Tribunal judiciaire de Marseille, 27 novembre 2024, RG n° 24/00019
Tribunal judiciaire de Marseille, 27 novembre 2024, RG n° 24/00019

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Marseille

Thématique : Évaluation du Droit de Préemption et Fixation de l’Indemnité dans le Cadre d’une Opération d’Expropriation

Résumé

La Zone d’Aménagement Différée (ZAD) de la façade maritime Nord a été créée par arrêté préfectoral en 2005, avec la ville de [Localité 39] comme titulaire du droit de préemption. En mars 2016, une convention d’intervention foncière a été signée entre l’EPF PACA et la ville. En novembre 2023, la SCI DASSI VANNI a notifié son intention de vendre un bien commercial pour 450.000 euros. L’EPF a exercé son droit de préemption, proposant 320.000 euros, mais la SCI a refusé. La juridiction de l’expropriation a ensuite fixé l’indemnité principale à 360.576 euros, tenant compte de l’occupation commerciale.

JURIDICTION D’EXPROPRIATION DES BOUCHES DU RHONE
Palais de Justice – [Adresse 27] [Localité 6]

N° R.G. 24/00019 – N° Portalis DBW3-W-B7I-44C4

L’ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER PROVENCE-ALPES-COTE-D’AZUR (EPF)

C/

S.C.I. DASSI-VANNI

Préemption projet urbain à [Localité 39]

LE 27 NOVEMBRE 2024

JUGEMENT

EXPROPRIANT

L’ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER PROVENCE-ALPES-COTE-D’AZUR (EPF) prise en la personne de son représentant légal en exercice dont le siège social est sis [Adresse 38] – [Localité 3]

représentée par Me Miguel BARATA, avocat au barreau de PARIS

CONTRE :

EXPROPRIEE

S.C.I. DASSI-VANNI prise en la personne de son représentant légal en exercice dont le siège social est sis [Adresse 15] – [Localité 5]

représentée par Me Ismael TOUMI, avocat au barreau de MARSEILLE

En présence de Monsieur le Commissaire du Gouvernement de [Localité 39] , DRFIP PACA, Pôle d’évaluations domaniales, [Adresse 9] [Localité 7]

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président : Madame Claude BENDELAC, Juge au Tribunal judiciaire de Marseille désignée en qualité de Juge de l’Expropriation

Greffier : Élisa ADÉLAÏDE

Débats à l’audience publique du 23 octobre 2024

EXPOSE DU LITIGE :

Par arrêté préfectoral du 6 décembre 2005, complété par arrêté du 24 avril 2007, le périmètre de la Zone d’Aménagement Différée (ZAD) de la façade maritime Nord a été créé et la ville de [Localité 39] a été désignée titulaire du droit de préemption.

Une convention d’intervention foncière sur le site « [Localité 37] – [Localité 40] – [Localité 44] » a été conclue le 14 mars 2016 entre l’établissement public foncier Provence Alpes Côte d’Azur (ci-après l’EPF PACA), la ville de [Localité 39] et la communauté Urbaine [Localité 39]-Provence-Métropole, puis un avenant le 10 juillet 2019.

Par une déclaration d’intention d’aliéner reçue en mairie le 2 novembre 2023, la SCI DASSI VANNI a déclaré vouloir vendre son bien, occupé à titre commercial, pour un prix de vente de 450.000 euros.

L’EPF, en qualité de délégataire du droit de préemption urbain, a décidé d’exercer son droit de préemption le 17 janvier 2024 et a offert d’acquérir le bien pour un prix de 320.000 euros.

Par courrier notifié le 18 mars 2024, la SCI DASSI VANNI a notifié à l’EPF son refus du prix proposé et le maintien du prix mentionné dans la DIA.

Par mémoire reçu le 5 avril 2024 au greffe de la juridiction de l’expropriation des Bouches-Du-Rhône, l’établissement public foncier Provence-Alpes-Côte-D’azur a sollicité la fixation du prix d’aliénation de l’immeuble d’activités sis [Adresse 19] à [Localité 4], parcelles cadastrées section [Cadastre 35] M n°[Cadastre 28] (90 m2) et M n°[Cadastre 31] (233 m2) d’une superficie totale de 323 m2, propriété de la SCI DASSI VANNI, à hauteur de 320.000 euros. Elle demande que soit écartée l’exécution provisoire.

La visite des lieux a été fixée par ordonnance du 15 mai 2024 au 3 juillet 2024.

Par mémoire reçu le 6 août 2024, l’EPF PACA maintient sa demande de fixation du prix de l’immeuble à 320.000 euros et sollicite de déclarer son offre et sa saisine régulières et recevables et de rejeter les demandes de la SCI DASSI-VANNI.

Sur la recevabilité de l’offre, il fait valoir que l’obligation qui pèse sur le titulaire du droit de préemption est celle de recueillir l’avis domanial préalablement à la décision de préemption mais affirme que cet avis est un acte préparatoire non communication selon la jurisprudence de la CADA.

Il affirme en outre que le mémoire de saisine est conforme à l’article R 311-12 du code de l’expropriation en ce qu’il fait une description détaillée du bien et propose une évaluation chiffrée.

Il fait valoir qu’aux termes de l’article L 213-4-1 du code de l’urbanisme, seul le défaut de consignation et de notification de la consignation emporte renonciation du droit de préemption.

Au fond, il expose avoir retenu une surface de 313 m2, soit 233 m2 de surface au rez-de-chaussée et 80 m2 de mezzanine, précisant que la surface de stationnement ne constitue pas une annexe à prendre en considération dans la surface utile.

Il utilise la méthode par comparaison en se fondant sur des termes oscillants entre 680 et 1275 €/m2. Il retient une valeur de 1275 €/m2 au regard de la localisation dégagée du secteur et applique un abattement de 20 % pour tenir compte de l’occupation à titre commercial d’un immeuble. Il affirme que les références visées sont vérifiables et qu’il y a lieu de prendre en considération l’état des biens au moment de la vente.

Dans ses conclusions reçues au greffe de la juridiction le 26 juin 2024, le commissaire du gouvernement conclut à la fixation d’un prix de vente à hauteur de 320.000 €.

Il indique que la date de référence se situe au 28 janvier 2020 permettant d’apprécier l’usage effectif du bien, à savoir un local d’activités. Il retient la méthode par comparaison en faisant ressortir cinq références pour des prix oscillant entre 355 et 2018 €/m2 et applique un taux d’abattement pour occupation commerciale de 20 %.

Par mémoire reçu le 3 juillet 2024, la SCI DASSI-VANNI demande :
In limine litis, déclarer nulle la saisine de l’EPF, A titre principal, déclarer la saisine de l’EPF irrecevable,Subsidiairement, de fixer le prix d’aliénation de l’immeuble à la somme de 450.000 € et rejeter les demandes de l’EPF, En tout état de cause, condamner l’EPF PACA à lui verser la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Elle se fonde sur l’article L 213-4-1 du code de l’urbanisme, considérant que l’offre de l’EPF n’est pas valable puisqu’il ne démontre pas avoir obtenu une évaluation du directeur départemental des finances publiques préalablement à la notification de son offre. Elle considère également, sur le fondement des articles R 213-11 du code de l’urbanisme et R 311-12 du code de l’expropriation que le mémoire de saisine est nul en ce que l’EPF ne produit aucun terme de référence susceptible d’être contradictoirement débattu.

Par ailleurs, elle affirme, au visa de l’article L 213-4-1 du code de l’urbanisme que l’EPF PACA est réputé avoir renoncé à l’exercice de son droit de préemption puisque les vendeurs ignorent si la somme consignée représente 15 % de l’évaluation des services fiscaux.

Au fond, elle conteste les termes de référence de l’EPF PACA et du commissaire du gouvernement. Elle expose que la surface utile de la parcelle bâtie est de 250 m2 bâtis et 90 m2 de surface de stationnement, précise que le bien est situé sur un boulevard passant, proche d’un rond point et dont la desserte et la visibilité sont excellentes. Elle ajoute qu’il s’agit d’un immeuble en monopropriété.

Elle se fonde sur des termes de référence compris entre 1500 et 1812 €/m2.

Par jugement du 2 octobre 2024, la juridiction de l’expropriation a sollicité la production de l’avis du domaine sur la valeur vénale de la direction générale des finances publiques concernant le bien immobilier litigieux dans son intégralité, et invité les parties à formuler toute observation sur le document communiqué et la fin de non-recevoir tirée de la déchéance du droit de préemption.

L’EFP PACA a produit l’avis des domaines et déposé un mémoire aux termes duquel il sollicite que soit rejetée la demande de déchéance du droit de préemption et demande de condamner la SCI DASSI VANNI à lui payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La SCI DASSI VANNI par mémoire reçu le 22 octobre 2024, demande de :
In limine litis, déclarer nulle la saisine par l’EPF, A titre principal, écarter la pièce versée par l’EPF faute de pouvoir être débattue contradictoirement, A titre subsidiaire, fixer le prix d’aliénation, du bien à la somme de 450.000 euros, soit 1323,52 par m2 ou 1931,33 € par m2 en raisonnant sur la surface bâtie, En tout état de cause, condamner l’EPF PACA à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Le commissaire du gouvernement maintient ses demandes en l’état.

L’affaire a été mise en délibéré au 27 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ratifiée qui s’impose au juge français, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’il juge nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes.

Aux termes de l’article 17 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la réserve d’une juste et préalable indemnité.

L’article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

Selon les articles L 311-5 et L. 321-1 du code de l’expropriation, à défaut d’accord des parties sur le montant des indemnités, celles-ci sont fixées par le juge de l’expropriation et couvrent l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation.
Aux termes de l’article L 321-3 du code de l’expropriation, le jugement distingue, dans la somme allouée à chaque intéressé, l’indemnité principale et, le cas échéant, les indemnités accessoires en précisant les bases sur lesquelles ces diverses indemnités sont allouées.
Le préjudice matériel subi du fait de l’opération d’expropriation est généralement équivalent à la valeur vénale du bien dont l’exproprié est privé.

Sur la nullité de l’offre et du mémoire de saisine :
Aux termes de l’article L 213-4-1 du code de l’urbanisme, lorsque la juridiction compétente en matière d’expropriation a été saisie dans les cas prévus aux articles L. 211-5, L. 211-6, L. 212-3 et L. 213-4, le titulaire du droit de préemption doit consigner une somme égale à 15 % de l’évaluation faite par le directeur départemental des finances publiques.
La consignation s’opère au seul vu de l’acte par lequel la juridiction a été saisie et de l’évaluation du directeur départemental des finances publiques.
A défaut de notification d’une copie du récépissé de consignation à la juridiction et au propriétaire dans le délai de trois mois à compter de la saisine de cette juridiction, le titulaire du droit de préemption est réputé avoir renoncé à l’acquisition ou à l’exercice du droit de préemption.
En l’espèce, la décision de préemption de l’EPF PACA du 17 janvier 2024 vise l’avis du domaine du 27 décembre 2023. De plus cet avis est partiellement produit aux débats dans le cadre de la présente instance, permettant de vérifier qu’il s’agit bien de l’avis du domaine portant sur le bien litigieux.
Dès lors, il est démontré que le titulaire du droit de préemption a obtenu une évaluation du directeur départemental des finances publiques préalablement à la notification de son offre.
Selon l’article R 311-12 du code de l’expropriation, les mémoires, signés par les parties lorsqu’elles sont dispensées de constituer avocat ou leurs représentants, comportent l’exposé des moyens et prétentions des parties. Celles-ci y joignent les documents et pièces qu’elles entendent produire.
Les mémoires indiquent le montant demandé ou offert pour l’indemnité principale et, le cas échéant, pour chacune des indemnités accessoires. Ils donnent éventuellement toutes précisions utiles au sujet des offres en nature.
En l’espèce le mémoire de saisine de l’EPF propose une évaluation chiffrée se fondant sur des termes de comparaison vérifiables sur le site DVF (demande de valeurs foncières) qui sont donc valables.
Il y a lieu de rejeter la demande de nullité de la saisine et de l’offre.

Sur la recevabilité de la demande :
Il résulte de l’article L 213-4-1 du code de l’urbanisme que l’obligation qui pèse sur le titulaire du droit de préemption est de consigner une somme égale à 15% de l’évaluation faite par le directeur départemental des finances publiques. (…)
A défaut de notification d’une copie du récépissé de consignation à la juridiction et au propriétaire dans le délai de trois mois à compter de la saisine de cette juridiction, le titulaire du droit de préemption est réputé avoir renoncé à l’acquisition ou à l’exercice du droit de préemption.
En l’espèce, il est produit le récépissé de consignation des fonds d’une préemption portant sur le bien sis [Adresse 19] [Localité 4], références cadastrales [Cadastre 35] M00[Cadastre 28] et [Cadastre 35] M00[Cadastre 31] pour un montant de 60.000 €.

L’EPF PACA produit l’avis du domaine sur la valeur vénale en date du 27 décembre 2023, portant sur le bien litigieux, mentionnant une valeur de 400.000 € HT assortie d’une marge d’appréciation de +10%.
Il y donc lieu de considérer que les dispositions du code de l’urbanisme ont bien été respectées, la somme de 15 % ayant été consignée dans les délais légaux.
Dès lors, la demande doit être déclarée recevable.

Sur les éléments préalables à la détermination des indemnités :
Selon les dispositions de l’article L.322-1 du code de l’expropriation, le juge fixe le montant des indemnités d’après la consistance des biens à la date de l’ordonnance portant transfert de propriété. Lorsque l’ordonnance d’expropriation n’est pas intervenue au jour du jugement de première instance, la consistance des biens s’apprécie à la date du dit jugement. La consistance d’un bien correspond principalement aux éléments qui le composent et à ses caractéristiques (état d’entretien, de très mauvais à très bon ; situation d’occupation, libre ou occupé ; …)
En l’espèce, la consistance du bien doit être évaluée à la date du jugement.

La date de référence pour apprécier l’usage effectif du bien est définie par l’article L.213-4 du code de l’urbanisme s’agissant d’un bien qui est situé dans le périmètre d’une ZAC soumis au droit de préemption urbain. Cette date de référence est donc celle à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant ou modifiant le plan d’occupation des sols ou le plan local d’urbanisme, délimitant la zone dans laquelle l’immeuble est situé.
En l’espèce, le PLUi a été approuvé en date du 19 décembre 2019, il a été rendu public et opposable le 28 janvier 2020.
La date de référence est donc fixée au 28 janvier 2020.

Enfin, conformément à l’article L 322-2 du code de l’expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance. Les valeurs d’échanges sont donc évaluées à la date du présent jugement.

Sur les biens expropriés :
Le bien immobilier est situé [Adresse 19] [Localité 4], parcelles cadastrées Section [Cadastre 35] M n°[Cadastre 31] et M n°[Cadastre 31].

Il s’agit d’un local à usage d’atelier en rez-de-chaussée avec une vitrine, dédié à l’activité de réparation de moteur thermique, avec une mezzanine, un bureau et une zone de stockage.

Le bien dispose également d’une cour attenante, permettant le stationnement de véhicules.

L’immeuble est situé en centre-ville de [Localité 39], dans un environnement urbain dense, dont l’accessibilité se fait par bus, métro et accès autoroutier.

Pour une description précise, il conviendra de se reporter au procès-verbal de transport sur les lieux, annexé au présent jugement.

Sur la situation locative :
Il n’est pas contesté que le bien est occupé par la société Assistance Moteur thermiques rectification, pour un usage commercial, aux termes d’un bail commercial du 31 décembre 2022 établi pour une durée de 9 ans et moyennant un loyer annuel de 30.000 euros, hors charges, hors taxes.
La SCI DASSI VANNI affirme que l’évaluation des domaines a retenu une évaluation du bien libre de toute occupation, au regard de la nature précaire du bail et que la promesse de vente communiquée par le notaire prévoit une condition suspensive portant sur la libération de l’immeuble au jour de l’acte définitif.
Toutefois, l’occupation du bien doit être appréhendé à la date du jugement. En l’absence d’élément relatif à une résiliation du bail, l’immeuble doit être évalué en valeur occupé.
Au demeurant il y a lieu de noter que la promesse de vente stipule une clause relative à la résiliation du bail commercial en cause et prévoit que l’indemnité d’éviction qui sera due au locataire au titre de la résiliation sera prélevée sur le prix de vente.

Sur la surface du bien :
L’article D 353-16 du code de la construction et de l’habitation précise que la surface utile est égale à la surface habitable du logement, telle qu’elle est définie à l’article R. 111-2, augmentée de la moitié de la surface des annexes définies par un arrêté du ministre chargé du logement.
L’arrêté du 9 mai 1995 pris en application de l’article R 353-16 et de l’article R 331-10 du code de la construction et de l’habitation précise que pour la définition de la surface utile, les surfaces annexes sont les surfaces réservées à l’usage exclusif de l’occupant du logement et dont la hauteur sous plafond est au moins égale à 1,80 mètre. Elles comprennent les caves, les sous-sols, les remises, les ateliers, les séchoirs et celliers extérieurs au logement, les resserres, les combles et greniers aménageables, les balcons, les loggias et les vérandas et dans la limite de 9 mètres carrés les parties de terrasses accessibles en étage ou aménagées sur ouvrage enterré ou à moitié enterré. 
Ainsi, la surface extérieure constituée de places de stationnement ne peut pas être considérée comme une annexe prise en considération de la surface utile, comme le sollicite la SCI DASSI VANNI. Il y a lieu de retenir une surface de 313 m2 correspondant à la surface cadastrale, soit un rez-de-chaussée de 233 m2 et une mezzanine de 80 m2.

Sur la fixation des indemnités :
Sur l’indemnité principale
L’indemnité principale représente la valeur vénale du bien immobilier.
Il sera procédé à une évaluation selon la méthode de comparaison, par rapport à des ventes effectivement réalisées, au vu des documents produits. En principe, il y a lieu de retenir des mutations d’immeubles comparables offrant les mêmes caractéristiques : situation, superficie, qualité et état d’entretien de la construction etc.
La valeur des biens expropriés sera déterminée par comparaison entre, d’une part, la consistance des bien présentés à titre de termes de comparaison et leurs valeurs d’échange, et, d’autre part, les caractéristiques du bien à évaluer.
Il a été jugé que la référence à des termes de comparaison, accompagnés de leur référence de publication, même en l’absence de production des actes de vente dont ils sont issus, ne viole pas le principe de la contradiction.
Les informations énoncées à l’article R. 112 A-1 du livre des procédures fiscales et des références de publication doivent être précisées : les références cadastrales, adresse, dates de mutation et de publication. (3e Civ., 19 septembre 2024, n° 23-19.783).
L’EPF PACA retient cinq termes de mutations de biens immobiliers :
*T1 : un bien situé [Adresse 21] d’une surface utile de 205 m2 au prix de 965 €/m2 (mutation du 31 janvier 2023) ;
*T2 : un bien situé [Adresse 32] d’une surface utile de 51 m2 au prix de 1275 €/m2 (mutation du 21 décembre 2022) ;
*T3 : un bien situé [Adresse 2] utile de 150 m2 au prix de 833 €/m2 (mutation du 25 octobre 2022) ;
*T4 : un bien situé [Adresse 30] d’une surface utile de 360 m2 au prix de 680 €/m2 (mutation du 30 novembre 2020) ;
*T5 : un bien situé [Adresse 33] d’une surface utile de 150 m2 au prix de 1166 €/m2 (mutation du 28 janvier 2020) ;
Il précise qu’au regard de la localisation, il retient une valeur vénale haute du secteur, à savoir 1275 €/m2.

S’agissant du T1, la SCI DASSI VANNI indique que la copropriété est dégradée, que certaines fenêtres sont murées, et que les immeubles situés [Adresse 20] ont fait l’objet de deux arrêtés de mise en sécurité le 3 décembre 2021 et le 27 décembre 2022, qui ont été levés le 31 octobre 2023 à la suite de l’octroi d’un permis de démolir au nom de l’état. Ainsi au 31 janvier 2023, date de la mutation, l’immeuble faisait l’objet d’un arrêté de mise en sécurité.
Au regard de ces éléments, il y a lieu d’écarter cette référence comme ne correspondant pas à un bien dans un état similaire.

S’agissant du T2, la SCI DANNI VASSI expose que le local est manifestement vétuste et désaffecté. L’EPF PACA conteste l’état dégradé du bien et produit des photographies de janvier 2022 et septembre 2021, soit quai concomitante à la date de mutation du 28 décembre 2022.
En l’état, les photographies produites de part et d’autre ne permettent pas de caractériser une vétusté notable et d’écarter la référence.

S’agissant du T3, la SCI DANNI VASSI indique que la façade est dans un état vétuste avec d’importantes dégradations (trous, corrosion etc). Toutefois les photographies produites datent de juin 2024 et ces éléments sont insuffisants pour écarter ce terme de comparaison.

S’agissant du T4, la SCI DANNI indique que l’immeuble est délabré et sans valeur commerciale et qu’il est inclus dans un ilot délabré. Elle s’appuie sur des photographies de juin 2024. Ces éléments sont insuffisants pour écarter ce terme de comparaison.

S’agissant du T5, la SCI DANNI VASSI indique que l’immeuble est vétuste et décrépit et que l’immeuble voisin a fait l’objet d’un arrêté de péril imminent du 31 janvier 2019. Toutefois, ces éléments ne sont pas suffisants pour écarter la référence.

En dépit de l’absence d’occupation des biens, les références correspondent à des biens présentant des caractéristiques similaires, il convient de retenir les termes de référence en excluant le T1.

Le commissaire du gouvernement quant à lui produit cinq termes de comparaison de mutation intervenues entre avril 2019 et mars 2024 de locaux d’activité de type entrepôt ou atelier ;
*T1 : Un bien situé [Adresse 12] [Localité 4] d’une surface de 227,55 m2 au prix de 527 €/m2 (valeur occupée – publication foncière du 9 mai 2022);
*T2 : Un bien situé [Adresse 1] [Localité 4] d’une surface de 122.43 m2 au prix de 667 €/m2 (valeur occupée – publication foncière du 26 avril 2019);
*T3 : Un bien situé [Adresse 10] [Localité 4] d’une surface de 822.58 m2 au prix de 2018 €/m2 (valeur occupée – publication foncière du 13 mars 2024) ;
T4 Un bien situé [Adresse 14] [Localité 4] d’une surface de 590.50 m2 au prix de 355 €/m2 (valeur occupée – publication foncière du 6 mars 2024) ;
*T5 : Un bien situé [Adresse 29] [Localité 4] d’une surface de 102.37 m2 au prix de 830 €/m2 (valeur libre – publication foncière du 12 mars 2024) ;

S’agissant du T1, la SCI DANNI VASSI indique que le local se situe dans une rue peu commerçante, à l’écart des axes passants, au pied d’une grande cité dégradée. Elle ajoute que la copropriété est dégradée et fera l’objet d’un arrêté de mise en sécurité le 11 juillet 2023, soit un an après la vente.
Ces éléments permettent effectivement d’écarter la référence, comme ne correspondant pas à un bien dans un état similaire.

S’agissant du T2, la SCI DANNI VASSI fait valoir que la vente est ancienne et que le bien présente une situation géographique défavorable dans une impasse proche de la [Adresse 42] et du [Adresse 41]. Elle précise que le parc Bellevue est une copropriété dégradée qui sera placée sous convention de plan de sauvegarde trois ans plus tard en 2022.
Il y a également lieu d’écarter la référence comme ne correspondant pas à un bien dans un état similaire.

S’agissant du T3, le commissaire du gouvernement indique qu’il ne constitue pas un point de comparaison pertinent au regard des caractéristiques techniques du local mais qu’il constitue un élément d’appréciation global du marché des locaux d’activité fixant une référence maximale pour un local d’activité de très haute qualité et performance. La SCI DASSI VANNI indique quant à elle que la rénovation du bien ne rend pas la valorisation aberrante et que le local serait occupé par une enseigne de hard-discount « Zeeman ».
Il y a lieu de retenir cette référence, le bien offrant des caractéristiques similaires à celui objet de la préemption.

S’agissant du T4, la SCI DANNI VASSI indique qu’elle ne figure pas sur la base DVF avec cette référence cadastrale. Toutefois, la mutation est bien référencée par le site DVF et ne peut être écartée.

S’agissant du T5, la SCI DANNI VASSI indique qu’elle ne figure pas sur la base DVF avec cette référence cadastrale. Elle ajoute que le bien est très dégradé, présente des fissures importantes et qu’il est encerclé d’immeubles frappés d’arrêtés de péril. Toutefois, la mutation est bien référencée par le site DVF et ne peut être écartée.

Ainsi, il y a lieu de retenir les T3 et T4 en valeur occupée et le T5 en valeur libre.

La SCI DASSI VANNI produit des offres d’achat. Toutefois ces références ne peuvent être prises en considération car ne correspondant pas à des mutations effectives.
Elle retient également quatre références,
*T1 : un acte de vente du 29 juillet 2022 concernant un bien situé [Adresse 36] [Localité 3] (parcelles cadastrées [Cadastre 34] A n° [Cadastre 13], [Cadastre 16], [Cadastre 17], [Cadastre 18], [Cadastre 22], [Cadastre 23], [Cadastre 24], [Cadastre 25], [Cadastre 26]), au prix de 1811 € / m2 ;
*T2 : un bien situé [Adresse 11] parcelle d’une surface de 58 m2 au prix de 1724 €/m2 (vente du 28 février 2022) ;
*T3 : un bien sis108 [Adresse 43] d’une surface de 32 m2 au prix de 1812 €/m2 (vente du 3 juin 2022) ;
*T4 : un bien sis [Adresse 8] d’une surface de 50 m2 au prix de 1500 €/m2 (vente du 6 décembre 2022) ;

L’EPF PACA indique que les biens ne sont pas comparables car ils portent sur des biens de surfaces incomparables, en copropriété, dans des quartiers éloignés de celui du bien préempté.
Le T1 doit en effet être écarté car le bien objet de la mutation se situe dans un périmètre géographique trop éloigné du bien évalué. De même le T3 ne peut être retenu car la superficie du bien est inférieure et non comparable avec celle du bien préempté.

La juridiction de l’expropriation observe également que le bien dispose d’atouts par rapport aux biens objets des termes de référence, notamment qu’il s’agit d’un bien en état d’usage présentant une façade et une toiture saines, qui dispose d’un espace de stationnement et d’une situation géographique attractive, proche des transports en communs et axes principaux de circulation routière.

Au regard de l’ensemble des références retenues et des considérations précitées, il y a lieu de retenir un prix du bien au m2 de 1440 €/m2, avant abattement pour occupation.

Il est constant que si le bien préempté fait l’objet d’une location, il est pratiqué sur la valeur vénale du bien, appréciée libre d’occupation, un abattement pour tenir compte de la moins-value dont il est grevé par suite des droits conférés aux locataires. En effet, de manière générale, un bien occupé vaut moins cher qu’un bien libre. Toutefois le principe est susceptible de connaître des exceptions, par la démonstration de l’absence de moins-value liée à l’état d’occupation.

Or en l’espèce, la SCI VANNI DASSI ne rapporte pas la preuve de circonstances exceptionnelles susceptibles d’exclure l’application de l’abattement commercial. Il y a donc lieu d’appliquer un abattement de 20 % qui est proportionné à la dépréciation que subissent des locaux d’activité grevés d’un bail commercial.

Au regard de ces éléments, le montant de l’indemnité principale s’élève à la somme de 360 576 € ((1440 x 313) – (20/100 x 1440 x 313)).

Suivant l’article L 213-4 du code de l’urbanisme, ce prix est exclusif de toute indemnité accessoire.

Sur les demandes accessoires
Il y a lieu d’écarter l’exécution provisoire qui n’est pas compatible avec une décision en matière de préemption au regard des dispositions de l’article L 213-7 du code de l’urbanisme offrant aux parties la faculté de renoncer à la mutation.

Les dépens seront laissés à la charge de l’EPF PACA.

L’EPF PACA sera également condamné à verser à la SCI DASSI VANNI la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le Juge de l’expropriation statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

FIXE à la somme de 360.576 € la valeur de l’immeuble appartenant à la SCI DASSI VANNI sis [Adresse 19] à [Localité 4], parcelles cadastrées section [Cadastre 35] M n°[Cadastre 28] et n°[Cadastre 31] ;
CONDAMNE l’EPF PACA à payer à la SCI DASSI VANNI la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
LAISSE les dépens à la charge de L’EPF PACA ;
DIT n’y avoir lieu à exécution provisoire.

AINSI JUGE ET PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE AU TRIBUNAL JUDICIAIRE, JURIDICTION DE L’EXPROPRIATION, LE VINGT-SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE.

LA GREFFIÈRE LA JUGE DE L’EXPROPRIATION

 


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