Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire d’Amiens
Thématique : Reconnaissance de maladie professionnelle : enjeux de la procédure contradictoire et respect des délais.
→ RésuméContexte de la DemandeUn peintre en carrosserie industrielle, employé par une société, a sollicité la reconnaissance de son lymphome malin non hodgkinien comme maladie professionnelle auprès de la caisse primaire d’assurance maladie (Cpam) de la Somme. Cette demande, fondée sur un certificat médical, a été déposée le 15 mars 2021, avec une première constatation de la pathologie datant du 9 novembre 2020. Instruction de la DemandeLa maladie ne figurant pas dans les tableaux de maladies professionnelles, la Cpam a instruit la demande, informant l’employeur le 12 juillet 2021. Après enquête et avis d’un médecin-conseil, la Cpam a transmis le dossier au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) pour évaluer le lien entre la pathologie et l’exposition professionnelle. L’employeur a eu la possibilité de consulter le dossier et de formuler des observations. Avis du CRRMPLe 8 février 2022, le CRRMP a rendu un avis favorable, établissant un lien direct entre la maladie et l’activité professionnelle du salarié. En conséquence, la Cpam a informé l’employeur le 11 février 2022 de la prise en charge de la maladie au titre du risque professionnel. Recours de l’EmployeurL’employeur a formé un recours le 14 avril 2022, mais la commission de recours amiable n’a pas statué dans le délai imparti, entraînant un rejet implicite. Par la suite, l’employeur a saisi le tribunal judiciaire le 4 août 2022, demandant l’inopposabilité de la décision de la Cpam pour des motifs de forme et de fond. Instruction JudiciaireLe tribunal a désigné un second CRRMP pour évaluer le lien entre la maladie et l’exposition professionnelle. Ce comité a également rendu un avis favorable le 23 avril 2024. L’affaire a été reportée à plusieurs reprises avant d’être examinée le 6 janvier 2025. Prétentions des PartiesL’employeur a demandé au tribunal de déclarer inopposable la décision de la Cpam, d’infirmer la décision implicite de la commission de recours amiable, et de désigner un nouveau CRRMP. De son côté, la Cpam a demandé le rejet des prétentions de l’employeur et la confirmation de sa décision de prise en charge. Motivation du TribunalLe tribunal a statué sur la question de l’inopposabilité de la décision de la Cpam, soulignant que l’employeur n’avait pas bénéficié des délais de consultation et d’observations prévus par le code de la sécurité sociale, ce qui a violé le principe du contradictoire. En conséquence, la décision de la Cpam a été déclarée inopposable à l’employeur. Conséquences FinancièresLa Cpam, en tant que partie perdante, a été condamnée aux dépens de l’instance. Le tribunal a également décidé qu’il n’y avait pas lieu à exécution provisoire de la décision rendue. ConclusionLe tribunal a déclaré inopposable la décision de la Cpam concernant la prise en charge de la maladie professionnelle, laissant les prétentions subsidiaires de l’employeur sans objet et condamnant la Cpam aux dépens. |
DU TROIS FEVRIER DEUX MIL VINGT CINQ
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POLE SOCIAL
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Société JOCQUIN
C/
CPAM DE LA SOMME
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N° RG 22/00248
N°Portalis DB26-W-B7G-HIJZ
Minute n°
Grosse le
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Expédition le :
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Expert
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
D’AMIENS
POLE SOCIAL
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J U G E M E N T
COMPOSITION DU TRIBUNAL
M. Emeric VELLIET DHOTEL, vice-président au tribunal judiciaire d’Amiens chargé du pôle social, statuant seul en application des dispositions de l’article L218-1 alinéa 2 du code de l’organisation judiciaire
et assisté de M. David CREQUIT, greffier lors du prononcé par mise à disposition au greffe.
DÉBATS
L’affaire a été examinée à l’audience publique du 6 janvier 2025 du pôle social du tribunal judiciaire d’Amiens, tenue par M. Emeric VELLIET DHOTEL, président de la formation de jugement, et assisté de M. David CREQUIT, greffier.
ENTRE :
PARTIE DEMANDERESSE :
Société JOCQUIN
Chemin Moulin Benoît
80220 GAMACHES
Représentant : Maître Nathalie THIEFFINE de la SELAS FIDAL AMIENS, avocats au barreau d’AMIENS
ET :
PARTIE DEFENDERESSE :
CPAM DE LA SOMME
8 Place Louis Sellier
80021 AMIENS CEDEX
Représentée par Mme [L] [O]
Munie d’un pouvoir en date du 18/11/2024
A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré et le président a avisé les parties que le jugement serait prononcé le 03 Février 2025 par mise à disposition au greffe de la juridiction.
Jugement contradictoire et en premier ressort
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EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Monsieur [M] [N], peintre en carrosserie industrielle au sein de la société Ets JOCQUIN, a sollicité le 15 mars 2021 de la caisse primaire d’assurance maladie (Cpam) de la Somme la reconnaissance du caractère professionnel d’un lymphome malin non hodgkinien, sur le fondement d’un certificat médical initial du 29 janvier 2021 fixant la première constatation de la pathologie à la date du 9 novembre 2020.
La maladie considérée ne relevant d’aucun tableau de maladie professionnelle, la demande a fait l’objet d’une instruction conduite par la caisse, ce dont l’employeur a été informé le 12 juillet 2021.
A l’issue de l’enquête, et après avis du médecin-conseil estimant à plus de 25 % le taux d’incapacité prévisible de l’assuré social, la Cpam de la Somme a informé l’employeur par lettre du 2 novembre 2021, réceptionnée le 4 novembre 2021 :
– de la transmission du dossier au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelle (CRRMP) aux fins de recueillir son avis sur l’existence d’un lien entre la pathologie et l’exposition professionnelle ;
– de la possibilité de consulter et compléter le dossier en ligne jusqu’au 3 décembre 2021 ;
– de la possibilité de formuler ensuite des observations jusqu’au 14 décembre 2021, sans joindre de nouvelles pièces ;
– de l’intervention d’une décision, après avis du CRRMP, au plus tard le 3 mars 2022.
Le 3 décembre 2021, la société Ets JOCQUIN a formulé des observations en ligne.
Le 8 février 2022, le comité considéré a émis un avis favorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie, motif pris de l’existence d’un lien direct et essentiel entre la pathologie déclarée et l’activité professionnelle de l’assuré social.
Tirant les conséquences légales de cet avis, la Cpam de la Somme a informé l’employeur le 11 février 2022 de la prise en charge de la maladie au titre du risque professionnel.
Saisie le 14 avril 2022 du recours formé par l’employeur, la commission de recours amiable de l’organisme n’a pas fait connaître sa décision dans le délai imparti, générant ainsi une décision implicite de rejet.
Procédure :
Suivant lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 4 août 2022, la société Ets JOCQUIN a saisi le pôle social du tribunal judiciaire d’une demande tendant principalement à lui voir déclarer inopposable la décision de la Cpam de la Somme portant prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par [M] [N], pour des motifs de forme et de fond, et subsidiairement à la mise en oeuvre d’une mesure d’instruction.
Suivant ordonnance du 16 août 2022, le président de la formation de jugement, statuant en application des dispositions de l’article R.142-10-5 et sur le fondement de l’article R.142-17-2 du code de la sécurité sociale, a désigné avant dire droit un second CRRMP, en l’occurrence celui des Pays de Loire, aux fins de recueillir son avis sur l’existence d’un lien direct et essentiel entre la maladie déclarée et l’exposition professionnelle de l’assuré social.
Aux termes de son avis rendu le 23 avril 2024, ce comité s’est également prononcé en faveur d’un tel lien.
Appelée à l’audience du 1er juillet 2024, l’affaire a fait l’objet de deux reports à la demande des parties avant d’être utilement évoquée à l’audience du 6 janvier 2025, à l’issue de laquelle le président a indiqué que l’affaire était mise en délibéré et que la décision serait rendue le 3 février 2025 par mise à disposition publique au greffe de la juridiction, en application des dispositions des articles 450 alinéa 2 et 451 alinéa 2 du code de procédure civile.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La société Ets JOCQUIN, représentée par son Conseil, développe ses conclusions visées à l’audience et demande au tribunal de :
A titre principal :
– lui déclarer inopposable la décision de la Cpam de la Somme, motif pris de la violation du principe du contradictoire ; ainsi que toutes décisions subséquentes ;
– infirmer la décision implicite de rejet de la CRA ;
– condamner la Cpam de la Somme aux dépens ;
Subsidiairement :
– désigner un nouveau CRRMP ;
Plus subsidiairement :
– lui déclarer inopposable la décision de la Cpam de la Somme, motif pris de l’absence de lien direct et essentiel entre la maladie déclarée et le travail habituel de [M] [N].
La Cpam de la Somme, régulièrement représentée, développe ses conclusions transmises par voie électronique le 27 juin 2024, aux termes desquelles elle demande en substance au tribunal de rejeter l’intégralité des prétentions de la demanderesse, d’entériner l’avis du CRRMP Pays de Loire et de déclarer opposable à la société Ets JOCQUIN sa décision portant prise en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, de la maladie déclarée par [M] [N].
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait référence aux conclusions des parties pour l’exposé de leurs moyens respectifs.
PAR CES MOTIFS
Le pôle social du tribunal judiciaire, statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire en premier ressort, publiquement mis à disposition au greffe de la juridiction,
Dit n’y avoir lieu de statuer sur la demande de la société Ets JOCQUIN tendant à voir infirmer la décision implicite de la commission de recours amiable,
Déclare inopposable à la société Ets JOCQUIN la décision de la caisse primaire d’assurance maladie de la Somme portant prise en charge de la maladie déclarée le 15 mars 2021 par [M] [N],
Dit en conséquence n’y avoir lieu de statuer sur les prétentions subsidiaires de la société Ets JOCQUIN,
Laisse les éventuels dépens de l’instance à la charge de la caisse primaire d’assurance maladie de la Somme,
Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Le greffier, Le président,
David Créquit Emeric Velliet Dhotel
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