Violation des droits fondamentaux dans le cadre de la rétention administrative et nécessité d’une assistance linguistique appropriée

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Violation des droits fondamentaux dans le cadre de la rétention administrative et nécessité d’une assistance linguistique appropriée

L’Essentiel : Monsieur [F] [V], né en Algérie, a été placé en rétention administrative suite à une interdiction du territoire. Le 28 novembre 2024, un magistrat a prolongé cette mesure, malgré les contestations de Monsieur [F] [V] concernant l’absence d’interprète lors de sa garde à vue. La cour a rappelé que toute personne en garde à vue a droit à un interprète. Établi que Monsieur [F] [V] n’avait pas bénéficié de cette assistance, la cour a annulé la procédure de garde à vue et l’arrêté de rétention, ordonnant sa libération tout en lui rappelant son obligation de quitter le territoire.

Contexte de la rétention administrative

Monsieur [F] [V], né le 19 juillet 1994 à [Localité 3] en Algérie, a été placé en rétention administrative par un arrêté préfectoral daté du 24 novembre 2024. Cette mesure a été prise en raison d’une interdiction définitive du territoire national prononcée par la cour d’appel de Paris le 27 décembre 2021.

Prolongation de la mesure de rétention

Le 28 novembre 2024, un magistrat en charge du contrôle des mesures restrictives a été saisi d’une requête du préfet de police visant à prolonger la rétention de Monsieur [F] [V]. Le magistrat a rejeté les moyens de nullité soulevés et a ordonné la prolongation de la mesure de rétention administrative.

Appel de Monsieur [F] [V]

Monsieur [F] [V] a interjeté appel de l’ordonnance, demandant son infirmation. Il a avancé deux motifs principaux : le défaut d’interprète lors de sa garde à vue, ce qui aurait entraîné la nullité de cette mesure et des actes qui en découlent, ainsi qu’un avis tardif du procureur de la République concernant son placement en rétention administrative.

Réponse de la cour

La cour a rappelé que c’est au juge judiciaire de se prononcer sur les irrégularités affectant les procédures préalables à la notification de la décision de placement en rétention. Elle a souligné que, selon l’article 63-1 3° du code de procédure pénale, toute personne placée en garde à vue a le droit d’être assistée d’un interprète si nécessaire.

Constatations sur l’absence d’interprète

Il a été établi que Monsieur [F] [V] avait déclaré parler un peu français lors de son placement en garde à vue, mais qu’il n’avait pas bénéficié d’un interprète durant cette période ni lors de la notification de l’arrêté de placement en rétention. L’absence d’interprète a été jugée suffisante pour entraîner la nullité de la garde à vue et de tous les actes subséquents.

Décision finale de la cour

En conséquence, la cour a infirmé l’ordonnance du premier juge, déclarant nulle la procédure de garde à vue ainsi que l’arrêté de placement en rétention du 24 novembre 2024. Elle a également décidé qu’il n’y avait pas lieu de maintenir Monsieur [F] [V] en rétention administrative, tout en lui rappelant son obligation de quitter le territoire français.

Voies de recours

L’ordonnance notifiée n’est pas susceptible d’opposition, mais un pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative ayant prononcé la rétention, ainsi qu’au ministère public. Le délai pour former ce pourvoi est de deux mois à compter de la notification de l’ordonnance.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le contexte de la rétention administrative de Monsieur [F] [V] ?

Monsieur [F] [V], né le 19 juillet 1994 à [Localité 3] en Algérie, a été placé en rétention administrative par un arrêté préfectoral daté du 24 novembre 2024.

Cette mesure a été prise en raison d’une interdiction définitive du territoire national prononcée par la cour d’appel de Paris le 27 décembre 2021.

Quelles ont été les actions entreprises pour prolonger la rétention de Monsieur [F] [V] ?

Le 28 novembre 2024, un magistrat en charge du contrôle des mesures restrictives a été saisi d’une requête du préfet de police visant à prolonger la rétention de Monsieur [F] [V].

Le magistrat a rejeté les moyens de nullité soulevés et a ordonné la prolongation de la mesure de rétention administrative.

Quels motifs a avancés Monsieur [F] [V] pour son appel ?

Monsieur [F] [V] a interjeté appel de l’ordonnance, demandant son infirmation.

Il a avancé deux motifs principaux : le défaut d’interprète lors de sa garde à vue, ce qui aurait entraîné la nullité de cette mesure et des actes qui en découlent, ainsi qu’un avis tardif du procureur de la République concernant son placement en rétention administrative.

Quelle a été la réponse de la cour concernant les irrégularités de la procédure ?

La cour a rappelé que c’est au juge judiciaire de se prononcer sur les irrégularités affectant les procédures préalables à la notification de la décision de placement en rétention.

Elle a souligné que, selon l’article 63-1 3° du code de procédure pénale, toute personne placée en garde à vue a le droit d’être assistée d’un interprète si nécessaire.

Quelles constatations ont été faites sur l’absence d’interprète pour Monsieur [F] [V] ?

Il a été établi que Monsieur [F] [V] avait déclaré parler un peu français lors de son placement en garde à vue, mais qu’il n’avait pas bénéficié d’un interprète durant cette période ni lors de la notification de l’arrêté de placement en rétention.

L’absence d’interprète a été jugée suffisante pour entraîner la nullité de la garde à vue et de tous les actes subséquents.

Quelle a été la décision finale de la cour concernant la rétention de Monsieur [F] [V] ?

En conséquence, la cour a infirmé l’ordonnance du premier juge, déclarant nulle la procédure de garde à vue ainsi que l’arrêté de placement en rétention du 24 novembre 2024.

Elle a également décidé qu’il n’y avait pas lieu de maintenir Monsieur [F] [V] en rétention administrative, tout en lui rappelant son obligation de quitter le territoire français.

Quelles sont les voies de recours disponibles après l’ordonnance ?

L’ordonnance notifiée n’est pas susceptible d’opposition, mais un pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative ayant prononcé la rétention, ainsi qu’au ministère public.

Le délai pour former ce pourvoi est de deux mois à compter de la notification de l’ordonnance. L’absence d’interprète durant la mesure de garde à vue entraîne la nullité de cette mesure et de tous les actes subséquents, de sorte qu’il y a lieu d’infirmer la décision du premier juge.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

L. 742-1 et suivants du Code de l’entrée et du séjour

des étrangers et du droit d’asile

ORDONNANCE DU 30 NOVEMBRE 2024

(2 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général et de décision :

B N° RG 24/05595 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CKMQY

Décision déférée : ordonnance rendue le 28 novembre 2024, à 11h22, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris

Nous, Elise Thevenin-Scott, conseillère à la cour d’appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Sila Polat, greffier aux débats et au prononcé de l’ordonnance,

APPELANT :

M. [F] [V]

né le 19 juillet 1994 à [Localité 3], de nationalité algérienne

RETENU au centre de rétention : [2]

ayant refusé de comparaître à l’audience de ce jour

représenté par Me Antonino CARBONETTO, avocat de permanence, avocat au barreau de Paris

INTIMÉ :

LE PREFET DEPOLICE

représenté par Me Alexandre MARINELLI du cabinet Adam-Caumeil, avocat au barreau de Paris

MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l’heure de l’audience

ORDONNANCE :

– contradictoire

– prononcée en audience publique

– Vu le décret n° 2024-799 du 2 juillet 2024 pris pour l’application du titre VII de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, relatif à la simplification des règles du contentieux ;

Constatant qu’aucune salle d’audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention n’est disponible pour l’audience de ce jour ;

– Vu l’ordonnance du 28 novembre 2024 du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris rejetant les exceptions de nullité soulevées et ordonnant la prolongation du maintien de

M. [F] [V] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, pour une durée maximale de vingt-six jours, soit jusqu’au 24 décembre 2024 ;

– Vu l’appel motivé interjeté le 29 novembre 2024, à 11h00, par M. [F] [V] ;

– Vu le courriel du CRA de [Localité 4] du 30 novembre 2024 à 10h47 indiquant que M. [V] refuse de comparaître à l’audience de ce jour ;

– Après avoir entendu les observations :

– du conseil de M. [F] [V] qui demande l’infirmation de l’ordonnance ;

– du conseil du préfet de police tendant à la confirmation de l’ordonnance ;

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [F] [V], né le 19 juillet 1994 à [Localité 3] (Algérie), a été placé en rétention administrative par arrêté préfectoral en date du 24 novembre 2024, sur la base d’une interdiction définitive du territoire national prononcée par la cour d’appel de Paris le 27 décembre 2021.

Le magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté de [Localité 1], le 28 novembre 2024, saisi d’une requête aux fins de prolongation de la mesure par le préfet de police a :

Rejeté les moyens de nullité

Ordonné la prolongation de la mesure de rétention administrative

Monsieur [F] [V] a interjeté appel et sollicite l’infirmation de l’ordonnance aux motifs pris du :

Défaut d’interprète en garde à vue, entraînant la nullité de celle-ci et des actes subséquents.

Avis tardif du procureur de la République de son placement en rétention administrative

Réponse de la cour :

Il appartient au juge judiciaire, en sa qualité de gardien de la liberté individuelle, de se prononcer sur les irrégularités, invoquées par l’étranger, affectant les procédures préalables à la notification de la décision de placement en rétention. (2e Civ., 28 juin 1995, pourvoi n° 94-50.002, 2e Civ., 28 juin 1995, pourvoi n° 94-50.006, 2e Civ., 28 juin 1995, pourvoi n° 94-50.005).

En vertu de l’article 63-1 3° du code de procédure pénale, la personne placée en garde à vue bénéficie du droit, le cas échéant, d’être assistée d’un interprète.

Il ressort des pièces de la procédure que Monsieur [F] [V] a indiqué, lors de son placement en garde à vue, « parler un peu » le français, et n’a bénéficié d’un interprète ni au cours de la garde à vue ni lors de la notification de l’arrêté de placement en rétention, alors même qu’il était assisté d’un interprète lors de la procédure pénale ayant conduit à sa condamnation à une interdiction définitive du territoire français prononcée le 27 décembre 2021, ainsi que lors de la notification de l’OQTF du 26 avril 2021.

Si lors de la garde à vue pour infraction à la législation sur les étrangers ayant précédé son placement en rétention administrative il n’a pas bénéficié d’un interprète, ceci ne suffit pas à conclure qu’il n’en avait pas besoin, alors même que devant le premier juge un interprète a été requis et l’a assisté.

L’absence d’interprète durant la mesure de garde à vue entraîne la nullité de cette mesure et de tous les actes subséquents, de sorte qu’il y a lieu d’infirmer la décision du premier juge.
PAR CES MOTIFS

INFIRMONS l’ordonnance,

STATUANT À NOUVEAU,

DÉCLARONS nulle la procédure de garde à vue et l’ensemble des actes subséquents, en ce compris l’arrêté de placement en rétention du 24 novembre 2024;

DISONS n’y avoir lieu à maintien de M. [F] [V] en rétention administrative,

RAPPELLONS à M. [F] [V] qu’il a l’obligation de quitter le territoire français.

ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d’une expédition de la présente ordonnance.

Fait à Paris le 30 novembre 2024 à 15h03.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

REÇU NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE ET DE L’EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Le préfet ou son représentant L’avocat de l’intéressé


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