Rétention administrative : limites et réitérations contestées

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Rétention administrative : limites et réitérations contestées

L’Essentiel : Un étranger en rétention administrative depuis le 2 février 2025, suite à une obligation de quitter le territoire français notifiée le 16 septembre 2024, a été placé en rétention à trois reprises. La première rétention a eu lieu le 21 septembre 2024, suivie d’une seconde le 3 octobre 2024, et enfin d’une troisième le 2 février 2025. Les deux premières rétentions ont été levées par des juges des libertés. La Cour d’appel a statué qu’une seule réitération de placement en rétention est autorisée sur la base d’une même décision d’éloignement, rendant la troisième rétention illégale.

Contexte de la rétention administrative

Monsieur [O] [R] est en rétention administrative depuis le 2 février 2025, suite à une obligation de quitter le territoire français qui lui a été notifiée le 16 septembre 2024. Cette mesure a été prise en application des articles L.741-1 et L.731-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile (CESEDA).

Conditions de placement en rétention

Selon le CESEDA, l’administration peut placer un étranger en rétention administrative pour une durée de quatre jours si celui-ci fait l’objet d’une décision d’éloignement datant de moins de trois ans, et si le délai de départ volontaire est expiré ou non accordé. De plus, il doit être établi qu’il n’existe pas de garanties suffisantes pour prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement.

Historique des rétentions

Monsieur [O] [R] a été placé en rétention administrative à trois reprises sur la base de la même obligation de quitter le territoire. La première rétention a eu lieu le 21 septembre 2024, suivie d’une seconde le 3 octobre 2024, et enfin d’une troisième le 2 février 2025. Les deux premières rétentions ont été levées par des ordonnances des juges des libertés respectifs.

Analyse juridique de la décision de rétention

La Cour d’appel d’Orléans a interprété les dispositions législatives en vigueur comme n’autorisant qu’une seule réitération de placement en rétention sur la base d’une même décision d’éloignement. En l’espèce, la troisième rétention de Monsieur [O] [R] constitue une violation de cette interprétation, car elle est fondée sur la même obligation de quitter le territoire.

Conclusion de la décision judiciaire

La décision de placement en rétention administrative du 2 février 2025 a été déclarée illégale, entraînant la cessation de la mesure de rétention. Le Procureur de la République a la possibilité de s’opposer à cette décision dans un délai de 24 heures. La décision a été rendue en audience publique le 6 février 2025.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de placement en rétention administrative selon le CESEDA ?

Le placement en rétention administrative d’un étranger est régi par les articles L.741-1 et L.731-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile (CESEDA).

Ces articles stipulent que l’administration peut placer en rétention un étranger qui fait l’objet d’une décision d’obligation de quitter le territoire français,

prise moins de trois ans auparavant, lorsque le délai de départ volontaire est expiré ou n’a pas été accordé.

Il est également précisé que l’étranger doit ne pas présenter de garanties de représentation effectives pour prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement.

Aucune autre mesure ne doit apparaître suffisante pour garantir l’exécution effective de cette décision.

Quelles sont les limites temporelles imposées par le CESEDA pour le placement en rétention ?

L’article L.741-7 du CESEDA impose des limites temporelles concernant le placement en rétention.

Il stipule que la décision de placement en rétention ne peut être prise avant l’expiration d’un délai de sept jours à compter du terme d’un précédent placement,

ou, en cas de circonstances nouvelles, d’un délai de quarante-huit heures.

Cette disposition vise à protéger les droits des étrangers en évitant des placements en rétention successifs sans justification adéquate.

Comment le Conseil constitutionnel a-t-il interprété les dispositions relatives à la rétention administrative ?

Dans sa décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997, le Conseil constitutionnel a précisé que la législation ne permet qu’une seule réitération de maintien en rétention administrative,

sous certaines conditions.

Il a affirmé que cette réitération ne peut être autorisée que si l’étranger n’a pas déféré à la mesure d’éloignement dans un délai de sept jours suivant le terme du précédent maintien.

Le Conseil a également souligné que les changements de situation de fait ou de droit de l’intéressé doivent être pris en compte par l’administration.

Quelles conséquences a la décision de la Cour d’appel d’Orléans sur le cas de l’étranger en rétention ?

La Cour d’appel d’Orléans a constaté que l’arrêté de placement en rétention administrative du 2 février 2025,

concernant l’étranger, constituait une troisième réitération sur le fondement de la même obligation de quitter le territoire.

Cette situation méconnaît l’analyse juridique établie par le Conseil constitutionnel et est donc entachée d’illégalité.

En conséquence, la Cour a ordonné la fin de la mesure de rétention administrative, sans avoir besoin d’examiner d’autres moyens présentés.

Quelles sont les voies de recours possibles contre la décision de placement en rétention ?

La décision de placement en rétention administrative est susceptible d’être contestée par la voie de l’appel.

L’article applicable précise que l’appel doit être interjeté dans les 24 heures suivant le prononcé de la décision,

devant le Premier Président de la Cour d’Appel d’Orléans.

Cette possibilité de recours permet à l’étranger de faire valoir ses droits et de contester la légalité de la mesure de rétention.

COUR D’APPEL
D’ORLEANS

TRIBUNAL JUDICIAIRE
D’ORLEANS

Rétention administrative

N° RG 25/00733 – N° Portalis DBYV-W-B7J-HAZQ
Minute N°25/00191

ORDONNANCE
statuant sur le contrôle de la régularité d’une décision de placement en rétention et sur la prolongation d’une mesure de rétention administrative

rendue le 06 Février 2025

Le 06 Février 2025

Devant Nous, Sandie LACROIX DE SOUSA, Juge au Tribunal judiciaire d’ORLEANS,

Assisté(e) de Simon GUERIN, Greffier,

Etant en audience publique, au Palais de Justice,

Vu l’Arrêté de la PREFECTURE DU CHER en date du 12 septembre 2024, ayant prononcé l’obligation de quitter le Territoire

Vu l’Arrêté de la PREFECTURE DU CHER en date du 2 février 2025, notifié à Monsieur [O] [R] le 3 février 2025 à 09h32 ayant prononcé son placement en rétention administrative

Vu la requête introduite par M. [O] [R] à l’encontre de l’arrêté de placement en rétention administrative reçu le 04 février 2025 à 15h31

Vu la requête motivée du représentant de PREFECTURE DU CHER en date du 05 Février 2025, reçue le 05 Février 2025 à 08h52

COMPARAIT CE JOUR :

Monsieur [O] [R]
né le 12 Janvier 1994 à [Localité 2] (ALGERIE)
de nationalité Algérienne

Assisté de Me Pacou MOUA, avocat commis d’office, qui a pu consulter la procédure, ainsi que l’intéressé.

En l’absence de PREFECTURE DU CHER, dûment convoqué.

En présence de Madame [P] [F]
, interprète en langue arabe, inscrit sur la liste de la Cour d’appel d’Orléans.

En l’absence du Procureur de la République, avisé ;

Mentionnons que PREFECTURE DU CHER, le Procureur de la République dudit tribunal, l’intéressé et son conseil ont été avisés, dès réception de la requête, de la date et l’heure de la présente audience par le greffier.

Mentionnons que les pièces de la procédure ont été mises à la disposition de l’intéressé et du conseil.

Vu les dispositions des articles L.741-1 et suivants du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile

Après avoir entendu :

Me Pacou MOUA en ses observations.

M. [O] [R] en ses explications.

MOTIFS DE LA DECISION

Monsieur [O] [R] est actuellement en rétention dans les locaux non pénitentiaires depuis le 2 février 2025.

Sur les contestations relatives au fond de l’arrêté de placement en rétention administrative de Monsieur [O] [R]

Il résulte de la combinaison des articles L.741-1 et L.731-1 du CESEDA que l’administration peut placer en rétention administrative pour une durée de quatre jours l’étranger faisant l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n’a pas été accordé, lorsqu’il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement et qu’aucune autre mesure n’apparaît suffisante à garantir efficacement l’exécution effective de cette décision.

Il résulte également des dispositions de l’article L.741-7 du CESEDA que la décision de placement en rétention ne peut être prise avant l’expiration d’un délai de sept jours à compter du terme d’un précédent placement prononcé en vue de l’exécution de la même mesure ou, en cas de circonstance nouvelle de fait ou de droit, d’un délai de quarante-huit heures.

Par une décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997, le Conseil constitutionnel a statué en ces termes :  » 49. Considérant que l’article 13 de la loi comporte plusieurs modifications de l’article 35 bis de l’ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée :

En ce qui concerne le 1 ° de cet article :

50. Considérant que celui-ci insère après le quatrième alinéa de l’article 35 bis, un 4° duquel il résulte que peut être maintenu, par décision écrite motivée du représentant de l’Etat dans le département, dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, pendant le temps strictement nécessaire à son départ, l’étranger qui ayant fait l’objet d’une décision de maintien au titre de l’un des cas visés aux 1° à 3° du même article,  » n’a pas déféré à la mesure d’éloignement dont il est l’objet dans un délai de sept jours suivant le terme du précédent maintien.  » ; que sont concernés les cas de remise aux autorités compétentes d’un Etat de la Communauté européenne, d’expulsion ou de reconduite à la frontière ;

51. Considérant que les députés requérants soutiennent que cette disposition en permettant de placer de nouveau en  » rétention administrative  » l’étranger quelques jours après la fin de la première période de  » rétention « , serait contraire aux principes dégagés par le Conseil constitutionnel en particulier dans la décision n° 93-325 DC du 13 août 1993 ; qu’aucune  » limite quantitative  » n’étant fixée  » à la répétition de la rétention « , la durée totale de celle-ci échappe désormais à toute condition ; qu’aurait ainsi été commise une violation de la chose jugée par le Conseil constitutionnel et qu’une atteinte excessive aurait été portée à la liberté individuelle ; que les sénateurs auteurs de la seconde saisine ajoutent que par cette procédure qui tend à  » réduire á néant la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle il est impossible de multiplier les mesures de rétention sur le fondement de la même décision d’éloignement « , le législateur fait obstacle à ce que soit prise en considération la survenance de faits nouveaux depuis la première mesure d’éloignement, privant ainsi la personne concernée du droit d’exercer un recours contre la décision administrative ayant provoqué la rétention ; qu’ils font enfin valoir que le délai de sept jours exigé entre deux  » rétentions  » ne constitue pas une condition de nature à garantir le respect de la liberté individuelle ;

52. Considérant qu’en adoptant la disposition contestée le législateur doit être regardé comme n’ayant autorisé qu’une seule réitération d’un maintien en rétention, dans les seuls cas où l’intéressé s’est refuse à déférer à la mesure d’éloignement prise à son encontre ; que sous ces réserves d’interprétation et alors que d’éventuels changements des situations de fait et de droit de l’intéressé doivent être pris en compte par l’administration sous le contrôle du juge, cette disposition ne porte pas, compte tenu des exigences de l’ordre public, une atteinte excessive a la liberté individuelle.  »

Ainsi, les dispositions du 4° de l’article 13 de la loi n° 97-396 susvisée n’ont été déclarées conformes à la Constitution qu’en ce qu’elles n’autorisaient qu’une seule réitération d’un maintien en rétention administrative sur le fondement de la même mesure d’éloignement, dans le cas où l’étranger a refusé d’y déférer.

Toutefois, cette réserve du Conseil constitutionnel s’inscrit dans un cadre législatif antérieur et le législateur n’a jamais expressément prévu, au sein du CESEDA, l’interdiction d’une double-réitération de placements en rétention administrative sur le fondement d’une même obligation de quitter le territoire.

Il sera constaté que depuis la décision du 22 avril 1997, le Conseil constitutionnel n’a pas été de nouveau saisi en vue de se prononcer sur la constitutionnalité des nouvelles dispositions édictées par le législateur en la matière.

Nonobstant l’absence de jurisprudence émanant de la Cour de cassation et du Conseil constitutionnel pour ces dispositions, le juge conserve la possibilité d’apprécier le sens et la portée des articles L.731-1, L.741-1 et L.741-7 du CESEDA, avant de l’appliquer au cas d’espèce.

A la lumière des motifs retenus par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997, la Cour d’appel d’Orléans a entendu interpréter la volonté du législateur, dans le cadre de l’édiction des nouvelles dispositions combinées des articles L.731-1, L.741-1 et L.741-7 du CESEDA, comme n’ayant souhaité autoriser qu’une seule réitération de placement en rétention administrative sur le fondement de la même décision d’éloignement (voir en ce sens CA Orléans, 6 janvier 2025, n° 25/00030).

En l’espèce, Monsieur [O] [R] a fait l’objet, le 12 septembre 2024 d’une obligation de quitter le territoire français qui lui a été notifiée le 16 septembre 2024. Sur le fondement de cette unique mesure d’éloignement, en application des articles L.741-1 et L.731-1 du CESEDA, il a été placé en rétention administrative à trois reprises.

La première rétention administrative est intervenue le 21 septembre 2024 et la mainlevée de la mesure a été ordonnée par l’ordonnance du juge des libertés et de la rétention du tribunal judiciaire d’Orléans le 25 septembre 2025. La deuxième rétention administrative est intervenue le 3 octobre 2024, la mainlevée de la mesure a été ordonnée par l’ordonnance du juge des libertés et de la rétention près le tribunal judiciaire de Rouen le17 décembre 2024. La troisième rétention administrative est intervenue le 2 février 2024.

De la sorte, l’arrêté de placement en rétention administrative du 2 février 2025 édicté par la préfecture du Cher, objet de la présente contestation, constitue une troisième réitération sur le fondement de la même obligation de quitter le territoire, méconnait l’analyse juridique susvisée, et est entaché d’illégalité.

En conséquence, et sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les autres moyens présentés, il y a lieu de mettre fin à la mesure de rétention administrative de Monsieur [O] [R].

PAR CES MOTIFS

Ordonnons la jonction de la procédure suivie sous le numéro N° RG 25/00734 avec la procédure suivie sous le N° RG 25/00733 et disons que la procédure sera suivie sous le seul numéro de N° RG 25/00733 – N° Portalis DBYV-W-B7J-HAZQ ;

Constatons l’illégalité du placement en rétention ;

Mettons fin à la rétention administrative de Monsieur [O] [R]

Disons que le Procureur de la République a la possibilité dans un délai de 24 heures à partir de la notification de la présente ordonnance de s’y opposer et d’en suspendre les effets.

Notifions que la présente décision est susceptible d’être contestée par la voie de l’appel interjeté dans les 24 heures du prononcé de la présente ordonnance, devant le Premier Président de la Cour d’Appel d’ORLEANS ([Courriel 1]).

Rappelons à l’intéressé son obligation de quitter le territoire national.

Décision rendue en audience publique le 06 Février 2025 à

Le Greffier Le Juge

Reçu notification et copie de la présente ordonnance le 06 Février 2025 à ‘ORLEANS

L’INTERESSE L’AVOCAT L’INTERPRETE

Copie de la présente décision est transmise par courriel au procureur de la République, au Tribunal Administratif d’Orléans, à la Préfecture dePREFECTURE DU CHER et au CRA d’Olivet.


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