Cour d’appel de Douai, 3 avril 2025, RG n° 23/04430
Cour d’appel de Douai, 3 avril 2025, RG n° 23/04430

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Douai

Thématique : Responsabilité des constructeurs et forclusion des actions en garantie.

Résumé

Selon un acte authentique, un acheteur a acquis une maison en l’état futur d’achèvement auprès d’une société de construction, dont une autre société est associée, avec livraison prévue en janvier 2014. Deux sociétés ont participé à la construction, l’une pour les faïences et l’autre pour la plomberie et le chauffage. En mai 2017, l’acheteur a saisi le tribunal pour obtenir une expertise en raison de désordres dans la douche, la salle de bains et la cuisine. En juillet 2017, il a également impliqué les deux sociétés dans la procédure.

Les procédures ont été jointes, et une expertise a été ordonnée, dont le rapport a été déposé en juin 2019. En novembre 2021, l’acheteur a assigné les sociétés pour obtenir réparation des désordres, des frais d’expertise et une indemnisation. En septembre 2023, le juge a débouté la société de construction de sa fin de non-recevoir, a déclaré forclose l’action de l’acheteur pour les vices apparents, et a condamné l’acheteur aux dépens.

La société de construction a interjeté appel, contestant la décision sur la fin de non-recevoir et la forclusion. En novembre 2023, les procédures ont été jointes. En mars 2024, le tribunal a déclaré l’acheteur irrecevable à conclure. En avril 2024, l’ordonnance de clôture a été rendue. En février 2025, le tribunal a demandé des documents supplémentaires aux sociétés. La société de plomberie a indiqué ne pas avoir les ordonnances demandées, tandis que la société de construction a produit certaines pièces mais pas d’autres.

La cour a confirmé la décision du juge de la mise en état, rejetant la fin de non-recevoir et la forclusion de l’action de l’acheteur, tout en condamnant les sociétés aux dépens de la procédure d’appel.

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 03/04/2025

****

N° de MINUTE :

N° RG 23/04430 – N° Portalis DBVT-V-B7H-VD7Y

Ordonnance rendue le 14 septembre 2023

par le juge de la mise en état de Douai

APPELANTE

La SAS Kieken Immobilier Construction (KIC)

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Paul-Guillaume Balay, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant substitué par Me Marine Croquelois, avocat au barreau de Lille

INTIMÉS

Monsieur [R] [Y]

né le 19 avril 1980 à [Localité 5]

[Adresse 4]

[Localité 7]

représenté par Me Jean-Pierre Congos, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

La SARL Carlstyl

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Rodolphe Huber, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

DÉBATS à l’audience publique du 27 janvier 2025, tenue par Carole Van Goetsenhoven magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile). Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Catherine Courteille, président de chambre

Véronique Galliot, conseiller

Carole Van Goetsenhoven, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 03 avril 2025 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Catherine Courteille, présidente et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 08 avril 2024

****

EXPOSE DU LITIGE

Selon acte authentique reçu par Me [D] le 29 juin 2012, M. [Y] a acquis auprès de la société Parallèle, dont la société Kieken immobilier construction (la société KIC) est associée, une maison d’habitation en l’état futur d’achèvement située dans l’écoquartier [Adresse 6] à [Localité 7]. La livraison a eu lieu le 27 janvier 2014.

La société Carlstyl est intervenue dans l’opération de construction s’agissant du lot « faïences ». La société Gaillard est intervenue s’agissant du lot « plomberie, VMC, chauffage ».

Par exploit du 11 mai 2017, se prévalant de désordres affectant notamment la douche, le sol de la salle de bains et la cuisine de l’habitation, M. [Y] a attrait la société KIC devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Douai aux fins d’obtenir l’organisation d’une expertise.

Par exploit du 17 juillet 2017, M. [Y] a attrait la société Gaillard et la société Carlstyl en intervention forcée devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Douai, aux fins notamment d’obtenir la jonction de la procédure avec celle diligentée par exploit du 11 mai 2017.

La jonction des procédures a été prononcée le 6 septembre 2017 et par ordonnance en date du 29 septembre 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Douai a ordonné une mesure d’expertise confiée à M. [V].

Le rapport d’expertise a été déposé le 12 juin 2019.

Par exploit du 17 novembre 2021, M. [Y] a attrait la société Carlstyl et la société KIC devant le tribunal judiciaire de Douai aux fins d’obtenir, notamment, leur condamnation à lui payer les travaux de remise en état tels que chiffrés par l’expert, les frais d’expertise et de recherche de fuite ainsi que l’indemnisation de son préjudice de jouissance.

Par ordonnance en date du 14 septembre 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Douai a :

-débouté la société KIC de sa fin de non-recevoir relative à l’application de l’article L 211-2 du code de la construction et de l’habitation à l’encontre de M. [Y],

-déclaré forclose l’action de M. [Y] à l’encontre de la société KIC et de la société Carlstyl sur le fondement de la garantie des vices ou des défauts de conformité apparents prévues aux articles 1642-1 et 1648 du code civil,

-dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamné M. [Y] aux dépens de l’incident,

-rappelé l’exécution provisoire de droit,

-renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 4 décembre 2023.

Par déclaration reçue au greffe le 4 octobre 2023, la société KIC a relevé appel de cette décision en ce qu’elle l’a déboutée de la fin de non-recevoir relative à l’application de l’article L 211-2 du code de la construction et de l’habitation à l’encontre de M. [Y] et dit n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue au greffe le 4 octobre 2023, la société KIC a relevé appel de cette décision en ce qu’elle l’a déboutée de la fin de non-recevoir relative à l’application de l’article L 211-2 du code de la construction et de l’habitation à l’encontre de M. [Y], déclaré forclose l’action de M. [Y] à l’encontre de la société KIC et la société Carlstyl sur le fondement de la garantie des vices ou des défauts de conformité apparents prévue aux articles 1642-1 et 1648 du code civil et dit n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Les procédures ont été jointes le 9 novembre 2023.

Aux termes de ses dernières écritures signifiées électroniquement le 3 avril 2024, la société KIC demande à la cour de :

-réformer l’ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Douai le 14 septembre 2023 en ce qu’elle a :

* débouté la société KIC de sa fin de non-recevoir relative à l’application de l’article L 211-2 du code de la construction et de l’habitation à l’encontre de M. [Y],

* déclaré forclose l’action de M. [Y] à l’encontre de la société KIC et de la société Carlstyl sur le fondement de la garantie des vices ou des défauts de conformité apparents prévue aux articles 1642-1 et 1648 du code civil,

* dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Par conséquent, statuant à nouveau :

-juger irrecevable l’action de M. [Y] contre la société KIC,

-juger irrecevable l’action de M. [Y] contre la société KIC sur le fondement de l’article 1792 du code civil,

-condamner M. [Y] à verser à la société KIC la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient qu’il n’est pas démontré par les pièces versées aux débats qu’elle ait agi, dans le cadre de l’opération de construction litigieuse, en qualité de maître d’ouvrage délégué, et que cet élément n’est pas davantage soutenu dans les écritures des parties. Elle indique que la société Parallèle est une filiale de la société KIC mais qu’elle demeure une personne morale distincte. Elle rappelle que les associés des sociétés civiles constituées en vue de la construction et de la vente d’immeubles sont débiteurs subsidiaires et que M. [Y] ne se prévaut d’aucune créance certaine et exigible envers la société Parallèle (SCCV), ni ne démontre une défaillance de celle-ci dans le règlement de cette dette.

Sur la forclusion de l’action, elle indique que si la société KIC est maître d’ouvrage délégué comme l’a retenu le juge de la mise en état, elle n’a pas qualité de constructeur et ne peut être soumise à la garantie décennale.

Aux termes de ses dernières écritures signifiées électroniquement le 13 décembre 2023, la société Carlstyl demande à la cour de :

-confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a jugé forclose l’action de M. [Y] à l’encontre de la société Carlstyl sur le fondement des articles 1642-1 et 1648 du code civil,

-condamner M. [Y] au paiement de la somme de 1 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers frais et dépens.

Elle soutient que les désordres litigieux ne relèvent pas de la garantie décennale selon les conclusions du rapport d’expertise et que, s’agissant de la garantie des vices et non-conformités apparents l’action est tardive puisque la livraison est intervenue le 27 janvier 2014 et l’assignation en expertise a été signifiée le 11 mai 2017.

Par ordonnance en date du 21 mars 2024, M. [Y] a été déclaré irrecevable à conclure.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 8 avril 2024.

Le 24 février 2025, la cour a, au visa de l’article 8 du code de procédure civile, demandé :

-à la société KIC de produire le CCAP visé le 20 février 2012 avant le 13 mars 2025, les parties pouvant formuler leurs observations sur cette pièce avant le 20 mars 2025,

-à la société KIC et à la société Carlstyl de produire les ordonnances rendues par le juge des référés du tribunal de grande instance de Douai les 29 septembre 2017 et 6 septembre 2017, avant le 13 mars 2015.

Par note en délibéré reçue par RPVA le 5 mars 2025, la société Carstyl a indiqué ne pas avoir en sa possession les ordonnances rendues par le juge des référés du tribunal de grande instance de Douai les 29 septembre 2017 et 6 septembre 2017.

Par note en délibéré reçue par RPVA le 12 mars 2025, la société KIC a produit les ordonnances rendues par le juge des référés du tribunal de grande instance de Douai les 6 et 29 septembre 2017. Elle a indiqué ne pas avoir trace du CCAP dont la communication a été sollicitée.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Douai en date du 14 septembre 2023 ;

Y ajoutant,

Condamne la SAS Kieken Immobilier Construction et la SAS Carlstyl in solidum aux dépens de la procédure d’appel ;

Déboute la SAS Kieken Immobilier Construction et la SAS Carlstyl de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier

Anaïs Millescamps

La présidente

Catherine Courteille

 


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