L’Essentiel : La société Chris Music et les compositeurs du groupe Partenaire particulier ont intenté une action contre Musiques & Solutions pour atteinte à leur droit moral, arguant que des extraits de leur chanson avaient été utilisés dans le film ‘Alibi.com’ sans autorisation. Cependant, le tribunal a jugé que l’utilisation d’extraits ne constituait pas une atteinte à l’intégrité de l’œuvre, car aucune altération de la mélodie ou des paroles n’avait été démontrée. De plus, les relations d’affaires entre Chris Music et Musiques & Solutions, établies depuis 2007, ont été prises en compte, ainsi que l’absence de preuve d’une intention dolosive.
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La société Chris Music et les compositeurs du groupe Partenaire particulier ont fait assigner sans succès les sociétés Musiques & Solutions pour atteinte à leur droit moral, aux fins de voir constater que les extraits du titre Partenaire particulier ont été utilisés en synchronisation dans le film ‘Alibi.com’ sans autorisation. Les sociétés Chris Music et Musiques & Solutions entretiennent depuis 2007 des relations d’affaires ayant abouti notamment à la reproduction du titre Partenaire particulier dans plusieurs albums de compilations. Il incombe à celui qui invoque une atteinte à son droit moral d’auteur ou d’artiste-interprète d’en justifier, or une telle atteinte n’était pas, en l’espèce, caractérisée faute de démonstration d’une altération de la mélodie, du rythme, ou encore des paroles de la chanson à raison de la sélection des séquences reproduites dans la bande sonore du film litigieux. Il n’est pas davantage expliqué en quoi le fait, allégué sans autre précision, que la chanson soit reprise en duo par des acteurs du film contrevient au respect dû à l’oeuvre. Les auteurs ont soutenu que le film serait vulgaire et produisent à cet effet des extraits de trois critiques qui ne sauraient refléter une critique ‘unanime’ alors qu’il n’est pas démenti que le film a rencontré un grand succès et a enregistré plus de trois millions d’entrées en salles. Ils prétendent que l’esprit de la chanson, utilisée dans un film aux ‘allusions sexuelles explicites’, n’a pas été respecté, mais force est de constater que la chanson repose tout entière sur de telles allusions :’Partenaire particulier cherche partenaire particulière, Débloquée pas trop timide, Et une bonne dose de savoir-faire, Savoir faire’ et ne relève pas précisément, ainsi qu’il est allégué, d’un registre romantique. En toute hypothèse, il n’était pas établi ni même allégué que les auteurs entendaient réserver leur accord aux fins d’utilisation de leur chanson par synchronisation à un genre particulier d’oeuvre cinématographique exclusif de toute vulgarité ou grossièreté. Par ailleurs, la preuve était rapportée à l’inverse de ce que les auteurs ont consenti à une dévalorisation de leur oeuvre en autorisant son utilisation dans un spot publicitaire sur un médicament contre les maux de tête, donnant à entendre, dans des conditions de nature à provoquer immédiatement un mal de tête, l’air de la chanson Partenaire particulier sorti d’une flûte stridente et jouant faux sur toute la durée du spot. _____________________________________________________________________________________________________________ REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D’APPEL DE PARIS Pôle 5 – Chambre 2 ARRET DU 11 MARS 2022 Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 20/09922 – n° Portalis 35L7-V-B7E-CCCIT Décision déférée à la Cour : jugement du 07 février 2020 – Tribunal Judiciaire de PARIS – 3ème chambre 2ème section – RG n°17/13001 APPELANTS M. E X Né le […] à Uccle (Belgique) De nationalité belge Exerçant la profession d’auteur compositeur interprète Demeurant […] M. S D-O Né le […] à Toulouse De nationalité française Exerçant la profession d’auteur compositeur interprète […] M. G Y Né le […] à Bordeaux De nationalité française Exerçant la profession d’interprète […] M. I Z Né le […] à Aubenas De nationalité française Exerçant la profession d’arrangeur […] S.A.S. CHRIS MUSIC, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé […] 78290 CROISSY-SUR-SEINE Représentés par Me Nathalie LESENECHAL, avocate au barreau de PARIS, toque D 2090 Assistée de Me Cécile CUVIER-RODIERE, avocate au barreau de PARIS, toque C 994 INTIMEES S.A.S.U. M N, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé […] […] Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 512 358 607 R e p r é s e n t é e p a r M e M a t t h i e u B O C C O N – G I B O D d e l a S E L A R L L E X A V O U E PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque C 2477 Assistée de Me Louis DE CAROLIS plaidant pour le Cabinet TAYLOR WESSING, avocat au barreau de PARIS, toque J 010 S.A.S. MUSIQUES & SOLUTIONS, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé […] 94220 CHARENTON-LE-PONT Immatriculée au rcs de Créteil sous le numéro 403 252 935 Représentée par Me S GIOUX de la SELARL LEXMEDIA, avocat au barreau de PARIS, toque J 140 Représentée par Me Corinne POURRINET, avocate au barreau de PARIS, toque E 0096 COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 janvier 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme K L, Présidente, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport Mme K L a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme K L, Présidente Mme Laurence LEHMANN, Conseillère Mme Agnès MARCADE, Conseillère Greffière lors des débats : Mme Karine ABELKALON ARRET : Contradictoire Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile Signé par Mme K L, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition. Vu le jugement contradictoire rendu le 7 février 2020 par le tribunal judiciaire de Paris qui a : – dit que les extraits du titre Partenaire particulier ont été utilisés en synchronisation dans le film ‘Alibi.com’ avec l’autorisation de la société Chris Music, – dit que la mention Avec l’amiable autorisation de la société Musiques et Solutions a été placée au générique du film avec l’autorisation de la société Chris Music, – débouté G Y, S D-O, E X et I Z de leurs demandes fondées sur l’atteinte au droit moral, – débouté la société Chris Music de ses demandes en réparation du trouble commercial porté à son activité, de l’atteinte portée à son image, de l’atteinte portée aux droits d’édition et de l’atteinte portée aux droits de production, – rejeté les demandes tendant à la suppression du film ‘Alibi.com’ des deux séquences litigieuses comportant le titre Partenaire particulier, -rejeté la demande tendant à la suppression de la mention Avec l’amiable autorisation de la société Musiques et Solutions du générique du film ‘Alibi.com’, – condamné la société Chris Music à verser à la société Musiques et Solutions une somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, -condamné la société Chris Music à verser à la société M N une somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, – dit que la demande de garantie à l’encontre de la société Musiques et Solutions est sans objet, – condamné la société Chris Music, G Y, S D-O, E X et I Z à payer à chacune des sociétés Musiques et Solutions et M N une somme de 4.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, – condamné la société Chris Music, G Y, S D-O, E X et I Z aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, – dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire. Vu l’appel de ce jugement interjeté le 17 juillet 2020 par M. X, M. D-O, M. Y, M. Z et la société Chris Music (SAS). Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 29 novembre 2021 par la société Chris Music, M. X, M. D-O, M. Y, M. Z, appelants, qui demandent à la cour, au fondement des articles 1137, 1984, 1382 anciens du code civil, L. 121-1, L.212-2 et L.213-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, de: – constater que les extraits du titre Partenaire particulier ont été utilisés en synchronisation dans le film ‘Alibi.com’ sans autorisation, – constater que la mention Avec l’amiable autorisation de la société Musiques & Solutions a été placée au générique du film sans autorisation, – constater que les sociétés M N et Musiques & Solutions se sont rendues coupables de manoeuvres dolosives à l’égard de la société Chris Music, En conséquence, – condamner solidairement les sociétés M N et Musiques & Solutions à verser à la société Chris Music les sommes suivantes : – 40.000 euros en réparation du trouble commercial porté à son activité et l’atteinte portée à son image – 30.000 euros en réparation de l’atteinte portée aux droits d’édition – 30.000 euros en réparation de l’atteinte portée aux droits de production – condamner solidairement les sociétés M N et Musiques & Solutions à verser : – à M. D-O et M. X la somme de 12.000 euros chacun en réparation de l’atteinte portée à leur droit moral d’auteur compositeur, – à M. D-O, M. X et M. Y, la somme de 10.000 euros chacun en réparation de l’atteinte portée à leur droit moral d’artiste interprète – à M. Z, la somme de 6.000 euros en réparation de l’atteinte portée à son droit moral d’arrangeur – ordonner la suppression du film ‘Alibi.com’ des deux séquences litigieuses comportant le titre Partenaire Particulier aux fins de synchronisation et ce, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée et par jour de retard sur tout nouveau support ou à l’occasion de toute nouvelle diffusion, que ce soit à titre gratuit ou onéreux, dans un délai de 30 jours suivant la signification de l’arrêt, – débouter les sociétés M N et Musiques & Solutions de leurs demandes, – condamner solidairement les sociétés M N et Musiques & Solutions à verser à la société Chris Music, M. D-O, M. X, M. Y et M. Z la somme de 8.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 29 septembre 2021 par la société Musiques & Solutions (SAS), intimée, qui demande à la cour, au visa des articles L. 110-3 du code de commerce, L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle, 1101, 1103, 1104, 1260 du code civil, de : – confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté les appelants de toutes leurs demandes, fins et conclusions à l’encontre de la société Musiques & Solutions et condamné ces derniers sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, – l’infirmer en ce qu’il a condamné la société Chris Music à payer à la société Musiques & Solutions la somme de 1.000 euros pour procédure abusive, Statuant à nouveau, – condamner la société Chris Music à payer à la société Musiques & Solutions la somme de 5.000 euros pour procédure abusive, – condamner la société Chris Music à payer à la société Musiques & Solutions la somme de 5.000 euros en réparation de l’atteinte portée à sa réputation professionnelle, A titre subsidiaire, – débouter la société M N de sa demande de garantie de toute éventuelle condamnation prononcée à son encontre au bénéfice des appelants, En tout état de cause, – condamner la société Chris Music, M. D-O, M. X, M. Y et M. Z in solidum à payer à la société Musiques & Solutions la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, – condamner la société Chris Music, M. D-O, M. X, M. Y et M. Z in solidum aux entiers dépens, dont distraction en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 22 novembre 2021 par la société M N (SAS), intimée, qui demande à la cour, au visa des articles 1103 et 1231-1 nouveaux du code civil, de : A titre principal, – confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, Et y ajoutant, – condamner solidairement les appelants à verser à la société M N la somme de 10. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, A titre subsidiaire, Si, par impossible, la Cour devait entrer en voie de condamnation à l’encontre de M N, – juger que la société Musiques & Solutions doit la garantir, En tout état de cause, – condamner solidairement les appelants à verser à la société M N la somme de 8.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d’appel, avec distraction conformément à l’article 699 du code de procédure civile. Vu l’ordonnance de clôture du 2 décembre 2021. SUR CE, LA COUR : Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, au jugement entrepris et aux écritures précédemment visées des parties. MM. D-O et X sont les auteurs compositeurs de la chanson à succès Partenaire particulier, créée dans les années 80. Ils en sont également, avec M. Y, les interprètes. M. Z a réalisé l’arrangement musical. La société Chris Music, dirigée par M. G A, est productrice du phonogramme et éditrice de l’oeuvre musicale Partenaire particulier. La société Musiques & Solutions a notamment pour activités le conseil artistique, la recherche et le négoce de droits audiovisuels. Elle est ainsi sollicitée pour rechercher et proposer des titres musicaux en vue de leur reproduction dans une compilation thématique ou de leur synchronisation dans la bande sonore d’une oeuvre audiovisuelle, cinématographique ou publicitaire et en négocier les droits. Il est constant que les sociétés Chris Music et Musiques & Solutions entretiennent depuis 2007 des relations d’affaires ayant abouti notamment à la reproduction du titre Partenaire particulier dans plusieurs albums de compilations. La société M N, spécialisée dans la production cinématographique, ayant exploité ce titre par synchronisation dans la bande sonore du film ‘Alibi.com’, sorti en salles le 15 février 2017, s’est vue reprocher par la société Chris Music de ne pas avoir recueilli son autorisation ni celle des auteurs et artistes-interprètes concernés, ce qu’elle a contesté, répliquant avoir été dûment autorisée par la société Chris Music au terme des négociations conduites pour le compte de cette dernière par la société Musiques & Solutions. Un procès-verbal de constat a été dressé par huissier de justice le 8 mai 2017 à la demande de la société Chris Music, établissant que deux extraits de la chanson sont intégrés dans la bande sonore du film, l’un d’une durée d’une minute et 40 secondes, un quart d’heure après le début du film, l’autre d’une durée de 27 secondes, après une heure vingt environ après le début du film. Dans ce contexte, la société Chris Music, M. Y, M. D-O, M. X et M. Z ont fait assigner, le 26 juin 2017, les sociétés Musiques & Solutions et M N devant le Tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir constater que les extraits du titre Partenaire particulier ont été utilisés en synchronisation dans le film ‘Alibi.com’ sans autorisation, que la mention Avec l’amiable autorisation de la société Musiques & Solutions a été placée au générique du film sans autorisation, et invoquant en outre des manoeuvres dolosives dont elle aurait été la victime. Les demandeurs sollicitaient en conséquence la condamnation solidaire des défenderesses au paiement de dommages-intérêts en réparation des atteintes portées aux droits d’édition et de p r o d u c t i o n a i n s i q u ‘ à l ‘ i m a g e d e l a s o c i é t é C h r i s M u s i c , a u d r o i t m o r a l d e s a u t e u r s , artistes-interprètes et arrangeur de l’oeuvre musicale, outre une mesure accessoire tendant à voir supprimer de la bande sonore les séquences litigieuses et du générique la prétendue autorisation de reproduction. Le tribunal, par le jugement dont appel, a débouté les demandeurs de l’ensemble de leurs demandes les condamnant en outre à des dommages-intérêts pour procédure abusive. Les parties maintiennent devant la cour leurs prétentions et moyens de première instance et le débat se présente en conséquence dans les mêmes termes que devant les premiers juges. Sur les atteintes au droit moral des auteurs, artistes-interprètes et arrangeur, Les appelants font valoir ( pages 9 et 10 de leurs conclusions) que le fait d’utiliser des extraits de l’oeuvre constitue en soi une atteinte à l’intégrité de l’oeuvre qui doit être entendue dans son intégralité. Ils observent que l’oeuvre a été découpée sans aucune autorisation préalable et spéciale pour le faire, qu’elle a été, en outre, altérée par sa reprise en duo par deux acteurs du film. Ils soutiennent enfin que l’esprit de l’oeuvre, qui appartient au registre sentimental, n’a pas été respecté, soulignant que le film dans lequel elle a été utilisée est d’une extrême vulgarité, relevée par une critique unanime qui en déplore les ressorts grossiers et les allusions sexuelles explicites. Or, ainsi qu’il a été retenu par le tribunal, l’utilisation d’une oeuvre musicale par synchronisation dans la bande sonore d’une oeuvre audiovisuelle se fait nécessairement sous forme d’extraits et ne saurait être regardée par principe comme réalisant une atteinte à l’intégrité de l’oeuvre et au droit moral de l’auteur ou de l’artiste-interprète. Force étant de rappeler qu’il incombe à celui qui invoque une atteinte à son droit moral d’auteur ou d’artiste-interprète d’en justifier, une telle atteinte n’est pas, en l’espèce, caractérisée faute de démonstration d’une altération de la mélodie, du rythme, ou encore des paroles de la chanson à raison de la sélection des séquences reproduites dans la bande sonore du film litigieux. Il n’est pas davantage expliqué en quoi le fait, allégué sans autre précision, que la chanson soit reprise en duo par des acteurs du film contrevient au respect dû à l’oeuvre. Les appelants soutiennent que le film serait vulgaire et produisent à cet effet des extraits de trois critiques qui ne sauraient refléter une critique ‘unanime’ alors qu’il n’est pas démenti que le film a rencontré un grand succès et a enregistré plus de trois millions d’entrées en salles. Ils prétendent que l’esprit de la chanson, utilisée dans un film aux ‘allusions sexuelles explicites’, n’a pas été respecté, mais force est de constater que la chanson repose tout entière sur de telles allusions :’Partenaire particulier cherche partenaire particulière, Débloquée pas trop timide, Et une bonne dose de savoir-faire, Savoir faire’ et ne relève pas précisément, ainsi qu’il est allégué, d’un registre romantique. En toute hypothèse, ainsi qu’il a été retenu par les premiers juges, il n’est pas établi ni même allégué que les auteurs entendaient réserver leur accord aux fins d’utilisation de leur chanson par synchronisation à un genre particulier d’oeuvre cinématographique exclusif de toute vulgarité ou grossièreté. La preuve est rapportée à l’inverse (pièce n°32 de la société Musiques & Solutions) de ce qu’ils ont consenti à une dévalorisation de leur oeuvre en autorisant son utilisation dans un spot publicitaire sur un médicament contre les maux de tête, donnant à entendre, dans des conditions de nature à provoquer immédiatement un mal de tête, l’air de la chanson Partenaire particulier sorti d’une flûte stridente et jouant faux sur toute la durée du spot. En considération des observations qui précèdent, il n’est pas justifié d’une atteinte au droit moral des auteurs, artistes-interprètes et arrangeur et le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes formées de ce chef. Sur les atteintes alléguées par la société Chris Music pour défaut d’autorisation, La société Chris Music fait grief aux sociétés Musiques & Solutions et M N d’avoir exploité l’oeuvre à son insu et sans avoir recherché son autorisation. Elle souligne à cet égard que son autorisation ne saurait résulter des courriels échangés en février 2017 alors que le film a été projeté en avant-première dès le 21 décembre 2016. Il n’est cependant pas justifié d’une projection du film ‘Alibi.com’ avant le 20 janvier 2017, date pour laquelle il est mentionné dans la programmation du festival d’Alpe d’Huez. Il est établi, en outre, que la sortie nationale du film dans les salles de cinéma est intervenue le 15 février 2017. Il est montré enfin que le ‘music cue sheet’ du film, c’est-à-dire le document établissant la liste des musiques, originales ou pré-existantes, incorporées dans la bande sonore, permettant à la SACEM de reverser les droits d’auteur correspondants, a été définitivement arrêté le 23 janvier 2017, date avant laquelle il pouvait être modifié. Il n’est pas contesté en effet que le choix des différents éléments composant la bande sonore appartient au P du film qui peut y revenir lors du montage du film puis du mixage et tant qu’il n’a pas validé la copie numérique destinée au distributeur donc, peu avant la sortie nationale du film en salles. Solutions, dont la collaboration est ancienne, ont entretenu dès le mois d’août 2016 des discussions sur l’incorporation, par synchronisation, d’extraits de la chanson Partenaire particulier dans la bande Solutions à Mme A de la société Chris Music ‘ en attendant le plaisir des prochains projets communs en CD et même d’une possible première synchro cinéma comme vu avec G’ . M. G A, dirigeant de la société Chris Music, répondait à ce message le 24 août 2016 dans les termes suivants : ‘Merci bien reçu A très vite… Pour de nouvelles aventures Amitiés G’ . La société Musiques & Solutions indique avoir attendu de recevoir, le 23 janvier 2017, le ‘music cue sheet’ définitif du film l’assurant de ce que les deux extraits de l’oeuvre tels que sélectionnés avaient bien été retenus dans la bande sonore, pour confirmer la nouvelle à la société Chris Music, ce qu’elle fit le jour même en écrivant à M. G A : ‘Peux-tu STP me passer un petit coup de fil dès que tu peux pour partager une cool news avec toi !’ . Elle faisait suivre ce message par la communication, en pièce jointe, le 27 janvier 2017, du ‘cue sheet’ ainsi que, sous l’objet ‘Synchro PP Confirmée’ , les informations suivantes : Good morning cher G, Voilà avec plaisir comme convenu et évoqué depuis un moment… Là c’est bien 100% confirmé… et comme tu vois très peu de titres existants et belle mise en avant en deux temps… donc droits éditoriaux et téléchargements en plus générés par cette belle utilisation… – PP ‘Partenaire particulier’ Master+Publishing […] – P Q R / Prod M N – Sortie du film le 15 février – Cue Sheet ci-joint Total +/- 2’30 (1’41 » et 34 ») 2 scènes dans le corps du film Fee [rémunération] 4.500 + 4.500 ( Comme convenu 75/25 vendu 6 + 6) – Droits monde tous médias in context 30 ans Je m’occupe très vite du contrat … et toi de la facture ! Amitiés et bises à B C Alors même qu’il lui était indiqué dans ce courriel que la synchronisation était confirmée ‘à 100%’, la rémunération fixée ‘comme convenu’ et la sortie du film prévue au 15 février suivant, la société Chris Music, sans soulever la moindre contestation ni même émettre la moindre observation, que ce soit sur le principe de l’autorisation consentie pour l’utilisation de la chanson Partenaire particulier dans la bande sonore du film ‘Alibi.com’ ou ses modalités, concernant notamment le nombre et la durée des séquences reproduites ou encore les contreparties financières, écrivait en retour, le même jour, sous le titre ‘Very Good News’ que Le catalogue Editions G A appartient à Chris Music donc facturé par Chris Music, puis, dans un courriel suivant, toujours le même jour, donnait les instructions suivantes : 1 seul contrat – 1 facture Synchro – 1 facture Master . Les échanges intervenus ensuite, entre le 31 janvier 2017 et le 1er février 2017, portent sur le montant de la commission due à la société Musiques & Solutions et sur la répartition des redevances au titre du master et celles au titre de la synchronisation mais ne remettent pas en cause l’acceptation par la société Chris Music des conditions de l’autorisation énoncées dans le message de la société Musiques & Solutions du 27 janvier précédent. Le 3 février 2017, la société Musiques & Solutions adressait à la société Chris Music le contrat à signer (Contrat de licence non exclusive de synchronisation droits éditoriaux et phonographiques entre la société M N d’une part et la société Chris Music d’autre part), prévoyant de mentionner au générique les crédits suivants : […] Partenaire particulier D-O-E.X) Arrgts: T.Z Ed : G A P 1985 CHRIS MUSIC Avec l’aimable autorisation de Musiques &Solutions. Par courriel du 8 février 2017, la société Chris Music lui répondait que La première chose à faire est de faire signer le contrat ( sous la forme que tu as préparé) par M ensuite facture et contrat seront retournés. Merci de me renvoyer le contrat pour validation, message dont la teneur établit l’acceptation sans équivoque du contrat tel que rédigé par la société Musiques & Solutions, la seule demande de la société Chris Music consistant à voir la société M le signer avant qu’elle-même ne le signe et n’établisse les factures. Dans un courriel suivant, du même jour, intitulé ‘Tout Est Validé’ , la société Chris Music maintient cette demande mais sans remettre en cause son accord sur les conditions du contrat : A eux d’envoyer par mail le contrat signé.Aussitôt nous le renverrons avec la facture pour règlement immédiat et nous pourrons ainsi payer les A+C (auteurs) avant le 15 février. Le 10 février 2017 la société Musiques & Solutions remettait à la société Chris Music le contrat signé de la société M N, accompagné du message suivant : Voilà avec plaisir le contrat signé. Merci de nous le retourner signé et paraphé par mail comme convenu de suite ce jour avec vos deux factures. Pour me permettre de demander le règlement immédiat. Le 11 février 2017, dans un dernier courriel échangé avec la société Musiques & Solutions avant la sortie du film, la société Chris Music indiquait: Comme écrit et dit par téléphone dès le début, Le droit d’autoriser est Edition G A et non M/S [Musiques & Solutions] Nous allons donc supprimer la ligne M/S . Pour le reste, c’est validé en ce qui me concerne. La réserve ainsi émise le 11 février 2017 par la société Chris Music sur la mention de la société Musiques & Solutions dans les crédits du générique n’apparaît pas sérieuse et de nature à remettre en cause son accord pour signer le contrat alors qu’elle n’avait jamais fait état dans ses précédents courriers des Editions G A si ce n’est le 27 janvier 2017pour indiquer que Le catalogue Editions G A appartient à Chris Music donc facturé par Chris Music, et, qu’ayant reçu le contrat à signer depuis le 3 février 2011, portant la mention ‘Avec l’aimable autorisation de Musiques &Solutions’, elle n’avait soulevé aucune objection et demandait qu’il soit signé, tel quel, par la société M. Solutions qui lui demandait qui, de M. A ou de sa collaboratrice, allait signer le contrat et établir les factures : Facture B- Contrat l’un ou l’autre-Certainement demain. Le 11 février 2017 elle ne laissait encore planer aucun doute sur le fait qu’elle acceptait le contrat et le signerait incessamment, assurant à la société Musiques & Solutions : Je ne gère pas les WE de B, désolé, Mais pas la peine de stresser, nous sommes ++ que réglo. En toute hypothèse, il n’est pas discuté que la société M N a accepté de faire retirer la mention discutée et la société Chris Music, se garde au demeurant de maintenir devant sa demande, présentée devant le tribunal, de voir ordonner à la société M de la retirer. Il ressort de l’ensemble de ces échanges, que la société Chris Music, quand bien même n’aurait-elle pas signé le contrat, a bien donné son accord, avant que le film ‘Alibi.com’ ne soit distribué en salles le 15 février 2017, sur le principe et sur les modalités de son autorisation d’utilisation de la chanson Partenaire particulier dans la bande sonore du film. Le nombre d’extraits, la durée des extraits, le montant de la rémunération, et , en définitive, les limites et les conditions de l’autorisation consentie ont été convenues avant le 15 février 2017 et donc, contrairement à ce que soutient désormais la société Chris Music, avant que le film ne soit exploité. C’est en vain que la société Chris Music invoque des manoeuvres dolosives commises de concert par les sociétés Musiques & Solutions et M N dont la preuve n’est aucunement pas rapportée, pas plus que n’apparaît avoir été exercée à son encontre la moindre contrainte. S’il est en effet constant que les termes du contrat ne lui ont été soumis que le 27 janvier 2017 par le message précédemment évoqué, il lui était parfaitement loisible d’annoncer qu’elle s’y opposait et qu’elle refusait d’accorder son autorisation en faisant valoir qu’elle ne disposait pas d’un délai suffisant avant la sortie du film le 15 février 2017. Le jugement entrepris est en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté toutes les demandes de la société Chris Music fondées sur son prétendu défaut d’autorisation aux fins d’utilisation de la chanson Partenaire particulier dans la bande sonore du film ‘Alibi.com’. La société Musiques & Solutions est justifiée au regard des circonstances de la cause à demander des dommages-intérêts à hauteur de 5.000 euros à la société Chris Music dont l’attitude a terni sa réputation professionnelle auprès de la société M N et a atteint la confiance de cette dernière à son égard. Les demandes formées au titre de la procédure abusive ne sont pas en revanche fondée, la preuve n’étant pas rapportée à la charge de la société Chris Music, qui a pu se méprendre sur le mérite de ses prétentions, d’un abus du droit d’agir en justice, caractérisé par la mauvaise foi, l’intention de nuire ou la légèreté blâmable équipollente au dol. L’équité commande de confirmer les dispositions sur le jugement au titre des frais irrépétibles et de condamner la société Chris Music à payer à ce même titre une indemnité complémentaire de 4.000 euros à chacune des sociétés Musiques & Solutions et M N. Le sens de l’arrêt conduit à confirmer les dispositions du jugement sur le sort des dépens de première instance et de condamner les appelants, parties perdantes, aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS : Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en celles statuant sur la procédure abusive, Statuant à nouveau, Déboute les sociétés Musiques & Solutions et M N de leurs demandes au titre de la procédure abusive, Ajoutant, Condamne la société Chris Music à payer à la société Musiques & Solutions la somme de 5.000 euros pour atteinte à sa réputation professionnelle, Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires aux motifs de l’arrêt, Condamne la société Chris Music à payer au titre des frais irrépétibles d’appel une indemnité de 4.000 euros à chacune des sociétés Musiques & Solutions et M N, Condamne la société Chris Music, MM. Y, X, Z, D-O aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. La Greffière La Présidente |
Q/R juridiques soulevées :
Quel était le motif de l’assignation de Chris Music et des compositeurs du groupe Partenaire particulier ?La société Chris Music, ainsi que les compositeurs du groupe Partenaire particulier, ont assigné les sociétés Musiques & Solutions pour atteinte à leur droit moral. Ils souhaitaient faire constater que des extraits de leur titre « Partenaire particulier » avaient été utilisés en synchronisation dans le film « Alibi.com » sans autorisation préalable. Cette action en justice visait à protéger leurs droits d’auteur et à obtenir réparation pour l’utilisation non autorisée de leur œuvre. Cependant, leur demande a été rejetée, car ils n’ont pas réussi à prouver que l’utilisation de la chanson avait altéré son intégrité ou son esprit. Quelles relations d’affaires existaient entre Chris Music et Musiques & Solutions ?Depuis 2007, Chris Music et Musiques & Solutions entretenaient des relations d’affaires. Ces relations ont permis la reproduction du titre « Partenaire particulier » dans plusieurs albums de compilations. Musiques & Solutions, spécialisée dans le conseil artistique et la négociation de droits audiovisuels, a joué un rôle clé dans la gestion des droits de la musique de Chris Music. Cette collaboration a été essentielle pour la diffusion de l’œuvre musicale dans divers projets, y compris des films et des publicités. Pourquoi la cour a-t-elle rejeté les accusations d’atteinte au droit moral ?La cour a rejeté les accusations d’atteinte au droit moral car il incombe à celui qui invoque une telle atteinte de la justifier. Dans ce cas, les plaignants n’ont pas démontré d’altération de la mélodie, du rythme ou des paroles de la chanson en raison de l’utilisation des extraits dans le film. De plus, la cour a noté qu’il n’était pas prouvé que la reprise de la chanson par des acteurs du film violait le respect dû à l’œuvre. Les plaignants n’ont pas non plus réussi à établir que l’esprit de la chanson avait été dénaturé par son utilisation dans un film jugé vulgaire. Quels arguments ont été avancés par les plaignants concernant la vulgarité du film ?Les plaignants ont soutenu que le film « Alibi.com » était vulgaire, en produisant des extraits de critiques qui déploraient son contenu. Ils ont affirmé que l’esprit de la chanson, qui contient des allusions sexuelles explicites, n’avait pas été respecté dans le contexte du film. Cependant, la cour a noté que la chanson elle-même repose sur des allusions sexuelles et ne peut donc pas être considérée comme appartenant à un registre romantique. De plus, le film a rencontré un grand succès, avec plus de trois millions d’entrées, ce qui contredit l’idée d’une critique unanime sur sa vulgarité. Quelles preuves ont été présentées concernant l’autorisation d’utilisation de la chanson ?Les preuves présentées indiquent que la société Musiques & Solutions a négocié l’utilisation de la chanson « Partenaire particulier » pour le film « Alibi.com ». Des échanges de courriels entre Chris Music et Musiques & Solutions montrent que l’autorisation d’utilisation avait été confirmée avant la sortie du film. Le « music cue sheet », document listant les musiques utilisées dans le film, a été arrêté avant la sortie nationale, et les discussions sur les modalités de l’autorisation ont eu lieu plusieurs semaines avant la première projection. Chris Music n’a pas contesté ces conditions à ce moment-là, ce qui a conduit la cour à conclure qu’il y avait eu accord sur l’utilisation de la chanson. Quelles ont été les conséquences de la décision de la cour ?La cour a confirmé le jugement de première instance, rejetant les demandes de Chris Music et des compositeurs concernant l’atteinte à leurs droits. En revanche, elle a condamné Chris Music à verser des dommages-intérêts à Musiques & Solutions pour atteinte à sa réputation professionnelle. De plus, Chris Music a été condamnée à payer des frais irrépétibles à chacune des sociétés impliquées. La décision a également souligné que les plaignants, en tant que parties perdantes, devaient assumer les dépens d’appel, conformément aux dispositions du code de procédure civile. |
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