Tribunal judiciaire de Paris, 4 février 2025, RG n° 24/57870
Tribunal judiciaire de Paris, 4 février 2025, RG n° 24/57870

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris

Thématique : Retards de travaux et préjudices locatifs : enjeux de responsabilité en copropriété

Résumé

Contexte de l’affaire

Dans cette affaire, une société civile immobilière (SCI) a consenti un bail commercial à une société exploitant un restaurant. En novembre 2022, l’assemblée générale des copropriétaires de l’immeuble a voté des travaux de ravalement, entraînant l’installation d’échafaudages qui ont causé des préjudices aux sociétés concernées.

Demande des sociétés demanderesses

Les sociétés demanderesses, à savoir la SCI et la société exploitant le restaurant, ont assigné le syndicat des copropriétaires et la société de maîtrise d’œuvre en référé. Elles ont demandé la condamnation in solidum des défendeurs à verser des provisions pour compenser les pertes d’exploitation et les revenus locatifs, ainsi que la désignation d’un expert pour évaluer les préjudices subis.

Arguments des défendeurs

Le syndicat des copropriétaires a contesté la recevabilité des demandes, arguant que les sociétés demanderesses n’avaient pas respecté l’obligation de tenter une conciliation préalable. De son côté, la société de maîtrise d’œuvre a soutenu que les préjudices allégués n’étaient pas prouvés et que la responsabilité ne pouvait lui être imputée.

Décision du tribunal

Le tribunal a rejeté la demande de déclaration d’irrecevabilité du syndicat des copropriétaires, considérant que les sociétés demanderesses n’étaient pas tenues de procéder à une conciliation préalable. Cependant, il a également rejeté les demandes d’expertise et de provision, estimant que les préjudices n’étaient pas suffisamment établis et que le lien de causalité entre les échafaudages et les pertes alléguées n’était pas démontré.

Conclusion et conséquences

En conséquence, le tribunal a condamné in solidum les sociétés demanderesses aux dépens de l’instance, sans accorder de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La décision a été rendue exécutoire par provision, marquant ainsi la fin de cette procédure en référé.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/57870 – N° Portalis 352J-W-B7I-C6I3D

AS M N° : 12

Assignation du :
14 Novembre 2024

[1]

[1] 3 Copies exécutoires
délivrées le:

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 04 février 2025

par Sophie COUVEZ, Vice-présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, assistée de Anne-Sophie MOREL, Greffier.
DEMANDERESSES

S.A.S. CACCIARI FILS
[Adresse 2]
[Localité 6]

S.C.I. CACCIARI
[Adresse 8]
[Localité 1]

représentées par Me Stéphanie FROGER, avocat au barreau de PARIS – #P0483

DEFENDERESSES

Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2], représenté par son syndic en exercice le cabinet MPA SYNDIC
[Adresse 4]
[Localité 5]

représentée par Me Audrey FERTINEL, avocat au barreau de PARIS – #E1567

S.A.R.L. DITO GC
[Adresse 3]
[Localité 7]

représentée par Maître Oz rahsan VARGUN de la SELARL OZ & IZ, avocats au barreau de PARIS – #E2072, Me Florence FAURE, avocat au barreau de VERSAILLES

DÉBATS

A l’audience du 17 Décembre 2024, tenue publiquement, présidée par Sophie COUVEZ, Vice-présidente, assistée de Anne-Sophie MOREL, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

Par acte sous seing privé en date du 1er juillet 2005, la SCI Cacciari a consenti un bail commercial à la société Cacciari fils sur des locaux situés [Adresse 2].

L’assemblée générale des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2] du 10 novembre 2022 a voté la réalisation de travaux de ravalement, couverture, serrurerie et menuiseri côté rue ainsi que des travaux de ravalement côté courette.

La maîtrise d’œuvre des travaux a été confiée à la société Dito GC.

Exposant subir des préjudices du fait de la présence des échafaudages nécessaire à l’exécution des travaux de ravalement qui ont été installés en novembre 2023 côté rue et en janvier 2024 côté courette et, qui sont, en raison des retards pris dans les travaux, toujours en place, la SCI Cacciari et la société Cacciari fils ont, par actes de commissaire de justice en date du 14 novembre 2024, fait assigner la société Dito GC et le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2] représenté par son syndic, la société Cabinet MPA syndic, devant le président du tribunal judiciaire de Paris statuant en référé aux fins d’obtenir, au visa de l’article 835 du code de procédure civile, des articles 9, 10-1 et 14 de la loi du 10 juillet 1965 et de l’article 145 du code de procédure civile :

– La condamnation in solidum du syndicat des copropriétaires et de la société Ataa Dito à régler à titre provisionnel la somme de 40 000 euros à la société Cacciari fils et la somme de 5 622 euros à la SCI Cacciari,
– La désignation d’un expert
– La condamnation in solidum du syndicat des copropriétaires et de la société Ataa Dito à leur verser chacune la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Cette affaire a été appelée à l’audience du 17 décembre 2024.

Lors de cette audience, dans leurs écritures déposées et soutenues oralement par leur conseil, la société Cacciari fils et la SCI Cacciari ont demandé au juge des référés de :

– Condamner in solidum le syndicat des copropriétaires et la société Ataa Dito à régler à titre provisionnel la somme de 40 000 euros à la société Cacciari fils,
– Condamner le syndicat des copropriétaires à régler à titre provisionnel la somme de 11 400 euros à la SCI Cacciari,
– Juger que la SCI Cacciari sera dispensée de toute participation à la dépense commune des frais de procédure, conformément à l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965,
– Ordonner une expertise judiciaire,
– Condamner le syndicat des copropriétaires à leur verser chacune la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner in solidum le syndicat des copropriétaires et la société Ataa Dito aux entiers dépens.

Elles ont, oralement, précisé ne pas maintenir leur demande de condamnation in solidum des sociétés défenderesses de paiement d’une provision de 40 000 euros à la société Cacciari fils.

A l’appui de leurs demandes, les sociétés demanderesses exposent subir des préjudices du fait des travaux de ravalement qui ont été votés par l’assemblée générale des copropriétaires du 10 novembre 2022 en raison de la présence des échafaudages et ce d’autant que les travaux ont pris du retard.

Elles précisent que le préjudice subi par la société Cacciari fils est constitué par la perte d’exploitation de son restaurant et celui de la SCI Cacciari par la perte des revenus locatifs, la société Cacciari fils ayant été dans l’impossibilité de lui régler ses loyers depuis plusieurs mois en raison de la diminution de son chiffre d’affaires.

Elles arguent que la responsabilité du syndicat des copropriétaires ne saurait être contestée, dès lors qu’il résulte des articles 9 et 14 de la loi du 10 juillet 1965 qui sont d’ordre public que le syndicat des copropriétaires est responsable de plein droit des préjudices subis par un copropriétaire ou un occupant de l’immeuble trouvant son origine dans les parties communes et qu’en conséquence un copropriétaire qui subit un préjudice en lien avec l’exécution de travaux en parties communes a un droit acquis à percevoir du syndicat des copropriétaires une indemnité pouvant être provisionnelle dans l’attente du chiffrage définitif du préjudice.

Elles soutiennent que la responsabilité de la société Dito DC, en sa qualité de maître d’œuvre, peut également être engagée sur le fondement de l’article 1240 du code civil.

Dans ses écritures déposées et soutenues oralement par son conseil, le syndicat des copropriétaires demande au juge des référés de :

 » DECLARER irrecevables la SCI CACCIRI et la société CACCIRI FILS en leur demandes,

En tout état de cause,

DIRE n’y avoir lieu à référé,

DEBOUTER la SCI CACCIRI et la société CACCIRI FILS de l’ensemble de leurs demandes,

CONDAMNER in solidum la SCI CACCIRI et la société CACCIRI FILS à verser au syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] à [Localité 6] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER in solidum la SCI CACCIRI et la société CACCIRI FILS aux entiers dépens de l’instance « .

Le syndicat des copropriétaire soutient que le fondement de l’action de la société Cacciari fils ne peut être que le trouble anormal du voisinage et que le fondement de l’action de la SCI Cacciari est également par voie de ricochet le trouble anormal de voisinage puisqu’elle ne résulte pas en réalité directement des travaux réalisés dans les parties communes permettant de se fonder sur l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965 mais d’un défaut de paiement qui tirerait son origine dans les troubles de voisinage subi par le preneur.

Il considère, en conséquence, qu’en application de l’article 750-1 du code de procédure, les sociétés demanderesses auraient dû organiser, avant la saisine de la juridiction des référés une tentative de conciliation ou de médiation préalable, de sorte que leurs demandes sont irrecevables.

A titre subsidiaire, le syndicat des propriétaires fait valoir que les sociétés demanderesses ne justifient pas de la nécessité d’une expertise ni pour établir la responsabilité du syndicat des copropriétaires, ni pour déterminer les préjudices subis, la perte d’exploitation pouvant être établie à l’aide d’éléments comptables.

Il conclut, en conséquence, à l’absence d’un motif légitime.

Dans ses conclusions déposées et soutenues oralement par son conseil, la société Dito GC a sollicité :

– le débouté de la société Cacciari Fils et la SCI Cacciari de leurs demandes,
– à titre subsidiaire,
o le donné acte de ses plus expresses protestations et réserves sur la demande d’expertise,
o la suppression de la mission de l’expert les éléments de missions suivants :

 » Évaluer le montant des préjudices matériels et immatériels subis par la SASU CACCIARI fils d’une part et la SCI CACCIARI d’autre part « ,
 » Plus généralement, dire si les travaux exécutés sont conformes aux normes en la matière et aux règles de l’art « ,

– En tout état de cause,
o le débouté de la société Cacciari fils et la SCI Cacciari de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens,
o Leur condamnation solidaire à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Pour s’opposer aux demandes, la société Dito GC fait valoir que le préjudice allégué par la société Cacciari fils de perte d’exploitation n’est pas établi, alors que la baisse de son chiffre d’affaires peut aussi s’expliquer par l’accueil des jeux olympiques et que son chiffre d’affaires ne cesse de diminuer depuis l’année 2021, ce qui explique qu’elle ne parvient plus à régler ses loyers.
Elle souligne que l’absence de diagnostic préalable ne saurait être imputée au maître d’œuvre, cette mission ne lui ayant pas été confiée par le maître d’ouvrage et qu’il ne lui a pas non plus été confié la mission ordonnancement, pilotage, coordination.

Elle conclut que les sociétés demanderesses échouent à rapporter la preuve d’un motif légitime de nature à justifier une mesure d’expertise judiciaire sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, elle demande à ce que le chef de mission relatif à la conformité des travaux aux normes en la matière et aux règles de l’art soit écarté, dès lors qu’aucun désordre n’est invoqué par les demanderesses.

Elle sollicite également la suppression du chef de mission de l’expert relatif à l’évaluation du montant des préjudices matériels et immatériels dans la mesure où ce chiffrage doit être présenté par les demanderesses elles-mêmes, puis soumis à l’avis de l’expert.

Conformément à l’article 446-1 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance et aux écritures déposées et développées oralement à l’audience.

A l’issue de l’audience, la décision a été mise en délibéré au 4 février 2025.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et en premier ressort ,

Rejetons la demande du syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2] représenté par son syndic, la société Cabinet MPA syndic tendant à déclarer irrecevables les demandes de la SCI Cacciari et de la société Cacciri fils sur le fondement de l’article 750-1 du code de procédure civile ;

Rejetons la demande de la SCI Cacciari et de la société Cacciari fils d’expertise judiciaire ;

Disons n’y avoir lieu à référé sur la demande de la SCI Cacciari de provision ;

Rejetons la demande de la SCI Cacciari de dispense de toute contribution en application des dispositions de l’article 10-1 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété ;

Condamnons in solidum la SCI Cacciari et la société Cacciari fils aux dépens ;

Disons n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejetons toutes les autres demandes des parties ;

Rappelons que la présente décision est exécutoire par provision.

Fait à Paris le 04 février 2025

Le Greffier, Le Président,

Anne-Sophie MOREL Sophie COUVEZ

 


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