Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Rouen
Thématique : Rupture contractuelle et conséquences : analyse des obligations et des préjudices en matière de travaux.
→ RésuméDans le cadre d’un projet de rénovation d’un immeuble d’habitation, un acheteur a commandé des travaux à un artisan, sur la base de plusieurs devis. Le montant total des travaux était initialement fixé à 60 141,33 euros, mais les parties ont convenu d’un prix forfaitaire de 40 000 euros. L’acheteur a versé un acompte de 16 000 euros, et les travaux ont débuté. Cependant, l’acheteur a rapidement contesté l’exécution des travaux, invoquant des malfaçons et des problèmes de conformité, et a demandé la résiliation du contrat ainsi que le remboursement de l’acompte.
L’artisan a accepté la résiliation mais a souhaité conserver l’acompte, justifiant cette demande par des frais engagés. Malgré une mise en demeure de l’acheteur, le remboursement n’a pas eu lieu. L’acheteur a alors assigné l’artisan devant le tribunal judiciaire, demandant la résolution du contrat et le paiement de diverses sommes. Le tribunal a prononcé la résolution du contrat, condamnant l’artisan à rembourser une partie de l’acompte et à payer des sommes pour des travaux de reprise, tout en déboutant les parties de leurs autres demandes. L’artisan a interjeté appel, demandant la confirmation du jugement sur certains points tout en contestant d’autres. Il a soutenu que l’acheteur n’avait pas prouvé de manquements graves justifiant la résiliation du contrat. De son côté, l’acheteur a maintenu ses demandes, affirmant que les malfaçons justifiaient la rupture des relations contractuelles. La cour a finalement infirmé le jugement en ce qui concerne la résolution du contrat, considérant que l’acheteur n’avait pas démontré d’inexécution suffisamment grave. Elle a confirmé le remboursement d’une partie de l’acompte, tout en déboutant les demandes de dommages et intérêts de l’acheteur et en faisant masse des dépens. |
N° RG 24/00452 – N° Portalis DBV2-V-B7I-JSHG
COUR D’APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 2 AVRIL 2025
DÉCISION DÉFÉRÉE :
22/01050
Tribunal judiciaire de Dieppe du 10 janvier 2024
APPELANT :
Monsieur [M] [R]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté et assisté par Me François GARRAUD, avocat au barreau de Dieppe substitué par Me Isabelle de Thiers, avocat au barreau de Rouen
INTIME :
Monsieur [O] [V]
né le 24 février 1986 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté et assisté par Me Jean-Christophe LEMAIRE de la SCP LEMAIRE QUATRAVAUX, avocat au barreau de Dieppe
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 27 janvier 2025 sans opposition des avocats devant Mme WITTRANT, présidente de chambre, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre
Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, présidente de chambre
Mme Magali DEGUETTE, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Catherine CHEVALIER
DEBATS :
A l’audience publique du 27 janvier 2025, où l’affaire a été mise en délibéré au
12 mars 2025, date à laquelle le délibéré a été prorogé au 2 avril 2025
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 2 avril 2025 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
*
* *
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Dans le cadre du projet de rénovation de son immeuble d’habitation situé [Adresse 2], M. [O] [V] a commandé auprès de M. [M] [R] des travaux sur la base de huit devis établis les 12, 23 et 29 mars 2019 pour un montant total de 60 141,33 euros, acceptés le 3 avril 2019, les parties acceptant de fixer le prix de l’ensemble des travaux à la somme forfaitaire de 40 000 euros. M. [V] a versé un acompte de 16’000 euros le 19 avril 2019. M. [R] a dès lors entrepris l’exécution de la commande.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 15 mai 2019, M. [V] a contesté l’exécution des premiers travaux, a demandé le remboursement de l’acompte versé et a entendu mettre fin au contrat.
Par lettre du 11 juillet 2019, M. [R] a accepté la résiliation du contrat mais a sollicité de conserver l’intégralité de la provision de 16’000 euros en indiquant avoir engagé des frais et a établi une facture de ce montant le 2 décembre 2019.
Par courrier du 15 décembre 2020, M. [V], par l’intermédiaire de son conseil, a mis en demeure en vain M. [R] de restituer l’acompte.
Par acte extrajudiciaire du 22 août 2022, M. [V] a fait assigner M. [R] devant le tribunal judiciaire de Dieppe aux fins de voir prononcer la résolution du contrat résultant des devis susvisés et de le voir condamner au paiement de diverses sommes.
Par jugement contradictoire du 10 janvier 2024, le tribunal judiciaire de Dieppe a’:
– prononcé la résolution du contrat résultant des devis intervenus entre M. [V] et M. [R],
– condamné M. [R] à payer à M. [V] la somme de 13’605,52 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2019,
– condamné M. [R] à payer à M. [V] la somme de 3’184 euros au titre des travaux de reprise,
– débouté les parties de leurs autres demandes,
– condamné M. [R] à payer à M. [V] la somme de 1’200 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [R] aux entiers dépens,
– dit n’y avoir lieu à suspendre l’exécution provisoire de droit.
Par déclaration reçue au greffe le 5 février 2024, M. [R] a formé appel de ce jugement.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 24 septembre 2024, M. [M] [R] demande à la cour de’:
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [V] de sa demande au titre de paiement de la somme de 1’500 euros à titre de dommages et intérêts,
– l’infirmer sur le surplus,
statuant à nouveau,
– débouter M. [V] de l’ensemble de ses demandes,
reconventionnellement,
– condamner M. [V] à lui verser la somme de 24’000 euros correspondant au solde du devis signé le 3 avril 2019,
– condamner M. [V] à lui verser la somme de 1’000 euros à titre de dommages et intérêts,
– condamner M. [V] à lui verser la somme de 2’000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [V] aux entiers dépens de l’instance.
Il rappelle que pour mettre fin à un contrat unilatéralement, le client doit démontrer un manquement grave’; que M. [V] ne rapporte pas la preuve de tels manquements’; que s’il soutient que les travaux effectués ne seraient pas ceux qui ont été convenus et présenteraient des désordres d’infiltrations, il n’établit pas la réalité de ses allégations, une seule malfaçon ne pouvant fonder la résolution du contrat.
Il conteste l’abandon de chantier allégué par M. [V] en indiquant que M. [V] avait connaissance des vacances de l’entreprise’; que d’ailleurs, ce dernier n’a évoqué pour seul motif dans sa lettre de résiliation que le défaut d’obtention d’un crédit’et n’a invoqué aucun désordre’; qu’à défaut de démonstration d’une inexécution suffisamment grave au sens de l’article 1224 du code civil, M. [V] doit être débouté de toutes ses demandes’; que les éléments retenus par le tribunal, soit le dépiquage de la dalle non réalisé et la surélévation de la douche italienne insatisfaisante, sur production d’une photographie sont insuffisants pour établir les faits et le manquement de l’artisan.
Il ajoute qu’à juste titre, le tribunal a débouté M. [V] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance en l’absence de dommage’; M. [V] affirme qu’il a dû faire exécuter des travaux par un autre professionnel mais ne verse qu’un devis à ce titre.
S’agissant de sa demande reconventionnelle, pour caractériser les dépenses engagées pour ce chantier, il fait valoir notamment que pour réaliser le chantier il a été contraint d’embaucher un salarié en CDD pour la période du 8 avril au 31 juillet 2019 et a acheté l’ensemble des matériaux utiles pour le chantier’; il demande donc le paiement de la somme de 24 000 euros correspondant au solde du chantier outre des dommages et intérêts.
Par dernières conclusions notifiées le 6 janvier 2025, M. [O] [V] demande à la cour de’:
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
. prononcé la résolution du contrat résultant des devis intervenus entre M. [R] et M. [V],
. condamné M. [R] au paiement de la somme de 13’605,52 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2019,
. condamné M. [R] au paiement de la somme de 3’184 euros au titre des travaux de reprise,
. dit n’y avoir lieu à suspendre l’exécution provisoire de droit,
. condamné M. [R] au paiement de la somme de 1’200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts à l’encontre de M. [R] à hauteur de 1’500 euros,
statuant à nouveau sur ce point,
– condamner M. [R] au paiement de la somme de 1’500 euros à titre de dommages et intérêts,
– débouter M. [R] de l’ensemble des demandes formulées à son encontre,
– condamner M. [R] au paiement de la somme de 2’000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens, tant de première instance qu’en cause d’appel.
Il maintient ses demandes initiales et donc la résolution du contrat et le remboursement de la somme de 13 605,52 euros (16 000 ‘ 2 394,48 euros) en affirmant que la réalisation de travaux non conformes au devis et à des malfaçons immédiatement constatées ont justifié la rupture des relations contractuelles.
Il soutient qu’eu égard à l’importance et au montant des travaux commandés, il était d’autant plus pertinent de demander la résiliation du contrat lorsque dès la fin de la première tranche des travaux, il existait autant de malfaçons qui contrairement à ce qu’affirme l’appelant, ont été dénoncées.
Concernant le recrutement d’un salarié en CDD, il souligne que rien ne permet d’affirmer que celui-ci a eu pour but de réaliser Ces travaux et qu’il en est de même pour la production de facture.
Concernant la demande reconventionnelle de M. [R], il souligne que ce dernier, bien conscient de l’inexécution totale des travaux prévus et de la mauvaise exécution des travaux relatifs à la douche, avait lui-même émis une facture pour un montant TTC de 16’000 euros et correspondant au règlement effectué le 25 avril 2019.
Il précise qu’il n’a pas fait procéder à la reprise et l’achèvement des travaux dans la perspective éventuelle d’une expertise’; qu’il attend la fin de la procédure pour obtenir la réalisation de la douche.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties.
La clôture de l’instruction est intervenue le 8 janvier 2025.
PAR CES MOTIFS
La cour, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement en ce qu’il a’:
– prononcé la résolution du contrat résultant des devis intervenus entre M. [O] [V] et M. [M] [R],
– condamné M. [M] [R] à payer à M. [O] [V] la somme de 13’605,52 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2019,
– condamné M. [M] [R] à payer à M. [O] [V] la somme de 3’184 euros au titre des travaux de reprise,
– condamné M. [M] [R] à payer à M. [O] [V] la somme de 1’200 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [M] [R] aux entiers dépens,
Le confirme pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Déboute M. [O] [V] de sa demande de résolution du contrat signé le
3 avril 2019 sur la base de huit devis édités en mars 2019,
Condamne M. [M] [R] à payer à M. [O] [V] la somme de 13’605,52 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2024,
Déboute M. [M] [R] pour le surplus des demandes,
Déboute M. [O] [V] de ses demandes,
Fait masse des dépens et condamne M. [M] [R] et M. [O] [V] à les supporter chacun par moitié.
Le greffier, La présidente de chambre,
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