Cour d’appel de Rouen, 3 avril 2025, RG n° 24/01043
Cour d’appel de Rouen, 3 avril 2025, RG n° 24/01043

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Rouen

Thématique : Prêt immobilier et contestation de créance : enjeux de compétence et prescription.

Résumé

Une Caisse d’Épargne a consenti un prêt à une emprunteuse pour l’acquisition d’un bien immobilier, avec plusieurs avenants modifiant les modalités de remboursement. En raison de difficultés financières, l’emprunteuse a été placée en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire. La Caisse d’Épargne a déclaré sa créance, incluant des montants dus et des intérêts de retard. L’emprunteuse a contesté cette créance, arguant que le taux effectif global (TEG) mentionné dans les avenants était erroné et que la banque n’avait pas respecté les obligations d’information prévues par le code de la consommation.

Le tribunal de commerce a jugé que les contestations de l’emprunteuse étaient prescrites, car elles avaient été introduites plus de cinq ans après la signature des avenants. Il a également déclaré irrecevable la demande de l’emprunteuse, considérant que l’exception d’incompétence n’avait pas été soulevée correctement. L’affaire a été renvoyée au juge commissaire pour l’admission de la créance de la Caisse d’Épargne au passif de la liquidation judiciaire.

L’emprunteuse a interjeté appel, demandant l’annulation du jugement et le renvoi devant le tribunal judiciaire, soutenant que le prêt concernait des dettes personnelles. La Caisse d’Épargne a répliqué que le tribunal de commerce était compétent, car le prêt avait été contracté pour une activité commerciale. La cour d’appel a confirmé la compétence du tribunal de commerce, considérant que le prêt avait été utilisé pour des besoins commerciaux.

Finalement, la cour a admis la créance de la Caisse d’Épargne à hauteur de 142.623,91 euros, tout en condamnant l’emprunteuse aux dépens et à verser des frais à la banque.

N° RG 24/01043 – N° Portalis DBV2-V-B7I-JTQL

COUR D’APPEL DE ROUEN

CH. CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 3 AVRIL 2025

DÉCISION DÉFÉRÉE :

2022000718

Tribunal de commerce de Dieppe du 12 janvier 2024

APPELANTE :

Madame [Y] [B]

née le [Date naissance 4] 1970 à [Localité 10]

[Adresse 5]

[Localité 9]

représentée et assistée par Me Thierry DULIERE, avocat au barreau de Dieppe

(bénéficie d’une aide juridictionnelle partielle numéro C765402024002276 du 13/05/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Rouen)

INTIMEES :

Madame [S] [R] ès qualités de mandataire liquidateur de Mme [Y] [B]

[Adresse 1]

[Localité 7]

non comparante et non constituée bien que régulièrement assignée par voie de commissaire de justice le 30 avril 2024 à domicile.

SA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORMANDIE

[Adresse 3]

[Localité 8]

représentée et assistée par Me Hélène DEBROUTELLE, avocat au barreau de Rouen

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 19 décembre 2024 sans opposition des avocats devant M. Manuel URBANO, conseiller, rapporteur.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme Cybèle VANNIER, présidente de chambre

M. Manuel URBANO, conseiller

Mme Catherine MENARD-GOGIBU, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER

DEBATS :

A l’audience publique du 19 décembre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 3 avril 2025.

ARRET :

RENDU PAR DEFAUT

Prononcé publiquement le 3 avril 2025, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme VANNIER, présidente de chambre et par Mme RIFFAULT, greffière présente lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Suivant une offre du 15 septembre 2012 et acceptée le 26 septembre 2012 par Madame [Y] [B], la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Normandie (la Caisse d’Epargne) a consenti à cette dernière un prêt de 170 000 euros remboursable en 240 mensualités de 1.135 euros (taux fixe de 4,5% taux effectif global de 5,26%) destiné à financer l’acquisition d’un bien immobilier sis à [Localité 9] cadastré section AB n° [Cadastre 6] et [Cadastre 2] pour une contenance totale de 7 a 01 ca.

Un avenant accepté le 26 juin 2015 a été régularisé prévoyant le remboursement de la somme de 159.561,83 euros en 214 mensualités de 999,79 euros assurance incluse au taux de 2,70 %, taux effectif global (TEG) de 3.573%.

Puis par avenant accepté le 27 mars 2016, il a été prévu le remboursement de la somme de 153.689,87 euros en 204 mensualités de 1010,37 euros, assurance incluse, au taux de 2,70 %, TEG de 3,470 %.

Par jugement du 16 novembre 2018, le tribunal de commerce de Dieppe a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de Mme [B] convertie en liquidation judiciaire le 10 mai 2019, Maître [S] [R] étant désignée ès qualités de liquidateur judiciaire de Mme [B].

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 27 novembre 2018, la Caisse d’Epargne a procédé à sa déclaration de créance. Elle a déclaré au titre du prêt précité les sommes suivantes :

– Échéance impayée au 10 novembre 2018 : 1.010,37 euros

– Intérêts de retard sur échéance impayée du 10 novembre 2018 au 16 novembre 2018 au taux du prêt majoré de trois points soit 5,730 % : 1,10 euros

– Sommes à échoir : échéances du 10 décembre 2018 au 10 octobre 2033 représentant un capital de 139.976,54 euros, les intérêts 30.229,19 euros, les assurances 10.650,50 euros soit la somme totale de 180.856,23 euros

– Les intérêts de retard pour mémoire en application de l’article L622’28 du code de commerce sur les sommes devenues exigibles et non payées à échéance jusqu’à parfait règlement au taux du prêt de 2,70 %

Soit un total général d’un montant de 181.867,70 euros

Le 22 mai 2019, la Caisse d’Epargne a adressé à Mme [B] une lettre recommandée avec accusé de réception prononçant la déchéance du terme suite à la liquidation judiciaire du 10 mai 2019.

Par courrier du 6 mai 2019, Maître [R], ès qualités, a indiqué à la Caisse d’Epargne qu’elle proposait le rejet de la somme de 44 073,71 euros et de 1011,47 euros et de la mention outre intérêts au motif, d’une part, que selon le relevé de compte internet de Mme [B] le solde du prêt au 22 avril 2019 serait de

136 782,59 euros et, d’autre part, que la banque ne peut pas réclamer des échéances qui comprennent déjà des intérêts contractuels et le taux majoré sur le total restant dû. Maître [R] a proposé l’admission partielle de la créance à hauteur de 136.782,52 euros à titre privilégié outre les intérêts au taux contractuel de 2,70 %.

Par courrier du 22 mai 2019, la Caisse d’Epargne a répondu à la contestation.

Par ordonnance du 29 avril 2022, le juge commissaire de la procédure collective de Mme [B] a considéré que les contestations formées portant notamment sur le taux effectif global appliqué au contrat de prêt et à la déclaration de créances dépassaient les limites de la compétence matérielle de la juridiction. Constatant son défaut de pouvoir juridictionnel, le juge commissaire a prononcé un sursis à statuer et a invité le créancier à saisir la juridiction compétente dans le délai d’un mois à compter de la notification de l’ordonnance.

Par assignation du 3 juin 2022, la Caisse d’Epargne a saisi le tribunal de commerce de Dieppe.

Par jugement du 12 janvier 2024, le tribunal de commerce de Dieppe a :

– dit irrecevable la demande de Madame [Y] [B], car non soulevée in limine litis,

– s’est déclaré compétent pour juger de l’affaire,

– constaté que les actions et contestations formées par Madame [Y] [B] se trouvent prescrites comme ayant été introduites pour la première fois depuis plus de cinq ans après le contrat de prêt objet du litige et ses deux avenants.

– débouté Madame [Y] [B] de toutes ses demandes.

– renvoyé l’affaire devant Monsieur le juge commissaire de la procédure collective de Madame [B] [C] afin d’admission de la créance de la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Normandie au passif de la liquidation judiciaire de Madame [C] Epouse [B] au titre du prêt précité à hauteur de 180.856,23 euros outre intérêts au taux de 2,70 % jusqu’à complet règlement, cela à titre privilégié, étant observé que la Caisse d’Epargne a d’ores et déjà reçu un certificat d’admission de sa créance à hauteur de 1.011,47 euros au titre de l’échéance impayée, et dont à déduire les versements postérieurs reçus par la Caisse d’Epargne.

– condamné Madame [Y] [B] au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– condamné Madame [Y] [B] aux entiers dépens de la présente instance liquidés à la somme de 89,67 ont TVA à 20%.

Madame [Y] [B] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 19 mars 2024.

Le 30 avril 2024, Mme [B] a fait signifier l’acte d’appel à Maître [R], ès qualités de liquidateur judiciaire de Mme [B], l’acte a été remis à domicile. Maître [R] n’a pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 décembre 2024.

EXPOSE DES PRETENTIONS

Vu les conclusions du 29 novembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de Madame [Y] [B] qui demande à la cour de :

– annuler le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

– renvoyer la cause et les parties devant le tribunal judiciaire de Dieppe matériellement compétent pour statuer sur la demande de la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Normandie,

A toutes fins utiles, au cas où la cour évoquerait l’affaire,

À titre principal,

– se déclarer incompétent rationae materiae pour statuer sur les demandes dont il est saisi,

– ordonner le renvoi de la cause et des parties devant le tribunal judiciaire de Dieppe,

Subsidiairement,

– débouter la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Normandie de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– dire et juger que le TEG porté dans l’acte de prêt consenti par la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Normandie à Madame [B] le 16 novembre 2012 est erroné,

En conséquence,

– prononcer la déchéance des intérêts contractuels dus au titre du prêt du 16 novembre 2012 depuis le 26 septembre 2012,

– condamner la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Normandie à payer la somme de trois mille euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner aux entiers dépens de la procédure.

Vu les conclusions du 5 décembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Normandie qui demande à la cour de :

A titre principal,

– confirmer la décision dont appel dans toutes ses dispositions sauf à modifier le montant de la créance au vu du décompte en date du 23 mai 2024 produit par la Caisse d’Epargne,

En conséquence,

– déclarer irrecevable et rejeter l’exception d’incompétence de Madame [B],

– constater que les actions et contestations formées par Madame [Y] [B] se trouvent prescrites comme ayant été introduites pour la première fois depuis plus de cinq ans après le contrat de prêt objet du litige et ses deux avenants,

– débouter Madame [Y] [B] née [C] de toutes ses demandes, fins et prétentions,

– renvoyer l’affaire devant Monsieur le juge commissaire de la procédure collective de Madame [B] [C] afin d’admission de la créance de la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Normandie au passif de la liquidation judiciaire de Madame [C] Epouse [B] au titre du prêt précité à hauteur de 142.623,91 euros décompte arrêté au 23 mai 2024 outre les intérêts au taux contractuel de 2,70 % jusqu’à complet règlement, cela à titre privilégié, étant observé que la Caisse d’Epargne a d’ores et déjà reçu certificat d’admission de sa créance à hauteur de 1.011,47 euros au titre de l’échéance impayée,

– condamner Madame [B] au paiement d’une somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre une somme de 1800 euros au titre du même article pour les frais exposés par la Caisse d’Epargne devant la cour d’appel et non compris dans les dépens,

– condamner Madame [B] aux entiers dépens,

Subsidiairement, au cas où la Cour estimerait devoir prononcer la nullité du jugement pour non-respect du contradictoire et/ou faire droit à l’exception d’incompétence soulevée par Madame [B],

– évoquer l’affaire, le cas échéant en l’attribuant à la chambre civile, en application des articles 88, 89 et 90 du code de procédure civile et statuant à nouveau,

– constater que les actions et contestations formées par Madame [Y] [B] se trouvent prescrites comme ayant été introduites pour la première fois depuis plus de cinq ans après le contrat de prêt objet du litige et ses deux avenants,

– débouter Madame [Y] [B] née [C] du surplus de ses demandes, fins et prétentions, et les déclarer mal fondées,

– renvoyer l’affaire devant Monsieur le juge commissaire de la procédure collective de Madame [B] [C] afin d’admission de la créance de la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Normandie au passif de la liquidation judiciaire de Madame [C] Epouse [B] au titre du prêt précité à hauteur de 142.623,91 euros décompte arrêté au 23 mai 2024 outre les intérêts au taux contractuel de 2,70 % jusqu’à complet règlement, cela à titre privilégié, étant observé que la Caisse d’Epargne a d’ores et déjà reçu certificat d’admission de sa créance à hauteur de 1.011,47 euros au titre de l’échéance impayée,

– condamner Madame [B] au paiement d’une somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre une somme de 1800 euros au titre du même article pour les frais exposés par la Caisse d’Epargne devant la cour d’appel et non compris dans les dépens,

– condamner Madame [B] aux entiers dépens.

Lesdites conclusions ont été signifiées à Maître [R], ès qualités de liquidateur judiciaire de Mme [B], le 29 novembre 2024 par l’appelante et le 16 décembre 2024 par l’intimée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt rendu par défaut, par mise à disposition au greffe,

Rejette la demande d’annulation du jugement du tribunal de commerce de Dieppe du 12 janvier 2024,

Confirme le jugement entrepris en ses dispositions sauf en ce qu’il a :

– dit irrecevable la demande de Madame [Y] [B], car non soulevée in limine litis,

– renvoyé l’affaire devant Monsieur le juge commissaire de la procédure collective de Madame [B] [C] afin d’admission de la créance de la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Normandie au passif de la liquidation judiciaire de Madame [C] Epouse [B] au titre du prêt précité à hauteur de 180.856,23 euros outre intérêts au taux de 2,70 % jusqu’à complet règlement, cela à titre privilégié, étant observé que la Caisse d’Epargne a d’ores et déjà reçu certificat d’admission de sa créance à hauteur de 1.011,47 euros au titre de l’échéance impayée, et dont à déduire les versements postérieurs reçus par la Caisse d’Epargne.

Statuant à nouveau,

Renvoie l’affaire devant Monsieur le juge commissaire de la procédure collective de Madame [B] [C] afin d’admission de la créance de la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Normandie au passif de la liquidation judiciaire de Madame [C] Epouse [B] au titre du prêt précité à hauteur de 142.623,91 euros décompte arrêté au 23 mai 2024 outre les intérêts au taux contractuel de 2,70% jusqu’à complet règlement, cela à titre privilégié, étant observé que la Caisse d’Epargne a d’ores et déjà reçu certificat d’admission de sa créance à hauteur de 1.011,47 euros au titre de l’échéance impayée,

Y ajoutant

Condamne Madame [C] Epouse [B] aux dépens de l’appel,

Condamne Madame [C] Epouse [B] à payer à la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Normandie la somme de 1500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière, La présidente,

 


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