Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Bobigny
Thématique : Renouvellement de bail commercial : enjeux de déplafonnement et évaluation locative
→ RésuméContexte de l’AffaireEn date du 27 octobre 2011, une usufruitière et une représentante d’une société de gestion ont conclu un bail commercial avec une société locataire pour des locaux situés dans un immeuble. Ce bail, d’une durée de 9 ans, a été établi pour un loyer annuel de 17 000 euros, avec des charges trimestrielles. Cession du Bail CommercialLe 7 février 2012, la société locataire a cédé son fonds de commerce à une autre société, incluant le droit au bail des locaux. Par la suite, le 21 janvier 2021, une société foncière a acquis les lieux loués. Demande de Renouvellement de BailLe 12 février 2021, la société locataire a demandé le renouvellement du bail commercial, ce qui a été accepté par la société foncière, mais avec une proposition de nouveau loyer de 48 000 euros. Litige sur le Montant du LoyerLe 18 janvier 2022, la société foncière a demandé la fixation du loyer du bail renouvelé à 48 000 euros. En réponse, la société locataire a assigné la société foncière devant le tribunal pour établir la date d’effet du renouvellement et le montant du loyer. Jugement InitialLe 13 janvier 2023, le juge a constaté le renouvellement du bail à compter du 1er avril 2021 et a ordonné une expertise pour déterminer la valeur locative du renouvellement. Rapport d’ExpertiseLe rapport d’expertise, déposé le 18 juillet 2024, a évalué le loyer de renouvellement à 18 691,77 euros par an, en concluant qu’il n’y avait pas eu de modification notable des facteurs locaux de commercialité durant la période du bail expiré. Demandes des PartiesLa société foncière a demandé que le loyer soit fixé à 30 200 euros, tandis que la société locataire a demandé à ce que le loyer soit maintenu au montant plafonné de 18 691,77 euros. Décision du TribunalLe tribunal a débouté la société foncière de sa demande de déplafonnement du loyer, fixant le loyer du bail renouvelé à 18 691,77 euros par an. Il a également statué que les intérêts sur le différentiel de loyer ne pouvaient pas être capitalisés et a débouté la société locataire de sa demande de remboursement des loyers trop-perçus. ConclusionLe jugement a été rendu exécutoire de droit par provision, et la société foncière a été condamnée aux dépens, tandis que chaque partie a conservé la charge de ses frais irrépétibles. |
COUR D’APPEL DE PARIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY
JUGEMENT DU 04 FEVRIER 2025
Greffe des loyers commerciaux
Affaire: N° RG 22/11072 – N° Portalis DB3S-W-B7G-WZGM
Chambre 5/Section 4-LC
Minute n° : 25/00199
DEMANDEUR
BSD FONCIERE
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Chantal TEBOUL ASTRUC, avocat au barreau de PARIS,
vestiaire : A0235
C/
DEFENDEUR
S.A.R.L. D&S MODE
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Maître Gilles HITTINGER ROUX de la SCP HB & ASSOCIES-HITTINGER-ROUX BOUILLOT & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0497
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Géraldine HIRIART, juge, statuant par délégation du Président du Tribunal et dans les conditions prévues aux articles R145-23 et suivants du code de commerce, assistée de Madame Sakina HAFFOU, greffier lors des débats.
DÉBATS
Audience publique du 19 Novembre 2024
JUGEMENT
Prononcée publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement réputé non contradictoire et en premier ressort, par Madame Géraldine HIRIART,Juge des loyers commerciaux assistée de Madame Sakina HAFFOU, greffier.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Par acte sous signature privée du 27 octobre 2011, Mme [E] [N], usufruitière, et Mme [L] [N], représentées par la société FONCIA [Localité 5] GESTION, ont conclu avec la société HW un bail commercial portant sur des locaux constitués par les lots 25 (boutique), n°28 (appartement) et n° 39 (cave) au sein de l’immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 7] pour une durée de 9 ans à compter du 1er janvier 2021 et moyennant un loyer annuel de 17 000 euros outre une provision trimestrielle sur charges d’un montant de 526 euros.
Par acte sous signature privée du 07 février 2012, la société HW a cédé à la société D&S MODE son fonds de commerce sis [Adresse 2] à [Localité 7] en ce compris le droit au bail des lieux où le fonds de commerce est exploité.
Par acte authentique du 21 janvier 2021, la société BSD FONCIERE a acquis de Mme [L] [N] les lieux loués à la société D&S MODE et sis [Adresse 2] à [Localité 7].
Par acte d’huissier de justice du 12 février 2021, la société D&S MODE a sollicité de la société BSD FONCIERE le renouvellement du bail commercial du 27 octobre 2011 conclu entre la société FONCIA [Localité 5] GESTION et la société HW aux droits de laquelle elle vient, avec effet au 1er avril 2021.
Par acte d’huissier de justice du 29 mars 2021 signifié la société D&S MODE, la société BSD FONCIERE l’a informé de son acceptation du principe du renouvellement du bail moyennant un nouveau loyer de 48 000 euros hors charges et hors taxes, toutes les clauses et conditions du bail antérieur demeurant inchangées.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 18 janvier 2022, la société BSD FONCIERE a adressé à la société D&S MODE un mémoire préalable aux fins à titre principal de fixation du loyer du bail renouvelé à la somme annuelle de 48 000 euros HT / HC.
Par acte d’huissier de justice du 31 octobre 2022, la société BSD FONCIERE a assigné la société D&S MODE devant le juge des loyers commerciaux du Tribunal judiciaire de BOBIGNY aux fins à titre principal de fixation de la date d’effet du renouvellement au 1er avril 2021 et fixation du loyer de renouvellement à la somme de 48 000 euros HT / HC à compter du 1er avril 2021.
Par jugement du 13 janvier 2023, le Juge des loyers commerciaux du Tribunal judiciaire de BOBIGNY a :
– constaté le renouvellement du bail commercial entre la SCI BSD FONCIERE et la société SARL D&S MODE à compter du 1er avril 2021 ;
– avant dire droit sur le prix du bail de renouvellement ordonné une expertise confiée à M. [K] [O] aux fins notamment de déterminer la valeur locative du renouvellement au 1er avril 2021.
Le 18 juillet 2024, M. [K] [O] a déposé son rapport.
Par dernier mémoire notifié par le RPVA le 1er octobre 2024 et par lettre recommandée avec avis de réception du 1er octobre 2024 réceptionnée le 03 octobre 2024, la société BSD FONCIERE demande au Juge des loyers commerciaux de :
– fixer le prix du bail renouvelé à compter du 1er avril 2021 à la somme de 30 200 euros par an HT / HC correspondant à la valeur locative, toutes autres clauses du bail restant inchangées sauf les effets de la loi PINEL ;
– déclarer que le loyer fixé portera intérêts au taux légal de plein droit à compter de la date d’effet du nouveau loyer avec capitalisation annuelle des intérêts conformément aux article 1231-6 et 1343-6 du code civil ;
– condamner la société D&S MODE à payer à la société BDS FONCIERE la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux entiers dépens.
A l’appui de ses demandes, la société BSD FONCIERE fait valoir que le montant du loyer renouvelé doit être déplafonné en raison d’une modification notable des caractéristiques des locaux et des facteurs locaux de commercialité durant la durée du bail expiré. Elle explique que la société D&S MODE utilise une partie de l’appartement situé au-dessus du magasin pour entreposer des marchandises (2 pièces au moins et une partie de l’escalier), que cet espace de stockage permet au preneur d’augmenter sa capacité de vente.
La société BSD FONCIERE ajoute que le changement d’usage de cette partie des locaux loués, soit l’appartement situé au-dessus du magasin, constitue une modification des caractéristiques du local de nature à entrainer le déplafonnement sans qu’il soit nécessaire qu’il y ait eu une modification contractuelle de la destination des lieux contrairement à ce qu’a retenu l’expert judiciaire.
En outre, la société BSD FONCIERE fait valoir qu’il y a eu une modification notable des facteurs locaux de commercialité durant le bail expiré en raison des projets urbains développés par la ville de [Localité 7] (aménagement des berges du canal de [Localité 7], création de pistes cyclables depuis 2011 et création d’un parcours d’art urbain le long du canal en 2016, création de l’écoquartier fluvial sur l’île [Localité 7]). Elle ajoute qu’il y a également eu l’arrivée d’une nouvelle population avec des revenus plus élevés et une légère baisse du chômage. De plus, la société BSD FONCIERE explique qu’il y a eu une amélioration de la desserte des lieux loués en transport en communs par la mise en service du tramway 8 et du tramway 5 qui se situent dans un rayon de chalandise de 350 mètres et 650 mètres des lieux loués ainsi que le prolongement du tramway 1. Elle ajoute que depuis 2014 le chiffre d’affaires de la société D&S MODE a augmenté.
Enfin, la société BSD FONCIERE fait valoir qu’il y a lieu de retenir comme valeur locative des locaux loués après correctifs la somme de 30 200 euros.
Par dernier mémoire notifié par le RPVA le 31 juillet 2024 et par lettre recommandée avec avis de réception du 31 juillet 2024 réceptionnée le 04 août 2024, la société D&S MODE demande au Juge des loyers commerciaux de :
– à titre principal :
* débouter la société BSD FONCIERE de sa demande tendant au déplafonnement et en fixation du loyer de renouvellement à la valeur locative ;
* débouter la société BSD FONCIERE de sa demande tendant à voir fixer le loyer annuel à la somme de 31 215 euros hors taxes et hors charges ;
* juger que le loyer de renouvellement dû par la société D&S MODE à compter du 1er avril 2021 devra correspondre au loyer plafonné ;
* fixer le loyer annuel plafonné hors taxes et hors charges à la somme de 18 691,77 euros HC / HT par an en principal à compter du 1er avril 2021 ;
* condamner la société BSD FONCIERE à rembourser à la société D&S MODE le trop-perçu de loyer encaissé par elle par rapport au loyer de renouvellement plafonné outre le paiement des intérêts légaux sur lesdits trop-perçus de loyers ;
– à titre subsidiaire, si par extraordinaire le loyer de renouvellement devait être fixé à un montant supérieur au loyer plafonné :
* juger que la variation qui découle du déplafonnement en vertu de l’article L. 145-34 du code de commerce, ne pourra conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente ;
* juger que le lissage du montant du loyer de renouvellement édicté par l’article L. 145-34 du code de commerce, est applicable au montant du loyer tel que fixé à l’occasion du renouvellement ;
– en tout état de cause :
* condamner la société BSD FONCIERE au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Gilles HITTINGER-ROUX, Avocat au Barreau de Paris, en application de l’article 699 du code de procédure civile.
A l’appui de ses demandes, la société D&S MODE fait valoir qu’il n’y a pas lieu de déplafonner le loyer de renouvellement en l’absence de changement de la destination des lieux prévue par le bail soit « confection, bonneterie, lingerie, tissus, vente de chaussures » et en l’absence de modification notable des facteurs locaux de commercialité comme l’a retenu l’expert judiciaire. Elle ajoute que l’expert a constaté l’absence d’évolution notable de la population de la ville de [Localité 7], l’absence d’impact sur les commerces de la fréquentation de la station [Localité 8] et des lignes de tramway et l’absence d’évolution du nombre de logements. La société D&S MODE en déduit que le loyer de renouvellement doit être fixé à hauteur du loyer plafonné.
Il est expressément renvoyé aux mémoires susvisés pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
L’affaire a été fixée à l’audience du 19 novembre 2024.
A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 21 janvier 2025 par mise à disposition au greffe et le délibéré a été prorogé au 04 février 2025 en raison d’une surcharge de travail du juge des loyers commerciaux.
PAR CES MOTIFS
Le juge des loyers commerciaux, statuant publiquement par jugement contradictoire en premier ressort et par mise à disposition au greffe,
Déboute la société BSD FONCIERE de sa demande de déplafonnement du loyer du bail commercial renouvelé à compter du 1er avril 2021 entre la société BSD FONCIERE et la société D&S MODE, portant sur les locaux situés [Adresse 2] à [Localité 7] ;
Fixe à la somme de 18 691,77 euros par an hors taxes et hors charges le loyer du bail commercial renouvelé à compter du 1er avril 2021 entre la société BSD FONCIERE et la société D&S MODE et portant sur les locaux situés [Adresse 2] à [Localité 7] ;
Dit des intérêts ont couru sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté et le loyer finalement dû, à compter de la saisine de la présente juridiction, soit le 31 octobre 2022 puis au fur et à mesure des échéances échues ;
Déboute la société BSD FONCIERE de sa demande de capitalisation des intérêts ;
Déboute la société D&S MODE de sa demande de remboursement des loyers trop-perçus soit la différence en les loyers perçus et le loyer du bail renouvelé plafonné ;
Rappelle que le présent jugement est exécutoire de droit par provision ;
Condamne la société BSD FONCIERE aux dépens, en ce compris les frais d’expertise, avec distraction au profit de Maître Gilles HITTINGER-ROUX, Avocat au Barreau de PARIS, en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Déboute la société BSD FONCIERE et la société BSD FONCIERE de leur demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Dit que chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles.
La minute de la présente décision a été signée par Madame Géraldine HIRIART, Juge des loyers commerciaux, assistée de Madame Sakina HAFFOU, greffière.
Fait au Palais de Justice, le 04 février 2025
LE GREFFIERE LE JUGE DE LOYERS COMMERCIAUX
Madame S. HAFFOU Madame G. HIRIART
Laisser un commentaire