procède à cette désignation » ;
– les articles 1462 et 1463 et les deux premiers alinéas de l’article 1464 qui prévoient respectivement que « le litige est soumis au tribunal arbitral soit conjointement par les parties, soit par la partie la plus diligente », que « si la convention d’arbitrage ne fixe pas de délai, la durée de la mission du tribunal arbitral est limitée à six mois à compter de sa saisine ; le délai légal ou conventionnel peut être prorogé par accord des parties ou, à défaut, par le juge d’appui » et que, sauf si les parties en sont convenues autrement, « le tribunal arbitral détermine la procédure arbitrale sans être tenu de suivre les règles établies pour les tribunaux étatiques ; toutefois, sont toujours applicables les principes directeurs du procès » ;
– les articles 1479, 1482 et 1483 qui précisent respectivement que « les délibérations du tribunal arbitral sont secrètes », que « la sentence arbitrale […] est motivée » et qu’elle « a, dès qu’elle est rendue, l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’elle tranche » tout en pouvant « être assortie de l’exécution provisoire ».
Parmi les dispositions du code de procédure civile applicables à l’arbitrage international, l’on peut d’abord souligner :
– qu’aux termes de ses articles 1507 et 1508, « la convention d’arbitrage n’est soumise à aucune condition de forme » et « peut, directement ou par référence à un règlement d’arbitrage ou à des règles de procédure, désigner le ou les arbitres ou prévoir les modalités de leur désignation » ;
– qu’aux termes de ses articles 1510 et 1511, « quelle que soit la procédure choisie, le tribunal arbitral garantit l’égalité des parties et respecte le principe de la contradiction » et qu’il « tranche le litige conformément aux règles de droit que les parties ont choisies ou, à défaut, conformément à celles qu’il estime appropriées ; il tient compte, dans tous les cas, des usages du commerce ».
Il convient ensuite de présenter les conditions dans lesquelles intervient le juge étatique après qu’une sentence arbitrale a été rendue.
Premièrement, l’autorité judiciaire peut faire appliquer une sentence :
– l’article 1514 et le premier alinéa de l’article 1515 du code de procédure civile disposent respectivement que « les sentences arbitrales sont reconnues ou exécutées en France si leur existence est établie par celui qui s’en prévaut et si cette reconnaissance ou cette exécution n’est pas manifestement contraire à l’ordre public international » et que « l’existence d’une sentence arbitrale est établie par la production de l’original accompagné de la convention d’arbitrage ou des copies de ces documents [prouvant] leur authenticité » ;
– ses articles 1516 et 1517 prévoient respectivement que « la sentence arbitrale n’est susceptible d’exécution forcée qu’en vertu d’une ordonnance d’exequatur émanant du tribunal judiciaire dans le ressort duquel elle a été rendue ou du tribunal judiciaire de Paris lorsqu’elle a été rendue à l’étranger ; la procédure relative à la demande d’exequatur n’est pas contradictoire ; la requête est déposée par la partie la plus diligente au greffe de la juridiction accompagnée de l’original de la sentence et d’un exemplaire de la convention d’arbitrage ou de leurs copies […] » et que « l’exequatur est apposé sur l’original ou […] la copie de la sentence arbitrale […] ; lorsque la sentence arbitrale n’est pas rédigée en langue française, l’exequatur est également apposé sur la traduction […] ; l’ordonnance qui refuse d’accorder l’exequatur […] est motivée ».
Deuxièmement, plusieurs voies de recours sont ouvertes aux parties, dans des conditions qui diffèrent selon le lieu d’exercice du tribunal arbitral :
– si la sentence a été rendue en France :
* en premier lieu, les articles 1518 à 1520 disposent qu’elle « ne peut faire l’objet que d’un recours en annulation », lequel, « porté devant la cour d’appel dans le ressort de laquelle la sentence a été rendue » est « recevable dès[son] prononcé » mais « cesse de l’être s’il n’a pas été exercé dans le mois de [sa] notification […] », étant entendu que le recours en annulation n’est ouvert que dans les cas où le tribunal arbitral se serait déclaré à tort compétent ou incompétent ou aurait été irrégulièrement constitué ou aurait statué sans se limiter à la mission qui lui aurait été confiée, où le principe de la contradiction n’aurait pas été respecté devant lui, où la reconnaissance ou l’exécution de la sentence seraient contraires à l’ordre public international ;
* en deuxième lieu, l’article 1521 et les deux premiers alinéas de l’article 1522 précisent respectivement que, dans le cadre d’un tel recours en annulation, « le premier président [de la cour d’appel auprès de laquelle il est introduit] ou, dès qu’il est saisi, le conseiller de la mise en état peut conférer l’exequatur à la sentence » et que « par convention spéciale, les parties peuvent à tout moment renoncer expressément au recours en annulation ; dans ce cas, elles peuvent toujours faire appel de l’ordonnance d’exequatur [du premier président ou du conseiller de la mise en état] pour l’un des motifs prévus à l’article 1520 » dudit code ;
* en troisième lieu, les articles 1523 et 1524 prévoient d’une part que « la décision [du tribunal judiciaire] qui refuse la reconnaissance ou l’exequaturd’une sentence arbitrale internationale rendue en France est susceptible d’appel ; l’appel est formé dans le délai d’un mois à compter de la signification de la décision ; dans ce cas, la cour d’appel connaît, à la demande d’une partie, du recours en annulation à l’encontre de la sentence à moins qu’elle ait renoncé à celui-ci ou que le délai pour l’exercer soit expiré » et d’autre part que « l’ordonnance qui accorde l’exequatur n’est susceptible d’aucun recours » sauf pour l’un des motifs mentionnés à l’article 1520, cependant que « le recours en annulation de la sentence emporte de plein droit, dans les limites de la saisine de la cour, recours contre l’ordonnance du juge [du tribunal judiciaire] ayant statué sur l’exequatur ou dessaisissement de ce juge » ;
– à l’inverse, l’article 1525 prévoit que « la décision qui statue sur une demande de reconnaissance ou d’exequatur d’une sentence arbitrale rendue à l’étranger est susceptible d’appel ; […] la cour d’appel ne peut refuser la reconnaissance ou l’exequatur de la sentence arbitrale que dans les cas » mentionnés à l’article 1520 ;
– dans les deux cas, aux termes de ses articles 1526 et 1527, « le recours en annulation formé contre la sentence et l’appel de l’ordonnance ayant accordé l’exequatur ne sont pas suspensifs ; toutefois, le premier président statuant en référé ou, dès qu’il est saisi, le conseiller de la mise en état peut arrêter ou aménager l’exécution de la sentence si cette exécution est susceptible de léser gravement les droits de l’une des parties » et « l’appel de l’ordonnance ayant statué sur l’exequatur et le recours en annulation de la sentence sont formés, instruits et jugés selon les règles relatives à la procédure contentieuse […] ; le rejet de l’appel ou du recours en annulation confère l’exequatur à la sentence ou à celles de ses dispositions qui ne sont pas atteintes par la censure de la cour ».
Il convient à ce stade de préciser que le conseiller de la mise en état est le membre d’une formation collégiale de la cour d’appel qui peut être désigné par son premier président ou le président de l’une de ses chambres pour suivre l’instruction des affaires, notamment les échanges de pièces entre les conseils des parties et le greffe ou l’établissement du calendrier des audiences. Plusieurs dispositions du code de procédure civile relatives à ses fonctions ont été modifiées par le décret n° 2019‑1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile.
● La chambre commerciale internationale de la cour d’appel de Paris joue déjà un rôle prépondérant puisque, sur les 487 affaires d’arbitrage international traitées par les cours d’appel de 2019 à 2022, 404 l’ont été par celle de Paris.
AFFAIRES NOUVELLES ENREGISTRÉES PAR LES COURS D’APPEL DE 2019 À 2022
(en valeur et en pourcentage)
2019 | 2020 | 2021 | 2022 | Total | |
Appels de décisions relatives à l’exequatur d’une sentence arbitrale | |||||
Cour d’appel de Paris | 00,00 % | 3 60,00 % | 4100,0 % | 685,71 % | 1344,83 % |
Autres cours d’appel | 13100,0 % | 2 40,00 % | 0 0,00 % | 114,29 % | 1455,17 % |
Total | 13 | 5 | 4 | 7 | 29 |
Demandes en annulation ou appel d’une sentence arbitrale | |||||
Cour d’appel de Paris | 105 86,07 % | 99 86,09 % | 77 80,21 % | 110 88,00 % | 391 85,37 % |
Autres cours d’appel | 17 13,93 % | 16 13,91 % | 19 19,79 % | 15 12,00 % | 67 14,63 % |
Total | 122 | 115 | 96 | 125 | 458 |
Source : commission des finances d’après la documentation transmise au rapporteur par le ministère de la justice et le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
- LE DISPOSITIF PROPOSÉ
L’article 11 crée un nouvel article L. 311-16-1 complétant la section du code de l’organisation judiciaire consacrée aux compétences spéciales de certaines cours d’appel (section 5 du chapitre Ier du titre Ier du livre III).
Alors qu’elle ne relève en l’état que d’un protocole, mentionné supra, conclu avec le barreau, l’existence d’une chambre commerciale internationale au sein de la cour d’appel de Paris est élevée au rang législatif (premier alinéa du nouvel article L. 311-16-1).
Est attribuée à cette chambre une compétence matérielle exclusive, dans les cas et conditions prévus par le code de procédure civile, pour les recours en annulation des sentences rendues en matière d’arbitrage international (deuxième alinéa du nouvel article L. 311-16-1) et pour les recours contre une décision qui statue sur une demande de reconnaissance ou d’exequatur d’une telle sentence (troisième alinéa du nouvel article L. 311-16-1).
Sur la foi des chiffres présentés supra, la chancellerie estime que la cour d’appel de Paris « pourra absorber sans difficulté le volume d’affaire des autres cours » : elle évalue la charge de travail par affaire à 416 minutes pour les magistrats du siège et 285 minutes pour les fonctionnaires de greffe, soit 0,1 équivalent temps plein travaillé (ETPT) dans chaque cas.
Outre qu’elle correspond déjà en grande partie à la répartition effective du contentieux arbitral entre la cour d’appel de Paris et les autres cours d’appel, cette spécialisation de la première est cohérente avec l’article 1505 du code de procédure civile, d’après lequel « en matière d’arbitrage international, le juge d’appui de la procédure arbitrale est, sauf clause contraire, le président du tribunal judiciaire de Paris lorsque : l’arbitrage se déroule en France ; ou les parties sont convenues de soumettre l’arbitrage à la loi de procédure française ; ou les parties ont expressément donné compétence aux juridictions étatiques françaises pour connaître des différends relatifs à la procédure arbitrale ; ou l’une des parties est exposée à un risque de déni de justice ».
Le rapporteur note qu’il conviendra à l’autorité réglementaire d’opérer une coordination avec le premier alinéa de l’article 1519 du code de procédure civile, qui dispose que « le recours en annulation [contre une sentence d’arbitrage international] est porté devant la cour d’appel dans le ressort de laquelle la sentence a été rendue ».
- LA POSITION DE LA COMMISSION
Le rapporteur salue la consécration dans la loi de la chambre commerciale internationale de la cour d’appel de Paris, créée par voie conventionnelle il y a six ans à la suite de la remise par le Haut Comité juridique de la place financière de Paris (HCJP) d’un rapport au Gouvernement .
Il partage le point de vue exprimé lors d’un colloque tenu le 13 décembre 2023 : « opérant selon des modalités de fonctionnement définies au plus près des standards internationaux, la chambre s’est progressivement imposée dans le paysage institutionnel et jouit désormais d’une forte reconnaissance auprès des acteurs concernés », d’autant plus qu’elle est « particulièrement investie dans des actions de coopération internationale et de dialogue des juges ».
Si elle est naturellement appelée à évoluer fréquemment et n’a pas à faire l’objet de commentaires particuliers de la part du Parlement, le rapporteur note que la composition actuelle de la chambre, s’agissant tant des magistrats que des greffiers, s’appuie sur des profils expérimentés dans les domaines en question.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission a adopté l’article 11, après lui avoir apporté, à son initiative, un ajustement rédactionnel (amendement n° CF124).
INDEMNITES DE LICENCIEMENT DES PRENEURS DE RISQUES
L’article 12 actualise, dans le sens d’une extension, la liste des preneurs de risques ayant exercé dans un établissement de crédit ou une société de financement pour lesquels l’indemnité de licenciement est calculée sans prendre en compte la partie de la part variable de la rémunération ayant pu être réduite ou restituée du fait d’une sanction.
- L’ÉTAT DU DROIT
Dans la sous-section du code monétaire financier consacrée à la politique et aux pratiques de rémunération au sein des établissements de crédit et des sociétés de financement (sous-section 3 de la section 8 du chapitre Ier du titre Ier du livre V), l’article L. 511-84-1, créé par le 17° du I de l’article 77 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, concerne le calcul de l’indemnité à la charge de l’employeur en cas de licenciement des preneurs de risques au sens du droit de l’Union européenne (UE).
Sont présentés les cas de licenciement concernés (A), les preneurs de risques visés (B) et le calcul de l’indemnité (C).
- LES CAS DE LICENCIEMENT CONCERNÉS
Six hypothèses de licenciement sont envisagées par l’article L. 511-84-1 du code monétaire et financier.
● Les trois premiers alinéas de l’article L. 1226-15 du code du travail prévoient que le tribunal compétent peut proposer la réintégration du salarié, avec le maintien de ses avantages acquis, lorsque son licenciement a été prononcé en méconnaissance :
– de l’article L. 1226-8 du même code, aux termes duquel « le salarié retrouve son emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente » et « sans retard de promotion ou d’avancement » à l’issue des trois périodes de suspension du contrat de travail mentionnées à l’article L. 1226-7 dudit code, à savoir l’arrêt de travail provoqué par un accident du travail autre que de trajet ou une maladie professionnelle ; le stage de réadaptation, de rééducation ou de formation professionnelle suivi sur l’avis de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) intéressée ; la participation à des actions spécifiques , en matière de formation professionnelle ou d’accompagnement par la caisse primaire d’assurance maladie, telles que l’essai encadré et la convention de rééducation professionnelle ;
– des articles L. 1226-10 à L. 1226-12 dudit code, lesquels disposent notamment que « lorsque le salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail […] à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant […] » et que « l’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi […], soit du refus par le salarié de l’emploi proposé […], soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi ».
L’une ou l’autre des parties peut refuser la réintégration, auquel cas « le juge octroie une indemnité au salarié, dont le montant est fixé conformément aux dispositions de l’article L. 1235-3-1 », c’est-à-dire qu’elle « ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ».
● L’article L. 1234-9 du code du travail prévoit qu’après huit mois d’ancienneté et sauf en cas de faute grave, le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée (CDI) a droit à une indemnité s’il est licencié.
● Si le licenciement d’un salarié survient sans « cause réelle et sérieuse », l’article L. 1235-3 du code du travail indique que le juge peut proposer sa réintégration, mais que l’une ou l’autre des parties peut la refuser, auquel cas le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre un et vingt mois de salaire brut, le minimum étant abaissé si l’entreprise compte habituellement moins de onze salariés.
● L’article L. 1235-3-1 du code du travail prévoit que la grille de son article L. 1235-3 n’est pas applicable et que le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur ne pouvant être inférieure aux salaires des six derniers mois lorsque le licenciement est entaché d’une des nullités suivantes : « violation d’une liberté fondamentale ; faits de harcèlement moral ou sexuel ; licenciement discriminatoire ; licenciement consécutif à une action en justice en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ou à une dénonciation de crimes et délits ; licenciement d’un salarié protégé en raison de son mandat ; licenciement d’un salarié en méconnaissance des protections [de la grossesse ou du congé de paternité] ».
● Le premier alinéa de l’article L. 1235-10 du code du travail dispose que « dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, le licenciement intervenu en l’absence de toute décision relative à la validation ou à l’homologation ou alors qu’une décision négative a été rendue est nul ».
Il est entendu :
– par décision de validation, celle prise par l’autorité administrative quant à l’accord collectif déterminant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi ;
– par décision d’homologation, celle prise par l’autorité administrative en l’absence ou face à l’incomplétude du plan de sauvegarde de l’emploi.
S’il constate la nullité de la procédure de licenciement, le juge peut, aux termes de l’article L. 1235-11, ordonner soit la poursuite du contrat de travail, soit la réintégration du salarié. Toutefois, lorsque ce dernier n’en formule pas la demande ou si, « notamment du fait de la fermeture de l’établissement ou du site ou de l’absence d’emploi disponible », la réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois.
● Enfin, aux termes de l’article L. 1235-16 du code du travail, l’annulation d’une décision de validation ou d’homologation – pour un autre motif que celui de l’insuffisance de motivation de la première décision de l’autorité administrative ou d’un vice dans le plan de sauvegarde lui-même – donne lieu à la réintégration du salarié ou, à défaut, à une indemnité à la charge de l’employeur ne pouvant être inférieure aux salaires des six derniers mois.
- LES PRENEURS DE RISQUES VISÉS
En l’état, l’article L. 511-84-1 du code monétaire et financier s’applique aux preneurs de risques définis par référence aux articles 3 et 4 du règlement délégué (UE) n° 604/2014 de la Commission du 4 mars 2014 complétant une directive par des normes techniques de réglementation en ce qui concerne les critères qualitatifs et quantitatifs appropriés permettant de recenser les catégories de personnel dont les activités professionnelles ont une incidence significative sur le profil de risque d’un établissement.
● Les « établissements » concernés par le règlement délégué du 4 mars 2014 sont ceux mentionnés à l’article 3 de la directive du 26 juin 2013, soit surtout les établissements de crédit et les entreprises d’investissement, étant entendu que leur définition est elle-même faite par renvoi au paragraphe 1 de l’article 4 d’un précédent règlement , lequel procède également par renvois à divers textes, dont essentiellement deux directives . Un établissement de crédit désigne une « entreprise dont l’activité consiste à recevoir du public des dépôts ou d’autres fonds remboursables et à octroyer des crédits pour son propre compte » et une entreprise d’investissement désigne une « personne [morale, au cas général] dont l’occupation ou l’activité habituelle consiste à fournir un ou plusieurs services d’investissement à des tiers et/ou à exercer une ou plusieurs activités d’investissement à titre professionnel ».
Le paragraphe 5 de l’article 2 de la directive du 26 juin 2013 exclut de son application plusieurs structures, en particulier les banques centrales et, dans le cas de la France, la Caisse des dépôts et consignations (CDC).
● Aux termes de l’article 3 du règlement délégué du 4 mars 2014, un membre du personnel est considéré comme un preneur de risque, en ce qu’il a une incidence significative sur le profil de risque d’un établissement, lorsque l’un des critères qualitatifs suivants est rempli (la plupart des items faisant eux-mêmes l’objet d’une définition dans le règlement délégué ou dans d’autres renvois) :
– il est membre de l’organe de direction exécutif ou de surveillance ;
– il est membre de sa direction générale ;
– il est responsable des activités de la fonction indépendante de gestion du risque, de la fonction de conformité ou de la fonction d’audit interne ou exerce des fonctions managériales dans l’une de ces fonctions ;
– il a la responsabilité globale de la gestion du risque au sein d’une unité opérationnelle à laquelle a été distribué au moins 2 % du capital interne, qualifiée d’importante, ou dirige une telle unité opérationnelle ou y exerce des fonctions ;
– il occupe une fonction de direction dans les affaires juridiques, les finances, la fiscalité, les ressources humaines, la politique de rémunération, les technologies de l’information ou l’analyse économique ;
– il est responsable ou membre d’un comité chargé de la gestion d’une catégorie de risque prévue aux articles 79 à 87 de la directive du 26 juin 2013 autre que le risque de crédit ou de marché, à savoir le risque de contrepartie, de concentration, de titrisation, de taux d’intérêt, de liquidité et de levier excessif et le risque résiduel et opérationnel ;
– il est chargé de formuler des propositions de crédit ou structurer des produits de crédit, a le pouvoir de prendre, accepter ou refuser une décision ou est membre d’un comité qui a un tel pouvoir concernant les expositions au risque de crédit d’un montant par transaction représentant 0,5 % des fonds propres de base de catégorie 1 de l’établissement (ses instruments de capital – sous certaines conditions de maturité, etc. –, ses primes d’émission, ses résultats non-distribués, ses autres éléments du résultat global accumulés, ses autres réserves et ses fonds pour risques bancaires généraux) et s’élevant au moins à 5 millions d’euros ;
– il est chargé des mêmes tâches ou a le même pouvoir ou est membre d’un comité qui a un tel pouvoir concernant des transactions du portefeuille de négociation qui atteignent une exigence de fonds propres pour risques de marché représentant selon les cas 0,5 % ou plus des fonds propres de base de catégorie 1 de l’établissement ou 5 % ou plus de la limite interne de valeur en risque de l’établissement pour ces expositions à un intervalle de confiance à 99 % ;
– il a des responsabilités managériales envers un groupe de membres du personnel qui ont individuellement le pouvoir d’engager l’établissement pour des transactions pour des sommes dépassant les seuils mentionnés supra ;
– il a le pouvoir ou est membre d’un comité qui a le pouvoir d’approuver ou d’opposer un veto à l’introduction de nouveaux produits ;
– il a des responsabilités managériales envers un membre du personnel qui remplit l’un des critères de la liste.
● D’après l’article 4 du règlement délégué du 4 mars 2014, un membre du personnel est aussi considéré comme un preneur de risque sur le fondement de l’un des critères quantitatifs suivants :
– il s’est vu accorder au cours de l’exercice précédent une rémunération totale égale ou supérieure à 500 000 euros ;
– il a fait partie au cours de l’exercice précédent des 0,3 % des membres du personnel auxquels la rémunération totale la plus élevée a été accordée ;
– il s’est vu accorder, au cours de l’exercice précédent, une rémunération totale égale ou supérieure à la plus faible rémunération totale accordée au cours du même exercice à un membre de la direction générale.
Ces critères ne sont pas pris en compte si le personnel ou la catégorie de personnel à laquelle il appartient n’exerce d’activités professionnelles et n’a de pouvoirs que dans une unité opérationnelle qui n’est pas une unité opérationnelle importante ou n’a pas, par les activités professionnelles exercées, d’incidence significative sur le profil de risque d’une telle unité.
● Avec moins d’exhaustivité mais plus de lisibilité, ces définitions ont été reprise en droit interne puisqu’aux termes de l’article L. 511-71 du code monétaire et financier, « les catégories de personnel dont les activités professionnelles ont une incidence significative sur le profil de risque de l’établissement […] comprennent au moins : tous les membres du conseil d’administration, du conseil de surveillance ou de tout autre organe exerçant des fonctions équivalentes de même que les personnes [assurant la direction effective] ; les membres du personnel chargés de la direction des fonctions de contrôle de l’établissement ou des unités opérationnelles importantes et qui rendent directement des comptes au conseil d’administration, au conseil de surveillance ou à tout autre organe exerçant des fonctions de surveillance équivalentes […] ; les membres du personnel ayant eu droit à une rémunération significative au cours de l’exercice précédent, si les deux conditions suivantes sont respectées : a) cette rémunération est supérieure ou égale à cinq cent mille euros et est supérieure ou égale à la rémunération moyenne accordée aux membres du conseil d’administration, du conseil de surveillance ou de tout autre organe exerçant des fonctions équivalentes ainsi qu’aux personnes [assurant la direction effective] ; b) ils exercent leurs activités professionnelles dans une unité opérationnelle importante et ces activités sont de nature à avoir une incidence significative sur le profil de risque de l’unité opérationnelle en question ».
- LE CALCUL DE L’INDEMNITÉ
Pour les cas de licenciement et les preneurs de risques énumérés supra, l’article L. 511-84-1 du code monétaire et financier dispose que « la détermination de l’indemnité à la charge de l’employeur ne prend pas en compte […] la partie de la part variable de la rémunération dont le versement peut être réduit ou donner lieu à restitution ».
● L’article L. 511-76 du code monétaire et financier prévoit que « la politique de rémunération des établissements de crédit et des sociétés de financement établit une distinction reposant sur des critères clairs entre la rémunération fixe de base et la rémunération variable ; la rémunération fixe de base reflète au premier chef l’expérience professionnelle en lien avec la fonction occupée et les responsabilités exercées telles qu’elles sont stipulées dans le contrat de travail ou mentionnées dans la fiche de poste ; la rémunération variable reflète des performances durables et conformes à la politique des risques ; elle reflète également les performances allant au-delà des stipulations du contrat de travail ou des prévisions de la fiche de poste ».
Entre autres précisions, le troisième alinéa de l’article L. 511-77, le premier alinéa de l’article L. 511-78 et l’article L. 511-81 indiquent respectivement que « les rémunérations variables garanties sont interdites ; toutefois, elles peuvent être exceptionnellement accordées au personnel nouvellement recruté à condition que l’établissement de crédit ou la société de financement dispose d’une assise financière saine et solide ; elles sont limitées à la première année de l’engagement du personnel », que « la part variable de la rémunération totale des [preneurs de risques] ne peut excéder le montant de la part fixe » et qu’« une partie au moins égale à la moitié de la rémunération variable est attribuée sous forme d’actions ou de droits de propriété équivalents et, le cas échéant, d’autres instruments ».
● Certes, le premier alinéa de l’article L. 1331-2 du code du travail dispose qu’en matière disciplinaire, donc lorsqu’un agissement du salarié est tenu pour fautif par l’employeur, « les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites » et son second alinéa frappe de nullité toute clause en ce sens.
Toutefois, l’article L. 511-84 du code monétaire et financier prévoit que, par dérogation, dans les établissements de crédit et les sociétés de financement, « le montant total de la rémunération variable peut, en tout ou partie, être réduit ou donner lieu à restitution lorsque la personne concernée a méconnu les règles édictées par l’établissement en matière de prise de risque, notamment en raison de sa responsabilité dans des agissements ayant entraîné des pertes significatives […] ou en cas de manquement aux obligations d’honorabilité et de compétence ».
- LE DISPOSITIF PROPOSÉ
L’article 12 remplace la référence aux articles 3 et 4 du règlement délégué du 4 mars 2014, par une référence aux articles 5 et 6 du règlement délégué (UE) n° 2021/923 de la Commission du 25 mars 2021 complétant la directive n° 2013/36/UE du 23 juin 2013.
Il s’agit à la fois d’une mise à jour du renvoi (A) et d’une extension de la liste des preneurs de risques concernés (B) par l’indemnité dérogatoire.
- UNE ACTUALISATION
Le règlement délégué du 4 mars 2014 a été abrogé par le règlement délégué (UE) n° 2021/923 de la Commission du 25 mars 2021.
L’objet de ce dernier reste de fixer les critères permettant de « définir les responsabilités dirigeantes, les fonctions de contrôle, l’unité opérationnelle importante et l’incidence significative sur le profil de risque de cette unité » et de « recenser les membres du personnel ou les catégories de personnel dont les activités professionnelles ont une incidence sur le profil de risque de l’établissement comparativement aussi significative que celle des membres du personnel […] visés à l’article 92 de la directive ».
- UN ÉLARGISSEMENT
L’article 12 étend le champ d’application de l’article L. 511-84-1 du code monétaire et financier, car la définition des preneurs de risques est plus large dans les articles 5 et 6 du nouveau règlement délégué que dans les articles 3 et 4 de l’ancien règlement délégué.
En particulier, entrent désormais dans cette catégorie les personnels exerçant des fonctions de direction dans le domaine des affaires publiques, de la solidité des politiques et procédures comptables, de la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme ou des accords d’externalisation.
● Premièrement, ces deux articles s’inscrivent expressément dans le cadre des points a) à c) du paragraphe 3 de l’article 92 de la directive du 23 juin 2016, lesquels disposent que « […] lorsqu’ils définissent et mettent en œuvre les politiques de rémunération totale, y compris les salaires et les prestations de pension discrétionnaires, applicables aux catégories de personnel incluant la direction générale, les preneurs de risques et les personnes exerçant une fonction de contrôle, ainsi que tout salarié qui, au vu de ses revenus globaux, se trouve dans la même tranche de rémunération que la direction générale et les preneurs de risques, dont les activités professionnelles ont une incidence significative sur leur profil de risque, les établissements respectent les principes suivants d’une manière et dans une mesure qui soient adaptées à leur taille et à leur organisation interne ainsi qu’à la nature, à l’échelle et à la complexité de leurs activités : la politique de rémunération permet et promeut une gestion du risque saine et effective et n’encourage pas une prise de risque excédant le niveau de risque toléré de l’établissement ; la politique de rémunération est conforme à la stratégie économique, aux objectifs, aux valeurs et aux intérêts à long terme de l’établissement et comprend des mesures visant à éviter les conflits d’intérêts ; l’organe de direction de l’établissement, dans l’exercice de sa fonction de surveillance, adopte et revoit régulièrement les principes généraux de la politique de rémunération et est responsable de la supervision de sa mise en œuvre ».
● Deuxièmement, l’article 5 du règlement délégué du 25 mars 2021 énonce qu’un membre du personnel est réputé avoir une incidence significative sur le profil de risque d’un établissement lorsqu’un ou plusieurs des critères qualitatifs suivants sont remplis :
– il exerce des responsabilités dirigeantes dans les domaines des affaires publiques, de la solidité des politiques et procédures comptables, des finances, de l’analyse économique, de la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, des ressources humaines, de la rémunération, des technologies ou de la sécurité de l’information ou des accords d’externalisation des fonctions essentielles ou importantes ;
– il exerce des responsabilités dirigeantes pour les catégories de risques définies aux articles 79 à 87 de la directive du 26 juin 2013, ou est membre d’un comité chargé de leur gestion ;
– il a le pouvoir de prendre, d’accepter ou de refuser une décision ou est membre d’un comité qui a un tel pouvoir concernant les expositions au risque de crédit d’un montant par transaction représentant 0,5 % des fonds propres de base de catégorie 1 de l’établissement et s’élevant au moins à 5 millions d’euros ;
– il est chargé des mêmes tâches ou a le même pouvoir ou est membre d’un comité qui a un tel pouvoir concernant des transactions du portefeuille de négociation qui atteignent une exigence de fonds propres pour risques de marché représentant selon les cas 0,5 % ou plus des fonds propres de base de catégorie 1 de l’établissement ou 5 % ou plus de la limite interne de valeur en risque de l’établissement pour ces expositions à un intervalle de confiance à 99 % ;
– il dirige un groupe de membres du personnel qui ont individuellement le pouvoir d’engager l’établissement pour des transactions pour des sommes dépassant les seuils mentionnés supra ;
– il a le pouvoir ou est membre d’un comité qui a le pouvoir d’approuver ou d’opposer un veto à l’introduction de nouveaux produits.
● Troisièmement, l’article 6 du règlement délégué du 25 mars 2021 dispose qu’un membre du personnel est réputé avoir une incidence significative sur le profil de risque d’un établissement lorsqu’un des critères quantitatifs suivants, plus restrictifs que dans l’état antérieur du droit, est rempli :
– il s’est vu accorder au cours de l’exercice précédent une rémunération totale égale ou supérieure à 750 000 euros ;
– lorsque l’établissement compte plus de 1 000 membres de personnel, il fait partie des 0,3 % des membres du personnel auxquels la rémunération totale la plus élevée a été accordée.
Ces critères continuent à ne pas s’appliquer si le personnel ou la catégorie de personnel à laquelle il appartient n’exerce d’activités professionnelles et n’a de pouvoirs que dans une unité opérationnelle qui n’est pas une unité opérationnelle importante ou n’a pas, par les activités professionnelles exercées, d’incidence significative sur le profil de risque d’une telle unité.