Tribunal judiciaire d’Amiens, 20 janvier 2025, RG n° 23/00385
Tribunal judiciaire d’Amiens, 20 janvier 2025, RG n° 23/00385

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire d’Amiens

Thématique : Prise en charge d’une maladie professionnelle : conditions d’exposition et présomption d’origine

Résumé

Exposé des faits et de la procédure

Monsieur [X] [K], né le 19 janvier 1966, a déclaré une maladie professionnelle, une tendinite de l’épaule gauche, à la Cpam de l’Aisne le 27 décembre 2022. Cette déclaration s’appuie sur un certificat médical du 2 décembre 2022, indiquant que la maladie a été constatée pour la première fois le 10 octobre 2022. La demande a été examinée dans le cadre du tableau n°57 des maladies professionnelles, qui concerne les affections périarticulaires dues à des gestes et postures de travail. Après enquête, la Cpam a reconnu la maladie comme étant d’origine professionnelle et a informé l’employeur le 10 mai 2023. La société TRANSPORTS GOSSART a contesté cette décision, entraînant un recours devant le tribunal judiciaire d’Amiens.

Prétentions et moyens des parties

La société TRANSPORTS GOSSART demande au tribunal de déclarer inopposable la décision de la Cpam, arguant de l’absence de preuve d’exposition du salarié aux travaux mentionnés dans le tableau 57 et de la non-saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. Subsidiairement, elle soutient que le salarié a été multi-exposé à des risques liés à la manutention dans différentes entreprises. De son côté, la Cpam de l’Aisne demande au tribunal de se déclarer incompétent pour connaître de la demande d’imputation des conséquences financières de la maladie et de confirmer la décision de prise en charge.

Motivation

Concernant la demande principale, le tribunal rappelle que la présomption d’origine professionnelle s’applique si plusieurs conditions sont remplies, notamment l’exposition au risque de la maladie. En l’espèce, il a été établi que [X] [K] a effectué des tâches impliquant des mouvements de l’épaule conformes aux critères du tableau 57. Les éléments recueillis lors de l’enquête montrent que les conditions d’exposition sont remplies, et la présomption d’origine professionnelle est donc applicable. L’argument de l’employeur selon lequel la Cpam aurait dû saisir le CRRMP est rejeté, car la caisse a reconnu que toutes les conditions étaient remplies.

Demande subsidiaire

La société TRANSPORTS GOSSART soutient que les coûts liés à la maladie devraient être imputés à un compte spécial, affirmant que le salarié a été exposé à des risques avant son embauche. Cependant, le tribunal souligne que l’absence d’imputabilité à l’employeur ne conduit pas à l’inopposabilité de la décision de prise en charge. De plus, il est possible de déterminer que l’exposition au risque a eu lieu au sein de la société TRANSPORTS GOSSART, rendant ainsi la demande d’imputation au compte spécial infondée.

Frais du procès et exécution provisoire

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante, en l’occurrence la société TRANSPORTS GOSSART, sera condamnée aux dépens. L’exécution provisoire n’étant pas justifiée, elle ne sera pas prononcée.

Décision

Le tribunal déclare que [X] [K] a été exposé à des travaux entraînant des mouvements de l’épaule conformes aux critères du tableau 57. Il déclare opposable à la société TRANSPORTS GOSSART la décision de la Cpam concernant la reconnaissance de la maladie comme professionnelle. La demande d’imputation au compte spécial est rejetée, et les dépens seront à la charge de la société TRANSPORTS GOSSART.

DU VINGT JANVIER DEUX MIL VINGT CINQ

__________________

POLE SOCIAL

__________________

Société TRANSPORT GOSSART

C/

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’AISNE

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N° RG 23/00385
N°Portalis DB26-W-B7H-HXF4

Minute n°

Grosse le

à :

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Expédition le :

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à :

Expert
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

TRIBUNAL JUDICIAIRE
D’AMIENS

POLE SOCIAL
_

J U G E M E N T

COMPOSITION DU TRIBUNAL

M. Emeric VELLIET DHOTEL, vice-président au tribunal judiciaire d’Amiens chargé du pôle social,
Madame Christiane MANTEN, assesseur représentant les travailleurs salariés
M. François DESERABLE, assesseur représentant les travailleurs non salariés

et assistés de M. David CREQUIT, greffier lors du prononcé par mise à disposition au greffe.

DÉBATS

L’affaire a été examinée à l’audience publique du 2 décembre 2024 du pôle social du tribunal judiciaire d’Amiens, tenue par M. Emeric VELLIET DHOTEL, président de la formation de jugement, Madame Christiane MANTEN et M. François DESERABLE, assesseurs, assistés de M. David CREQUIT, greffier.

ENTRE :

PARTIE DEMANDERESSE :

Société TRANSPORT GOSSART
27 rue de Saint Riquier
80150 DOMVAST
Représentant : Maître Nathalie THIEFFINE de la SELAS FIDAL AMIENS, avocats au barreau d’AMIENS

ET :

PARTIE DEFENDERESSE :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’AISNE
29 Boulevard Roosevelt
CS 20606
02323 SAINT-QUENTIN CEDEX
Représentée par Mme [D] [S]
Munie d’un pouvoir en date du 25/11/2024

A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré et le président a avisé les parties que le jugement serait prononcé le 20 Janvier 2025 par mise à disposition au greffe de la juridiction.

Jugement contradictoire et en premier ressort

*****

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Monsieur [X] [K], né le 19 janvier 1966, chauffeur-livreur au sein de la société TRANSPORTS GOSSART, a déclaré le 27 décembre 2022 à la caisse primaire d’assurance maladie (Cpam) de l’Aisne une maladie professionnelle, en l’occurrence une tendinite de l’épaule gauche, sur le fondement d’un certificat médical initial du 2 décembre 2022 faisant état de cette même pathologie et fixant la date de première constatation de la maladie au 10 octobre 2022.

La demande a été instruite par la caisse dans le cadre du tableau n°57 des maladies professionnelles, relatif aux affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail.

Après enquête par voie de questionnaires adressés au salarié et à l’employeur, la Cpam de l’Aisne a pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels la maladie ainsi qualifiée : rupture de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche. La caisse en a informé l’employeur le 10 mai 2023.

Saisie du recours formé par la société TRANSPORTS GOSSART en ce qui concerne la condition d’exposition professionnelle prévue par le tableau 57, la commission de recours amiable (CRA) de l’organisme n’a pas fait connaître sa décision dans le délai imparti, générant ainsi une décision implicite de rejet.

Procédure :

Suivant lettre recommandée avec accusé de réception expédiée par son Conseil le 3 novembre 2023, la société TRANSPORTS GOSSART a saisi le pôle social du tribunal judiciaire d’Amiens d’une demande tendant à l’inopposabilité à son égard de la décision de la Cpam de l’Aisne portant prise en charge de la maladie au titre de la législation sur les risques professionnels.

Initialement appelée à l’audience du 17 juin 2024, l’affaire a fait l’objet de deux reports à la demande des parties ainsi que d’un calendrier de procédure. Elle a été utilement évoquée à l’audience du 2 décembre 2024, à l’issue de laquelle le président a indiqué que l’affaire était mise en délibéré et que la décision serait rendue le 20 janvier 2025 par mise à disposition publique au greffe de la juridiction, en application des dispositions des articles 450 alinéa 2 et 451 alinéa 2 du code de procédure civile.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La société TRANSPORTS GOSSART, représentée par son Conseil, développe sa requête introductive d’instance et demande au tribunal :
– à titre principal, de lui déclarer inopposable la décision de la Cpam de l’Aisne en date du 10 mai 2023, motifs pris, d’une part, de l’absence de démonstration de l’exposition du salarié aux travaux limitativement prévus par le tableau 57 des maladies professionnelles et, d’autre part, de l’absence de saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) d’où elle tire une viciation du principe du contradictoire ;
– subsidiairement, de constater la multi-exposition du salarié aux risques liés à la manutention, au regard de ses expériences professionnelles successives, ne permettant pas de déterminer au sein de quelle entreprise il a été exposé aux travaux susvisés, d’où elle tire une nécessaire imputation des conséquences pécuniaires de la maladie sur le compte spécial.

La CPAM de l’Aisne, régulièrement représentée, développe ses conclusions reçues au greffe le 3 juin 2024 et demande au tribunal de se dire matériellement incompétent pour connaître de la demande d’imputation au compte spécial des conséquences financières de la maladie professionnelle ; de débouter la demanderesse de ses prétentions et de déclarer opposable à l’intéressée sa décision du du 10 mai 2023 portant prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de la maladie déclarée par [X] [K] le 27 décembre 2022.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait référence à la requête introductive d’instance ainsi qu’aux conclusions susvisées pour l’exposé des moyens respectifs des parties.

PAR CES MOTIFS

Le pôle social du tribunal judiciaire, statuant après débats en audience publique par jugement contradictoire en premier ressort, publiquement mis à disposition au greffe de la juridiction,

Dit que [X] [K] a été exposé au sein de la société TRANSPORTS GOSSART à des travaux comportant des mouvements ou le maintien de l’épaule sans soutien en abduction avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé,

Déclare en conséquence opposable à la société TRANSPORTS GOSSART la décision de la caisse primaire d’assurance maladie de l’Aisne portant reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée par [X] [K] le 27 décembre 2022 sur le fondement d’un certificat médical initial du 2 décembre 2022,

Se dit matériellement compétent pour connaître de la demande subsidiaire de la société TRANSPORTS GOSSART tendant à l’imputation au compte spécial des conséquences financières de la prise en charge de la maladie professionnelle de [X] [K],

Dit que l’entreprise dans laquelle l’exposition au risque a provoqué la maladie est la société TRANSPORTS GOSSART,

Déboute en conséquence la société TRANSPORTS GOSSART de sa demande tendant à l’imputation au compte spécial des conséquences financières de la prise en charge de la maladie professionnelle de [X] [K],

Dit que les éventuels dépens de l’instance seront supportés par la société TRANSPORTS GOSSART,

Décision du 20/01/2025 RG 23/00385

Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Le greffier, Le président,

David Créquit Emeric Velliet Dhotel

 


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