L’Essentiel : En matière de violation du secret de l’instruction, la victime peut saisir le juge civil pour obtenir des dommages et intérêts. Le monopole des poursuites appartient au ministère public, et les dérogations ne permettent pas à une personne de déclencher l’action publique pour la publication d’actes de procédure avant leur lecture en audience. Cependant, la victime peut rechercher réparation par une action civile. Dans l’affaire Banier contre Libération, François-Marie Banier a obtenu 1 000 euros de dommages pour la publication d’extraits de procès-verbaux, jugée contraire à l’article 38 de la loi du 29 juillet 1881, qui interdit de telles divulgations.
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En matière de violation du secret de l’instruction, la victime (la personne mise en examen ou autre) a la faculté de saisir le juge civil obtenir des dommages et intérêts. Monopole du ministère public Les dérogations au monopole des poursuites réservées au ministère public par les articles 48 à 48-6 de la loi du 29 juillet 1881 ne mentionnent pas l’article 38 incriminant la publication d’actes de procédure avant qu’ils n’aient été lus en audience publique. En conséquence, une personne se prétendant victime d’une telle infraction ne peut elle-même mettre en mouvement l’action publique. Toutefois, la personne concernée reste recevable à rechercher, par une action civile, la réparation du préjudice personnel qui serait issu de sa commission dès lors que la prohibition de l’exercice d’une action civile séparée de l’action publique prévue à l’article 46 ne vise que les délits de diffamation prévus par les article 30 et 31 de la loi sur la liberté de la presse. Banier contre Libération Dans cette affaire, François-Marie Banier a obtenu 1 000 euros de dommage et intérêts au titre de la violation du secret de l’instruction par le journal Libération. Ce dernier avait publié plusieurs extraits de procès verbaux d’audition dans le cadre de l’affaire Bettencourt. Interdiction de publier des actes d’accusation La réponse est négative. L’interdiction de la publication des actes d’accusation et tous autres actes de procédure criminelle ou correctionnelle avant qu’ils aient été lus en audience publique est prévue par l’article 38 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881. Cette interdiction constitue une restriction nécessaire au principe de la liberté d’expression. Cette limitation, prévue par loi, est rendue nécessaire i) d’une part, pour garantir “l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire”, au sens de l’alinéa 2 de l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce qu’elle contribue à préserver le déroulement d’investigations encore en cours, la sincérité des personnes ultérieurement appelées à témoigner devant les enquêteurs et éventuellement la juridiction saisie et à éviter que ne résultent de la divulgation de pièces auxquelles leur caractère officiel confère une autorité particulière un préjugé dans l’esprit du public tout en préservant l’impartialité des personnes qui seront appelées à intervenir dans ladite procédure ; ii) d’autre part, aux fins de protéger la réputation des droits d’autrui au sens de cette même disposition en raison de l’impact fort que peut avoir auprès du public la divulgation d’actes de procédure nécessairement partiels et présentés dans des conditions qui ne bénéficient pas des garanties d’une procédure judiciaire, ces droits pouvant être ceux de la personne soupçonnée, mise en examen, prévenue ou accusée. Limites à l’interdiction Toutefois, la prohibition de publier des actes d’accusation ne doit pas restreindre excessivement la possibilité des journalistes d’ informer sur les affaires pénales, même non encore publiquement examinées par une juridiction, et spécialement sur celles qui, soulevant des questions d’intérêt général, mettant en cause des intérêts majeurs ou concernant des personnes qui exercent des responsabilités importantes notamment dans les domaines politiques ou économiques, comme en l’espèce, méritent spécialement d’être portées à la connaissance du public. L’application de l’interdiction légale ne saurait non plus avoir pour effet d’interdire aux journalistes de livrer, en pareil cas, à leurs lecteurs les sources documentaires auxquelles ils ont puisé leurs informations, pour en asseoir la crédibilité, ou qui nourrissent leurs articles, pour les soumettre à une libre contradiction et il peut ainsi être notamment admis qu’il convient d’exclure du champ d’application de l’article 38 les courtes citations d’actes qui n’ont pour objet que de corroborer et justifier les propos d’un journaliste au sein d’un article. Dans tous les cas, il appartient au juge de rechercher, dans chaque cas et au regard de ces principes, si la violation alléguée de l’article 38 de la loi du 29 juillet 1881 est constituée. Banier contre Libération En l’espèce, la violation des dispositions de l’article 38 de la loi du 29 juillet 1881 a été retenue. S’agissant de l’appréciation du préjudice subi par M. Banier suite à la publication d’actes d’accusation par le journal Libération, les juges ont souligné que tous les témoignages reproduits par le journal étaient défavorables à François-Marie Banier et que leur sélection univoque n’était pas contrebalancée par la simple affirmation de l’avocat de M. Banier selon laquelle certains seraient mensongers et qu’il en existe d’autres qui seraient à décharge. En raison de la très grande publicité donnée à l’affaire en général et aux dires des témoins concernés en particulier, les juges ont retenu le seul préjudice issu de la publication des mêmes informations mais sous la forme particulière des actes de procédure eux-mêmes (1 000 euros de dommages et intérêts).
Mots clés : Secret des sources Thème : Secret des sources A propos de cette jurisprudence : juridiction : Tribunal de Grande instance de Paris | 29 mai 2013 | Pays : France |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conséquences d’une violation du secret de l’instruction ?La violation du secret de l’instruction permet à la victime, qu’il s’agisse de la personne mise en examen ou d’une autre partie, de saisir le juge civil pour obtenir des dommages et intérêts. Cette possibilité de recours civil est distincte de l’action publique, qui est réservée au ministère public. En effet, les articles 48 à 48-6 de la loi du 29 juillet 1881 ne permettent pas à une personne de déclencher des poursuites pour la publication d’actes de procédure avant leur lecture en audience publique. Ainsi, même si la victime ne peut pas agir directement contre l’infraction, elle peut néanmoins rechercher réparation pour le préjudice personnel subi. Quel est le rôle du ministère public dans les poursuites ?Le ministère public détient un monopole sur les poursuites, ce qui signifie qu’il est le seul à pouvoir engager des actions publiques pour des infractions. Les dérogations à ce monopole, comme celles mentionnées dans les articles 48 à 48-6 de la loi du 29 juillet 1881, ne s’appliquent pas à l’article 38, qui interdit la publication d’actes de procédure avant leur lecture en audience publique. Cela signifie qu’une personne se prétendant victime d’une telle infraction ne peut pas initier elle-même l’action publique, mais peut toujours chercher à obtenir des dommages et intérêts par le biais d’une action civile. Quelle est l’affaire Banier contre Libération et ses implications ?Dans l’affaire Banier contre Libération, François-Marie Banier a obtenu 1 000 euros de dommages et intérêts pour violation du secret de l’instruction. Le journal Libération avait publié des extraits de procès-verbaux d’audition dans le cadre de l’affaire Bettencourt, ce qui a conduit à une action en justice. Les juges ont reconnu que la publication de ces actes constituait une violation de l’article 38 de la loi du 29 juillet 1881, qui interdit la publication d’actes d’accusation avant leur lecture en audience publique. Quelles sont les restrictions à la publication d’actes d’accusation ?L’article 38 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 impose une interdiction de publier des actes d’accusation et d’autres actes de procédure criminelle avant qu’ils n’aient été lus en audience publique. Cette interdiction vise à garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire, ainsi qu’à protéger la réputation des droits d’autrui. Cependant, cette restriction ne doit pas empêcher les journalistes d’informer le public sur des affaires pénales d’intérêt général, même si elles n’ont pas encore été examinées publiquement. Comment les journalistes peuvent-ils contourner cette interdiction ?Les journalistes peuvent contourner l’interdiction de publier des actes d’accusation en fournissant des courtes citations d’actes qui corroborent leurs propos. Cela leur permet de justifier leurs articles tout en respectant la loi. Il est également admis que les journalistes peuvent livrer leurs sources documentaires pour asseoir la crédibilité de leurs informations, tant que cela ne constitue pas une violation de l’article 38. Quel a été le jugement concernant le préjudice subi par M. Banier ?Le jugement a retenu que la violation de l’article 38 de la loi du 29 juillet 1881 était constituée dans le cas de M. Banier. Les juges ont noté que tous les témoignages reproduits par Libération étaient défavorables à M. Banier, et que la sélection de ces témoignages n’était pas équilibrée. En raison de la grande publicité donnée à l’affaire, les juges ont accordé 1 000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice subi par M. Banier suite à la publication des actes de procédure. |
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