Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Versailles
Thématique : Prise en charge d’une maladie professionnelle : respect des procédures et du contradictoire
→ RésuméRésumé des faits de l’affaireLe 20 septembre 2023, un salarié d’une société a soumis une déclaration de maladie professionnelle à la caisse primaire d’assurance maladie, accompagnée d’un certificat médical attestant d’un syndrome du canal carpien bilatéral. Le 26 septembre 2023, la caisse a informé l’employeur de l’ouverture d’une instruction concernant la maladie de ce salarié, spécifiquement pour un syndrome du canal carpien gauche. Le 17 janvier 2024, après avoir mené des investigations, la caisse a décidé de prendre en charge cette maladie au titre de la législation sur les risques professionnels. L’employeur, contestant cette décision, a saisi la commission de recours amiable, qui a rejeté son recours le 26 avril 2024. Par la suite, l’employeur a porté l’affaire devant le tribunal judiciaire de Versailles le 13 juin 2024, demandant l’inopposabilité de la décision de la caisse. Prétentions et moyens des partiesL’employeur, représenté par son conseil, a demandé au tribunal de déclarer inopposable la décision de la caisse concernant la prise en charge de la maladie de son salarié. Il a soutenu que la caisse n’avait pas respecté le délai de consultation passive et n’avait pas fourni un dossier complet, notamment en omettant de communiquer des certificats médicaux de prolongation et en notifiant des informations contradictoires sur le délai de réponse au questionnaire. De son côté, la caisse a demandé le rejet des demandes de l’employeur, arguant qu’aucune durée spécifique n’était imposée pour la phase de consultation passive et que les certificats médicaux de prolongation n’étaient pas nécessaires pour la reconnaissance de la maladie professionnelle. Analyse de la phase de consultation du dossierSelon l’article R461-9 du code de la sécurité sociale, la caisse doit mettre le dossier à disposition de la victime et de l’employeur, qui disposent d’un délai pour formuler des observations. En l’espèce, la caisse a informé l’employeur de la nécessité de consulter le dossier et de formuler des observations. Toutefois, la décision de prise en charge a été notifiée juste après la fin de cette période de consultation. Le tribunal a estimé que cette phase de consultation n’avait pas d’impact sur le respect du principe du contradictoire, car elle ne permettait pas d’ajouter des éléments au dossier. Sur le contenu du dossierL’article R441-14 du code de la sécurité sociale stipule que le dossier doit contenir des éléments susceptibles de faire grief à l’employeur. Les certificats médicaux de prolongation, qui ne portent pas sur le lien entre la maladie et l’activité professionnelle, ne sont pas requis dans le dossier. Le tribunal a constaté que la caisse n’avait pas à fournir ces certificats, car ils n’avaient pas d’incidence sur la reconnaissance de la maladie professionnelle. De plus, le questionnaire rempli par le salarié était bien présent dans le dossier consultable par l’employeur. Sur le délai pour compléter le questionnaireLa caisse a respecté les délais prévus par la réglementation pour l’envoi et la relance du questionnaire à l’employeur. Bien que l’employeur ait reçu un courrier de relance mentionnant un délai de 15 jours, il avait déjà été informé du délai de 30 jours dans un courrier antérieur. Le tribunal a noté que l’employeur avait finalement rempli le questionnaire dans les délais impartis, ce qui a permis à la caisse de prendre en compte ses observations. Conclusion et décision du tribunalLe tribunal a déclaré opposable à l’employeur la décision de la caisse de prendre en charge la maladie du salarié, considérant que toutes les procédures avaient été respectées. L’employeur a été condamné aux dépens de l’instance, et le tribunal a décidé qu’il n’y avait pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire de la décision. |
Pôle social – N° RG 24/00890 – N° Portalis DB22-W-B7I-SEZN
Copies certifiées conformes délivrées,
le :
à :
– S.A.S.U. [5]
– CPAM DE L’ARTOIS
– Me Yasmina BELKORCHIA
N° de minute :
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
POLE SOCIAL
CONTENTIEUX GENERAL DE SECURITE SOCIALE
JUGEMENT RENDU LE MARDI 04 FEVRIER 2025
N° RG 24/00890 – N° Portalis DB22-W-B7I-SEZN
Code NAC : 89E
DEMANDEUR :
S.A.S.U. [5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Maître Yasmina BELKORCHIA, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant, substituée par Maître Myriam SANCHEZ, avocat au barreau de PARIS
DÉFENDEUR :
CPAM DE L’ARTOIS
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Monsieur [T] [W], muni d’un pouvoir régulier
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Madame Béatrice THELLIER, Juge
Monsieur Michel FAURE, Représentant des salariés
Monsieur Jean-Luc PESSEY, Représentant des employeurs et des travailleurs indépendants
Madame Valentine SOUCHON, Greffière
DEBATS : A l’audience publique tenue le 05 Décembre 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 04 Février 2025.
Pôle social – N° RG 24/00890 – N° Portalis DB22-W-B7I-SEZN
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Le 20 septembre 2023, M. [B], salarié de la société [5], a transmis à la caisse primaire d’assurance maladie de l’Artois (la caisse) une déclaration de maladie professionnelle, accompagnée d’un certificat médical initial établi le 12 septembre 2023 faisant état d’un « syndrome du canal carpien bilatéral ».
Le 26 septembre 2023, la caisse a informé la société [5] de l’ouverture d’une instruction relative à une maladie de ce salarié au titre d’un syndrome du canal carpien gauche.
Le 17 janvier 2024, après instructions, la caisse a notifié à la société [5] sa décision de prise en charge de cette maladie (« syndrome du canal carpien gauche ») inscrite dans le « tableau n°57 : affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail » au titre de la législation sur les risques professionnels.
Contestant cette décision de la caisse, la société [5] a saisi la commission de recours amiable (CRA) qui, dans sa séance du 26 avril 2024, a rejeté son recours.
Par requête reçue au greffe le 13 juin 2024, la société [5] a alors saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles aux fins d’inopposabilité de la décision de la caisse de prise en charge de la maladie de son salarié, M. [B].
Après mise en état de l’affaire, celle-ci a été évoquée à l’audience du 5 décembre 2024.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La société [5], représentée par son conseil à l’audience, reprenant oralement les prétentions contenues dans ses dernières conclusions, demande au tribunal, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de lui déclarer inopposable la décision de la caisse de prendre en charge la maladie déclarée par M. [B] au titre de la législation sur les risques professionnels.
La société [5] fait tout d’abord valoir, au visa de l’article R461-9 du code de la sécurité sociale, que la caisse n’a pas respecté le délai de consultation « passive » à son égard en prenant en charge la maladie déclarée par le salarié par décision en date du 17 janvier 2024, soit le surlendemain de l’expiration du délai de consultation avec observation.
Elle fait ensuite valoir, au visa de l’article R441-14 du code de la sécurité sociale, que la caisse n’a pas mis à sa disposition un dossier complet. Plus précisément, elle lui reproche l’absence de mise à disposition des certificats médicaux de prolongation ainsi que le questionnaire rempli par l’assuré.
Elle fait enfin valoir, au visa de l’article R461-9 du code de la sécurité sociale, que la caisse a méconnu le principe du contradictoire en lui notifiant des informations contradictoires s’agissant de son délai pour remplir le questionnaire, lui indiquant un délai de 30 jours par courrier du 26 septembre 2023, puis un délai de 15 jours par courrier du 10 octobre 2023.
La caisse, représentée par son mandataire à l’audience, reprenant oralement les prétentions contenues dans ses dernières conclusions, demande au tribunal de débouter la société [5] de l’ensemble de ses demandes.
Elle fait valoir, au visa de l’article R441-8 du code de la sécurité sociale, qu’aucune durée spécifique n’est imposée pour la phase de consultation « passive » du dossier et soutient que seul un manquement au délai réglementaire de 10 jours francs au cours duquel l’employeur peut faire des observations pourrait conduire à l’inopposabilité de la décision.
S’agissant de la mise à disposition d’un dossier complet, elle soutient, au visa de l’article R441-14 du code de la sécurité sociale et d’un arrêt de la Cour de cassation en date du 16 mai 2024, que les certificats médicaux de prolongation n’ayant pas d’incidence sur la question de l’origine professionnelle de la maladie du salarié elle n’a pas à les communiquer au dossier. Elle ajoute que le questionnaire rempli par l’assuré figurait bien aux pièces du dossier consultable par la société.
Enfin, s’agissant du délai imparti à la société pour remplir le questionnaire, elle rappelle qu’elle l’a invité par courrier en date du 26 septembre 2023 à remplir le document de façon dématérialisée sous un délai de 30 jours. Elle précise que la société n’ayant pas rempli son questionnaire, elle l’a alors relancée par un courrier en date du 10 octobre 2023, accompagné d’un questionnaire en version papier, lui demandant de le remplir sous un délai de 15 jours, correspondant au délai résiduel. Elle ajoute que la société lui a adressé en ligne le 6 novembre 2023 le questionnaire complété qui a été joint au dossier.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,
DECLARE opposable à la société [5] la décision de la caisse primaire d’assurance maladie de l’Artois en date du 17 janvier 2024 prenant en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, la maladie déclarée le 20 septembre 2023 par M. [H] [B] au titre d’un « syndrome du canal carpien gauche »,
CONDAMNE la société [5] aux entiers dépens,
DIT n’y avoir lieu au prononcé de l’exécution provisoire.
La Greffière La Présidente
Madame Valentine SOUCHON Madame Béatrice THELLIER
Laisser un commentaire