Tribunal judiciaire de Nîmes, 11 décembre 2024, RG n° 23/05472
Tribunal judiciaire de Nîmes, 11 décembre 2024, RG n° 23/05472

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Nîmes

Résumé

Le 25 mai 2021, Monsieur [S] [H] et Madame [B] [Y] ont acquis un tracteur Massey-Ferguson pour 3.800 euros. Cependant, des désordres ont été constatés le 10 juin, entraînant des réparations insatisfaisantes. Après une expertise amiable, les époux [H] ont assigné le vendeur devant le Tribunal Judiciaire de Nîmes. Le 14 novembre 2023, le tribunal a prononcé la résolution de la vente, ordonnant la restitution du prix et l’indemnisation des frais d’expertise. La SARL GARAGE DUMAS ET FILS a été condamnée aux dépens, avec exécution provisoire.

Acquisition du Tracteur

Monsieur [S] [H] et Madame [B] [Y] épouse [H] ont acheté un tracteur Massey-Ferguson modèle 140 Super le 25 mai 2021 pour un montant de 3.800 euros auprès de la SARL GARAGE DUMAS ET FILS.

Constatation des Désordres

Le 10 juin 2021, les acheteurs ont découvert plusieurs désordres sur le tracteur, ce qui a conduit le vendeur à effectuer des réparations entre le 24 juin et le 24 juillet 2021. Insatisfaits des réparations, les époux [H] ont commandé une expertise amiable à leurs frais.

Procédures Judiciaires

Ne parvenant pas à un accord amiable, les époux [H] ont assigné la SARL GARAGE DUMAS ET FILS devant le Tribunal Judiciaire de Nîmes le 9 mars 2022, demandant la résolution de la vente et des dommages et intérêts. Le tribunal a ordonné une expertise judiciaire le 28 juin 2022, dont le rapport a été rendu le 4 juillet 2023.

Jugement du Tribunal

Le 14 novembre 2023, le tribunal a constaté son incompétence matérielle en raison du montant du litige et a renvoyé les parties devant la 3ème chambre civile. Les époux [H] ont alors formulé des demandes de résolution de la vente pour défaut de conformité et vice caché, ainsi que des indemnités pour préjudices divers.

Réponse de la SARL GARAGE DUMAS ET FILS

La SARL GARAGE DUMAS ET FILS a contesté les demandes des époux [H], arguant que le tracteur n’avait pas de vice caché et que les défauts étaient apparents. Elle a également souligné une mauvaise utilisation et un mauvais entretien du tracteur par les acheteurs.

Expertise Judiciaire

L’expert a conclu que certains défauts du tracteur rendaient celui-ci inapte à circuler en toute sécurité, bien que certains défauts aient été décelables par les acheteurs. Le rapport a mis en évidence des problèmes non visibles lors de l’achat, justifiant la demande de résolution de la vente.

Décision du Tribunal

Le tribunal a prononcé la résolution de la vente, condamnant la SARL GARAGE DUMAS ET FILS à restituer le prix de 3.800 euros aux époux [H] et à indemniser les frais d’expertise amiable. Les demandes de dommages et intérêts pour préjudice moral ont été partiellement rejetées.

Condamnation aux Dépens

La SARL GARAGE DUMAS ET FILS a été condamnée à payer les dépens, y compris les frais d’expertise, et à verser une somme pour les frais irrépétibles aux époux [H]. L’exécution provisoire a été ordonnée.

Questions / Réponses juridiques :

 

Quelles sont les conditions de la garantie légale de conformité selon le Code de la consommation ?

La garantie légale de conformité est régie par les articles L217-3 à L217-14 du Code de la consommation.

Selon l’article L217-3, « les dispositions du présent chapitre sont applicables aux relations contractuelles entre le vendeur agissant dans le cadre de son activité professionnelle ou commerciale et l’acheteur agissant en qualité de consommateur. »

L’article L217-4 précise que « le vendeur livre un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance. Il répond également des défauts de conformité résultant de l’emballage, des instructions de montage ou de l’installation lorsque celle-ci a été mise à sa charge par le contrat ou a été réalisée sous sa responsabilité. »

L’article L217-5 énonce que « le bien est conforme au contrat s’il est propre à l’usage habituellement attendu d’un bien semblable et, le cas échéant, s’il correspond à la description donnée par le vendeur et possède les qualités que celui-ci a présentées à l’acheteur sous forme d’échantillon ou de modèle. »

De plus, l’article L217-7 fait présumer l’existence d’un défaut de conformité si celui-ci apparaît dans les six mois suivant la délivrance du bien, sauf preuve du vendeur que le défaut n’existait pas lors de la délivrance.

Quels sont les recours possibles en cas de vice caché selon le Code civil ?

Les recours en cas de vice caché sont régis par les articles 1641 à 1649 du Code civil.

L’article 1641 stipule que « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus. »

L’article 1642 précise que « le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même. »

En vertu de l’article 1643, « il est tenu à la garantie, même dans le cas où il n’a pas eu connaissance du vice. »

L’article 1644 permet à l’acheteur de demander la résolution de la vente ou une réduction du prix, selon son choix.

Enfin, l’article 1646 précise que « si le vendeur prouve qu’il n’a pas pu connaître le vice, il n’est tenu qu’à la restitution du prix, sans dommages et intérêts. »

Comment se prononce le tribunal sur la résolution de la vente dans ce cas précis ?

Dans le cas présent, le tribunal a constaté que le tracteur vendu était impropre à l’usage habituellement attendu d’un bien semblable, en raison de défauts non décelables par les acheteurs profanes.

L’expert judiciaire a conclu que les vices constatés rendaient le tracteur inapte à circuler en toute sécurité.

Le tribunal a donc appliqué l’article L217-7 du Code de la consommation, qui présume l’existence d’un défaut de conformité si celui-ci apparaît dans les six mois suivant la délivrance.

Il a également pris en compte que les défauts avaient été signalés dès le lendemain de la livraison, ce qui a renforcé la présomption de non-conformité.

En conséquence, le tribunal a prononcé la résolution de la vente, condamnant la SARL GARAGE DUMAS ET FILS à restituer le prix de vente de 3.800 euros aux époux [H].

Quels dommages et intérêts peuvent être réclamés en cas d’inexécution contractuelle ?

Les dommages et intérêts en cas d’inexécution contractuelle sont régis par l’article 1231-1 du Code civil, qui stipule que « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure. »

Dans cette affaire, les époux [H] ont réclamé des dommages et intérêts pour préjudice matériel et moral, ainsi que pour résistance abusive.

Le tribunal a reconnu un préjudice matériel de 405,63 euros, correspondant à des frais de remorquage et d’assurance, ainsi qu’un préjudice de jouissance de 200 euros.

Cependant, le tribunal a débouté les époux de leur demande de préjudice moral, faute de preuves suffisantes.

Il a également accordé 600 euros pour résistance abusive, considérant que la SARL GARAGE DUMAS ET FILS avait agi de manière réfractaire face aux demandes des époux [H].

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

11 décembre 2024
Tribunal judiciaire de Nîmes
RG n°
23/05472
Copie ❑ exécutoire
❑ certifiée conforme
délivrée le
à
Me Axelle FERAY-LAURENT
Me Caroline RIGO

TRIBUNAL JUDICIAIRE Par mise à disposition au greffe
DE NIMES
Le 11 Décembre 2024
1ère Chambre Civile

N° RG 23/05472 – N° Portalis DBX2-W-B7H-KHUI
Minute n° JG24/

JUGEMENT

Le tribunal judiciaire de Nîmes, 1ère Chambre Civile, a dans l’affaire opposant :

M. [S] [H]
né le 28 Avril 1969 à [Localité 6],
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Axelle FERAY-LAURENT, avocat au barreau de NIMES, avocat plaidant

Mme [B] [H] [Y]
née le 13 Décembre 1982 à [Localité 4],
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Axelle FERAY-LAURENT, avocat au barreau de NIMES, avocat plaidant

à :

S.A.R.L. GARAGE DUMAS ET FILS
Immatriculée au Registre du Commerce et des Société sous le Numéro 823 040 399
prise en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié en cette qualité en son siège, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Caroline RIGO, avocat au barreau de NIMES, avocat plaidant

Rendu publiquement le jugement contradictoire suivant, statuant en premier ressort après que la cause a été débattue en audience publique le 15 Octobre 2024 devant Antoine GIUNTINI, Vice-président, statuant comme juge unique, assisté de Aurélie VIALLE, greffière, et qu’il en a été délibéré.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [S] [H] et Madame [B] [Y] épouse [H] ont acquis le 25 mai 2021 auprès de la SARL GARAGE DUMAS ET FILS un tracteur de marque Massey-Ferguson modèle 140 Super immatriculé [Immatriculation 3] pour un prix de 3.800 euros.
Ils ont constaté le 10 juin 2021 plusieurs désordres dans le véhicule, conduisant la SARL GARAGE DUMAS ET FILS à effectuer dessus diverses réparations, dans leurs locaux du 24 juin au 24 juillet 2021. Insatisfaits de ces dernières, ils ont fait réaliser une expertise amiable contradictoire à leurs frais.
Ne parvenant pas à trouver un accord amiable qui les satisfasse, par acte de Commissaire de justice du 9 mars 2022, ils ont assigné la SARL GARAGE DUMAS ET FILS devant le Tribunal Judiciaire de Nîmes aux fins principales de résolution de la vente et de condamnation à la prise en charge des frais, outre les dommages et intérêts.
Par jugement avant-dire droit du 28 juin 2022, le Tribunal a ordonné une expertise, confiée à M. [C] [G], visant à déterminer l’étendue, la nature et l’ancienneté des désordre affectant le véhicule en litige.
L’expert judiciaire a rendu son rapport le 4 juillet 2023.
Par jugement du 14 novembre 2023, constatant que le litige portait sur un montant supérieur à 10.000 euros et pour des demandes indéterminées, le Tribunal statuant en procédure orale sans représentation obligatoire, a relevé d’office son incompétence matérielle, ordonné la réouverture des débats et renvoyé les parties devant la 3ème chambre civile en procédure écrite.
* * *
Aux termes de leurs dernières écritures, notifiées par voie électronique le 3 juin 2024, les époux [H] demandent au Tribunal, sur le fondement des articles L217-3, L217-5 et L217-14 du code de la consommation, 1603, 1641 et suivants, 1112-1 et 1231-1 du code civil de :
PRONONCER la résolution de la vente intervenue le 10 juin 2021, entre eux et la SARL DUMAS ET FILS portant sur le tracteur Massey Ferguson MF 140 immatriculé [Immatriculation 5], pour défaut de délivrance conforme.
Subsidiairement :
PRONONCER la résolution de la vente intervenue le 10 juin 2021, entre eux et la SARL DUMAS ET FILS portant sur le tracteur Massey Ferguson MF 140 immatriculé [Immatriculation 5] pour vice caché.
En conséquence,
CONDAMNER la SARL DUMAS ET FILS à leur restituer le prix de 3 800 €,
CONDAMNER la SARL DUMAS ET FILS à leur payer et porter :
– 2000 € pour résistance abusive,
– 3000 € au titre de leur préjudice matériel,
– 2000 € au titre de leur préjudice moral.
CONDAMNER la SARL DUMAS ET FILS à leur rembourser les frais d’expertise amiable et judiciaire à hauteur de 4213 €.
DIRE n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
CONDAMNER la SARL DUMAS ET FILS à leur payerla somme de 2000 € au titre de l’article 700 ainsi qu’aux entiers dépens.

A l’appui de leurs demandes ils mettent en avant que la non-conformité du bien persiste en dépit des tentatives de réparations du vendeur, restées sans effet. Ils s’appuient à cette fin sur les conclusions de l’expertise.
Ils font état en outre de vices cachés rendant le tracteur impropre à l’usage auquel on le destine.
Ils invoquent un préjudice de jouissance, n’ayant pu réaliser les prestations pour lesquelles ils avaient besoin du tracteur, et exposent leurs frais de remorquage et d’assurance. Ils font état également des frais d’expertises amiable et judiciaire. Ils excipent d’une anxiété importante depuis plusieurs années du fait de la durée anormale de l’intervention, restée vaine de surcroît, et de la mauvaise foi de la SARL GARAGE DUMAS ET FILS.
* * *
Aux termes de ses dernières écritures, notifiées par voie électronique le 3 juin 2024, la SARL GARAGE DUMAS ET FILS demande au tribunal, sur le fondement des articles 1641, 1642 et 1646 du code civil et L217-3 à L217-7 du code de la consommation de :
Dire recevables et bien fondées ses demandes, fins et conclusions.
Rejeter l’ensemble des demandes fins et conclusions des consorts [H].
A titre principal :
– rejeter l’ensemble des demandes fins et conclusion des consorts [H].
– Dire et juger que le tracteur vendu par la SARL GARAGE DUMAS ET FILS n’est affecté d’aucun vice caché.
– Dire et juger qu’il n’y a pas lieu à application de la garantie légale de conformité.
– Constater la mauvaise utilisation et le mauvais entretien du tracteur par les époux [H]
A titre subsidiaire :
– dire n’y avoir lieu à résolution.
– Réduire à de plus justes proportions les demandes indemnitaires des époux [H].
– Dire n’y avoir lieu à remboursement d’un préjudice matériel, moral, des frais liés à l’achat de l’engin, au remboursement de l’expertise, des frais de correspondance, à de quelconques dommages et intérêts.
– Ordonner la seule prise en charge des deux pneus avant du tracteur.
A titre extrêmement subsidiaire :
– ordonner la restitution du tracteur et la remise de la carte grise.
– Compte tenu de l’usage, de l’état actuel du tracteur résultant du mauvais entretien et du mauvais stockage des époux [H] cantonner le remboursement à 1500 euros.
– Réduire à de plus justes proportions les demandes indemnitaires des époux [H].
– Dire n’y avoir lieu à remboursement d’un préjudice de jouissance, préjudice matériel, moral, des frais liés à l’achat de l’engin, au remboursement de l’expertise, des frais de correspondance, à de quelconques dommages et intérêts
En tout état de cause :
rejeter les demandes des consorts [H] au titre de l’article 700 du CPC, de la résistance abusive, du préjudice de jouissance, du préjudice moral des frais et des dépens, et des frais d’expertise,condamner les consorts [H] au règlement :des frais d’expertise amiable, de l’expertise judiciaire et notamment les honoraires de Monsieur [T],de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La SARL GARAGE DUMAS ET FILS fait valoir une utilisation du tracteur d’au moins 100 heures dès l’été 2021 par les consorts [H]. Elle indique qu’il leur avait été fournie une faucheuse pour compenser leurs quelques désagréments. Elle soulève que les requérants ne produisant pas l’annonce du produit, sa destination n’est pas déterminée. Elle excipe de l’absence de garantie commerciale. Elle pointe que la facture du bien mentionne clairement « matériel d’occasion livré en l’état ». Elle estime que la plupart des défauts relevés par les requérants, pour ceux qui existaient, étaient clairement apparents lors de la vente. Elle souligne que contrairement à ce qu’indique l’Expert, M. [H] a confirmé avoir pu réaliser un essai routier avant l’acquisition du tracteur. Elle précise, sur le comportement routier du véhicule, que l’expert mentionne une dangerosité potentielle, sans certitude sur ce point.
Elle conteste le préjudice de jouissance avancé, relevant que les requérants se sont servis du tracteur entre l’expertise amiable et l’expertise judicaire et qu’ils n’ont ni loué, ni acheté d’autre véhicule. Elle mentionne que l’expertise amiable était un choix stratégique des requérants qu’ils doivent assumer et que les honoraires de l’expertise judiciaire, qualifiée de « ni conforme ni correcte » sont exorbitants.
Elle dénonce le devis de réparation de l’expert et réfute les supposés défauts du matériel revendiqués par les époux [H].
Elle estime que les demandeurs ne démontrent en rien que certains équipements seraient non conformes et obligatoires à l’époque de la construction de la machine.
Elle pointe que la garantie légale de conformité de l’article L217-7 du code de la consommation applicable à l’époque est dépassée.
Elle mentionne que les acheteurs se sont servis pendant de nombreux mois de l’engin dans des conditions ignorées, et qu’il était propre à l’usage attendu d’un tracteur vieux de 50 ans.
Elle fait état d’une situation économique compliquée.

* * *
Pour un exposé complet des faits, prétentions et moyens des parties, il y a lieu en vertu de l’article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs dernières écritures.

* * *
La clôture est intervenue le 1er octobre 2024 par ordonnance du juge de la mise en l’état en date du 6 juin 2024.
L’affaire a été fixée à l’audience de juge unique du 15 octobre 2024 pour être plaidée.
La décision a été mise en délibérée au 11 décembre 2024.

* * *
MOTIFS DE LA DECISION

À titre liminaire, il est rappelé que les « demandes » tendant à voir « constater », « déclarer », « juger » ou « dire et juger » ne constituent pas des prétentions au sens des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile, mais des moyens invoqués par les parties. Il ne sera donc pas statué sur ces « demandes » qui ne donneront pas lieu à mention au dispositif.

SUR LES DEMANDES PRINCIPALES

Sur la résolution de la vente

Aux termes de l’articles L217-3 alinéa 1 du code de la consommation alors applicable « les dispositions du présent chapitre sont applicables aux relations contractuelles entre le vendeur agissant dans le cadre de son activité professionnelle ou commerciale et l’acheteur agissant en qualité de consommateur. ».
L’article L217-4 du même code alors applicable dispose que « le vendeur livre un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance.
Il répond également des défauts de conformité résultant de l’emballage, des instructions de montage ou de l’installation lorsque celle-ci a été mise à sa charge par le contrat ou a été réalisée sous sa responsabilité ».
L’article L217-5 alors applicable précise que « le bien est conforme au contrat :
1° S’il est propre à l’usage habituellement attendu d’un bien semblable et, le cas échéant :
– s’il correspond à la description donnée par le vendeur et possède les qualités que celui-ci a présentées à l’acheteur sous forme d’échantillon ou de modèle ;
– s’il présente les qualités qu’un acheteur peut légitimement attendre eu égard aux déclarations publiques faites par le vendeur, par le producteur ou par son représentant, notamment dans la publicité ou l’étiquetage ;
2° Ou s’il présente les caractéristiques définies d’un commun accord par les parties ou est propre à tout usage spécial recherché par l’acheteur, porté à la connaissance du vendeur et que ce dernier a accepté ».
Selon l’article L217-6 alors applicable, « le vendeur n’est pas tenu par les déclarations publiques du producteur ou de son représentant s’il est établi qu’il ne les connaissait pas et n’était légitimement pas en mesure de les connaître ».
L’article L217-7 du même code alors applicable fait, sauf preuve contraire, présumer exister au moment de la délivrance le défaut de conformité qui apparaît dans les 6 mois de la délivrance du bien d’occasion, à moins que cette présomption ne soit incompatible avec la nature du bien ou du défaut invoqué.

L’article L217-14 du code de la consommation tel qu’invoqué par les requérants n’est pas applicable au présent contentieux, pour avoir été érigé par l’ordonnance n°2021-1247 du 29 septembre 2021, postérieure à la vente critiquée.

La garantie de conformité du code de la consommation était alors édictée dans les articles L217-8 à L217-10 aux termes desquels :

« l’acheteur est en droit d’exiger la conformité du bien au contrat. Il ne peut cependant contester la conformité en invoquant un défaut qu’il connaissait ou ne pouvait ignorer lorsqu’il a contracté. Il en va de même lorsque le défaut a son origine dans les matériaux qu’il a lui-même fournis. »

« En cas de défaut de conformité, l’acheteur choisit entre la réparation et le remplacement du bien.
Toutefois, le vendeur peut ne pas procéder selon le choix de l’acheteur si ce choix entraîne un coût manifestement disproportionné au regard de l’autre modalité, compte tenu de la valeur du bien ou de l’importance du défaut. Il est alors tenu de procéder, sauf impossibilité, selon la modalité non choisie par l’acheteur. »

« Si la réparation et le remplacement du bien sont impossibles, l’acheteur peut rendre le bien et se faire restituer le prix ou garder le bien et se faire rendre une partie du prix.
La même faculté lui est ouverte :
1° Si la solution demandée, proposée ou convenue en application de l’article L. 217-9 ne peut être mise en œuvre dans le délai d’un mois suivant la réclamation de l’acheteur ;
2° Ou si cette solution ne peut l’être sans inconvénient majeur pour celui-ci compte tenu de la nature du bien et de l’usage qu’il recherche.
La résolution de la vente ne peut toutefois être prononcée si le défaut de conformité est mineur. ».

En l’espèce, l’expert judiciaire conclut en page 35 de son rapport que « les vices constatés, relatifs aux diamètres inégaux des jantes avant, au mauvais état des pneus avant, à leurs dimensions différentes, à l’absence de clignotants avant, au jeu excessif du support d’essieu avant, des fusées avant, rendent le tracteur inapte à circuler dans les conditions normales de sécurité, dans son état actuel il est impropre à sa destination ».

Il précise dans son expertise que le diamètre différent des jantes avant, le mauvais état des pneumatiques avant et la signalisation incomplète du tracteur étaient décelables par les époux [H].
En revanche le jeu anormalement excessif du support de l’essieu et des fusées de direction n’étaient pas décelables par les acheteurs. Il en va de même de la soudure des liaisons de la barre de direction qui, de surcroît, « ne permet plus le réglage du parallélisme en cas de besoin (…) » et dont les effets thermiques génèrent un « risque d’affaiblissement ou de détérioration métallurgique du bras de la rotule ».

L’ancienneté de 50 ans du tracteur soulevée par le vendeur professionnel, ne le dispense pas de l’usage habituellement attendu par un acheteur profane, pointé par l’expert en ce qu’a minima « il ne mette pas en danger l’utilisateur et les usagers de la route, qu’il rende le service pour lequel il a été vendu ». L’expert souligne qu’il n’est pas « exceptionnel de trouver sur le marché de l’occasion des véhicules anciens vendus par des professionnels qui sont en état de fonctionnement, aptes à circuler sur la voie publique et qui rendent le service pour lequel il est destiné, sans cumuler des pannes successives dans les suites immédiates de sa livraison ». Les annonces versées aux débats par les demandeurs confortent cette position.

L’annonce dans la facture d’un matériel livré « en l’état » ne démontre pas un échange de consentement entre les parties, antérieur à la vente, pour le transfert de propriété d’un bien inapte à circuler dans des conditions normales de sécurité. Elle ne peut que conforter les dispositions du code de la consommation écartant la garantie de non-conformité pour les défauts que l’acheteur profane connaissait ou ne pouvait ignorer ; or, l’expert exclu de cette catégorie le jeu anormalement excessif du support de l’essieu et des fusées de direction ainsi que les conséquences de la soudure des liaisons de la barre de direction.
Elle ne saurait écarter, par cette seule déclaration unilatérale et imprécise, la garantie de conformité d’ordre publique invoquée.

Il n’est par ailleurs pas établi que M. [H] ait essayé le tracteur préalablement à son achat de manière à le mettre en position de déceler les défauts dénoncés. Son mail le 11 juin 2021 à la SARL GARAGE DUMAS ET FILS, dénonçant l’instabilité du tracteur le lendemain de sa livraison, appuie le positionnement profane des acquéreurs, découvrant l’inaptitude à l’emploi du bien livré. La réponse même de la SARL GARAGE DUMAS ET FILS, dès le 12 juin, proposant un rendez-vous au 17 juin pour procéder aux réparations nécessaires aux problèmes exposés par M. [H], dont « tracteur instable et dangereux sur la route », confirme que cet état n’était pas convenu entre les parties. Le certificat de cession ne consigne pas qu’il est cédé pour destruction et, comme le relève l’expert, aucune mention sur la facture ne fait état de restriction d’utilisation ou que l’engin fut destiné à la seule récupération des pièces.

Il ressort de ces éléments que le bien vendu était impropre à l’usage habituellement attendu d’un bien semblable, pour des défauts non décelables par ses acheteurs profanes. Le défaut de conformité ayant été dénoncé dès le lendemain de la livraison, il est présumé exister au moment de la délivrance du bien en application de l’article L217-7 du code de la consommation, même dans sa version alors applicable. En toute hypothèse, les explications et dénégations de la SARL GARAGE DUMAS ET FILS ne sont pas convaincantes quant à une origine des problèmes du tracteur imputable aux consorts [H], alors qu’ils se sont manifestés dès le lendemain de la livraison, au premier jour de son utilisation.
Il apparaît en outre que la réparation du tracteur est manifestement impossible, celle-ci ayant déjà été tentée durant un mois par le vendeur, qui n’a par ailleurs pas proposé un remplacement de l’engin. Le défaut de conformité rendant le tracteur inapte à circuler, il ne saurait être considéré comme mineur.

En conséquence, il y a lieu de prononcer la résolution de la vente du tracteur de marque Massey-Ferguson modèle 140 Super immatriculé [Immatriculation 3] réalisée le 25 mai 2021 entre la SARL GARAGE DUMAS ET FILS, vendeuse, et Monsieur [S] [H] et Madame [B] [Y] épouse [H], acheteurs.
Il n’est pas établi par le vendeur que le tracteur ait été utilisé par les acheteurs de manière à diminuer le montant du prix à restituer. Il sera condamné à payer aux requérants la somme de 3.800 euros correspondant au prix de vente ; ces derniers restitueront le tracteur, sa carte grise et la faucheuse fournie avec.

Sur les dommages et intérêts

Aux termes de l’article 1231-1 du code civil, « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure ».

En l’espèce, les époux [H] sollicitent 3.000 euros au titre de leur préjudice matériel et 2.000 euros pour leur préjudice moral, outre 2.000 euros pour résistance abusive, engendrés par l’inexécution contractuelle de la SARL GARAGE DUMAS ET FILS.

S’agissant du préjudice matériel, il n’est pas établi qu’ils aient du s’acquitter de fourrage auprès de tiers pour nourrir leurs chevaux. Ils ont en revanche effectivement payé 180 euros de frais de remorquage du fait de l’inaptitude à l’emploi du tracteur acheté et ont inutilement réglé 25,63 euros d’assurance. En outre, s’ils ne justifient pas de la location ou de l’achat d’un autre tracteur de remplacement, ils ont nécessairement été privés d’une jouissance normale du bien acheté ; ce préjudice de jouissance sera dès lors justement indemnisé à hauteur de 200 euros.

En ce qui concerne le préjudice moral allégué « d’anxiété importante depuis maintenant plusieurs années », il n’est étayé par aucun élément et ils seront déboutés de ce chef de demande.

Enfin, le recours à un expert amiable s’analyse davantage en une démarche imposée par le positionnement réfractaire de la SARL GARAGE DUMAS ET FILS, dans l’optique légitime de privilégier un règlement amiable du conflit, qu’en une libre stratégie des consorts [H]. Il sera donc fait droit à leur demande d’indemnisation des 600 euros d’honoraires d’expertise amiable. En revanche, les frais d’expertise judiciaire sont compris dans les dépens.

La SARL GARAGE DUMAS ET FILS sera donc condamnée à payer aux époux [H] 405, 63 euros au titre de son préjudice matériel, et 600 euros pour la résistance abusive invoquée. Les demandeurs seront déboutés du surplus de leurs demandes indemnitaires.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
L’article 695.4° du même code précise que les honoraires de l’expert entrent dans l’assiette des dépens.
La SARL GARAGE DUMAS ET FILS qui succombe à l’instance en supportera les dépens, comprenant les frais d’expertise s’élevant à 3.613 €.

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations
L’équité commande en l’espèce de condamner la SARL GARAGE DUMAS ET FILS à payer aux consorts [H] au titre des frais irrépétibles la somme de 2.000 €.

PAR CES MOTIFS
Le tribunal statuant en audience publique, en premier ressort, par jugement contradictoire,
ORDONNE la résolution de la vente du tracteur de marque Massey-Ferguson modèle 140 Super immatriculé [Immatriculation 3] pour un prix de 3.800 euros conclue le 25 mai 2021 entre la SARL GARAGE DUMAS ET FILS, vendeuse, et Monsieur [S] [H] et Madame [B] [Y] épouse [H], acheteurs ;
CONDAMNE la SARL GARAGE DUMAS ET FILS à payer à Monsieur [S] [H] et Madame [B] [Y] épouse [H] la somme de 3.800 euros à titre de restitution du prix de vente ;
ORDONNE à Monsieur [S] [H] et Madame [B] [Y] épouse [H] de restituer le tracteur de marque Massey-Ferguson modèle 140 Super immatriculé [Immatriculation 3] à la SARL GARAGE DUMAS ET FILS, avec sa carte grise et la faucheuse fournie en accessoire ;
CONDAMNE la SARL GARAGE DUMAS ET FILS à payer à Monsieur [S] [H] et Madame [B] [Y] épouse [H] la somme de 405,63 euros au titre de son préjudice matériel,
CONDAMNE la SARL GARAGE DUMAS ET FILS à payer à Monsieur [S] [H] et Madame [B] [Y] épouse [H] la somme de 600 euros au titre des frais exposés pour l’expertise amiable diligentée,
DEBOUTE Monsieur [S] [H] et Madame [B] [Y] épouse [H] du surplus de leurs demandes indemnitaires ;
CONDAMNE la SARL GARAGE DUMAS ET FILS à payer à Monsieur [S] [H] et Madame [B] [Y] épouse [H] la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles ;
DEBOUTE la SARL GARAGE DUMAS ET FILS de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SARL GARAGE DUMAS ET FILS aux entiers dépens en ce compris les frais d’expertise judiciaire s’élevant à 3.613 euros ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.

Le présent jugement a été signé par Antoine GIUNTINI, Vice-président et par Aurélie VIALLE, greffière présente lors de sa mise à disposition.

Le Greffier, Le Président,


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