Type de juridiction : Tribunal de commerce
Juridiction : Tribunal de commerce de Grenoble
Thématique : Responsabilité du dirigeant et insuffisance d’actif : évaluation des fautes de gestion.
→ RésuméLa SARL AGENCE CL [P] IMMOBILIER, dirigée par un gérant, a été placée en liquidation judiciaire suite à une déclaration de cessation des paiements le 27 octobre 2023. Le tribunal de commerce de Grenoble a prononcé cette liquidation le 8 novembre 2023, fixant la date de cessation des paiements au 21 septembre 2023. Le liquidateur judiciaire a ensuite assigné le gérant devant le tribunal pour obtenir une condamnation au titre du comblement partiel de l’insuffisance d’actif, s’élevant à 70 616,69 €.
Le liquidateur a reproché au gérant d’avoir effectué des prélèvements excessifs sur les comptes de la société, notamment une rémunération non autorisée par l’assemblée générale, ainsi que des dépenses de déplacement jugées non justifiées. En réponse, le gérant a soutenu que sa rémunération était conforme aux décisions prises lors des assemblées générales et que les dépenses engagées étaient nécessaires à l’activité de la société. Il a également affirmé que les difficultés financières de la société étaient dues à la crise économique et non à sa gestion. Le tribunal a examiné la recevabilité de l’action en comblement du passif, concluant qu’elle était fondée sur des fautes de gestion. Cependant, il a déterminé que les manquements reprochés au gérant relevaient de la simple négligence et non de fautes graves. En conséquence, le tribunal a débouté le liquidateur de sa demande de condamnation, estimant que le gérant n’avait pas commis de faute causale à l’insuffisance d’actif. Les dépens ont été déclarés à la charge de la procédure, sans octroi d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile. |
TRIBUNAL DE COMMERCE DE GRENOBLE
01/04/2025
JUGEMENT DU PREMIER AVRIL DEUX MILLE VINGT-CINQ
Le tribunal a été saisi de la présente affaire par assignation en date du 26 septembre 2024.
La cause a été entendue à l’audience du 03 février 2025 à laquelle siégeaient : – Madame Catherine ROZAND, Président, – Madame Brigitte SIVERA, Juge, – Monsieur François BAZES, Juge,assistés de : – Madame Vanessa LESNIEWSKI, commis-greffier,En présence de : – Monsieur Guillaume GEORGES, Procureur de la Républiqueaprès quoi les Président et juges en ont délibéré pour rendre ce jour la présente décisiondont les parties ont été avisées de la date du prononcé par sa mise à disposition au Greffe.
Rôle n° 2024J425
ENTRE
– Me [D] [L] en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL AGENCE CL [P] IMMOBILIER
[Adresse 6] DEMANDEUR – représenté(e) par Maître Alain COLLOMB REY avocat – [Adresse 1]
ET
– M. [H] [P]
[Adresse 2] – représenté(e) parMaître Alban VILLECROZE -[Adresse 3]
Les faits et la procédure :
La SARL AGENCE CL [P] IMMOBILIER, gérée par M. [H] [P], avait une activité exclusive de transaction immobilière.
Sur déclaration de cessation des paiements effectuée par son dirigeant le 27 octobre 2023, par jugement en date du 8 novembre 2023, le tribunal de commerce de Grenoble a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL AGENCE CL [P] IMMOBILIER et a fixé provisoirement au 21 septembre 2023 la date de cessation des paiements.
Le 26 septembre 2024, Me [D] [L], mandataire judiciaire, en qualité de liquidateur judiciaire de la société AGENCE CL [P] IMMOBILIER, fait assigner M. [H] [P] devant le tribunal de commerce de Grenoble, afin d’être entendu sur les motifs tendant à faire prononcer à son égard une condamnation au titre de comblement partiel de l’insuffisance d’actif.
Dans son assignation, et conclusions récapitulatives en réponse n°1, Me [D] [L], en qualité de liquidateur judiciaire de la société AGENCE [P] IMMOBILIER, demande au tribunal de :
Vu les dispositions de l’article L.651-2 du code de commerce
Vu les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner M. [H] [P] à payer la somme de 70 000€ à Me [D] [L], ès-qualités au titre du comblement partiel de l’insuffisance d’actif de la SARL AGENCE [P] IMMOBILIER
Condamner M. [H] [P] au paiement d’une somme de 4 500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamner le même au paiement des entiers dépens de l’instance.
Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Par conclusions déposées à l’audience, M. [H] [P] demande au tribunal de :
Débouter Me [L] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
Ecarter l’exécution provisoire.
Condamner Me [L] à verser à M. [H] [P] la somme de 3 000€, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Moyens des parties :
Me [D] [L], ès-qualités, soutient sa demande de comblement de passif sur la base des dispositions de l’article L.651-2 du code de commerce, reprochant à M. [H] [P], dirigeant de la société AGENCE [P] IMMOBILIER :
D’avoir opéré des prélèvements disproportionnés aux chiffres d’affaires et résultats de l’entreprise, non autorisés par l’assemblée générale des associés.Pour le seul exercice 2021 – 2022, la rémunération « chargée » est de 127 230€, alors qu’elle n’est portée sur aucun procès-verbal d’assemblée générale (L.223-18 du code de commerce), et elle représente 61.4% du chiffre d’affaires.Le caractère excessif de la rémunération doit être apprécié en fonction de la situation financière de la société.D’avoir prélevé sur les comptes de la société 16 530€, portant le solde du compte courant à un montant débiteur de 1 830.87€.
L’attestation de l’expert-comptable ne reprend pas les critères de recevabilité, M. [P] a déclaré une créance au titre de son compte courant, créance de 11 769.13€, rejetée.
Au cours de cette période, les dettesD’avoir engagé une dépense de 22 689€ en frais de déplacement courant l’exercice 2021/2022. Si l’expert-comptable atteste qu’il s’agit de frais de déplacement, rien ne certifie que ceux-ci aient été engagés dans l’intérêt de l’objet social de la société, alors que les charges sociales et fiscales ont augmenté sur la même période.Défaut de publication de la perte des capitaux propres : M. [P] n’a pas informé les tiers sur ces difficultés
Les fautes reprochées à M. [H] [P] sont directement causales de l’insuffisance d’actif.
Il n’est pas nécessaire de déterminer quelle part de l’insuffisance d’actif est imputable à la faute retenue.
M. [H] [P] soutient que :
Il a créé son entreprise en 2007, et les transactions immobilières n’ont jamais généré de revenus réguliers.
En cas de simple négligence de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité ne saurait être engagée.
La moyenne de la rémunération de M. [P], calculée sur 3 exercices est de 50 000€ par an
Les procès-verbaux d’assemblées générales ont été régulièrement établis, et la rémunération est fixée dans le rapport de la gérance.
Les dépenses et frais engagés, sont justifiés, selon attestations de l’expert-comptable.
Pour justifier de ses demandes, Me [L] se base sur des éditions provisoires de la comptabilité, avant toute écriture de révision comptable.
M. [P] a limité sa rémunération dès l’apparition des premières difficultés.
Pour le surplus des demandes et moyens développés, il convient de se reporter aux dernières écritures des parties, en application de l’article 455 du code de procédure civile.
Dans son rapport écrit, le juge commissaire s’est déclaré favorable à la sanction envisagée.
Le ministère public rappelle qu’il convient de définir le caractère direct et certain des fautes de gestion. La rémunération doit être appréciée, non pas au regard de la rémunération passée ou du contexte économique, mais en fonction de la situation financière de la société. Les sommes prises paraissent disproportionnées. Il émet un avis favorable à la demande de condamnation.
PAR CES MOTIFS :
LE TRIBUNAL STATUANT CONFORMEMENT A LA LOI PAR UN JUGEMENT CONTRADICTOIRE RENDU EN PREMIER RESSORT :
JUGE que l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif est recevable.
JUGE que M. [H] [P] n’a pas commis de faute causale à l’insuffisance d’actif.
DEBOUTE Me [D] [L], en qualité de liquidateur judiciaire de la société AGENCE CL [P] IMMOBILIER de sa demande de condamnation à l’encontre de M. [H] [P] au titre du comblement partiel de l’insuffisance d’actif de la société AGENCE CL [P] IMMOBILIER.
DIT que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure.
LIQUIDE les dépens à la somme indiquée au bas de la 1ère page de la présente décision conformément aux dispositions de l’article 701 du code de procédure civile.
Ainsi jugé et prononcé
Le Président Catherine ROZAND
Le Greffier Vanessa LESNIEWSKI
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