Tribunal judiciaire de Nîmes, 24 janvier 2025, RG n° 22/01299
Tribunal judiciaire de Nîmes, 24 janvier 2025, RG n° 22/01299

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Nîmes

Thématique : Nullité d’une donation en raison d’une incapacité mentale avérée

Résumé

Contexte de la Donation

Par acte authentique en date du 27 avril 2021, une donatrice, veuve d’un précédent époux, a consenti une donation portant sur la moitié de l’usufruit d’un bien immobilier à un donataire. Cette donation a été réalisée dans un contexte où la donatrice était déjà en proie à des problèmes de santé.

Placement sous Sauvegarde de Justice

Le 29 juillet 2021, un juge des contentieux de la protection a placé la donatrice sous le régime de sauvegarde de justice, désignant un mandataire spécial pour la représenter dans ses intérêts. Ce placement a été motivé par des préoccupations concernant sa capacité à gérer ses affaires en raison de son état de santé.

Demande de Nullité de la Donation

Le 3 février 2022, le conseil de la donatrice a informé le donataire que la donation était frappée de nullité en raison de l’incapacité de la donatrice à consentir valablement à l’acte. En mars 2022, la donatrice a assigné le donataire en nullité de la donation et en remboursement des frais engagés.

Rejet de l’Exception de Procédure

Le 11 mai 2023, le juge de la mise en état a rejeté l’exception de procédure soulevée par le donataire, qui contestait la capacité de la donatrice à ester en justice. Cette décision a permis de poursuivre la procédure sans interruption.

Conclusions des Parties

Dans leurs dernières conclusions, la donatrice et son mandataire spécial ont demandé au tribunal de déclarer la demande recevable et de prononcer la nullité de la donation, en raison de l’état de santé de la donatrice, qui souffrait de la maladie d’Alzheimer. Ils ont également demandé le remboursement des frais engagés.

Réponse du Donataire

Le donataire a, de son côté, demandé le rejet de la demande d’expertise médicale et a contesté les allégations de la donatrice, arguant que les preuves médicales étaient insuffisantes et que le tribunal ne devait pas pallier une prétendue carence dans l’administration de la preuve.

Décision du Tribunal

Le tribunal a constaté que la recevabilité des demandes n’était pas contestée. Il a ensuite examiné les éléments médicaux et a conclu que la donatrice était atteinte d’une altération de ses facultés personnelles au moment de la donation, justifiant ainsi la nullité de l’acte.

Conséquences de la Décision

Le tribunal a prononcé la nullité de la donation consentie par la donatrice au profit du donataire. Il a également condamné le donataire aux dépens de la procédure, tout en déboutant la donatrice et son mandataire de leur demande de remboursement des frais. L’exécution provisoire de la décision a été déclarée de droit.

Copie délivrée le
à
la SELARL [7]
Me Marine SANTIMARIA

TRIBUNAL JUDICIAIRE Par mise à disposition au greffe
DE NIMES
**** Le 24 Janvier 2025
Troisième Chambre Civile

N° RG 22/01299 – N° Portalis DBX2-W-B7G-JNSQ

JUGEMENT

Le tribunal judiciaire de Nîmes, Troisième Chambre Civile, a dans l’affaire opposant :

M. [S] [G]
né le [Date naissance 3] 1971 à , demeurant [Adresse 5]
représenté par la SELARL FAVRE DE THIERRENS BARNOUIN VRIGNAUD MAZARS DRIMARACCI, avocats au barreau de NIMES, avocats postulant, Me Charles CAZALS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

Mme [M] [I] [F] [P] épouse [C]
née le [Date naissance 1] 1940 à [Localité 8], demeurant [Adresse 6]
représentée par la SELARL FAVRE DE THIERRENS BARNOUIN VRIGNAUD MAZARS DRIMARACCI, avocats au barreau de NIMES, avocats postulant, Me Charles CAZALS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

à :

M. [Z] [V] [J] [C]
né le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 9], demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Marine SANTIMARIA, avocat au barreau de NIMES, avocat plaidant

Rendu publiquement le jugement contradictoire suivant, statuant en premier ressort après que la cause a été débattue en audience publique le 12 Novembre 2024 devant Marianne ASSOUS, Vice-Président, statuant comme juge unique, assistée de Corinne PEREZ, Greffier, et qu’il en a été délibéré.

N° RG 22/01299 – N° Portalis DBX2-W-B7G-JNSQ

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique en date du 27 avril 2021 Madame [M] [P] veuve [C] a consenti une donation portant sur la moitié de l’usufruit d’un bien immobilier situé [Adresse 6] à [Localité 9] à Monsieur [Z] [C].

Par ordonnance du 29 juillet 2021 le juge des contentieux de la protection statuant en qualité de juge des tutelles du Tribunal Judiciaire de Nîmes a placé Madame [M] [P] sous le régime de sauvegarde de justice et a désigné Monsieur [S] [G] en qualité de mandataire spécial.

Par courrier recommandé avec avis de réception en date du 3 février 2022 le Conseil de Madame [P] mandaté par l’intermédiaire de Monsieur [S] [G] a écrit à Monsieur [Z] [C] en ces termes : « (…) article 464 du Code Civil (…) ladite donation du 27 avril 2021 est frappée de nullité et ne saurait être maintenue à votre bénéfice. (…) le souhait de chacun des intéressés est de privilégier une issue amiable de la situation, avec un renoncement spontané et commun au contrat de donation du 27 avril 2021, conformément aux dispositions de l’article 1193 du Code civil. (…) ».

Par acte du 23 mars 2022 Madame [M] [P] a fait assigner Monsieur [Z] [C] aux fins de nullité de la donation du 27 avril 2021 et de remboursement de l’ensemble des frais exposés par elle à l’occasion de ladite donation.

Par ordonnance du 11 mai 2023 le juge de la mise en état a rejeté l’exception de procédure soulevée par Monsieur [Z] [C] tendant à voir déclarer la procédure irrégulière pour défaut de capacité d’ester en justice. Il y était fait état de l’intervention volontaire à la procédure de Monsieur [S] [G].

La clôture a été fixée au 29 octobre 2024.

Suivant dernières conclusions signifiées par RPVA le 16 mai 2024, Madame [M] [P] et Monsieur [S] [G] en qualité de mandataire spécial de Madame [M] [P] demandent au tribunal, de :
la DECLARER recevable en ses demandes, tant en la forme qu’au fond,JUGER qu’à la date du 27 avril 2021 en raison de son état de santé, à savoir la maladie d’ALZHEIMER, elle n’était pas en mesure de conclure valablement un acte juridique,en conséquence
PRONONCER la nullité de la donation du 27 avril 2021 portant sur la moitié de son usufruit sur le bien immobilier sis [Adresse 6] à [Localité 9] au bénéfice de Monsieur [Z] [C],ORDONNER le remboursement de l’ensemble des frais exposés par Madame [M] [P] épouse [C] à l’occasion de la donation du 27 avril 2021,

N° RG 22/01299 – N° Portalis DBX2-W-B7G-JNSQ

le cas échéant et au besoin :
DESIGNER tel expert qu’il plaira à la Cour d’Appel avec pour mission de : se faire COMMUNIQUER, par tout professionnel de santé, ou tout autre organisme, l’ensemble des éléments médicaux relatifs à Madame [M] [C],
DIRE, si au regard de son dossier médical, Madame [M] [C] souffrait de troubles cognitifs susceptibles d’altérer sa volonté à la date du 27 avril 2021, jour de la donation litigieuse,
DIRE, si au regard de son dossier médical, Madame [M] [C] est susceptible d’être facilement influençable par des tierces personnes,
DIRE que l’expert devra rendre son rapport dans un délai de 6 mois à compter du dépôt de la consignation par les concluantes,
en tout état de cause
CONDAMNER Monsieur [Z] [C] à la présente action au paiement de la somme de 2.500 euros, sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,le CONDAMNER aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Charles CAZALS.
Au soutien de leurs prétentions les demandeurs invoquent les articles 1100-1 alinéa 2, 1128 et 464 du Code civil.
Ils arguent de ce que Madame [P] veuve [C], en raison de son état de santé, n’était pas en mesure d’exprimer valablement son consentement de sorte qu’elle n’était pas en mesure de réaliser valablement des actes juridiques.

Suivant dernières conclusions signifiées par RPVA le 25 janvier 2024, Monsieur [Z] [C] demande au tribunal, sur le fondement des articles 414-1, 901 et suivants et 1129 et suivants du Code civil, de :
REJETER la demande d’expertise médicale, le tribunal n’ayant pas vocation à pallier à la carence, du demandeur dans l‘administration de la preuve, DEBOUTER Monsieur [S] [G] de l’ensemble de ses demandes,CONDAMNER Monsieur [S] [G] à payer à Monsieur [Z] [C] la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,LE CONDAMNER à payer les entiers dépens et ce distrait au profit de Me Marine SANTIMARIA.
Monsieur [C] considère que le rapport du Docteur [D] est partial et qu’il contient des contradictions, et que les deux certificats médicaux du Docteur [A] sont insuffisants au regard du contenu d’autres attestations de ce médecin.
S’agissant de sa demande en rejet de la demande subsidiaire d’expertise il fait valoir que le tribunal n’a pas vocation à pallier la carence des demandeurs.
A l’audience du 12 novembre 2024 l’affaire a été mise en délibéré au 24 janvier 2025 par mise à disposition au greffe.

PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
Prononce la nullité de la donation du 27 avril 2021 consentie par Madame [M] [P] veuve [C] portant sur la moitié de son usufruit du bien immobilier situé [Adresse 6] à [Localité 9] au bénéfice de Monsieur [Z] [C],
Déboute Madame [M] [P] veuve [C] et Monsieur [S] [G] en qualité de mandataire spécial de leur demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
Condamne Monsieur [Z] [C] aux dépens,
Dit que la condamnation aux dépens sera assortie au profit de Maître Charles CAZALS du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont il a fait l’avance sans avoir reçu provision,
Rappelle que l’exécution provisoire de la décision est de droit,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Le Greffier, Le Président,

 


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