Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris
Thématique : Conflit locatif et régularisation des paiements : enjeux et conséquences.
→ RésuméContexte de l’AffaireLa SCI Aigues Mortes a conclu un bail dérogatoire avec une preneuse pour des locaux commerciaux, spécifiant une durée de 23 mois et un loyer mensuel. Les locaux étaient destinés à la vente d’articles variés, incluant des antiquités et des vêtements. À l’expiration du bail, la preneuse n’a pas quitté les lieux, ce qui a conduit la bailleresse à engager une procédure d’expulsion. Procédures Judiciaires InitialesLa SCI Aigues Mortes a assigné la preneuse devant le tribunal pour obtenir son expulsion et le paiement d’une indemnité d’occupation. Le juge des référés a constaté une contestation sérieuse et a débouté la bailleresse de ses demandes, lui ordonnant de payer une somme à la preneuse au titre des frais de justice. Conflits Relatifs aux LoyersSuite à des échanges de courriers, la preneuse a contesté la demande de la bailleresse, signalant un refus d’encaissement des loyers. La bailleresse a alors réagi en assignant à nouveau la preneuse pour obtenir le paiement de loyers impayés et d’autres sommes dues. La preneuse a effectué un paiement partiel de sa dette locative. Jugement du Tribunal de Grande InstanceLe tribunal a reconnu l’existence d’un bail verbal et a condamné la preneuse à payer des charges et une taxe foncière, tout en lui accordant un délai de paiement. La bailleresse a interjeté appel, mais la cour d’appel a confirmé le jugement initial. Demandes Récentes et Intervention d’une Nouvelle SociétéLa bailleresse a de nouveau assigné la preneuse pour des loyers et charges impayés, tout en demandant la résiliation du bail et l’expulsion. Par la suite, la preneuse a cédé son fonds de commerce à une nouvelle société, qui a également intervenu dans la procédure. Arguments des PartiesLa preneuse a contesté le montant de la dette locative, arguant que la bailleresse n’avait pas fourni de quittances de loyer et que les décomptes étaient erronés. De son côté, la bailleresse a soutenu que la dette était certaine et exigible, et a demandé une expertise comptable pour clarifier les comptes. Décision du TribunalLe tribunal a débouté la bailleresse de sa demande de paiement, considérant que les preuves fournies étaient insuffisantes pour justifier le montant réclamé. Il a également rejeté la demande d’expertise comptable, soulignant que la bailleresse n’avait pas fourni d’éléments probants. Enfin, la bailleresse a été condamnée à verser une somme à la preneuse pour les frais de justice. ConclusionLe tribunal a statué en faveur de la preneuse, rejetant les demandes de la bailleresse et confirmant l’exécution provisoire de la décision. Cette affaire met en lumière les enjeux liés aux baux commerciaux et à la gestion des loyers impayés. |
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:
■
18° chambre
1ère section
N° RG 22/00402
N° Portalis 352J-W-B7F-CVQI6
N° MINUTE : 3
contradictoire
Assignation du :
05 Janvier 2022
JUGEMENT
rendu le 21 Novembre 2024
DEMANDERESSE
S.C.I. AIGUES MORTES
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Michel PATILLET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0742
DÉFENDERESSE
Madame [D] [X]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Maître Jacques RAYNALDY de la SCP LEICK RAYNALDY & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0164
Décision du 21 Novembre 2024
18° chambre 1ère section
N° RG 22/00402 – N° Portalis 352J-W-B7F-CVQI6
PARTIE INTERVENANTE
S.A.S. SABRINA LA FEE
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Maître Franck BENHAMOU de la SELEURL M. FOUAD BOUYAHBAR AVOCAT, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #B1099
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.
Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.
Madame Sophie GUILLARME, 1ère Vice-présidente adjointe, statuant en juge unique,
assistée de Monsieur Christian GUINAND, Greffier principal,
DÉBATS
A l’audience du 23 septembre 2024, tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats des parties que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 12 novembre 2024.
Puis, le délibéré a été prorogé jusqu’au 21 novembre 2024.
JUGEMENT
Rendu par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous seing privé du 1er mars 2011, la SCI Aigues Mortes a donné à bail dérogatoire à Mme [D] [X] des locaux commerciaux composés d’une boutique située au rez-de-chaussée du [Adresse 1] à [Localité 3].
Le bail a été consenti pour une durée de 23 mois entiers et consécutifs à compter du 1er mars 2011 jusqu’au 31 janvier 2013, moyennant le versement d’un loyer mensuel, indexé à l’indice du coût de la construction, de 1 911,99 euros hors taxes hors charges, soit 2 286,74 euros toutes charges comprises.
Les lieux ont pour destination l’activité exclusive de vente « d’antiquité, brocante, prêt-à-porter, accessoires, articles de [Localité 2], cadeaux, chaussures, gadgeterie [et] cartes postales ».
Mme [D] [X] n’ayant pas quitté les lieux le 31 janvier 2013 la SCI Aigues Mortes, se prévalant d’un acte de résiliation du 28 décembre 2012 l’obligeant à remettre les clés à cette date, l’a faite assigner, par acte d’huissier du 6 novembre 2015, devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris aux fins, notamment, d’ordonner son expulsion et de la condamner au paiement d’une indemnité d’occupation provisionnelle de 2 900 euros par mois à compter du 1er janvier 2014 jusqu’à la libération des locaux.
Par ordonnance du 18 janvier 2016, le juge a dit n’y avoir lieu à référé au vu de l’existence d’une contestation sérieuse et a condamné la SCI Aigues Mortes aux entiers dépens et à payer à Mme [D] [X] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 février 2016, la SCI Aigues Mortes a enjoint Mme [D] [X] de quitter les lieux le 26 février 2016. Par acte d’huissier du 4 avril 2016, Mme [D] [X] a contesté la demande de sa bailleresse, faisant part refus de celle-ci d’encaisser les loyers – de novembre et décembre 2015, janvier, février et mars 2016 – qui lui ont été régulièrement adressés ; la preneuse a également sommé la bailleresse de lui délivrer les quittances de loyer depuis le 1er février 2013.
Par acte d’huissier du 15 avril 2016, la SCI Aigues Mortes a fait assigner Mme [D] [X] devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins, notamment d’ordonner son expulsion et de la condamner au paiement, d’une part, d’une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du loyer actuel jusqu’à parfaite libération des lieux, et d’autre part, des sommes de 13 907,80 euros, 9 770,36 euros, 11 040,04 euros, 451 350 euros et 6 000 euros au titre, respectivement, de l’arriéré locatif, l’arriéré de charges, du droit de terrasse, de la taxe foncière et de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Par courrier du 24 octobre 2016, Mme [D] [X] a fait parvenir à la SCI Aigues Mortes un règlement de 11 513,42 euros au titre de sa dette locative.
Par jugement du 31 mai 2018, le tribunal de grande instance a constaté la formation d’un bail dérogatoire verbal de 23 mois du 1er février 2013 au 31 décembre 2014 et d’un bail commercial de neuf ans à compter du 1er février 2015, a condamné Mme [D] [X] au paiement de 3 302,22 euros au titre des charges de 2011 à 2016 et de 4 513,5 euros au titre de la taxe foncière de 2011 à 2015, soit une somme totale de 7 815,72 euros, et lui a accordé un délai de paiement de 12 mois.
La SCI Aigues Mortes ayant interjeté appel du jugement le 6 août 2018, la cour d’appel a, par arrêt du 20 mai 2020, confirmé ce dernier.
Ayant mis en demeure Mme [D] [X], le 23 février 2021, de payer la somme de 24021,10 euros au titre des loyers et charges impayés arrêtés au 1er février 2021, la SCI Aigues Mortes l’a assignée, par acte d’huissier du 5 janvier 2022, devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins, notamment, de la condamner au paiement de la somme de 26 314,08 euros au titre de la dette locative, de prononcer la résiliation judiciaire du bail litigieux, d’ordonner son expulsion des lieux et de fixer l’indemnité d’occupation à 2 294,38 euros.
Suivant acte sous seing privé du 24 octobre 2022 faisant suite à l’accord de la SCI Aigues Mortes, Mme [D] [X] a cédé son fonds de commerce à la SAS Sabrina La Fée. Par virement effectué à la même date, Mme [D] [X] a réglé à la bailleresse la somme de 15 000 euros.
Par conclusions notifiées le 31 octobre 2023, la SAS Sabrina La Fée est intervenue volontairement à la présente procédure.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 29 avril 2024, Mme [D] [X] demande au tribunal judiciaire de Paris de :
Recevoir Mme [D] [X] en ces présentes écritures, À titre principal :
Donner acte à Mademoiselle [D] [X] de son acceptation du désistement des demandes de la SCI Aigues Mortes portant sur la résiliation du bail, l’expulsion et la demande de paiement d’une indemnité provisionnelle, Débouter la SCI Aigues Mortes de toutes ses demandes, À titre très subsidiaire :
Accorder un délai de dix-huit mois à Mme [D] [X] pour régler les sommes dues au titre des loyers arriérés, lesquels ne saurait excéder la somme de 58,46 euros, En tout état de cause :
Condamner la société Aigues Mortes à verser à Mademoiselle [D] [X] la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’instance.
Au soutien de ses demandes, Mme [D] [X] fait valoir en substance :
Sur le suivi de la dette locative : que la bailleresse ne lui adresse aucune demande de règlement ni de quittance et fait preuve d’inertie dans la production des décomptes, que le décompte locatif est incompréhensible dès lors, qu’il ne permet pas de confronter les avis d’échéance avec les règlements du preneur, qu’il se fonde sur des calculs erronés – concluant à une dette de 14 641,78 euros au lieu de 13 766,28 euros – et qu’il ne prend pas en compte les paiements, par le preneur, des loyers de 2021 et 2022 et de la somme de 11.513,42 euros, Sur le quantum de la dette locative : que les chèques émis par ses soins – portant sur une somme totale de 11 471,90 euros – n’ont pas été encaissés, que la bailleresse ne s’est pas acquittée de la somme de 1 000 euros à laquelle elle a été condamnée au titre de l’article 700 du code de procédure civile, visée par l’ordonnance de référé du 18 janvier 2016, qu’à l’aune de ces deux considérations, la dette locative ne saurait en tout état de cause excéder 58,46 euros,
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 14 juin 2024, la SCI Aigues Mortes demande au tribunal judiciaire de Paris de :
Dire et juger la SCI Aigues Mortes recevable et bien fondée en ses demandes actualisées,Donner acte à la SCI Aigues Mortes qu’elle entend se désister [de] la résiliation judiciaire du bail commercial dont était titulaire Mme [D] [X] et par voie de conséquence de sa demande d’expulsion des lieux loués ainsi que de sa demande de fixation d’une indemnité provisionnelle, Condamner Mme [D] [X] à verser à la SCI Aigues Mortes la somme actualisée, selon décompte, de 10 235,98 euros, au titre des loyers restant impayés à la date du 24 octobre 2022, Débouter Mme [D] [X] de l’ensemble de ses demandes, Dire que l’exécution provisoire de la décision à intervenir est de plein droit, et ne saurait être écartée ou cantonnée pour quelques motifs que ce soit,
Condamner Mme [X] à verser à la SCI Aigues Mortes la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, À titre subsidiaire, désigner un expert-comptable avec pour mission de faire les comptes entre les parties, à compter du 1er janvier 2017 jusqu’à la cession du fonds de commerce, à partir des relevés bancaires fournis par les parties.
Au soutien de ses demandes, la SCI Aigues Mortes fait valoir :
Sur l’existence de la dette : qu’elle est caractérisée dès lors qu’elle est constituée de loyers impayés et de retards chroniques de paiement à compter de janvier 2017, qu’elle est persistante, liquide, certaine et exigible – la jurisprudence ayant affirmé que les « loyers Covid » sont dus – et qu’elle a été formellement constatée par l’arrêt du 20 mai 2020 de la cour d’appel, Sur le suivi de la dette : que, bien qu’aucune quittance de loyer ne soit communiquée au preneur, des états de loyers impayés lui sont transférés, que les décomptes fournis par la bailleresse sont parfaitement compréhensibles, prennent en comptes les règlements du preneur – et notamment le chèque de 11 513,42 euros et celui de 15 000 euros – et ne tiennent leur éventuelle ambiguïté que des retards chroniques de paiement susmentionnés, Sur le quantum de la dette : s’agissant du comportement du bailleur, que les chèques du preneur n’ont pas été délivrés, que ceux reçus ont bien été encaissés, que le preneur ne démontre en rien que les loyers ont été débités de son compte bancaire ; que le preneur ne s’est pas acquitté des sommes visées par le jugement du 31 mai 2018, soit 7 815,72 euros, que la créance actuelle s’élève à 10 235,38 euros.
Aux termes de ses conclusions notifiées le 9 septembre 2024 par RPVA, la SAS Sabrina La Fée demande au tribunal judiciaire de Paris de prendre acte de son désistement à l’instance, la SCI Aigues Mortes s’étant désisté de sa demande de résiliation judiciaire du bail litigieux.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause et moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures déposées dans le dossier, qui ont été contradictoirement débattues à l’audience.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 juin 2024 et l’audience de plaidoirie fixée le 23 septembre 2024.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au greffe à la date du délibéré
Déclare recevable l’intervention volontaire de la SAS Sabrina Fée,
Donne acte à la SAS Sabrina Fée de son désistement à d’instance,
Déboute la SCI Aigues Mortes de sa demande en paiement dirigée contre Mme [D] [X],
Déboute la SCI Aigues Mortes de sa demande d’expertise,
Condamne la SCI Aigues Mortes à payer à Mme [D] [X] la somme de 1500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SCI Aigues Mortes aux dépens,
Rejette toutes autres demandes,
Rappelle que l’exécution provisoire est de droit,
Fait et jugé à Paris le 21 Novembre 2024.
Le Greffier La Présidente
Christian GUINAND Sophie GUILLARME
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