Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire d’Évreux
Thématique : Responsabilité des acteurs de la construction face aux désordres immobiliers : enjeux et implications.
→ RésuméAcquisition de l’ensemble immobilierLe 5 novembre 2015, la société Secomile, devenue Monlogement 27, et la société Siloge, bailleurs sociaux, ont acquis un ensemble immobilier à usage d’habitation auprès de la Sci Exelsia. Cet ensemble, situé à l’angle de deux adresses, est divisé en trois lots de volume, dont le lot n°1 a été acquis par Monlogement 27 et le lot n°2 par Siloge. Le lot n°3, comprenant des parties communes, appartient au syndicat des copropriétaires. Intervention des entreprises et livraisonLa Sci Exelsia a confié les travaux de construction à la société Sogea nord ouest, ainsi qu’à d’autres entreprises pour la maîtrise d’œuvre et les études techniques. La livraison des biens immobiliers a eu lieu les 28 et 29 juin 2017. Constatation des désordres et expertise judiciaireSuite à des désordres affectant l’immeuble, Monlogement 27 et Siloge ont demandé une expertise judiciaire, ordonnée le 5 septembre 2018. Le rapport de l’expert a été déposé le 28 octobre 2020, révélant des problèmes de chauffage et de distribution d’eau chaude sanitaire. Assignation en justiceLe 11 et 15 février 2021, les sociétés Monlogement 27, Siloge, le syndicat des copropriétaires et l’association syndicale libre ont assigné la Sci Exelsia, Sogea et leur assureur, la société Sma, pour obtenir réparation des préjudices liés aux désordres. Les défenderesses ont appelé en garantie d’autres entreprises impliquées dans le projet. Décisions du juge de la mise en étatLe 16 mai 2022, le juge de la mise en état a déclaré forclose l’action des sociétés demanderesses contre Exelsia sur la base de l’article 1642-1 du code civil et a joint les instances relatives aux appels en garantie. Demandes des partiesLes demandeurs ont sollicité la condamnation solidaire des sociétés Exelsia et Sogea à verser des indemnités pour les travaux de remise en état, la surconsommation de gaz, et d’autres préjudices. En réponse, Exelsia et Sogea ont demandé le débouté des demandes et la condamnation des sociétés demanderesses au paiement des soldes des contrats de vente. Arguments des défenderessesLes défenderesses ont soutenu que les désordres étaient apparents à la réception des travaux et que les réserves formulées ne constituaient pas des obstacles à la garantie décennale. Elles ont également contesté la responsabilité des autres entreprises impliquées dans le projet. Jugement du tribunalLe tribunal a condamné in solidum les sociétés Exelsia et Sogea à indemniser les sociétés Siloge et Monlogement 27 pour les préjudices liés aux désordres. Il a également rejeté les demandes d’indemnisation pour la surconsommation de gaz et a statué sur les demandes reconventionnelles des défenderesses. Les sociétés Exelsia et Sogea ont été condamnées aux dépens de l’instance. |
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE D’ [Localité 6]
CHAMBRE CIVILE
MINUTE N° : 2024/
N° RG 21/00523 – N° Portalis DBXU-W-B7F-GNB3
NAC : 54G Demande d’exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l’ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d’un élément de construction
CIVIL – Chambre 1
JUGEMENT DU 19 NOVEMBRE 2024
DEMANDERESSES :
S.A. MON LOGEMENT 27 (anciennenement dénommée SECOMILE)
Inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés D’[Localité 6] sous le numéro: 301.898.037,
Agissant poursuites et diligences de sa Présidente en exercice,
Dont le siège social est sis :
[Adresse 3]
– [Localité 6]
SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DU PARKING ARDECHE [Adresse 17]
Représenté par son syndic, la Société MON LOGEMENT 27
Dont le siège social est sis :
[Adresse 3]
– [Localité 6]
L’ASSOCIATION SYNDICALE LIBRE ARDÉCHE [Adresse 17]
Représentée par son administrateur, la S.A MON LOGEMENT 27
Dont le siège social est sis :
[Adresse 5]
– [Localité 6]
S.A. SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DU LOGEMENT DE L’EURE – SILOGE
Inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés D’[Localité 6] sous le numéro: 643.650.393,
Agissant poursuites et diligences de son Président en exercice,
Dont le siège social est sis :
[Adresse 8]
[Adresse 8]
– [Localité 6]
Représentés par Me Aurélie BLONDE, membre de la SELARL THOMAS-COURCEL-BLONDE, avocat au barreau de l’EURE
DEFENDERESSES :
SCI EXELSIA
Immatriculée au RCS de ROUEN sous le numéro 520.238.643
Dont le siège social est sis :
[Adresse 2]
– [Localité 13]
Représentée par Me Florence MALBESIN, membre de la SCP LENGLET MALBESIN ET ASSOCIES avocat au barreau de ROUEN
S.A.S. SOGEA NORD OUEST
Immatriculée au RCS de ROUEN sous le numéro 344.314.976
Dont le siège social est sis :
[Adresse 2]
– [Localité 13]
Représentée par Me Florence MALBESIN, membre de la SCP LENGLET MALBESIN ET ASSOCIES avocat au barreau de ROUEN
Société SMA SA
Ayant son siège social est sis :
[Adresse 15]
[Adresse 15]
– [Localité 12]
Agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège
Représentée par Me Arnaud LABRUSSE, avocat au barreau de CAEN (avocat plaidant) et par Me Olivier JOLLY, avocat au barreau de l’EURE (avocat postulant)
APPELÉS EN GARANTIE
SASU APAVE INFRASTRUCTURES ET CONSTRUCTION FRANCE (AICF)
Venant aux droits de la société APAVE NORD OUEST
Immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 903.869.071
Dont le siège social est sis :
[Adresse 9]
[Localité 1]
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Arnaud NOURY,membre de la SELARL Sandrine MARIÉ avocat au barreau de PARIS (avocat plaidant) et par Me Laurent SPAGNOL, membre de la SCP SPAGNOL DESLANDES MELO, avocat au barreau de l’EURE (avocat postulant)
S.E.L.A.F.A. ARTEFACT
Immatriculée au RCS de ROUEN sous le numéro 323.913.632
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Dont le siège social est sis :
[Adresse 10]
– [Localité 13]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Florence DELAPORTE JANNA, avocat au barreau de ROUEN
RG N° : N° RG 21/00523 – N° Portalis DBXU-W-B7F-GNB3 jugement du 19 novembre 2024
S.A.M.C.V. MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS
Entreprise régie par le Code des Assurances
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Dont le siège social est sis :
[Adresse 4]
– [Localité 11]
Représentée par Me Florence DELAPORTE JANNA, avocat au barreau de ROUEN
S.A.R.L. ABSCIA
Inscrite au RCS de ROUEN sous le numéro 504 223 959,
Dont le siège social est sis :
[Adresse 7]
[Adresse 7]
– [Localité 14]
Représentée par Me Laure VALLET, membre de la SELARL CAULIER VALLET, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré :
– Madame Marie LEFORT, Présidente,
– Madame Anne-Caroline HAGTORN, juge
– Madame Axelle DESGREES DU LOU, juge
GREFFIER : Madame Aurélie HUGONNIER
DEBATS :
En audience publique du 17 Septembre 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré au 19 novembre 2024.
JUGEMENT :
– au fond,
– contradictoire, rendu publiquement et en premier ressort,
– mis à disposition au greffe,
– rédigé par Madame Marie LEFORT,
– signé par Madame Marie LEFORT, première vice-Présidente et Madame Aurélie HUGONNIER, greffier
Copie exécutoire délivrée le :
Copie délivrée le :
EXPOSÉS DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Par actes en date du 5 novembre 2015, la société Secomile devenue la société Monlogement 27 et la société Siloge, bailleurs sociaux, ont acquis en l’état futur d’achèvement auprès de la Sci Exelsia un ensemble immobilier à usage d’habitation sis à [Localité 6], à l’angle du [Adresse 16] et de la [Adresse 18].
L’ensemble immobilier est divisé en 3 lots de volume.
La société Secomile (Monlogement 27) a acquis le lot de volume n°1 (bâtiment B) et la société Siloge le lot de volume n°2 (bâtiment A).
Le lot de volume n°3 qui comprend des parties communes de l’immeuble, dont le local chaufferie, appartient au syndicat des copropriétaires du Parking Ardèche [Adresse 16].
L’association syndicale libre Ardèche [Adresse 16] assure la gestion des équipements communs.
La Sci Exelsia, en sa qualité de maître de l’ouvrage, a confié les travaux de construction à la société Sogea nord ouest (ci-après la société Sogea). Les deux sociétés qui appartiennent au groupe Vinci sont assurées auprès de la société Sma.
La Sci Exelsia a également fait intervenir aux opérations de construction les sociétés suivantes :
– Artefact, assurée auprès de la Mutuelle des architectes français (ci-après la Maf), pour la maîtrise d’oeuvre,
– Abscia en qualité de bureau d’études techniques fluides,
– Apave en qualité de contrôleur technique.
La livraison des biens immobiliers aux acquéreurs est intervenue les 28 et 29 juin 2017.
Faisant valoir l’existence de désordres affectant l’ensemble immobilier, les sociétés Monlogement 27 et Siloge ont sollicité en référé une expertise judiciaire laquelle a été ordonnée par décision du 5 septembre 2018.
L’expert judiciaire, M. [K], a déposé son rapport le 28 octobre 2020.
C’est dans ces conditions que les sociétés Monlogement 27 et Siloge, le syndicat des copropriétaires et l’association syndicale libre ont, par actes en date des 11 et 15 février 2021 fait assigner les sociétés Exelsia et Sogea et leur assureur la société Sma devant ce tribunal, sur le fondement des articles 1646-1 et 1792 du code civil et du rapport d’expertise judiciaire, aux fins d’obtenir leur condamnation à les indemniser des préjudices résultant des désordres affectant l’ensemble immobilier qu’elles ont acquis.
Les sociétés Exelsia et Sogea ont appelé en garantie les sociétés Artefact, Apave et Abscia et la Maf.
Par ordonnance en date du 16 mai 2022, le juge de la mise en état a déclaré forclose l’action des sociétés demanderesses à l’encontre de la société
Exelsia fondée sur l’article 1642-1 du code civil et a joint les instances relatives aux appels en garantie formés par les sociétés Exelsia et Sogea.
La clôture de la procédure a été prononcée le 4 mars 2024.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans leurs dernières écritures récapitulatives notifiées par Rpva le 21 août 2023, les demandeurs sollicitent du tribunal, principalement sur le fondement des articles 1646-1 et 1792 du code civil et subsidiairement sur le fondement de l’article 1147 ancien du même code, la condamnation solidaire des sociétés Exelsia et Sogea à payer aux sociétés Monlogement 27 et Siloge les sommes suivantes :
– 327 018,75 euros (TTC) au titre des travaux de remise en état avec indexation selon l’évolution de l’indice BT 38 (indice de référence avril 2019 publié le 17 juillet 2019),
– 19 518 euros (TTC) au titre de la surconsommation de gaz, outre 271 euros par mois à compter du 1er juillet 2023 et jusqu’à l’expiration d’un délai de 9 mois suivant le paiement de l’indemnité relative aux travaux de remise en état,
– 50 000 euros, sauf à parfaire, au titre des préjudices financiers induits par les travaux de remise en état,
– 1 629,60 euros (TTC) au titre des travaux réalisés en cours d’expertise,
– 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens de l’instance en ce compris les frais de constat du 27 septembre 2017, les dépens de la procédure de référé et les frais d’expertise judiciaire.
Ils concluent au débouté des défenderesses de l’ensemble de leurs demandes reconventionnelles.
Ils font valoir, sur le fondement du rapport d’expertise judiciaire, l’existence de plusieurs désordres de chauffage et de distribution d’eau chaude sanitaire (ECS) rendant l’immeuble impropre à sa destination, en ce que les températures minimales et maximales imposées par le code de la construction et de l’habitation ne sont pas respectées et que le confort normalement attendu dans un immeuble d’habitation n’est pas assuré :
– chaleur excessive dans les parties communes et défaut d’équilibrage de l’installation de chauffage dans les appartements à l’origine d’une surconsommation de gaz ;
– non conformité des canalisations d’ECS à la notice descriptive annexée aux contrats de vente, et notamment du fait de la mise en oeuvre de tubes PER (Polyéthylène Réticulé) sans barrière anti-oxygène qui entraîne une usure prématurée de l’installation de chauffage (risque d’embouage).
En réponse aux moyens et demandes reconventionnelles des sociétés défenderesses, ils soutiennent que :
– le tribunal n’est pas compétent pour statuer sur les irrecevabilités soulevées, les questions de compétence relevant du juge de la mise en état exclusivement ;
– les observations du BET [Z] annexées au procès-verbal de réception
et qui ont mis en évidence les désordres allégués ne constituent pas les réserves officielles faisant obstacle à l’application de la garantie décennale, dès lors que ces observations ont été refusées par la société Sogea qui n’a pas signé les feuilles du procès-verbal de réception ;
– les observations du BET [Z] ne portaient pas sur la surconsommation de gaz de l’installation, ni sur la non-conformité de certains logements au regard du code de la construction et de l’habitation, ni sur l’absence de mise en oeuvre d’une barrière anti-oxygène sur les tubes PER et d’isolation des canalisations de chauffage ;
– dans tous les cas, les désordres n’étaient pas connus dans toute leur ampleur et leurs conséquences au moment de la réception des travaux, dès lors que la surchauffe a été considérablement aggravée par le fait que les canalisations de chauffage n’étaient pas isolées, ce qui n’était pas visible à la réception puisque les canalisations étaient coulées dans les dalles ;
– subsidiairement, la responsabilité contractuelle des sociétés Exelsia et Sogea est engagée sur le fondement de la théorie des dommages intermédiaires et pour manquement à leur obligation de résultat de livrer un ouvrage conforme aux dispositions contractuelles :
les notices descriptives de vente ne prévoient aucun chauffage dans les locaux collectifs alors que la modification du réseau ECS et du réseau de chauffage transforment les locaux collectifs en locaux chauffés et provoquent un inconfort,
les notices descriptives de vente prévoient pour le système d’ECS la mise en oeuvre d’une gaine palière par compteur individuel alors que l’expert judiciaire a constaté un nombre réduit de gaines,
le CCTP des travaux de la société Sogea prévoit l’isolation des tubes de chauffages (article 3.2.35), ce qui n’a pas été mis en oeuvre,
les thermostats d’ambiance n’ont pas été installés au bon endroit dans les appartements, provoquant des situations d’inconfort et des surconsommations de gaz,
les barrières anti-oxygène sont prévues dans les notices descriptives de vente (article 2.9.2.2) et dans le CCTP du lot n°11 (articles 1.2.3.1, 3.2.3.5, 3.2.3.6).
S’agissant de la demande reconventionnelle en paiement formée par la société Exelsia à laquelle ils s’opposent, ils indiquent que la livraison des immeubles est intervenue avec réserves le 29 juin 2017 et que le paiement du solde du prix de vente n’est dû qu’à la levée des réserves justifiée par une attestation du maître d’oeuvre du chantier confirmée par les attestations établies par le contrôleur technique, ce dont il n’est pas justifié en l’espèce.
Dans leurs dernières écritures récapitulatives notifiées par Rpva le 4 décembre 2023, les sociétés Exelsia et Sogea demandent au tribunal de:
à titre principal :
– débouter les sociétés Monlogement 27 et Siloge de leurs demandes formées à leur encontre,
– condamner la société Siloge à payer à la société Exelsia la somme de 58381,86 euros au titre du solde du contrat de vente,
– condamner la société Monlogement 27 à payer à la société Exelsia la somme de 31 225,30 euros au titre du solde du contrat de vente,
– condamner solidairement les sociétés susvisées, le syndicat des copropriétaires et l’association syndicale libre à leur payer à chacune la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens de l’instance recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;
à titre subsidiaire :
– réduire le montant des condamnations sollicitées,
– condamner les sociétés susvisées à payer à la société Exelsia les soldes des contrats de vente pour les montants indiqués ci-avant,
– condamner la société Sma à les garantir sous réserve des franchises contractuelles applicables,
– condamner solidairement les sociétés Apave, Artefact, Abscia et la Maf à les garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées à leur encontre au profit des demandeurs, et à leur payer à chacune une indemnité de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens de l’instance.
En substance, elles soutiennent que :
– le tribunal statuera ce que de droit sur la demande fondée sur la responsabilité civile décennale, étant relevé que si des réserves ont été exprimées, il s’agissait de potentielles non conformités voire de simples interrogations sans que les acquéreurs ou le maître de l’ouvrage ne puissent à ce stade connaître les désordres dans toute leur ampleur ; qu’en outre, la surconsommation de gaz, la non-conformité de certains logements au regard du code de la construction et de l’habitation, l’absence de barrières anti-oxygène pour les tubes PER ou l’absence d’isolement des canalisations n’ont pas fait l’objet de réserves ;
– dans tous les cas, les désordres en cause se sont révélés dans toute leur ampleur postérieurement à la réception ;
– elles ont un intérêt à agir à l’encontre des sociétés Apave, Artefact, Abscia et de la Maf en dépit du fait que les sociétés Monlogement 27 et Siloge ont été déclarées forcloses à agir sur le fondement de l’article 1642-1 du code civil, dès lors que les demandes sont également fondées sur la garantie décennale et la responsabilité civile de droit commun ;
– s’il était jugé que l’action en responsabilité civile décennale ne peut prospérer, aucune faute n’est établie à leur encontre :
en l’absence de dispositions contractuelles imposant un nombre déterminé de gaines techniques, le calorifugeage des canalisations et la mise en oeuvre de barrière anti-oxygène ;
en l’absence de contre-indication technique pour les procédés constructifs mis en oeuvre qui sont conformes à la pratique courante ;
les modifications intervenues en cours de chantier ont été vérifiées et validées par le maître d’oeuvre, le BET fluides et le
contrôleur technique, de sorte qu’aucune faute ne peut leur être reprochée à ce titre ;
– le cas échéant, il doit être retenu que :
la société Artefact a commis une faute dans sa mission de conception et de direction des travaux ;
la société Apave a commis une faute dans sa mission de contrôle technique ;
la société Abscia a commis une faute dans l’exercice de sa mission dès lors qu’elle a défini les éléments censés respecter les obligations en matière de réglementation technique pour le respect de la norme RT 2012 ;
– l’analyse du sapiteur sur le non respect de la norme RT 2012 est contestable, et ce d’autant que sa fiabilité est discutable compte tenu de son erreur reconnue par les demandeurs sur le montant des travaux réparatoires ;
– le montant des travaux réparatoires devra être évalué HT (soit 265 700 euros) car les sociétés demanderesses ne justifient pas qu’elles sont assujetties à la TVA ;
– certains postes de travaux réparatoires ne sont pas justifiés en leur principe (déplacement des thermostats ) et n’ont fait l’objet que d’une estimation ; les surconsommations de gaz ne sont pas établies et les pertes de loyer sont théoriques;
– les sociétés demanderesses ne peuvent à la fois solliciter le paiement des travaux de réparation et refuser dans le même temps de solder le contrat de vente.
Dans ses dernières écritures récapitulatives notifiées par Rpva le 17 mai 2023 la société Sma prise en sa qualité d’assureur de responsabilité civile décennale des sociétés Exelsia et Sogea, conclut au rejet des demandes présentées à son encontre. A titre subsidiaire elle sollicite la condamnation in solidum des sociétés Abscia, Artefact, Apave et de la Maf à la relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encontre. En toute hypothèse, elle réclame la condamnation de tout succombant à lui payer une indemnité de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
En substance, elle fait valoir que les désordres en cause étaient apparents à la réception du 29 juin 2017 et qu’ils ont d’ailleurs fait l’objet de réserves, de sorte que la garantie décennale n’est pas applicable. Elle soutient également que les désordres réservés ne se sont pas aggravés postérieurement à la réception.
Elle précise que :
– le procès-verbal de réception des travaux a été signé concomitamment aux procès-verbaux de livraison des immeubles au profit des sociétés Siloge et Secomile ;
– ces procès-verbaux comportaient en annexe les observations précises de M. [Z] concernant notamment les travaux de chauffage et le réseau d’ECS sur lesquelles ont porté les opérations d’expertise, de sorte que les désordres en cause étaient clairement identifiés et apparents à la réception ;
– si les sociétés demanderesses soutiennent qu’il ne peut pas être considéré que la réception est intervenue avec réserves dès lors que la société Sogea a refusé de signer les observations de M. [Z], il s’en déduit que la réception n’a pas eu lieu ce qui exclut d’autant plus l’application de la garantie décennale.
Dans leurs dernières écritures récapitulatives notifiées par Rpva le 16 juin 2023, la société Artefact et la Maf concluent au débouté des sociétés Exelsia et Sogea de leurs demandes formées à leur encontre et au débouté des autres sociétés défenderesses.
Elles sollicitent à titre reconventionnel :
– la condamnation des sociétés Exelsia et Sogea à leur payer à chacune la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée
– la condamnation in solidum des sociétés Sma, Sogea, Apave et Abscia à les garantir de toute condamnation qui serait prononcée à leur encontre,
– l’application des limites de garantie de la Maf,
– la condamnation des sociétés Exelsia et Sogea à leur payer à chacune une indemnité de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens de l’instance.
Pour l’essentiel, elles font valoir que :
– la société Artefact n’a eu aucune mission sur les lots litigieux (chauffage et ECS) et aucune imputabilité technique n’a été relevée à son encontre par l’expert judiciaire, la conception et l’exécution de ces lots ayant été attribuées à la société Abscia ;
– la société Artefact a dans tous les cas alerté la société Sogea sur les risques liés à la suppression d’une colonne ECS.
Dans ses dernières écritures récapitulatives notifiées par Rpva le 19 avril 2023, la société Abscia demande au tribunal de débouter les sociétés Exelsia, Sogea, Apave, Artefact et Maf de leurs demandes formées à son encontre et de condamner les sociétés Exelsia et Sogea à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens de l’instances recouvrés conformément à l’article 699 du code précité.
En substance, elle soutient que ni la preuve d’un lien d’imputabilité entre son intervention et les désordres, ni la preuve d’une faute dans l’exercice de sa mission ne sont rapportées :
– son contrat précise qu’elle n’intervient qu’en phase conception au stade du permis de construire et de la phase Dossier de consultation des entreprises (phase DCE);
– il ne lui a été confié aucune mission Visa ;
– aux termes du rapport d’expertise judiciaire les désordres en cause résultent de défauts d’exécution imputables exclusivement à la société Sogea :
ses plans prévoyaient 5 gaines techniques verticales par bâtiment alors que les plans de la société Sogea n’en comportaient plus
qu’une, la réduction des gaines ayant été effectuée par la société Sogea par mesure d’économie,
la société Sogea a posé des tubes PER non isolés, placé des thermostats d’ambiance dans les entrées et n’a pas réalisé un équilibrage correct du réseau de chauffage, alors que c’est son conseil, M. [S], qui a fait les études et le suivi d’exécution de plomberie, chauffage, VMC,
la surconsommation pour la production d’ECS résulte de la réduction du nombre de gaines techniques qui n’est imputable qu’à la société Sogea.
Dans ses dernières écritures récapitulatives notifiées par Rpva le 14 décembre 2023, la société Apave aux droits de laquelle vient désormais la société Apave infrastructure et construction France (Aicf) demande au tribunal de :
à titre liminaire,
– déclarer la société Exelsia irrecevable en ses demandes pour défaut d’intérêt à agir ;
à titre principal,
– constater qu’aucune demande fondée sur la responsabilité sans faute n’est dirigée à son encontre ;
– débouter les sociétés Exelsia et Sogea et toute autre partie de toutes leurs demandes dirigées à son encontre et de la mettre purement et simplement hors de cause ;
à titre subsidiaire,
– condamner in solidum les sociétés Sogea, Sma, Abscia, Artefact et la Maf à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;
en tout état de cause :
– condamner in solidum les sociétés Exelsia, Sogea et tout succombant à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens de l’instance avec droit de recouvrement direct au profit de son conseil.
En résumé, elle soutient que :
– les sociétés demanderesses ayant été déclarées irrecevables au titre de la garantie de parfait achèvement, les recours en garantie le sont tout autant ;
– la société Sogea ne peut fonder son recours en garantie que sur la responsabilité civile délictuelle de droit commun et aucune faute n’est établie à son encontre :
les conclusions de l’expert judiciaire sont contestables, étant précisé qu’elle n’a été attrait à la cause que postérieurement au dépôt du rapport d’expertise et qu’elle n’a pas été mise en mesure de contester les mesures effectuées,
sa mission F était limitée à la prévention des aléas techniques découlant d’un mauvais fonctionnement des installations qui s’entend de l’impossibilité pour l’installation d’atteindre les performances prévues, ce dont les désordres ne relèvent pas,
elle devait au titre de la mission F uniquement s’assurer du bon dimensionnement des ouvrages et de la réalisation d’essais de fonctionnement ce qui a été le cas, la société Sogea lui ayant communiqué un autocontrôle satisfaisant attestant ainsi d’une exécution conforme, et sur lequel elle a formulé son avis,
sa mission Th qui a pour objet de donner un avis sur le respect des prescriptions réglementaires relatives à l’isolation thermique et aux économies d’énergie ne concerne pas le confort des bâtiments et est donc étrangère aux désordres en cause ;
– toute condamnation in solidum est exclue puisque les différentes imputabilités ont été clairement distinguées par l’expert dans son rapport ; toute condamnation solidaire est également exclue dès lors que les dispositions légales en matière de responsabilité civile décennale et contractuelle ne la prévoient pas ; l’article L125-2 du code de la construction et de l’habitation dispose que le contrôleur technique n’est tenu vis à vis des constructeurs qu’à concurrence de sa part de responsabilité;
– les sociétés Abscia et Artefact ont commis des fautes en n’émettant aucune réserve sur les variantes et modifications proposées par la société Sogea qui ont contribué aux désordres en cause.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal,
CONDAMNE in solidum les sociétés Exelsia et Sogea nord ouest à payer aux sociétés Siloge et Monlogement 27 unies d’intérêt les sommes suivantes en réparation de leurs préjudices résultant des désordres de chauffage et d’eau chaude sanitaire affectant l’immeuble sis [Adresse 16] et [Adresse 18] à [Localité 6] (27) :
285 627,50 euros H.T. au titre des travaux de reprise du réseau de
chauffage et d’eau chaude sanitaire,
20 000 euros au titre du préjudice moral
1 129,60 euros T.T.C. au titre des frais d’investigations
CONDAMNE la société Sogea nord ouest à payer aux sociétés Siloge et Monlogement 27 unies d’intérêt la somme de 10 500 euros H.T. en réparation du préjudice matériel résultant du défaut d’implantation des thermostats d’ambiance et du défaut d’équilibrage du débit du fluide des radiateurs de l’immeuble sis [Adresse 16] et [Adresse 18] à [Localité 6] (27),
DIT que les sommes exprimées H.T. seront indexées sur l’évolution de l’indice du coût de la construction BT38 entre le 28 octobre 2020 et la date du présent jugement et augmentées de la T.V.A. applicable au jour du présent jugement,
REJETTE la demande indemnitaire au titre de la surconsommation de gaz,
REJETTE toute demande formée à l’encontre de la société Sma,
CONDAMNE la société Apave infrastructures et construction france à garantir les sociétés Exelsia et Sogea à hauteur de 10 % des condamnations prononcées à leur encontre en principal, intérêts, frais irrépétibles et dépens,
DEBOUTE les sociétés Exelsia et Sogea de leurs recours en garantie à l’égard des sociétés Sma, Abscia, Artefact et de la Mutuelle des architectes français,
DEBOUTE la société Apave infrastructures et construction france de ses recours en garantie formé à l’égard des sociétés Abscia, Artefact et de la Mutuelle des architectes français,
DECLARE sans objet le recours en garantie formé par la société Apave infrastructures et construction france à l’encontre de la société Sogea,
DECLARE sans objet les recours en garantie des sociétés Sma, Abscia, Artefact et de la Mutuelle des architectes français,
CONDAMNE la société Siloge à payer à la société Exelsia la somme de 58 381,86 euros au titre du solde du prix de vente de l’immeuble sis angle du [Adresse 16] et de la [Adresse 18] à [Localité 6] (27), lot de volume n°2,
CONDAMNE la société Monlogement 27 à payer à la société Exelsia la somme de 31 225,30 euros au titre du solde du prix de vente de l’immeuble sis angle du [Adresse 16] et de la [Adresse 18] à [Localité 6] (27), lot de volume n°1,
DEBOUTE la société Artefact et la Mutuelle des architectes français de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive,
CONDAMNE in solidum les sociétés Exelsia et Sogea nord ouest aux dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise et les dépens de l’instance en référé avec droit de recouvrement direct au profit des avocats des parties conformément à l’article 699 du Code de procédure civile,
CONDAMNE in solidum les sociétés Exelsia et Sogea nord ouest à payer aux sociétés Siloge et Monlogement 27 unies d’intérêt une indemnité de 20 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNE in solidum les sociétés Exelsia et Sogea nord ouest à payer
à la société Sma, à la société Artefact et son assureur la Mutuelle des architectes français unies d’intérêt, et à la société Abscia, à chacune une indemnité de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE les sociétés Exelsia, Sogea nord ouest et Apave infrastructures et construction france de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire,
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.
En foi de quoi, le présent jugement a été signé par la Présidente et le greffier.
Le greffier, La Présidente,
Aurélie HUGONNIER Marie LEFORT
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