Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion, 21 novembre 2024, RG n° 24/00344
Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion, 21 novembre 2024, RG n° 24/00344

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion

Thématique : Validité des congés et contestations des clauses résolutoires dans les baux commerciaux

Résumé

Faits

Monsieur [K] [U] a donné à bail commercial un terrain de 6.500 m² à l’EARL Productions Agricoles de Bourbon le 15 décembre 1991, avec un loyer mensuel de 8.700 francs. Ce bail a été tacitement prolongé. Le 22 juin 2023, Monsieur [K] [U] et Madame [T] [U] ont donné congé à l’EARL pour le 31 décembre 2023 et ont délivré un commandement pour défaut d’assurance. Le 16 avril 2024, un commandement de payer les loyers a été délivré, visant la clause résolutoire.

Procédure

Les consorts [U] ont assigné l’EARL Productions Agricoles de Bourbon devant le juge des référés le 8 juillet 2024, demandant la validation du congé, la constatation de la résiliation du bail, et l’expulsion de l’EARL. Ils ont également réclamé des indemnités pour occupation et des dommages-intérêts. L’EARL a contesté ces demandes, arguant que le commandement de payer était nul et que le bail en vigueur était celui du 15 décembre 1993, non mentionné dans le commandement.

Prétentions des consorts [U]

Les consorts [U] soutiennent que le congé a été donné régulièrement et que l’EARL occupe les lieux sans droit ni titre. Ils contestent également l’existence d’un second bail et estiment que la clause résolutoire est acquise. Ils demandent le rejet des demandes de l’EARL, affirmant que le commerce n’a aucune valeur marchande et que les loyers réclamés sont erronés.

Prétentions de l’EARL Productions Agricoles de Bourbon

L’EARL conteste les demandes des consorts [U], affirmant que le commandement de payer est nul en raison de l’invalidité du bail mentionné. Elle soutient avoir toujours payé les loyers et conteste les montants réclamés, invoquant la prescription quinquennale. L’EARL demande également des dommages-intérêts pour préjudice moral.

Motifs de la décision

Le juge des référés a constaté l’existence de contestations sérieuses concernant la validité des commandements délivrés par les consorts [U]. Les commandements étaient fondés sur un bail non en vigueur, rendant leur demande d’expulsion irrecevable. De plus, l’EARL n’a pas été considérée comme occupant sans droit ni titre, et aucune preuve de préjudice n’a été apportée par les deux parties.

Conclusion

Le juge a renvoyé les parties à mieux se pourvoir, condamnant les consorts [U] aux dépens et leur ordonnant de verser 2.000 € à l’EARL au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

MINUTE N°

CHAMBRE DES REFERES
AFFAIRE N° RG 24/00344 – N° Portalis DB3Z-W-B7I-GYOW
NAC : 30B

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

AUDIENCE DU 21 Novembre 2024

DEMANDEURS

M. [K] [U]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Rep/assistant : Me Lynda LEE MOW SIM-WU TAO SHEE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Mme [T] [U]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Rep/assistant : Me Lynda LEE MOW SIM-WU TAO SHEE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DEFENDERESSE

E.A.R.L. PRODUCTIONS AGRICOLES DE BOURBON Prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 3]
Rep/assistant : Me Cynthia LAGOURGUE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

LORS DES DÉBATS :

Président : Catherine VANNIER
Greffier : Isabelle SOUNDRON 
Audience Publique du : 31 Octobre 2024

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Ordonnance prononcée le 21 Novembre 2024 , par décision contradictoire en premier ressort, et par mise à disposition au greffe de la juridiction par Madame Catherine VANNIER, Première Vice-présidente, assistée de Madame Marina GARCIA, Greffier 

Copie exécutoire à Maître LAGOURGUE délivrée le :
Copie certifiée conforme à Maître LEE MOW SIM délivrée le :

FAITS PROCEDURE PRETENTIONS

Par acte sous seing privé en date du 15 décembre 1991, Monsieur [K] [U] a donné à bail commercial à l’EARL Productions Agricoles de Bourbon un terrain d’une superficie d’environ 6.500 m² située sur la commune de [Localité 4] moyennant un loyer mensuel de 8.700 francs. Ce bail a été tacitement prolongé.

Par acte d’huissier du 22 juin 2023, Monsieur [K] [U] et Madame [T] [U] ont donné congé à l’EARL Productions Agricoles de Bourbon pour le 31 décembre 2023. Le même jour, ils faisaient délivrer un commandement pour défaut d’assurance.

Le 16 avril 2024, ils faisaient délivrer à l’EARL Productions Agricoles de Bourbon un commandement de payer les loyers visant la clause résolutoire.

Estimant que la situation n’avait pas été régularisée par l’EARL Productions Agricoles de Bourbon, les consorts [U] ont, par acte de commissaire de justice en date du 8 juillet 2024, fait assigner l’EARL Productions Agricoles de Bourbon devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Saint Denis pour voir :
Juger que le congé délivré à l’EARL Productions Agricoles de Bourbon le 22 juin 2023 est parfaitement régulier et valable,Constater que par l’effet du commandement en date du 16 avril 2024, la clause résolutoire contenue au bail est acquise à la date du 17 mai 2024,Dès lors,
Juger que le bail conclu le 15 décembre 1991 est résilié et que l’EARL Productions Agricoles de Bourbon occupe sans droit ni titre le bien donné à bail,En conséquence,
Ordonner l’expulsion de l’EARL Productions Agricoles de Bourbon ainsi que de tous occupants de son chef avec au besoin le concours de la force publique, et sous astreinte de 500 € par jour de retard passé le délai de huit jours à compter de la signification de la décision à intervenir,Condamner l’EARL Productions Agricoles de Bourbon prise en la personne de son représentant légal à payer par provision une indemnité mensuelle d’occupation 1.326 € à compter de la résiliation du bail et jusqu’à la libération effective des lieux,Condamner l’EARL Productions Agricoles de Bourbon prise en la personne de son représentant légal à payer la somme provisionnelle de 20.679,91 € assortis du taux d’intérêt légal,Condamner l’EARL Productions Agricoles de Bourbon prise en la personne de son représentant légal à payer la somme provisionnelle de 5.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,Condamner l’EARL Productions Agricoles de Bourbon prise en la personne de son représentant légal au paiement de la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens du présent référé y compris le coût des commandements de payer demeurés infructueux,Ordonner que l’exécution de l’ordonnance de référé à intervenir aura lieu au seul vu de la minute.
Les consorts [U] estime que le congé a été régulièrement donné à l’EARL Productions Agricoles de Bourbon six mois à l’avance. Le preneur n’a pas jugé utile de saisir le tribunal en contestation de ce congé en demande paiement d’une indemnité d’éviction. Le congé étant parfaitement régulier et valable, le preneur occupe aujourd’hui les lieux sans droit ni titre justifiant son expulsion.

De même, les consorts [U] ont fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire à l’EARL Productions Agricoles de Bourbon demeuré infructueux. Ils contestent par ailleurs l’existence d’un second bail produit par la défenderesse. Ils ont, à cet égard, déposé plainte pour faux et usage de faux. Ils ajoutent que leurs demandes au titre de l’indemnité d’éviction est totalement injustifiée estimant que le commerce n’a aucune valeur marchande. Ils estiment en conséquence que la clause résolutoire est acquise au 17 mai 2024 faute de régularisation. Ils sollicitent en conséquence le rejet des demandes de l’EARL Productions Agricoles de Bourbon.

L’EARL Productions Agricoles de Bourbon s’oppose à ces demandes. Elle estime que le commandement de payer du 16 avril 2024 est nul pour avoir fait référence à la clause résolutoire contenue dans le bail signé le 15 décembre 1991. Or, ce bail avait été remplacé par le bail commercial souscrit le 15 décembre 1993 par les mêmes parties, portant sur les mêmes biens, mais dont le montant du loyer avait été revu à la baisse en raison de travaux non effectués. Le commandement de payer visant la clause résolutoire aurait dû mentionner le bail commercial actuellement en vigueur soit celui du 15 décembre 1993. Il s’agit donc d’une irrégularité qui constitue une contestation sérieuse empêchant la juridiction de constater l’acquisition de la clause résolutoire incluse dans le commandement de payer. En outre la reproduction de cette clause résolutoire dans le commandement est totalement illisible. Dès lors la clause résolutoire visée dans commandement ne peut être acquise.

Par ailleurs l’EARL Productions Agricoles de Bourbon conteste les sommes réclamées. Les consorts [U] réclament les loyers et charges impayées résultant de la conversion du franc à l’euro. L’EARL Productions Agricoles de Bourbon a versé pendant 22 ans la somme mensuelle de 1.250,09 €. Il ne lui a jamais été demandé de verser la somme de 1.326 €. Or, lors du passage à l’euro, le bailleur a déterminé lui-même la conversion pour établir le montant mensuel du loyer à la somme de 1.250,09 € et non 1.249,69 €. Elle soulève la prescription quinquennale qui empêche toute condamnation sur des arriérés de loyers et charges antérieurs à avril 2019. De plus, le bailleur a toujours fourni des quittances de loyer dûment signé par lui de sorte qu’il n’existe aucun arriéré de loyer et charges. Elle a toujours payé les loyers et charges jusqu’à ce jour. Le commandement de payer doit être déclaré nul en raison de l’absence d’arriérés de loyers et de charges impayés par le locataire. Elle estime le bailleur de mauvaise foi.

Au surplus, il n’entre pas dans les pouvoirs du juge des référés de voir prononcer la résiliation du bail commercial. En conséquence, le juge des référés ne peut déclarer le congé délivré le 22 juin 2023 comme étant parfaitement régulier et valable et ne peut dès lors le valider. De même la demande de paiement d’une indemnité d’occupation sera rejetée, en l’absence de résiliation du bail, tout comme la demande de condamnation à la somme provisionnelle de 5.000 € à titre de dommages-intérêts. Ces demandes font l’objet de contestations sérieuses qui ne peuvent être tranchées par le juge des référés, juge de l’évidence. Il appartenait dès lors au bailleur de saisir le tribunal judiciaire statuant sur le fond afin de trancher le litige.

L’EARL Productions Agricoles de Bourbon sollicite condamnation des consorts [U] à lui verser la somme provisionnelle de 1.500 € pour le préjudice moral subi. Elle sollicite en outre leur condamnation à lui verser la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

Nous, Juge des référés, statuant par ordonnance contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe :

CONSTATONS l’existence de contestations sérieuses,

RENVOYONS les parties à mieux se pourvoir,

CONDAMNONS Monsieur [K] [U] et Madame [T] [U] aux dépens,

CONDAMNONS Monsieur [K] [U] et Madame [T] [U] à payer à l’EARL Productions Agricoles de Bourbon la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Ainsi prononcé les jour, mois et an indiqués ci-dessus, et signé du Président et du Greffier.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE

 


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