Tribunal judiciaire de Paris, 4 février 2025, RG n° 20/13243
Tribunal judiciaire de Paris, 4 février 2025, RG n° 20/13243

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris

Thématique : Conflit de voisinage et gestion des espaces communs en copropriété

Résumé

Contexte de l’affaire

L’immeuble situé à [Adresse 1] est une copropriété composée de deux bâtiments, A et B, séparés par une cour commune où sont entreposées des poubelles pour le tri sélectif. Le syndic de cette copropriété est une société spécialisée dans la gestion de biens immobiliers. Les propriétaires indivis du lot n°19, consistant en un appartement au rez-de-chaussée, ont exprimé des préoccupations concernant l’emplacement des poubelles, qui causent des nuisances.

Signalements et contrôles

Les propriétaires de l’appartement ont signalé des désagréments au syndic par l’intermédiaire de leur avocat en février 2015. En janvier 2019, un inspecteur de salubrité a effectué un contrôle sur site et a recommandé la création d’un local pour le remisage des poubelles. En décembre 2019, un constat d’huissier a été réalisé pour documenter l’état de la cour et l’emplacement des poubelles.

Procédures judiciaires

Après une tentative de conciliation infructueuse, les propriétaires ont saisi le tribunal d’instance en janvier 2020 pour faire cesser les nuisances. En septembre 2020, l’assemblée générale des copropriétaires a voté pour maintenir l’emplacement des poubelles, malgré les objections des propriétaires. Ces derniers ont ensuite assigné le syndicat des copropriétaires en décembre 2020 pour annuler cette résolution, arguant d’un abus de majorité.

Décisions judiciaires et arguments des parties

Le tribunal a examiné les arguments des deux parties. Les propriétaires ont soutenu que la résolution n°25 favorisait les intérêts d’autres copropriétaires au détriment des leurs et qu’elle était contraire à l’intérêt collectif. En revanche, le syndicat des copropriétaires a affirmé que la décision était conforme à l’intérêt général et que les nuisances étaient normales dans un cadre de voisinage.

Conclusion du tribunal

Le tribunal a finalement débouté les propriétaires de leur demande d’annulation de la résolution n°25, considérant qu’ils n’avaient pas prouvé l’abus de majorité. De plus, ils ont été condamnés aux dépens et à payer une somme au syndicat des copropriétaires pour les frais non compris dans les dépens. L’exécution provisoire de la décision a été maintenue, soulignant la nature des condamnations et l’ancienneté du litige.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Copie exécutoire délivrée le :
à Me DARCHIS

Copie certifiée conforme délivrée le :
à Me JOSSERAN

8ème chambre
1ère section

N° RG 20/13243 –
N° Portalis 352J-W-B7E-CTPRP

N° MINUTE :

Assignation du :
10 Décembre 2020

JUGEMENT
rendu le 04 Février 2025
DEMANDEURS

Madame [B] [D] épouse [F]
Monsieur [J] [F]

[Adresse 1]
[Localité 5]

représentés par Maître Armelle JOSSERAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0355

DÉFENDEUR

Le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 1], représenté par son syndic en exercice, la S.A.S LA BOUTIQUE DE COPROPRIETES, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 4]

représenté par Maître Caroline DARCHIS de la SARL MANEO AVOCAT, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, vestiaire #PC192
Décision du 04 Février 2025
8ème chambre 1ère section
N° RG 20/13243 – N° Portalis 352J-W-B7E-CTPRP

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Laure BERNARD, Vice-Présidente
Madame Muriel JOSSELIN-GALL, Vice-présidente
Monsieur Julien FEVRIER, Juge

assistés de Madame Maïssam KHALIL, Greffière,

DÉBATS

A l’audience du 20 Novembre 2024 tenue en audience publique devant Madame JOSSELIN-GALL, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

***

EXPOSÉ DU LITIGE

L’immeuble sis [Adresse 1] est soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis, il est composé de deux bâtiments (A et B) séparés par une cour commune, dans laquelle sont entreposées cinq poubelles destinées au tri sélectif à usage commun ; son syndic en exercice est la société La boutique de copropriétés.

Mme [B] [D] épouse [F] et M. [J] [F] (ci-après « les époux [F] ») sont propriétaires indivis du lot n°19 au sein de cette copropriété, consistant en un appartement au rez-de-chaussée donnant sur cette cour commune.

Par courrier de leur conseil en date du 17 février 2015, les époux [F] se sont plaints auprès du syndic des désagréments causés par le lieu d’emplacement des poubelles, et l’ont interrogé sur le respect par la copropriété des normes d’hygiène et de sécurité en cette matière.

Le 30 janvier 2019, un inspecteur de salubrité, mandaté par la mairie de [Localité 6], a effectué un contrôle sur site suite à un signalement des époux [F], et leur a indiqué avoir invité le syndic à prendre les dispositions nécessaires pour faire créer un local dédié au remisage des récipients à ordure ménagère.

Le 30 décembre 2019, les époux [F] ont fait procéder à un constat d’huissier sur l’état de la cour commune et l’emplacement des poubelles, à proximité de leur fenêtre sur cour.

Suite à l’échec d’une tentative de conciliation en date du 17 juin 2019, les époux [F] ont saisi le tribunal d’instance par déclaration au greffe en date du 14 janvier 2020, aux fins de faire cesser les nuisances alléguées, relatives à la proximité de l’emplacement des poubelles de leur fenêtre.
Décision du 04 Février 2025
8ème chambre 1ère section
N° RG 20/13243 – N° Portalis 352J-W-B7E-CTPRP

Par résolution n°25, l’assemblée générale du syndicat des copropriétaires en date du 21 septembre 2020 a décidé de maintenir l’emplacement des poubelles dans la cour de l’immeuble, en dépit de la demande des époux [F] de revoir l’emplacement des poubelles du tri sélectif.

Les époux [F] n’étaient ni présents ni représentés à cette assemblée.

Par exploit du 10 décembre 2020, les époux [F] ont assigné le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 1] devant le tribunal judiciaire de Paris, aux fins d’annulation pour abus de majorité de la résolution n°25 de l’assemblée générale du syndicat des copropriétaires en date du 21 septembre 2020.

L’ordonnance de clôture en date du 22 juin 2022 a été révoquée par ordonnance du juge de la mise en état le 11 janvier 2023, sur conclusions de révocation des époux [F] notifiées le 22 décembre 2022, pour inclure un courrier du service technique de la mairie de [Localité 6] en date du 17 octobre 2022 adressé à ces derniers.

Aux termes de ce courrier, la mairie de [Localité 6] a informé les époux [F] d’un contrôle sur site de leurs services le 13 octobre 2022, ayant constaté la mise à disposition des récipients à ordures ménagères à proximité des fenêtres des logements, entraînant des nuisances pour les occupants et concluant à une infraction aux dispositions sanitaires de l’article 77 du règlement sanitaire de la ville de [Localité 6].

Par courrier en date du 17 octobre 2022 adressé au syndic de l’immeuble, la mairie de [Localité 6] l’a enjoint de « prendre toutes les dispositions nécessaires pour créer un local dédié au remisage des récipients à ordures ménagères afin de faire cesser les nuisances constatées » dans un délai de 90 jours lui exposant que, passé ce délai, le dossier serait transmis au tribunal de police.

Par courrier recommandé en date du 13 mars 2023, les époux [F] ont demandé l’inscription à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale de plusieurs résolutions portant sur la création d’un local dédié au remisage des récipients à ordures ménagères.

L’assemblée générale du 24 avril 2023 a voté en résolutions n°23, 24, 25 et 26 la création de ce local, choisi l’entreprise chargé de le réaliser, et adopté son budget de financement.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 novembre 2023, les époux [F] demandent au tribunal de :

« Vu les articles 24 à 26 de de la loi 10 juillet 1965,
Vu le règlement de copropriété,
Vu les moyens qui précèdent et les pièces versées aux débats,

DECLARER Monsieur et Madame [F] recevables et bien fondés.

ORDONNER la nullité de la résolution n°25 de l’assemblée générale qui s’est tenue le 21.09.2020.

REJETER l’ensemble des demandes du syndicat des copropriétaires du [Adresse 1].

CONDAMNER le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à payer à Monsieur et Madame [F] la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Armelle JOSSERAN, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du CPC.

ORDONNER que Monsieur et Madame [F] seront dispensés de toute participation à la dépense commune des frais de procédure et honoraires d’avocat de la présente procédure, dont la charge sera répartie entre les autres copropriétaires conformément à l’article 10-1 inséré dans la loi du 10 juillet 1965 par la loi SRU du 13 décembre 2000.

DIRE n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir ».

Au soutien de ses prétentions, les époux [F] font valoir que :
– A titre liminaire, ils exposent que les relations sont très conflictuelles au sein de la copropriété, mais que leur comportement n’en n’est pas à l’origine, comme le soutient le syndicat des copropriétaires ;
– Ils observent que lors de l’achat de leur appartement en 1993, il n’y avait que deux containers dans la cour, et qu’il y en a désormais cinq, au pied de leur appartement, sous leur fenêtre, qui causent des odeurs pestilentielles, avec des insectes en été, et des nuisances sonores incessantes jour et nuit consécutives aux jets d’ordures ménagères par les habitants ;
– Les nuisances ont été objectivées par un constat d’huissier et deux courriers des inspecteurs de la salubrité de la ville de [Localité 6] ;
– Leur demande de création d’un local poubelle est la stricte application du règlement de copropriété qui stipule en son article 1 qu’il « ne pourra rien être fait qui puisse nuire à l’ordre et à la propriété de l’immeuble, ni gêner les autres copropriétaires par le bruit, l’odeur ou autrement » ;
– Les attestations de témoins versées aux débats par le syndicat des copropriétaires et qui minorent les nuisances sont inopérantes, puisqu’elles émanent de copropriétaires occupant les étages supérieurs du bâtiment A, qui ne sont pas concernés par les nuisances qui se développent près du bâtiment B et en rez-de-chaussée ;
– La résolution n°25 a pour effet de favoriser les intérêts des copropriétaires du bâtiment A au détriment de ceux du bâtiment B ;
– Le rejet de la résolution proposée est également contraire à l’intérêt collectif, car refusant de mettre fin à une situation insalubre, et a pour but de leur nuire, puisqu’ils sont les premières victimes de cette situation.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 septembre 2023, le syndicat des copropriétaires sis [Adresse 1] demande du tribunal de :

« Vu l’article 24 de la loi du 10 juillet1965,
Vu les pièces versées aux débats,

Juger recevable et bien fondé le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] en ses demandes, fins et conclusions et y faisant droit,

Débouter Madame [B] [D] épouse [F] et Monsieur [J] [F] de l’intégralité de leurs demandes,

Condamner Madame [B] [D] épouse [F] et Monsieur [J] [F] à régler au Syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ».

Au soutien de ses prétentions, le syndicat des copropriétaires fait valoir que :
– Les époux [F] ne démontrent pas que la résolution n°25 de l’assemblée générale du 21 septembre 2020 a pour effet de favoriser les intérêts des copropriétaires du bâtiment A, les poubelles ayant été maintenues comme à l’origine dans la cour commune, chacun des copropriétaires des deux bâtiments donnant sur cette cour et devant subir les nuisances sonores consécutives aux jets des ordures ménagères, ne dépassant pas la mesure des inconvénients normaux du voisinage, comme en attestent les cinq occupants de l’immeuble qui témoignent de bruits modérés et de l’absence d’odeur nauséabonde ;
– L’emplacement historique des poubelles, alignées en fond de cour commune, est conforme à l’intérêt collectif car il est le seul envisageable, et son maintien en résolution 25 par le syndicat des copropriétaires ne démontre pas son intention de nuire aux époux [F];
– Au jour du vote de la résolution 25, aucune injonction de la mairie de [Localité 6] portant sur la création d’un local poubelle n’avait été transmise au syndicat des copropriétaires ;
– Dès lors que le syndicat des copropriétaires a pris connaissance de la mise en demeure de la mairie de [Localité 6], il a été inscrit à l’ordre du jour de l’assemblée annuelle la création d’un local de remisage des poubelles, ce qui démontre la bonne foi du syndicat des copropriétaires, son souci de la préservation de l’intérêt commun et l’absence d’intention de nuire aux époux [F] ;
– L’actuelle procédure et le maintien de la demande d’annulation d’une résolution antérieure alors qu’ils ont obtenu satisfaction démontre leur quérulence et leur animosité vis à vis de tous les copropriétaires, depuis l’éviction de M. [F] du conseil syndical ;

Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, il convient de renvoyer aux termes de leurs dernières écritures susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’instruction de l’affaire a été définitivement close par ordonnance du 11 décembre 2023, et fixée à l’audience du 20 novembre 2024, puis mise en délibéré au 4 février 2025, date à laquelle il a été mis à disposition au greffe.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort par mise à disposition au greffe

DEBOUTE Mme [B] [D] épouse [F] et M. [J] [F] de leur demande d’annulation de la résolution 25 de l’assemblée générale du 21 septembre 2020 ;

DEBOUTE Mme [B] [D] épouse [F] et M. [J] [F] de leur demande de dispense de participation aux frais de la présente instance en application de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 ;

CONDAMNE Mme [B] [D] épouse [F] et M.[J] [F] aux dépens ;

CONDAMNE Mme [B] [D] épouse [F] et M.[J] [F] à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.

Fait et jugé à [Localité 6] le 04 Février 2025.

La Greffière La Présidente

 


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