Tribunal judiciaire de Bobigny, 4 février 2025, RG n° 22/00037
Tribunal judiciaire de Bobigny, 4 février 2025, RG n° 22/00037

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Bobigny

Thématique : Renouvellement de bail commercial : fixation du loyer et déplafonnement en raison de modifications locales.

Résumé

Constitution du bail commercial

Le 28 novembre 2001, un vendeur et une vendeuse ont conclu un bail commercial avec un acheteur et une acheteuse pour des locaux comprenant une boutique, une cave, deux pièces au premier étage et un logement de deux pièces au deuxième étage, situés à une adresse précise. Le bail était établi pour une durée de 3, 6 ou 9 ans, avec un loyer annuel de 8 220 euros, payable en quatre termes.

Renouvellement du bail

Le 4 février 2015, la Cour d’appel de Paris a confirmé le renouvellement du bail à compter du 1er janvier 2011, en fixant le loyer indexé à 11 084,21 euros hors taxes et hors charges. En septembre 2018, l’acheteur et l’acheteuse ont cédé leur fonds de commerce à une société, incluant le droit au bail.

Congé et fixation du loyer

Le 19 août 2019, le bailleur a signifié un congé avec offre de renouvellement à la société, fixant le loyer à 33 600 euros hors taxes et hors charges à compter du 1er avril 2020. En juillet 2021, le bailleur a demandé la fixation du loyer à 30 300 euros, tandis qu’en juillet 2022, il a assigné la société devant le juge des loyers commerciaux pour obtenir un loyer de 30 278 euros par an.

Expertise judiciaire et rapport

Le 28 mars 2023, le juge a constaté le renouvellement du bail et a ordonné une expertise judiciaire pour déterminer le loyer renouvelé. L’expert a déposé son rapport le 18 décembre 2023, et le bailleur a formulé plusieurs demandes au juge, y compris le déplafonnement du loyer en raison de modifications notables des facteurs locaux de commercialité.

Arguments des parties

Le bailleur a soutenu que des facteurs tels que la construction de 799 nouveaux logements et l’augmentation de la population dans la zone avaient profité à l’activité commerciale. En revanche, la société a contesté cette évaluation, arguant qu’il n’y avait pas eu de modifications notables et que la fréquentation du métro avait diminué.

Décision du juge

Le juge a conclu qu’il y avait eu une modification notable des facteurs locaux de commercialité, justifiant le déplafonnement du loyer. Il a fixé le loyer à 24 740 euros par an hors taxes et hors charges, tout en déboutant le bailleur de ses demandes d’intérêts et de réajustement du dépôt de garantie.

Conclusion et dépens

Le jugement a été déclaré exécutoire de droit par provision, et les dépens ont été partagés entre les deux parties. Chaque partie a conservé la charge de ses frais irrépétibles, et la décision a été signée par le juge des loyers commerciaux et la greffière.

COUR D’APPEL DE PARIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BOBIGNY

JUGEMENT DU 04 FEVRIER 2025

Greffe des loyers commerciaux
Affaire N° RG 22/00037 – N° Portalis DB3S-W-B7G-WSQF
Chambre 5/Section 4 – LC
Minute n° 25/00220

DEMANDEUR

S.C.I. RAMSES
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée par Me Jocelyn SIMON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0557

C/

DEFENDEUR

LES TROIS SISTERS
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par Me Thierry DAVID, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0436

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Géraldine HIRIART, Juge, statuant par délégation du Président du Tribunal et dans les conditions prévues aux articles R. 145-23 et suivants du code de commerce, assistée de Madame Sakina HAFFOU, greffier.

DÉBATS

Audience publique du 19 Novembre 2024

JUGEMENT

Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Madame Géraldine HIRIART, Juge des loyers commerciaux, assistée de Madame Sakina HAFFOU, greffier.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par acte sous signature privée du 28 novembre 2001, M. [D] [F] et Mme [V] [F] ont conclu avec M. [S] [B] et Mme [Y] [R] un bail commercial portant sur des locaux composés d’une boutique, d’une cave, de 2 pièces au 1er étage et d’un logement de 2 pièces au 2ème étage, sis [Adresse 1] et [Adresse 8] à [Localité 6] pour une durée de 3, 6 ou 9 ans à compter du 31 juillet 2001 et moyennant un loyer annuel de 8 220 euros payable en 4 termes par an.

Par arrêt rendu le 04 février 2015 par la Cour d’appel de PARIS a constaté que la société SCI RAMSES et M. [S] [B] et Mme [Y] [R], s’accordent sur le renouvellement du bail signé le 28 novembre 2001 à compter du 1er janvier 2011 et a confirmé le jugement rendu le 13 février 2013 par le Tribunal de grande instance de BOBIGNY ayant fixé le loyer indexé au 1er janvier 2011 à la somme annuelle de 11 084,21 euros hors taxes et hors charges.

Par acte sous signature privée du 18 septembre 2018, M. [S] [B] et Mme [Y] [N] [R] ont cédé leur fonds de commerce à la société LES 3 SISTERS, en ce compris le droit au bail.

Par acte d’huissier de justice du 19 août 2019, la SCI RAMSES a signifié à la société LES TROIS SISTERS un congé avec offre de renouvellement à compter du 1er avril 2020 avec un loyer fixé à la somme de 33 600 euros hors taxes et hors charges.

Par mémoire préalable notifié le 21 juillet 2021 à la société LES TROIS SISTERS, la SCI RAMSES a sollicité à titre principal la fixation du loyer du prix du bail renouvelé au 1er avril 2020 à la somme annuelle de 30 300 euros hors taxes et hors charges par an.

Par acte d’huissier de commissaire de justice du 12 juillet 2022, la société SCI RAMSES a assigné la société LES TROIS SISTERS devant le Juge des loyers commerciaux du Tribunal judiciaire de BOBIGNY aux fins à titre principal de fixation du prix du bail renouvelé au 1er avril 2020 à la somme de 30 278 euros par an.

Par jugement rendu le 28 mars 2023, le Juge des loyers commerciaux du Tribunal judiciaire de BOBIGNY a constaté le renouvellement du bail expiré à la date du 1er avril 2020 et a ordonné une expertise judiciaire pour déterminer le loyer renouvelé confiée à M. [K] [U].

Le 18 décembre 2023, l’expert judiciaire a déposé son rapport daté du 11 décembre 2023.

Par dernier mémoire notifié le 1er mars 2024 par le RPVA et par lettre recommandée avec avis de réception du 30 janvier 2024 réceptionnée le 02 février 2024, la société SCI RAMSES demande au Juge des loyers commerciaux, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de :
– débouter la SNC TROIS SISTERS de toutes ses demandes ;
– juger que le bail s’est renouvelé pour une durée de 9 années entières et consécutives à compter du 1er avril 2020 aux clauses et conditions du bail échu ;
– fixer le loyer du bail renouvelé à compter du 1er avril 2020 à la somme de 25 000 euros par an hors taxes et hors charges ;
– ordonner que le dépôt de garantie sera réajusté en conséquence ;
– ordonner que le différentiel de loyer portera intérêts au taux légal de plein droit à compter de sa date d’effet ;
– ordonner que les intérêts échus depuis plus d’un an produiront eux-mêmes intérêts conformément à l’article 1343-2 du code civil ;
– ordonner que les frais et honoraires d’expertise de M. [U] soient partagés par moitié entre les parties.

A l’appui de ses demandes la société SCI RAMSES fait valoir qu’il y a lieu de déplafonner le loyer du bail renouvelé en application de l’article L. 145-34 du code de commerce. Elle explique qu’il y a eu une modification notable des facteurs locaux de commercialité qui a été profitable au preneur en raison de l’implantation de 799 nouveaux logements aux abords des lieux loués, d’une forte augmentation de la population résidentielle dans la zone de chalandise, de l’agrandissement du marché des 4 chemins ainsi que de l’attractivité accrue de la ville d'[Localité 6] et que ces éléments ont été retenus par l’expert judiciaire.

Elle en déduit que compte tenu de la surface des locaux loués, de leur configuration, de l’emplacement commercial dont ils bénéficient et de l’évolution du marché, le loyer du bail renouvelé à compter du 1er avril 2020 doit être fixé à la somme retenue par l’expert judiciaire, soit la somme annuelle de 25 000 euros hors taxes et hors charges.

Par dernier mémoire notifié par le RPVA le 18 juin 2024 et par lettre recommandée avec avis de réception daté du 18 juin 2024 réceptionnée le 20 juin 2024, la société LES TROIS SISTERS demande au Juge des loyers commerciaux de :
– à titre principal :
* constater qu’il n’existe aucun motif justifiant que les règles du plafonnement du loyer du bail renouvelé instituées par l’article L. 145-34 du code de commerce soient écartées ;
* fixer le montant des locaux commerciaux sis à [Localité 6], [Adresse 1] et pour un renouvellement de 9 ans à compter du 1er avril 2020 à la somme de 12 578,56 euros par an en principal ;
– à titre subsidiaire :
* fixer le montant des locaux commerciaux sis à [Localité 6], [Adresse 1] et pour un renouvellement de 9 ans à compter du 1er avril 2020 à la somme de 20 800 euros par an en principal ;
– en tout état de cause :
* condamner la SCI RAMSES à payer à la société LES TROIS SISTERS la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
* condamner la SCI RAMSES aux entiers dépens comprenant l’intégralité des frais d’expertise.

A l’appui de ses demandes, la société LES 3 SISTERS fait valoir qu’il n’y a pas eu de modification notable des facteurs locaux de commercialité ayant profité à son commerce. Elle explique que l’expert judiciaire a noté qu’entre 2011 et 2019 la fréquentation de la station du métro « Aubervilliers-Pantin-Quatre Chemins » a baissé de 1,91 %, ce qui constitue un élément négatif qui n’a pas été pris en considération par l’expert judiciaire.

La société LES TROIS SISTERS fait également valoir concernant la construction des 799 logements retenues par l’expert judiciaire, qu’il existe 3 autres bars-tabacs dans la zone de chalandise et que l’augmentation de la population consécutive à la création de ces logements s’est répartie sur l’ensemble des établissements dont le sien, ce que l’expert judiciaire a retenu. La société LES TROIS SISTERS explique que l’expert judiciaire n’a pas pris en compte le fait qu’elle a acquis le fonds de commerce le 19 septembre 2018 et que le chiffre d’affaires 2018 correspond donc à 3 mois d’exploitation. Elle ajoute qu’en conséquence son chiffre d’affaires entre 2018 et 2020 a baissé.

En outre la société LES TROIS SISTERS fait valoir que l’évolution de la population résidentielle est identique dans ses effets à la construction des nouveaux logements et qu’il y a lieu d’écarter le [Localité 3] de la zone de chalandise, étant séparé des lieux loués par le périphérique.

La société LES TROIS SISTERS ajoute que durant le bail échu 2 commerces ont disparu, que le marché des 4 Chemins existait déjà, qu’il ne constitue donc pas un apport de clientèle et que la bailleresse et l’expert judiciaire n’ont pas démontré que l’agrandissement de la partie plein air de ce marché a entraîné un flux de chand supplémentaire.

A titre subsidiaire, concernant la valeur locative des locaux loués, la société LES TROIS SISTERS conteste les coefficients de pondération retenus par l’expert judiciaire concernant la réserve / sanitaire au 1er étage et la cave / réserve au sous-sol. Elle fait donc valoir qu’il y a lieu de retenir une surface pondérée totale arrondie à 42 m². La société LES TROIS SISTERS conteste également le prix unitaire de 300 euros par m² retenu par l’expert judiciaire, en faisant valoir qu’à la date du renouvellement elle était empêchée dans son activité par les mesures de police administrative de lutte contre le Covid 19, que l’immeuble a un standing limité et que l’insécurité du quartier lui est préjudiciable. Elle estime qu’il y a lieu de retenir un prix de 250 euros par mètre carré. La société LES TROIS SISTERS fait également valoir que la majoration pour droit de terrasse ne devrait pas être supérieure à 5% et qu’il y a lieu de retenir un prix de 16 euros par mois et par mètre carré pour le logement situé au 2ème étage. En outre, la société LES TROIS SISTERS ne conteste pas l’évaluation de la valeur locative du logement situé au 1er étage faite par l’expert judiciaire. La société LES TROIS SISTERS estime donc qu’il y a lieu de retenir une valeur locative totale de 20 800 euros par an.

Il est expressément renvoyé aux mémoires susvisés pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

L’affaire a été fixée à l’audience du 19 novembre 2024.

A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 21 janvier 2025 par mise à disposition au greffe.

Le 21 janvier 2025, le délibéré a été prorogé au 04 février 2025 en raison d’une surcharge de travail du juge des loyers commerciaux.

PAR CES MOTIFS

Le juge des loyers commerciaux, statuant publiquement par jugement contradictoire en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

Ordonne le déplafonnement du loyer du bail commercial renouvelé à compter du 1er avril 2020 entre la société SCI RAMSES et la société LES TROIS SISTERS ;

Fixe à la somme de 24 740 euros par an hors taxes et hors charges le loyer du bail commercial renouvelé à compter du 1er avril 2020 entre la société SCI RAMSES et la société LES TROIS SISTERS et portant sur les locaux sis [Adresse 1] et [Adresse 8] à [Localité 6] ;

Dit des intérêts ont couru sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté et le loyer finalement dû, à compter de la saisine de la présente juridiction, soit le 12 juillet 2022 puis au fur et à mesure des échéances échues ;

Déboute la société SCI RAMSES de sa demande d’intérêts et de capitalisation des intérêts ;

Rappelle que le présent jugement est exécutoire de droit par provision ;

Condamne la société SCI RAMSES et la société LES TROIS SISTERS pour moitié chacune aux dépens, en ce compris les frais d’expertise ;

Déboute la société LES TROIS SISTERS de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles.

La minute de la présente décision a été signée par Madame Géraldine HIRIART, Juge des loyers commerciaux, assistée de Madame Sakina HAFFOU, greffière.
Fait au Palais de Justice, le 04 Février 2025

LA GREFFIERE LE JUGE DE LOYERS COMMERCIAUX

Madame S. HAFFOU Madame G. HIRIART

 


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