Tribunal judiciaire de Paris, 13 avril 2016
Tribunal judiciaire de Paris, 13 avril 2016

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris

Thématique : Diffamation : affaire Le Point

Résumé

La diffamation est jugée avec plus de souplesse pour les hommes politiques. Dans l’affaire concernant Marcel FRANCISCI, le magazine Le Point a été autorisé à relater une procédure judiciaire le visant, en tant que vice-président du conseil général. Bien que l’article utilise un vocabulaire peu flatteur, comme « taulier » ou « patriarche du clan », cela ne constitue pas une imputation diffamatoire. Les journalistes se sont limités à évoquer des soupçons de délits sans détailler les faits, respectant ainsi la liberté de ton. La Cour européenne souligne que les hommes politiques doivent accepter une plus grande tolérance à la critique.

La diffamation est appréciée beaucoup plus souplement concernant la réputation des hommes politiques. Il a été jugé que le magazine Le Point était en droit de faire état d’une procédure judiciaire concernant Marcel FRANCISCI qui occupe des fonctions politiques en Corse-du-Sud – premier vice-président du conseil général et président de la fédération départementale du parti alors dénommé UMP et directeur des jeux de l’association Cercle de l’Aviation Club de France.

Absence de diffamation

Plusieurs opérations de police ont eu lieu dans plusieurs cercles de la capitale, dont six sur dix ont été fermés. Plusieurs personnes, parmi lesquelles Marcel FRANCISCI ont alors été placées en garde à vue et lui-même ayant été mis en examen pour travail dissimulé et abus de confiance.

L’article 29, alinéa ler, de la loi sur la liberté de la presse définit la diffamation comme « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé» ledit fait devant être suffisamment précis pour pouvoir faire, sans difficulté, l’objet du débat sur la preuve de sa vérité organisé par les articles 35, 55 et 56 de la loi; ce délit, qui est caractérisé même si l’imputation est formulée sous une forme déguisée, dubitative ou par voie d’insinuations, se distingue ainsi de l’injure, que l’alinéa 2 du même article 29 définit comme « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun ,fait », comme de l’expression de considérations purement subjectives.

Ni l’inexactitude des propos ni leur caractère désobligeant ne suffisent à caractériser la diffamation et l’appréciation de l’atteinte portée à l’honneur ou à la considération de la personne visée doit se faire indépendamment du mobile de son auteur comme de la sensibilité de la personne visée ou sa conception subjective de l’honneur et de la considération, mais au regard de considérations objectives d’où s’évincerait une réprobation générale, que le fait soit prohibé par la loi ou considéré comme d’évidence contraire à la morale commune.

Liberté de ton du journaliste

A ce titre, le journaliste est libre d’utiliser une certaine liberté de ton et les formules de style relèvent de la liberté de plume mais non du délit de diffamation. L’article de presse en cause est introduit par une présentation de la situation juridique fondant l’interpellation du demandeur, faisant état de soupçons de travail dissimulé, d’abus de confiance et de blanchiment d’argent, précision étant donnée que, s’agissant du Cercle de l’Aviation, « la justice soupçonne l’établissement de recourir à du travail au noir ».

S’il est exact que la présentation qui est faite de l’homme politique, tant dans le vocabulaire employé: « taulier», «tonton flingueur», «patriarche du clan », que dans l’évocation de son oncle qualifié de « grand voyou reconverti dans la politique », le décrit sous un jour peu flatteur dont il a, légitimement, pu se sentir blessé, cependant ce portrait, pour dénigrant et caricatural qu’il soit, ne saurait être interprété comme caractérisant l’imputation d’avoir commis les délits dont il est « soupçonné », verbe utilisé à deux reprises dans l’article litigieux ; en outre, les journalistes n’évoquent ces infractions que sous leur qualification juridique, sans apporter aucune précision sur le détail des faits, que ce soit au regard de leur réalité que de l’implication du demandeur dans leur commission.  Malgré le style délibérément persifleur et désobligeant de cet article, son caractère diffamatoire ne saurait être retenu ; il en va d’autant plus ainsi que la Cour européenne de Strasbourg pose le principe selon lequel les hommes politiques, qui s’exposent inévitablement et consciemment à un contrôle attentif de leurs faits et gestes, doivent montrer une plus grande tolérance à la critique.

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