La rupture abusive de CDD
Le Contrat de travail à durée déterminée (CDD) de l’artiste est avant tout un CDD, il ne peut donc être rompu avant son terme (ni par l‘employeur ni par le salarié) sauf cas de faute grave. En présence d’une rupture considérée par l’une ou l’autre des Parties comme abusive, une action en indemnisation est ouverte à la victime.
L’indemnisation du salarié
Lorsque la rupture est à l’initiative de l’employeur, l’indemnisation prévue par le Code du travail en cas de rupture anticipée d’un contrat à durée déterminée et en l’absence de faute grave du salariée, est constituée par une somme d’un montant au moins égal aux rémunérations que le salarié aurait perçues jusqu’au terme de son contrat. Ces rémunérations consistent, au minimum, au montant des salaires restant à courir.
Le cas de l’artiste interprète
Toutefois, pour certaines professions et notamment les artiste s interprètes, les rémunérations telles que les cachets n’entrent pas dans le calcul de l’indemnisation. En effet, les redevances ou avances sur redevances perçues par un artiste interprète n’ont pas un caractère salarial et ne doivent pas être prises en considération pour déterminer l’indemnité due. Ces redevances sont uniquement fonction du seul produit de l’exploitation de l’enregistrement de l’artiste.
L’affaire Doc Gynéco
Ce principe de l’exclusion des cachets d’artiste dans le calcul de l’indemnité de rupture de CDD a été affirmé, entre autres, dans l’affaire opposant Doc Gynéco à son producteur. Doc Gynéco avait été engagé par son producteur par contrat d’enregistrement exclusif pour interpréter des oeuvres musicales et chantées en vue de leur fixation et reproduction destinées à être publiées et exploitées à des fins commerciales et promotionnelles. Un nouveau contrat avait été signé entre les parties pour une durée minimale de cinq ans, prévoyant la réalisation d’un minimum de trois albums studio inédits. Suite à une injure verbale du chanteur ( « je ne peux pas faire de musique avec des fils de pute et des chiens errants »), son producteur lui avait alors adressé une lettre recommandée dans laquelle, qualifiant de faute grave l’attitude du chanteur lors de l’entrevue, avait mis fin à son CDD d’artiste.
Doc Gynéco avait alors saisi la juridiction prud’homale de demandes de dommages et intérêts pour rupture abusive et pour préjudice moral. Après avoir obtenu la somme record d’un million d’euros de dommages et intérêts en appel, la Cour de cassation était intervenue pour limiter l’indemnisation et renvoyer l’affaire devant une nouvelle formation de jugement.
La faute grave de l’artiste
Sur le caractère de faute grave justifiant la rupture du CDD, les juges ont rappelé que les seuls mots injurieux, qui sont confirmés par plusieurs témoins, quoique dans des termes quelque peu différents, ont été prononcés par Doc Gynéco depuis l’escalier, alors qu’il avait quitté le bureau de la production et que le « rap », correspond à un style de musique et de chansons qui n’est pas particulièrement « académique », ni dans ses sonorités ni, la plupart du temps, dans ses paroles, ni même quant à ceux qui le chantent. Ces termes manifestement prononcés sous le coup de la colère, alors qu’un litige important, financièrement mais aussi en termes de carrière, opposait l’artiste au producteur, ne pouvaient être retenus comme constitutifs d’une faute grave.