Validité d’une transaction avec un Architecte

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Validité d’une transaction avec un Architecte

Conditions de validité de la transaction

L’existence d’une transaction valable est soumise à trois conditions essentielles : une situation litigieuse, l’intention des parties d’y mettre fin, et des concessions réciproques consenties à cette fin, conformément à l’article 2044 du Code civil.

Cet article définit la transaction comme un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître.

La jurisprudence précise que la réciprocité des concessions constitue une condition de validité de la transaction, comme l’indiquent les arrêts de la Cour de cassation (Soc., 13 mai 1992, pourvoi n°89-40.844 ; 1ère Civ., 6 avril 2022, pourvoi n°21-10.908).

Effets de la transaction sur les actions en justice

Selon l’article 2052 du Code civil, la transaction fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet.

Ainsi, une fois qu’une transaction a été conclue, les parties ne peuvent plus revendiquer des droits ou des actions en justice concernant les mêmes faits, ce qui est renforcé par la jurisprudence qui stipule que l’existence de concessions réciproques s’apprécie à la date de la signature de l’acte (Soc., 27 mars 1996, pourvoi n° 92-40.448).

Appréciation des concessions réciproques

Le juge du fond a une appréciation souveraine de l’existence de concessions réciproques, veillant à ce que chaque partie renonce partiellement ou totalement à ses prétentions (3ème Civ., 28 novembre 2007, pourvoi n° 06-19.272).

Les concessions doivent être réelles et non dérisoires, ce qui implique que le juge peut requalifier les faits pour déterminer si les concessions consenties sont suffisantes pour valider la transaction (Soc., 21 mai 1997, pourvoi n° 95-45.038).

Irrecevabilité des demandes postérieures à la transaction

En vertu de l’article 122 du Code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir.

Dans le cas présent, M. [Y] et Mme [J] se trouvent dans l’impossibilité de solliciter la condamnation de la société Little MA3 Architecture à les indemniser de leurs préjudices, en raison de la transaction intervenue qui les engage à ne pas rechercher cette responsabilité.

Procédure abusive

La procédure abusive est définie par l’article 32-1 du Code de procédure civile, qui permet au juge de sanctionner les comportements procéduraux manifestement abusifs.

La société Little MA3 Architecture et son assureur ont soutenu que les demandes de M. [Y] et Mme [J] étaient motivées par des difficultés rencontrées dans un autre litige, ce qui pourrait constituer un abus de droit.

La cour a confirmé que, en l’absence d’élément nouveau, le premier juge avait fait une exacte appréciation des faits et des droits des parties, rejetant ainsi la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

L’Essentiel : L’existence d’une transaction valable repose sur trois conditions : une situation litigieuse, l’intention des parties d’y mettre fin, et des concessions réciproques. La jurisprudence souligne que la réciprocité des concessions est essentielle à la validité de la transaction. Une fois conclue, la transaction empêche l’introduction ou la poursuite d’une action en justice sur le même objet. Le juge apprécie souverainement les concessions, qui doivent être réelles, et peut requalifier les faits pour valider la transaction.
Résumé de l’affaire : Le 17 octobre 2016, un acheteur et une vendeuse ont confié à la société Little MA3 Architecture une mission de maîtrise d’œuvre pour l’aménagement et l’extension d’une maison d’habitation. La rémunération de la société a été fixée à 14 % du montant final hors taxes des travaux, en plus de la TVA. Le 25 novembre 2016, un architecte associé de la société a présenté un budget prévisionnel de 140 000 euros TTC.

Cependant, des difficultés sont survenues durant l’exécution du contrat, conduisant à une transaction signée le 18 juillet 2017. Ce procès-verbal stipule que l’architecte renonce à ses droits de propriété intellectuelle et à sa dernière facture, tandis que l’acheteur et la vendeuse renoncent à réclamer le remboursement de la première note d’honoraires et à revendiquer des préjudices liés à l’exécution de la mission.

Le 13 et 15 juillet 2022, l’acheteur et la vendeuse ont assigné la société Little MA3 Architecture et son assureur, la Mutuelle des Architectes Français (MAF), en nullité de la transaction. En réponse, les deux sociétés ont soulevé une fin de non-recevoir, arguant que la transaction était valable. Par ordonnance du 12 janvier 2024, le juge a déclaré irrecevables les demandes de l’acheteur et de la vendeuse, a débouté les sociétés de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, et a condamné l’acheteur et la vendeuse aux dépens.

Le 7 février 2024, l’acheteur et la vendeuse ont interjeté appel. Dans leurs conclusions, ils demandent l’infirmation de l’ordonnance et la nullité de la transaction, tandis que la société Little MA3 Architecture et la MAF demandent la confirmation de l’ordonnance. L’affaire a été mise en délibéré après l’audience du 26 septembre 2024.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique de l’irrecevabilité des demandes des parties ?

L’irrecevabilité des demandes formulées par un acheteur et une vendeuse à l’encontre de la société Little MA3 Architecture et de son assureur repose sur l’existence d’une transaction, qui est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, mettent fin à une contestation née ou préviennent une contestation à naître, conformément à l’article 2044 du Code civil.

Selon cet article, la transaction fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite d’une action en justice ayant le même objet, comme le précise l’article 2052 du même code.

En l’espèce, les parties ont signé un procès-verbal de conciliation qui mentionne explicitement qu’il vaut transaction et engage les parties, ce qui constitue une fin de non-recevoir au sens de l’article 122 du Code de procédure civile.

Ainsi, les demandes des parties sont déclarées irrecevables, car elles ont déjà renoncé à revendiquer des préjudices éventuels résultant de l’exécution de la mission et des conséquences de la rupture, ce qui démontre l’existence de concessions réciproques.

Quel est le critère d’appréciation des concessions réciproques dans une transaction ?

L’existence de concessions réciproques est une condition de validité pour la transaction, comme le stipule l’article 2044 du Code civil.

Le juge du fond apprécie souverainement cette existence, en veillant à ce que chaque partie renonce partiellement ou totalement à ses prétentions. La jurisprudence précise que les concessions doivent être réelles et non dérisoires, et leur appréciation se fait à la date de la signature de l’acte.

Les articles 2044 et 2052 du Code civil établissent que la transaction doit comporter des concessions réciproques, quelle que soit leur importance relative. En l’espèce, l’architecte a renoncé à des honoraires et a permis à l’acheteur et à la vendeuse de s’engager librement auprès d’un autre maître d’œuvre, ce qui constitue une concession significative.

De leur côté, l’acheteur et la vendeuse ont renoncé à réclamer le remboursement d’honoraires, ce qui démontre également des concessions réciproques non négligeables.

Quel est le rôle de l’article 700 du Code de procédure civile dans cette affaire ?

L’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner une partie à payer à l’autre une somme au titre des frais irrépétibles, c’est-à-dire les frais engagés pour la procédure qui ne peuvent être récupérés.

Dans cette affaire, le juge a condamné l’acheteur et la vendeuse à payer à la société Little MA3 Architecture et à son assureur la somme de 1 000 euros au titre de cet article, en raison de leur demande jugée irrecevable.

En appel, la cour a confirmé cette décision et a également condamné l’acheteur et la vendeuse à verser une somme de 4 000 euros à la société Little MA3 Architecture et à son assureur, en raison de leur statut de parties succombantes.

Cette disposition vise à compenser les frais engagés par la partie qui a dû se défendre contre une action jugée abusive ou infondée.

Quel est l’impact de la transaction sur la responsabilité contractuelle de la société Little MA3 Architecture ?

La transaction conclue entre les parties a pour effet de mettre fin à toute contestation relative à la responsabilité contractuelle de la société Little MA3 Architecture dans l’exécution de sa mission.

Conformément à l’article 2052 du Code civil, la transaction fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite d’une action en justice ayant le même objet.

En l’espèce, l’acheteur et la vendeuse ont renoncé à revendiquer des préjudices éventuels résultant de l’exécution de la mission et des conséquences de la rupture, ce qui signifie qu’ils ne peuvent plus rechercher la responsabilité de la société Little MA3 Architecture.

Ainsi, la cour a confirmé que l’acheteur et la vendeuse sont irrecevables à solliciter une indemnisation pour des préjudices qu’ils estiment liés à la responsabilité contractuelle de la société Little MA3 Architecture, car ils se sont engagés par transaction à ne pas rechercher cette responsabilité.

Cette situation illustre l’effet contraignant de la transaction sur les droits des parties et leur capacité à contester ultérieurement les décisions prises dans le cadre de cette transaction.

RÉPUBLIQUE FRAN’AISE

AU NOM DU PEUPLE FRAN’AIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 6

ARRÊT DU 13 DECEMBRE 2024

(n° /2024, 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 24/03149 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CI5RH

Décision déférée à la Cour : ordonnance du 12 janvier 2024 – juge de la mise en état de PARIS- RG n° 22/09360

APPELANTS

Monsieur [W] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représenté par Me Richard JONEMANN de l’AARPI JONEMANN AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0280

Madame [X] [J]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Richard JONEMANN de l’AARPI JONEMANN AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0280

INTIMÉES

S.A.S. LITTLE MA3 ARCHITECTURE prise en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03, substitué à l’audience par Me Chloé MONLOUIS, avocat au barreau de PARIS

MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS – MAF, prise en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03, substitué à l’audience par Me Chloé MONLOUIS, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 26 septembre 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Sylvie DELACOURT, présidente de chambre

Mme Laura TARDY, conseillère

Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme Sylvie DELACOURT dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame Manon CARON

ARRÊT :

– contradictoire.

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Sylvie DELACOURT, présidente de chambre et par Tiffany CASCIOLI, greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Selon contrat du 17 octobre 2016, M. [Y] et Mme [J] ont confié une mission de maîtrise d’oeuvre à la société Little MA3 Architecture pour des travaux relatifs à l’aménagement et l’extension d’une maison d’habitation située au [Adresse 3],

La rémunération a été fixée au pourcentage à savoir 14 % du montant final hors taxes des travaux outre la TVA.

Par correspondance du 25 novembre 2016, Mme [G], architecte associée au sein de la société Little MA3 Architecture DPLG, a adressé à M. [Y] et Mme [J] un budget prévisionnel de travaux d’un montant total de 140 000 euros TTC.

Le 17 juillet 2017, suite à des difficultés rencontrées au cours de l’exécution du contrat, M. [Y] et Mme [J] et la société Little MA3 Architecture ont conclu une transaction.

Le procès-verbal de conciliation signé par les parties le 18 juillet 2017 comporte les éléments suivants :

– Mme [G], architecte au sein de la société Little MA3 Architecture, renonce à ses droits de propriété intellectuelle sur le projet, accepte la reprise de la mission par un autre confrère, et renonce au paiement de sa dernière facture ;

– M. [Y] et Mme [J] renoncent au remboursement de la première note d’honoraires et à revendiquer le remboursement des préjudices éventuels résultant de l’exécution de la mission et des conséquences de la rupture.

La précision selon laquelle le procès-verbal vaut transaction et engage les parties au sens de l’article 2044 et suivants du code civil est mentionnée dans le document signé des parties.

Les 13 et 15 juillet 2022, M. [Y] et Mme [J] ont assigné notamment en nullité de la transaction, la société Little MA3 Architecture et la société Mutuelle des Architectes Français (la MAF) en sa qualité d’assureur de la société Little MA3 Architecture.

Les sociétés Little MA3 Architecture et MAF ont saisi le juge de la mise en état d’un incident d’irrecevabilité suivant conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 10 mars 2023.

Par ordonnance du 12 janvier 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a :

Déclaré irrecevables les demandes formées par M. [Y] et Mme [J] à l’encontre de la société Little MA3 Architecture et de la MAF ;

Débouté la société Little MA3 Architecture et la MAF de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Déclaré l’instance éteinte ;

Condamné M. [Y] et Mme [J] aux dépens ;

Condamné M. [Y] et Mme [J] à payer à la société Little MA3 Architecture et de la société Mutuelle des Architectes Français la somme totale de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 7 février 2024, M. [Y] et Mme [J] ont interjeté appel du jugement, intimant devant la cour :

– la société Little MA3 Architecture,

– la MAF.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 4 avril 2024 M. [Y] et Mme [J] demandent à la cour de :

Infirmé l’ordonnance en ce qu’elle :

Déclare irrecevables les demandes formées par M. [Y] et Mme [J] à l’encontre de la société Little MA3 Architecture et de la société MAF,

Déboute la société Little MA3 Architecture et la société Mutuelle des Architectes Français de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Déclare l’instance éteinte ;

Condamne M. [W] [Y] et Mme [X] [J] aux dépens ;

Condamne M. [W] [Y] et Mme [X] [J] à payer à la société Little MA3 Architecture et de la société MAF la somme totale de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau :

Dire et juger que la transaction conclue le 18 juillet 2017 entre la société Little MA3 Architecture et M. [W] [Y] et Mme [X] [J] est nulle faute de concessions réciproques,

Dire et juger recevable l’action et les demandes de M. [W] [Y] et Mme [X] [J] à l’encontre de la société Little MA3 Architecture et son assureur la Mutuelle des Architectes Français,

Condamner in solidum la société Little MA3 Architecture et son assureur la Mutuelle des Architectes Français au paiement à M. [W] [Y] et Mme [X] [J] de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 6 mai 2024 la société Little MA3 Architecture et la MAF demandent à la cour de :

Confirmer l’ordonnance en ce que le juge de la mise en état a :

– s’est déclaré compétent pour statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par les concluantes,

– a rejeté l’action de M. [Y] et Mme [J] à l’encontre de la société Little MA3 Architecture et de la MAF, comme étant irrecevable, en raison de la transaction intervenue à propos du même litige,

Infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a :

– débouté la société Little MA3 Architecture et la MAF de leur demande de condamnation M. [Y] et Mme [J] à leur verser à chacune la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Statuant de nouveau :

Condamner M. [Y] et Mme [J] à verser à chacune de la société Little MA3 Architecture et de la MAF la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

En tout état de cause

Rejeter toute demande formulée contre la société Little MA3 Architecture et la MAF au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner M. [Y] et Mme [J] à payer à la société Little MA3 architecture et à la MAF la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 12 septembre 2024 et l’affaire a été appelée à l’audience du 26 septembre 2024, à l’issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

MOTIVATION

Sur l’irrecevabilité découlant de la transaction

Moyens des parties

M.[Y] et Mme [J] soutiennent l’absence de concessions réciproques permettant d’annuler la transaction intervenue avec Mme [G], architecte associée de la société Little MA3 Architecture.

Ils font valoir la vacuité de la cession des droits intellectuels et de l’autorisation de missionner un autre architecte dès lors que le projet ne présentait pas d’originalité et que la société Little MA3 Architecture était à l’origine de la rupture du contrat.

Ils développent également que la renonciation au paiement de la facture n’est pas une concession compte tenu que le DCE avait été élaboré en considération d’un projet ne rentrant pas dans l’enveloppe budgétaire et devant être revu.

La société Little MA3 Architecture et son assureur, la société Mutuelle des Architectes Français font valoir que le juge de la mise en état du tribunal était bien compétent pour statuer sur l’irrecevabilité soulevée et que son ordonnance doit être confirmée.

Elles soutiennent que la demande formée par M. [Y] et Mme [J] a le même objet que la transaction intervenue.

Sur le fond, elles indiquent que le budget de départ était estimatif puisque M. [Y] et Mme [J] étaient encore indécis sur certains points et que l’architecte les avait avertis des ajustements à faire entre leur projet et ce qu’ils souhaitaient faire réaliser par des entreprises. Elles indiquent qu’un accord était intervenu pour rehausser le budget à 160 000 euros.

Elles font valoir que le comportement de M. [Y] a empêché la société Little MA3 Architecture d’exécuter correctement sa mission justifiant la résiliation du contrat.

Elles font encore valoir que M. [Y] et Mme [J] ont remis en cause la transaction cinq ans après l’avoir signée parce qu’ils entretiennent un conflit avec la société Energie Rénovation qui a repris le chantier. Elles réfutent que M. [Y] et Mme [J] imputent 75% de leur préjudice actuel estimé pour déclarer que la transaction intervenue cinq ans plus tôt a un caractère dérisoire.

Réponse de la cour

En application de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

La liste des fins de non-recevoir de l’article 122 du code de procédure civile n’est pas limitative et dans le cas où la situation donnant lieu à la fin de non-recevoir est susceptible d’être régularisée, l’irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

L’existence de concessions réciproques constitue une condition de validité pour la transaction, définie aux termes de l’article 2044 du code civil comme un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.

Selon l’article 2052 du code civil, la transaction fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet.

L’existence d’une transaction valable est soumise à trois conditions : une situation litigieuse, l’intention des parties d’y mettre fin, c’est l’objet même de la transaction, et des concessions réciproques consenties à cette fin.

Le juge du fond apprécie souverainement l’existence de concessions réciproques en veillant à ce que chacune des parties renonce partiellement ou totalement à ses prétentions (3ème Civ., 28 novembre 2007, pourvoi n° 06-19.272, Bull 2007, III, n 214 ).

Constitue une transaction au sens de l’article 2044 du Code civil un accord qui a pour objet de mettre fin à un différend s’étant élevé entre les parties et qui comporte des concessions réciproques, quelle que soit leur importance relative (Soc., 13 mai 1992, pourvoi n°89-40.844, Bull., 1992, V, n°307 ; Soc., 5 janvier 1994, pourvoi n° 89-40.961, Bull. 1994, V, n°1).

Cette réciprocité des concessions consenties constitue une condition de validité de la transaction (Soc., 19 février 1997 précité ; 1ère Civ., 27 février 2007, pourvoi n°05-11.603 ; 1ère Civ., 6 décembre 2007, pourvoi n° 06-18.049, Bull. 2007, I, n° 383 ; 1ère Civ., 16 juin 2021, pourvoi n°19-21.567 ; 1ère Civ., 6 avril 2022, pourvoi n° 21-10.908).

L’existence de concessions réciproques s’apprécie en jurisprudence à la date de la signature de l’acte (Soc., 27 mars 1996, pourvoi n° 92-40.448, Bull., 1996 V, n° 124 ; Soc., 21 mai 1997, pourvoi n° 95-45.038, Bull., 1997, V, n°185 ; Soc., 31 janvier 2018, pourvoi n°16-20.508).

Pour déterminer si les concessions sont réelles, le juge peut restituer aux faits, leur véritable qualification, il ne peut, sans heurter l’autorité de chose jugée attachée à la transaction, trancher le litige que cette transaction avait pour objet de clore (Soc., 21 mai 1997, pourvoi n° 95-45.038, Bulletin 1997, V, n° 185 ; Soc., 6 avril 1999, pourvoi n° 96-43.467, Bulletin civil 1999, V, n°162).

En l’espèce, le 17 octobre 2016, les parties ont signé un contrat de maîtrise d’oeuvre avec mission complète portant sur l’aménagement et l’extension d’une maison individuelle d’environ 80 m² comprenant la modification du cloisonnement existant en vue de l’extension de la maison avec création d’un séjour, d’une cuisine et d’un atelier et une modification de l’escalier pour l’accès aux combles incluant également la reprise des réseaux électricité et plomberie pour une rémunération calculée à 14 % du montant final HT des travaux, réglée à l’achèvement de chaque phase du projet.

La mission de l’architecte détaillée dans le contrat comprenait : les visites, les photos, la définition du programme, l’établissement du contrat (prise de contact), les plans d’aménagements, l’électricité et la plomberie, les plans de détails des aménagements (études préliminaires – conception du projet), l’élaboration du devis final des travaux après consultation de l’entreprise générale présentée par la maîtrise d’oeuvre, le suivi régulier du chantier jusqu’à réception des travaux (consultation des entreprises et suivi du chantier).

L’évolution des relations entre les parties les a conduits à établir un procès-verbal de conciliation le 18 juillet 2017, mentionnant qu’il valait transaction et engageant les parties au sens des articles 2044 et suivants du code civil selon lequel :

– Mme [G] renonce au règlement de sa note d’honoraire n°2,

– Mme [J] et M. [Y] renoncent au remboursement de la note d’honoraires n°1 de 3 220 euros HT ainsi qu’à revendiquer le remboursement de préjudices éventuels résultant de l’exécution de la mission et des conséquences de la rupture,

– Mme [G] renonce à ses droits de propriété intellectuelle sur le projet et accepte la reprise de la mission par un confrère.

L’architecte a ainsi renoncé au paiement de sa note d’honoraires n°2 d’un montant de 4 025 euros HT.

Le montant pris en lui-même et mis en perspective du montant global des honoraires de l’architecte pour le marché démontre que celle-ci a effectué une concession non dérisoire financièrement.

L’architecte a également permis à M. [Y] et à Mme [J] de s’engager librement auprès d’un autre maître d’oeuvre pour poursuivre leur chantier et de bénéficier du montant de la facture n°2 pour ce faire.

Si la question des droits de l’architecte sur son ‘uvre n’apparaît pas déterminant dans la transaction, il existe néanmoins puisque la mission comprenait une phase de conception.

De leur côté, M. [Y] et Mme [J] ont accepté de ne pas réclamer le remboursement du montant de la note d’honoraires n°1 de 3 220 euros HT correspondant à la phase de dépôt du permis de construire et à renoncer à toute demande d’indemnisation des préjudices résultant de l’exécution de la mission et des conséquences de la rupture.

Les parties ont ainsi fait des concessions réciproques non négligeables au moment où elles ont été faites pour prévenir toute contestation ultérieure notamment de M. [Y] et de Mme [J] sur l’exécution de la mission de l’architecte et les conséquences de la rupture. Il n’y a donc pas lieu à annulation de la transaction conclue entre M. [Y] et Mme [J] d’une part, la société Little MA3 Architecture d’autre part.

Ainsi M. [Y] et Mme [J] sont irrecevables aujourd’hui à solliciter la condamnation de la société Little MA3 Architecture à les indemniser de leurs préjudices actuels éventuels en revendiquant qu’ils seraient liés à la responsabilité contractuelle de société Little MA3 Architecture dans l’exécution de sa mission et au regard de la rupture du contrat dès lors qu’ils s’étaient engagés par transaction à ne pas rechercher cette responsabilité.

En conséquence, l’ordonnance du juge de la mise en état de la 6ème chambre 2ème section du tribunal judiciaire de Paris sera confirmée en ce qu’elle a déclaré irrecevables les demandes de M. [Y] et de Mme [J] à l’égard de la société Little MA3 Architecture et son assureur.

Sur la procédure abusive

Moyen des parties

La société Little MA3 Architecture et son assureur, la société Mutuelle des Architecte Français font valoir que les appelants tentent d’engager la responsabilité de l’architecte au regard des difficultés actuelles qu’ils rencontrent et de l’abandon de chantier qu’ils reprochent à la société Energie Rénovation et du risque qu’ils ont de ne pas voir leur demande en garantie des assureurs aboutir de ce chef. L’architecte fait valoir un préjudice moral à se remémorer un dossier pénible au regard du comportement de M. [Y].

M.[Y] et Mme [J] ne répliquent pas sur ce point.

La cour

En l’absence d’élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu’elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties en rejetant la demande; il convient en conséquence de confirmer la décision déférée sur ce point.

Sur les frais du procès

Le sens de l’arrêt conduit à confirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En cause d’appel, M. [Y] et Mme [J], parties succombantes, seront condamnés aux dépens et à payer à la société Little MA3 Architecture et son assureur, la société Mutuelle des Architecte Français, ensemble, la somme de 4 000 euros, au titre des frais irrépétibles. Leur demande de ce chef sera rejetée.

Le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l’ordonnance en ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Condamne M. [W] [Y] et de Mme [X] [J] aux dépens d’appel,

Admet les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [W] [Y] et de Mme [X] [J] et les condamne à payer à la société Little MA3 Architecture et de son assureur, la société Mutuelle des Architecte Français, ensemble la somme de 4 000 euros.

La greffière, La présidente de chambre,


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