Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Nîmes
Thématique : Responsabilité du notaire et préjudices liés à l’inexécution d’un contrat de vente immobilière
→ RésuméContexte de l’AffaireDans cette affaire, un acheteur a acquis des biens immobiliers en l’état futur d’achèvement auprès d’un vendeur, une société, le 30 octobre 2017. L’acheteur a réglé plusieurs acomptes totalisant 31 700 euros, mais les travaux promis n’ont jamais été réalisés. En conséquence, la société a été mise en liquidation judiciaire le 8 décembre 2021, laissant l’acheteur dans une situation préjudiciable. Travaux Non Réalisés et RéparationsFace à l’abandon du chantier, l’acheteur a engagé des entreprises tierces pour terminer les travaux, ce qui lui a coûté 55 491,18 euros. En mars 2023, il a assigné le liquidateur judiciaire et le notaire ayant rédigé l’acte de vente, demandant réparation pour les préjudices subis, notamment en raison de l’absence d’assurance valide de la part du vendeur. Demandes de l’AcheteurL’acheteur a formulé plusieurs demandes au tribunal, incluant la fixation de sa créance au passif de la liquidation judiciaire à 120 100 euros, ainsi que des indemnités pour les acomptes versés, le surcoût des travaux, la perte de loyer et un préjudice moral. Il a également demandé que le notaire soit tenu responsable pour ne pas avoir respecté son obligation de conseil. Réponse du Notaire et du LiquidateurLe notaire et le liquidateur ont contesté les demandes de l’acheteur, arguant qu’ils n’avaient pas commis de faute et que les conditions pour engager leur responsabilité n’étaient pas réunies. Ils ont également demandé que l’acheteur soit débouté de ses prétentions et condamné à payer des frais. Analyse des Faits et Décision du TribunalLe tribunal a examiné les éléments de l’affaire, notamment l’inexécution des obligations par le vendeur et la négligence du notaire dans son devoir de conseil. Il a reconnu que l’acheteur avait subi un préjudice en raison de l’absence d’assurance valide et a fixé sa créance au passif de la liquidation judiciaire à 63 120,80 euros. Le notaire a été condamné à indemniser l’acheteur à hauteur de 56 808,72 euros pour la perte de chance d’éviter ces préjudices. Conclusion et CondamnationsEn conclusion, le tribunal a débouté l’acheteur de certaines de ses demandes, tout en reconnaissant ses préjudices liés à l’inexécution du contrat par le vendeur et à la faute du notaire. Le notaire a été condamné à payer des frais irrépétibles à l’acheteur, et les dépens ont été mis à sa charge. |
Copie ❑ exécutoire
❑ certifiée conforme
délivrée le
à
la SELARL CABINET GIUDICELLI
la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI
TRIBUNAL JUDICIAIRE Par mise à disposition au greffe
DE NIMES
Le 03 Février 2025
1ère Chambre Civile
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N° RG 23/01596 – N° Portalis DBX2-W-B7H-J5BL
JUGEMENT
Le Tribunal judiciaire de NIMES, 1ère Chambre Civile, a, dans l’affaire opposant :
M. [D] [B]
né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 13],
demeurant [Adresse 4]
représenté par la SELARL CABINET GIUDICELLI, avocats au barreau d’AVIGNON, avocats plaidant,
à :
S.E.L.A.R.L. [19]
La SELARLU [19], ès-qualité de liquidateur judiciaire de la SAS [17], immatriculée au RCS de [Localité 14] sous le n° [N° SIREN/SIRET 6], ayant son siège social [Adresse 2], suivant jugement du tribunal de commerce de Nîmes en date du 8 décembre 2021, dont le siège social est sis [Adresse 3]
n’ayant pas constitué avocat
S.E.L.A.R.L. [15]
La SELARL [15] agissant par Maître [Y] [G], immatriculée au RCS de [Localité 14] sous le n° [N° SIREN/SIRET 5], représentée par Me [Y] [G] agissant et ayant les pouvoirs nécessaires en tant que gérant, dont le siège social est sis [Adresse 16]
Représentée par la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, avocats au barreau de NIMES, avocats plaidant,
Rendu publiquement, le jugement réputé contradictoire suivant, statuant en premier ressort en application de l’article 474 du code de procédure civile, après que la cause a été débattue en audience publique le 02 Décembre 2024 devant Nina MILESI, Vice-Présidente, Antoine GIUNTINI, Vice-président, et Margaret BOUTHIER-PERRIER, magistrat à titre temporaire, assistés de Aurélie VIALLE, greffière, et qu’il en a été délibéré entre les magistrats.
EXPOSE DU LITIGE
Par acte authentique en date du 30 octobre 2017 reçu en l’étude de la SELARL [15], M. [D] [B] a acquis en l’état futur d’achèvement auprès de la Société [17], les lots de n°1 et 33 d’un ensemble immobilier situé [Adresse 8].
La société [17] a émis trois factures d’acompte les 31 octobre 2017, 5 décembre 2018, et 12 mai 2019, lesquelles ont été réglées par M. [B] pour un montant de 31 700 euros.
Par jugement du 8 décembre 2021, la société [17] a été mise en liquidation judiciaire sans que les travaux prévus n’aient été réalisés et le chantier a été abandonné.
M. [B] a fait procéder aux travaux de reprise et d’achèvement par des entreprises tierces pour un montant de 55 491,18 euros.
Reprochant d’avoir établi un acte de vente alors que l’assureur de la société [17] avait cessé d’être autorisé à conclure de nouveaux contrats d’assurance ou à en renouveler des existants, par acte en date du 28 mars 2023, M. [D] [B] a assigné la SELARLU [19] et la SELARL [15] agissant par Me [Y] [G], devant le tribunal judiciaire de Nîmes aux fins d’obtenir réparation des préjudices qu’il allégue.
* * *
Aux termes de ses dernières écritures, notifiées le 13 mars 2024, M. [D] [B] demande au tribunal, sur le fondement des articles L. 241-1 et L. 243-2 du code des assurances, des articles 1240 et 1241 du code civil, de :
– Fixer sa créance au passif de la procédure collective ouverte à l’égard de la SAS [17] à hauteur de 120.100 euros TTC ;
– Condamner in solidum la SELARL [15] et la SELARLU [19], en qualité de liquidateur de la SAS [17], à lui payer la somme de 31.700 euros au titre des acomptes versés à la société [17] ;
– Condamner in solidum la SELARL [15] et la SELARLU [19], en qualité de liquidateur de la SAS [17], à lui payer la somme de 21.650 euros au titre du remboursement du surcoût des travaux ;
– Condamner in solidum la SELARL [15] la SELARLU [19], en qualité de liquidateur de la SAS [17], à lui payer la somme de 46.750 euros à titre de légitimes dommages et intérêts au titre de la perte de loyer ;
– Condamner in solidum la SELARL [15] et la SELARLU [19], en qualité de liquidateur de la SAS [17], à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de légitimes dommages et intérêts au titre de son préjudice moral ;
En tout état de cause,
-Débouter la SELARL [15] la SELARLU [19], en qualité de liquidateur de la SAS [17], de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions contraires ;
-Condamner la SELARL [15] et la SELARLU [19], en qualité de liquidateur de la SAS [17], à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Le demandeur fait valoir les défaillances de la société [17]. Sur les fondements de la force obligatoire du contrat et l’exécution de bonne foi, il estime que celle-ci n’a pas honoré la fin de ses chantiers. Dans le même sens, il considère que les assureurs de la société [17] ont égalements été déficients. Il précise s’être parfaitement acquitté des factures d’acomptes sollicitées par la société [17]. Il sollicite l’inscription au passif de la société [17] de la somme totale de 120 100 euros correspondant au remboursement des acomptes vainement versés (31 700 euros), au surcout des travaux réalisés (11 650 euros), à la réduction de la facture réalisée par le vendeur en raison du retard (10 000 euros), au versement de dommages et intérêts (20 000 euros) et à l’impossibilité de mettre à la location le bien (46 750 euros).
M. [B] relève, par ailleurs, la responsabilité de la SELARL [15]. Rappelant l’obligation de conseil des notaires, il estime que Me [G] n’a pas été regardant sur la qualité des parties, tant en ce qui concerne la société [17], que celle de son assureur. Il soutient que l’objet social de la société ainsi que son capital social étaient inadaptés à la réalisation de travaux aussi importants et, par conséquent, auraient dû attirer la méfiance du professionnel du droit. Il indique que, contrairement aux préconisations du [11] du Nord-Est, Me [G] ne l’a pas avisé des risques qu’il encourait suite aux liquidations successives des différentes compagnies d’assurance. En réplique aux écritures adverses, il fait valoir que les interrogations de la caisse de garantie et l’autorité du contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) effectuées par Me [G] un an et demi avant la signature du contrat de vente, n’ont pas été actualisées. Dans le même sens, l’assureur de la société [17], la société [12], a cessé d’être autorisée à conclure de nouveaux contrats d’assurance ou à renouveler des contrats d’assurance existants quatre mois avant la vente. Il ajoute que l’obligation qui pèse sur le notaire est continue dans le temps.
Le demandeur sollicite l’indemnisation de ses préjudices. Sur le fondement de la responsabilité extra-contractuelle de Me [G], M. [B] demande le remboursement par la SELARL [15] de la somme de 31 700 euros au titre des accomptes vainement versés à la société [17]. Indiquant également avoir été contraint de réaliser de nombreux travaux à ses frais et faute de pouvoir bénéficier des assurances défaillantes que la société [17] avait souscrit, il réclame que la SELARL [15] et la SELARLU [19] soient condamnées à lui verser la somme de 21 650 euros correspondant au solde réactualisé entre la facturation après remise (40 001,60 euros) et le cout réel des travaux supportés (54 644,20 euros). En outre, le demandeur indique connaitre un préjudice du fait de l’impossibilité de mettre à la location le bien litigieux. Il évalue celui-ci à 46 750 euros (850 euros de loyer non perçus sur une période de 55 mois). Enfin, il sollicite le paiement par la SELARL [15] de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts estimant qu’il est anormal qu’il supporte l’ensemble de tous ces préjudices sans une légitime indemnisation.
* * *
Aux termes de leurs dernières écritures, notifiées le 30 novembre 2023, Me [Y] [G] et la SELARL [15] demandent au tribunal, sur le fondement de l’article 1240 du code civil, de:
– Débouter M. [D] [B] de l’ensemble de ses prétentions à l’encontre de la SELARL [15],
En tout état de cause,
– Condamner M. [D] [B] à leur régler une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civil ainsi qu’aux entiers dépens.
Les défendeurs considèrent que les conditions cumulatives relatives à l’engagement de la responsabilité civile professionnelle d’un notaire rédacteur d’acte ne sont pas réunies. En ce sens, Me [G] estime n’avoir pas commis de faute. Il indique avoir sollicité les quittances de primes ainsi que les contrats des différentes compagnies d’assurances de la société SAS [17] dès réception des attestations d’assurance. Il fait également valoir l’interrogation de la caisse de garantie et de l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution aux fins de vérifications des agréments des compagnies d’assurance couvrant le programme. S’appuyant sur le retour favorable des organismes, il précise avoir établi un acte de vente conforme et pris toutes les précautions nécessaires pour en assurer l’efficacité. Il reproche au demandeur d’entretenir une confusion entre la date des contrats d’assurances et la date de l’acte de vente. Il ajoute qu’il ne pouvait prévoir objectivement que ces compagnies feraient l’objet de procédures de liquidation judiciaire. Il indique que l’avis du [11] évoqué par la partie demanderesse ne concerne que l’hypothèse où un notaire reçoit la vente ou la revente d’un bien couvert par une assurance ou une garantie en cours dont on sait déjà qu’elle ne pourra pas être mise en jeu pour une raison déterminée.
Subisidiairement, les défendeurs estiment qu’il n’existe aucun préjudice indemnisable en lien de causalité avec le reproche formulé. Ils précisent ne pas être une partie de l’acte et, corrélativement, ne pas avoir perçu les accomptes versés par l’acquéreur. Ainsi, ils considèrent que le préjudice relatif aux acomptes n’est pas indemnisable. Par ailleurs, ils soulignent que le défendeur ne démontre pas que les travaux réalisés et payés correspondent exactement à ceux qui incombaient au vendeur. Enfin, les défendeurs font remarquer que la demande relative à une somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts fait double emploi avec les précédentes demandes examinées, et, n’est donc pas justifiée.
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La SELARL [19], liquidateur judiciaire de la SAS [17], n’a pas constitué avocat. L’assignation lui ayant été délivrée à personne, le jugement sera réputé contradictoire en application de l’article 473 du code de procédure civile.
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La clôture est intervenue le 18 novembre 2024 par ordonnance en date du 10 juillet 2024.
L’affaire a été fixée à l’audience collégiale du 2 décembre 2024 pour être plaidée.
La décision a été mise en délibéré au 03 février 2025
PAR CES MOTIFS
Le tribunal statuant en audience publique, en premier ressort, par jugement réputé contradictoire,
FIXE la créance de M. [D] [B] au passif de la procédure collective ouverte à l’égard de la SAS [17] à hauteur de 63.120,80 euros ;
DEBOUTE M. [D] [B] de sa demande de condamnation de la SELARLU [19], en qualité de liquidateur de la SAS [17] ;
CONDAMNE la SELARL [15] à payer à M. [D] [B] la somme de 56.808,72 euros ;
RAPPELLE que la fixation de la créance de M. [D] [B] au passif de la procédure collective ouverte à l’égard de la SAS [17] à hauteur de 63.120,80 euros et la condamnation de la SELARL [15] à lui payer la somme de 56.808,72 euros trouvent leurs fondements dans les mêmes préjudices ;
DEBOUTE M. [D] [B] de ses demandes d’indemnisation supplémentaires ou plus amples ;
CONDAMNE la SELARL [15] à payer à M. [D] [B] la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles ;
CONDAMNE la SELARL [15]aux entiers dépens ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire de la décision est de droit.
Le présent jugement a été signé par Nina MILESI, Vice Présidente, et par Aurélie VIALLE, greffière présente lors de sa mise à disposition.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
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