Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Poitiers
Thématique : Reconnaissance d’une pathologie professionnelle : conditions et procédures à suivre
→ RésuméContexte de l’affaireUn conducteur d’engins, employé par la société GUINTOLI, a déclaré une maladie professionnelle le 20 juillet 2022, se plaignant de douleurs aux épaules, en particulier à droite, avec suspicion de tendinopathie. Un certificat médical initial a été établi par un médecin, confirmant ces douleurs. Décision de la CPAMLe 27 février 2023, le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP) a rendu un avis défavorable à la reconnaissance de la maladie professionnelle, estimant qu’il n’y avait pas de lien de causalité direct entre la pathologie et l’exposition professionnelle. En conséquence, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) a notifié un refus de prise en charge le 1er mars 2023. Recours et décisions judiciairesLe conducteur d’engins a contesté cette décision en saisissant la Commission de recours amiable (CRA) le 15 mars 2023, mais celle-ci a rejeté son recours lors de sa séance du 25 mai 2023. Par la suite, il a saisi le tribunal judiciaire de Poitiers le 25 juillet 2023 pour contester le rejet de la CRA. Arguments des partiesLe conducteur d’engins a demandé au tribunal de reconnaître sa maladie comme professionnelle, en se basant sur les conditions du tableau n° 57 des maladies professionnelles. Il a également demandé la désignation d’un nouveau CRRMP pour examiner le lien de causalité entre sa pathologie et son activité professionnelle. En défense, la CPAM a soutenu que le recours était mal fondé, arguant que les conditions du tableau n° 57 n’étaient pas remplies. Analyse des conditions de reconnaissanceLe tribunal a examiné si les conditions du tableau n° 57 des maladies professionnelles étaient respectées. Bien que le délai de prise en charge ait été respecté, la condition relative à la liste limitative des travaux n’a pas été établie. Les éléments fournis par le conducteur d’engins n’ont pas permis de prouver de manière concluante que ses mouvements correspondaient aux critères requis. Désignation d’un second CRRMPÉtant donné que le différend concernait la reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie sans que toutes les conditions soient remplies, le tribunal a décidé de désigner le CRRMP d’Occitanie pour obtenir un second avis sur la pathologie déclarée. Conclusion du tribunalLe tribunal a déclaré l’action du conducteur d’engins recevable, a constaté que la condition relative à la liste limitative des travaux n’était pas remplie, et a ordonné la désignation d’un nouveau CRRMP pour évaluer la situation. Les autres demandes des parties ont été réservées, et l’affaire a été renvoyée à la mise en état. |
MINUTE N°25/00052
JUGEMENT DU 3 FÉVRIER 2025
N° RG 23/00270 – N° Portalis DB3J-W-B7H-GCMT
AFFAIRE : [J] [R] C/ CPAM DE LA VIENNE
TRIBUNAL JUDICIAIRE de POITIERS
PÔLE SOCIAL
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT DU 3 FÉVRIER 2025
DEMANDEUR
Monsieur [J] [R], né le 24 avril 1992, demeurant 7 route du Clan – 86170 NEUVILLE-DE-POITOU,
représenté par Maître Géraldine BISSON, avocate au barreau de PARIS ;
DÉFENDERESSE
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA VIENNE dont le siège est sis 41 rue du Touffenet – 86043 POITIERS CEDEX 9,
représentée par Madame [U] [W], munie d’un pouvoir ;
DÉBATS
A l’issue des débats en audience publique le 3 décembre 2024, le tribunal a indiqué que le jugement sera prononcé par mise à disposition au Greffe le 3 février 2025.
COMPOSITION DU TRIBUNAL
PRÉSIDENTE : Nicole BRIAL,
ASSESSEUR : Laëtitia RIVERON, représentant les employeurs, ayant uniquement voix consultative en l’absence de Francis FERNANDEZ, représentant les salariés, empêché;
GREFFIER, lors des débats et de la mise à disposition au greffe : Stéphane BASQ.
LE : 03/02/2025
Notifications à :
– M. [J] [R]
– CPAM DE LA VIENNE
Copie à :
– Me Géraldine BISSON
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [J] [R] exerce la fonction de conducteur d’engins au sein de la société GUINTOLI. Il est affilié à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) de la Vienne.
Le 20 juillet 2022, Monsieur [R] a déclaré une maladie professionnelle consistant en « douleurs aux deux épaules surtout à droite avec suspicion de tendinopathie en cours de bilan suite à la conduite d’un bull de production équipé d’une charrue ».
Le certificat initial établi le 4 juillet 2022 par le Docteur [F] [O] mentionne « douleurs des deux épaules, surtout à droite, avec suspicion tendinopathie en cours de bilan ».
Le 27 février 2023, le CRRMP a rendu un avis défavorable à la reconnaissance de la maladie professionnelle de Monsieur [R] en considérant que les éléments de preuve d’un lien de causalité direct entre la pathologie déclarée et l’exposition professionnelle incriminée n’étaient pas réunis.
Par courrier du 1er mars 2023, la CPAM a notifié à Monsieur [R] une décision de refus de prise en charge de sa maladie du 4 juillet 2022 au titre de la législation sur les risques professionnels, conformément à l’avis rendu par le CRRMP.
Par courrier du 15 mars 2023, Monsieur [R] a saisi la Commission de recours amiable (CRA) de la CPAM en contestation de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de Monsieur [R].
Lors de sa séance du 25 mai 2023, la CRA a rejeté le recours de Monsieur [R].
Par requête date du 25 juillet 2023, Monsieur [R] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Poitiers en contestation de la décision explicite de rejet de la CRA.
Par ordonnance du 21 mars 2024, le juge de la mise en état a organisé les échanges de conclusions et pièces entre les parties, et a fixé la clôture des débats au 18 novembre 2024 ainsi que les plaidoiries à l’audience du 3 décembre 2024.
Lors de cette audience, les parties ont donné leur accord pour que le tribunal statue à juge unique en l’absence de l’un des assesseurs le composant.
Monsieur [J] [R], représenté par son conseil, a demandé au tribunal de :
Déclarer recevable la requête de Monsieur [J] [R] ;
A titre principal,
Constater que Monsieur [J] [R] remplit l’ensemble des conditions du tableau n° 57 du régime général des maladies professionnelles ; Dire et juger en conséquence que la pathologie déclarée par certificat médical initial du 4 juillet 2022 (tendinopathie de la coiffe des rotateurs droite) doit donc faire l’objet d’une prise en charge au titre de la législation professionnelle ; Renvoyer Monsieur [J] [R] devant la CPAM de la Vienne pour la liquidation de ses droitsA titre subsidiaire,
Désigner avant dire droit, conformément aux dispositions de l’article R. 142-17-2 du code de la sécurité sociale, un nouveau CRRMP afin qu’il se prononce sur le lien de causalité entre la pathologie décrite dans le certificat médical initial du 4 juillet 2022 et sur l’activité professionnelle de Monsieur [J] [R] ; Enjoindre à la CPAM de la Vienne de communiquer l’entier dossier médical de Monsieur [J] [R] à ce nouveau CRRMP, c’est-à-dire à lui adresser l’intégralité des pièces énumérées à l’article D. 461-29 du code de la sécurité sociale, ainsi que le dossier de la présente procédure ; Renvoyer les parties à une audience ultérieureEn tout état de cause,
Condamner la CPAM de la Vienne à verser à Monsieur [R] la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre à rembourser les dépens.
A l’appui de ses prétentions, Monsieur [J] [R] s’est fondé sur les articles L. 461-1 et R. 142-17-2 du code de la sécurité sociale et sur le tableau n° 57 des maladies professionnelles pour soutenir que la présomption d’imputabilité devait lui être appliquée dès lors qu’il remplissait toutes les conditions, et qu’à défaut, un second CRRMP devait être désigné.
En défense, la CPAM de la Vienne, valablement représentée, a demandé au tribunal de :
A titre principal,
Déclarer les écritures de la Caisse recevables et bien fondées ; Déclarer le recours formé par Monsieur [R] recevable mais mal fondé ; Juger que la condition tenant à la liste limitative des travaux du tableau n° 57 A des maladies professionnelles n’est pas remplie ; Juger que le dossier de l’assuré devait être transmis au Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles afin qu’il se prononce sur le caractère professionnel de la maladie ; Entériner l’avis du Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles en date du 27 février 2023 ; Juger que la caisse était tenue de notifier à Monsieur [R] un refus de prise en charge de sa maladie au titre de la législation sur les risques professionnels ; Juger que la maladie de Monsieur [R] ne relève pas de la législation sur les risques professionnels ; Débouter Monsieur [R] de sa demande de condamnation de la caisse au paiement des dépens ;A titre subsidiaire,
Ordonner la saisine du CRRMP de Toulouse
Au soutien de ses intérêts, la CPAM de la Vienne s’est fondée sur les articles L. 461-1 et R. 142-17-2 du code de la sécurité sociale, ainsi que sur le tableau n° 57 des maladies professionnelles pour faire valoir que le CRRMP avait rendu un avis défavorable à la reconnaissance de la maladie professionnelle de Monsieur [R], de sorte que la Caisse ne pouvait que conclure au refus de la prise de la charge de sa maladie.
A l’issue de l’audience, la décision a été mise en délibéré au 3 février 2025, par mise à disposition au greffe.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal judiciaire, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort,
DECLARE l’action de Monsieur [J] [R] recevable ;
DECLARE que la condition tenant à la liste limitative des travaux du tableau n° 57 A des maladies professionnelles n’est pas remplie ;
DESIGNE le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles d’Occitanie afin de donner un second avis sur le caractère professionnel ou non de la pathologie déclarée par Monsieur [J] [R] ;
DIT que le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles devra notifier sa décision au Pôle social du Tribunal judiciaire de Poitiers ;
SURSOIT A STATUER dans l’attente de l’avis du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles ;
RESERVE les autres demandes de chacune des parties ;
ORDONNE le renvoi de l’affaire à la mise en état.
Ainsi dit et jugé les jour, mois et an susdits.
Le Greffier, La Présidente,
Stéphane BASQ Nicole BRIAL
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