Sursis à statuer dans l’attente d’une décision de la chambre des recours de l’OEB

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Sursis à statuer dans l’attente d’une décision de la chambre des recours de l’OEB

Aux termes de l’article L. 614-15 du code de propriété intellectuelle, « Le tribunal saisi d’une action en contrefaçon d’un brevet français qui couvre la même invention qu’un brevet européen demandé par le même inventeur ou délivré à celui-ci ou à son ayant- cause avec la même date de priorité surseoit à statuer jusqu’à la date à laquelle le brevet français cesse de produire ses effets au terme de l’article L. 614–13 ou jusqu’à la date à laquelle la demande de brevet européen est rejetée, retirée ou réputée retirée, ou le brevet européen révoqué ».

Le principe de bonne administration de la justice commande en l’espèce de ne pas ralentir inutilement la procédure, donc de ne pas surseoir dans l’attente de la décision de l’office dans la procédure d’opposition relative au brevet européen.

Affaire COMPAGNIE DES SALINS

Dès lors que la société AU LIEGEUR a renoncé à la partie française de son brevet européen EP 3 048 061 selon publication au BOPI du 30 août 2021, il n’y a plus lieu de prononcer obligatoirement un sursis comme le concluait initialement la demanderesse à l’incident. Un sursis facultatif est en revanche toujours possible, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice notamment, soumis à l’appréciation souveraine du juge de la mise en état, émanation du tribunal saisi au fond.

Brevet distinct

Outre que le brevet objet de la présente procédure, seul invoqué dans l’assignation et sur la validité duquel le tribunal sera amené à statuer, n’est pas strictement le même que celui dont est actuellement saisi l’OEB, qui revendique des caractéristiques additionnelles relatives à l’épaisseur des dispositifs de préhension et de bouchage, l’éventuelle révocation du brevet européen n’aura aucune incidence sur la validité du brevet français seul opposé ici et le tribunal n’est en tout état de cause nullement lié par l’appréciation de l’OEB quant à l’activité inventive.

Principe de bonne administration de la justice

Le principe de bonne administration de la justice commande en l’espèce de ne pas ralentir inutilement la procédure, donc de ne pas surseoir dans l’attente de la décision de l’office dans la procédure d’opposition relative au brevet européen.

La demande de sursis à statuer présentée par la société COMPAGNIE DES SALINS a en conséquence été rejetée.

Compétence du juge de la mise en état

Aux termes de l’article 789 du code de procédure civile « Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de a mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour : 1. Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et sur les incidents mettant fin à l’instance ; les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu’ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge (…) ».

Selon l’article 73 dudit code, « constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours ».

Aux termes des articles 377 et 378 du même code, « En dehors des cas où la loi le prévoit, l’instance est suspendue par la décision qui sursoit à statuer, radie l’affaire ou ordonne son retrait du rôle » et « La décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine ».

Il appartient donc au juge de la mise en état de statuer sur l’exception de procédure que constitue la demande de sursis à statuer formulée par la société COMPAGNIE DES SALINS.

______________

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 1

3ème chambre 2ème section

N° RG 21/15302 N° Portalis 352J-W-B7F-CVLWR

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT N° MINUTE : rendue le 05 Août 2022

Assignation du : 29 octobre 2021

INCIDENT

DEMANDERESSE

S.A.S. AU LIEGEUR – ETS J. PONTNEAU DENIS […]

représentée par Maître Michel-Paul ESCANDE de la SELEURL CABINET M-P ESCANDE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire

#R266

DÉFENDERESSE

S.A.S. COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI ET DES SALINES DE L’E ST 92-98 Boulevard Victor Hugo 92115 CLICHY

représentée par Maître Gaëlle BLORET-PUCCI de l’AARPI BCTG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #T0001

Copies exécutoires délivrées le :

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

Madame Elise MELLIER, Juge assistée de Monsieur Quentin CURABET, Greffier lors des débats et de Madame Lorine MILLE, Greffière lors de la mise à disposition.

DÉBATS

A l’audience du 17 juin 2022, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 05 août 2022.

ORDONNANCE

Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

Par acte extrajudiciaire du 29 octobre 2021, la société AU LIEGEUR

– ETABLISSEMENTS J. PONTNEAU DENIS (ci-après la société AU LIEGEUR) a fait assigner la société COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI ET DES SALINES DE L’EST (ci-après la société COMPAGNIE DES SALINS) devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de son brevet français n° 15 50535 déposé le 23 janvier 2015 et délivré le 16 août 2019 protégeant une « boîte cylindrique de bouchage en liège ».

Par conclusions d’incident signifiées le 11 mai 2022, la société COMPAGNIE DES SALINS a sollicité un sursis à statuer fondé à titre principal sur l’article L. 614-15 du code de propriété intellectuelle.

*

Dans le dernier état de ses écritures, signifiées par voie électronique le 15 juin 2022, la société COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI ET DES SALINES DE L’EST demande au juge de la mise en état de :

Vu les articles 378 et 379 du code de procédure civile, Vu l’article 771 du code de procédure civile, Vu les articles 700 et 699 du code de procédure civile,

– ORDONNER, dans le souci d’une bonne administration de la justice, le sursis à statuer de la présente instance en contrefaçon, dans l’attente d’une décision définitive de l’OEB sur le maintien, la modification ou la révocation du brevet européen EP 3 048 061 de la société AU LIEGEUR ;

– CONDAMNER la société AU LIEGEUR à payer à payer à la société COMPAGNIE DES SALINS la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– CONDAMNER la société AU LIEGEUR aux entiers dépens du présent incident.

*

Aux termes de ses conclusions d’incident n° 2 signifiées électroniquement le 16 juin 2022, la société AU LIEGEUR – ETABLISSEMENTS J. PONTNEAU DENIS demande au juge de la mise en état de :

Vu les articles L. 614-13, L. 614-15 du code de propriété intellectuelle, Vu les articles 378 et 379 du code de procédure civile, Vu les articles 700 et 699 du code de procédure civile,

 PRENDRE ACTE de ce que la COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI ET DES SALINES DE L’EST a renoncé à agir sur le fondement des articles L. 614-15 et L. 614-13 du code de la propriété intellectuelle afin d’obtenir un sursis à statuer ;

– CONSTATER l’autonomie des titres entre le brevet français 15 50535 déposé le 23 janvier 2015 et délivré le 16 août 2019 et le brevet européen EP 3 048 061 déposé le 21 janvier 2016, enregistré le 3 octobre 2018, et faisant l’objet d’une procédure d’opposition actuellement en appel devant l’OEB, la société AU LIEGEUR – ETABLISSEMENTS J. PONTNEAU DENIS ayant renoncé le 22 juillet 2021 à la partie française de son brevet européen EP 3 048 06. Ce brevet n’étant plus susceptible, une fois définitivement délivré, d’avoir un quelconque effet en France, qu’il en est de même d’une éventuelle décision d’invalidation ;

– CONSTATER de surcroît que les revendications principales des brevets français n° FR 15 50535 et européen n° EP 3 048 061 sont différentes ;

Et, en conséquence :

– REJETER la demande de sursis à statuer telle que soutenue par la société COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI ET DES SALINES DE L’EST ;

En tout état de cause :

– CONDAMNER la société COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI ET DES SALINES DE L’EST à payer à la société AU LIEGEUR – ETABLISSEMENTS J. PONTNEAU DENIS la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– CONDAMNER la société COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI ET DES SALINES DE L’EST aux entiers dépens du présent incident.

*

Les conseils des parties ont été entendus dans leurs observations à l’audience du 17 juin 2022.

Pour un exposé complet de l’argumentation des parties, il est, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoyé à leurs conclusions d’incident précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La société COMPAGNIE DES SALINS soutient qu’il est d’une bonne administration de la justice de surseoir à statuer dans l’attente de la décision de la chambre des recours de l’Office européen des brevets.

La société AU LIEGEUR conclut au rejet de cette demande, qu’elle estime dilatoire, considérant au contraire qu’aucun sursis ne se justifie au regard de l’indépendance des titres nationaux et européens.

Sur ce,

Aux termes de l’article 789 du code de procédure civile « Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de

la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour : 1. Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et sur les incidents mettant fin à l’instance ; les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu’ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge (…) ».

Selon l’article 73 dudit code, « constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours ».

Aux termes des articles 377 et 378 du même code, « En dehors des cas où la loi le prévoit, l’instance est suspendue par la décision qui sursoit à statuer, radie l’affaire ou ordonne son retrait du rôle » et « La décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine ».

Il appartient donc au juge de la mise en état de statuer sur l’exception de procédure que constitue la demande de sursis à statuer formulée par la société COMPAGNIE DES SALINS.

Par ailleurs, aux termes de l’article L. 614-15 du code de propriété intellectuelle, « Le tribunal saisi d’une action en contrefaçon d’un brevet français qui couvre la même invention qu’un brevet européen demandé par le même inventeur ou délivré à celui-ci ou à son ayant- cause avec la même date de priorité surseoit à statuer jusqu’à la date à laquelle le brevet français cesse de produire ses effets au terme de l’article L. 614–13 ou jusqu’à la date à laquelle la demande de brevet européen est rejetée, retirée ou réputée retirée, ou le brevet européen révoqué ».

Au cas présent toutefois, dès lors que la société AU LIEGEUR a renoncé à la partie française de son brevet européen EP 3 048 061 selon publication au BOPI du 30 août 2021, il n’y a plus lieu de prononcer obligatoirement un sursis comme le concluait initialement la demanderesse à l’incident. Un sursis facultatif est en revanche toujours possible, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice notamment, soumis à l’appréciation souveraine du juge de la mise en état, émanation du tribunal saisi au fond.

En l’espèce, la société COMPAGNIE DES SALINS fait valoir que le brevet français n° 15 50535 protège la même invention que le brevet européen EP 3 048 061 faisant actuellement l’objet d’un recours devant l’Office européen des brevets (OEB) suite à opposition de sa part ; au regard de la décision motivée rendue par la division d’opposition de l’OEB le 20 avril 2022 et de l’avis préliminaire qui lui était favorable, elle considère que la probabilité d’invalidation du brevet européen est importante, décision susceptible d’influer de manière décisive sur la validité du brevet français identique.

Toutefois, outre que le brevet objet de la présente procédure, seul invoqué dans l’assignation et sur la validité duquel le tribunal sera amené à statuer, n’est pas strictement le même que celui dont est actuellement saisi l’OEB, qui revendique des caractéristiques additionnelles relatives à l’épaisseur des dispositifs de préhension et de bouchage, l’éventuelle révocation du brevet européen n’aura aucune incidence sur la validité du brevet français seul opposé ici et le tribunal n’est en tout état de cause nullement lié par l’appréciation de l’OEB quant à l’activité inventive.

Le principe de bonne administration de la justice commande en l’espèce de ne pas ralentir inutilement la procédure, donc de ne pas surseoir dans l’attente de la décision de l’office dans la procédure d’opposition relative au brevet européen.

La demande de sursis à statuer présentée par la société COMPAGNIE DES SALINS sera en conséquence rejetée.

*

La demanderesse à l’incident, partie perdante, supportera les dépens du présent incident.

L’équité commande en outre qu’elle soit condamnée à verser à la société AU LIEGEUR, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits dans le cadre du présent incident, une indemnité de 2 000 (deux mille) euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Nous, juge de la mise en état, par décision rendue publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoire et susceptible d’appel dans les conditions des articles 795 et 380 du code de procédure civile,

DISONS n’y avoir lieu à sursis à statuer ;

RENVOYONS l’affaire à l’audience de mise en état du 12 janvier 2023 (audience dématérialisée), la société COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI ET DES SALINES DE L’EST étant invitée à conclure au fond au plus tard le 9 novembre 2022, date relais, et la société AU LIEGEUR – ETABLISSEMENTS J. PONTNEAU DENIS étant invitée à conclure en réponse pour le 12 janvier 2023 ;

CONDAMNONS la société COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI ET DES SALINES DE L’EST à verser à la société AU LIEGEUR – ETABLISSEMENTS J. PONTNEAU DENIS la somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNONS la société COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI ET DES SALINES DE L’EST aux dépens du présent incident.

Faite et rendue à Paris, le 05 août 2022.

La Greffière Le Juge de la mise en état


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