Rétention administrative et contestation des droits d’un mineur étranger

·

·

Rétention administrative et contestation des droits d’un mineur étranger

L’Essentiel : M. [L] [X], de nationalité algérienne, a reçu un arrêté préfectoral le 26 septembre 2022 lui imposant une obligation de quitter le territoire français. Interpellé le 5 janvier 2025, il a été placé en rétention administrative. Contestant cette mesure, il a fait appel le 10 janvier, arguant de son état de vulnérabilité et de l’absence d’interprète lors de la notification de ses droits. Le tribunal a jugé l’appel recevable, mais a confirmé la légalité de la rétention, considérant que son état de santé pouvait être suivi en centre de rétention et que les démarches d’identification étaient en cours.

Contexte de l’affaire

M. [L] [X], de nationalité algérienne, a reçu un arrêté préfectoral le 26 septembre 2022 lui imposant une obligation de quitter le territoire français, avec interdiction de retour pendant deux ans. Après son interpellation le 5 janvier 2025, il a été placé en rétention administrative le 6 janvier 2025 pour exécuter cette mesure d’éloignement.

Procédures judiciaires

Le 8 janvier 2025, M. [L] [X] a contesté son placement en rétention, et le 9 janvier, le Préfet des Bouches-du-Rhône a également saisi le tribunal pour prolonger cette mesure. Le magistrat a déclaré les deux requêtes recevables, rejeté les exceptions de nullité, et ordonné le maintien de M. [L] [X] en rétention pour une durée maximale de 26 jours.

Appel de l’ordonnance

M. [L] [X] a interjeté appel de l’ordonnance le 10 janvier 2025, soutenant que son état de vulnérabilité n’avait pas été pris en compte et qu’il n’avait pas eu accès à un interprète lors de la notification de ses droits. L’audience a eu lieu sans la présence du Ministère Public et du Préfet, mais avec l’assistance d’un interprète.

Arguments de M. [L] [X]

M. [L] [X] a exprimé son opposition à un retour en Algérie en raison de son état de santé et a demandé sa libération immédiate. Son avocat a soutenu que son état de santé et l’absence d’interprète lors de la notification de ses droits constituaient des motifs de contestation de la mesure de rétention.

Recevabilité de l’appel

L’appel a été jugé recevable, car il a été interjeté dans les délais légaux. Les moyens soulevés par M. [L] [X] ont été considérés comme recevables, y compris ceux relatifs aux irrégularités de la procédure antérieure.

Examen des irrégularités

Le tribunal a examiné le défaut d’interprète lors de la notification des droits, concluant que M. [L] [X] avait compris et exercé ses droits, ce qui n’a pas constitué une atteinte à ses droits. Les documents médicaux fournis n’ont pas remis en cause la légalité de son placement en rétention.

Évaluation de l’état de vulnérabilité

Le tribunal a constaté que l’administration n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en plaçant M. [L] [X] en rétention, car son état de santé pouvait être suivi au sein du centre de rétention. Les éléments fournis n’ont pas démontré une incompatibilité avec la mesure de rétention.

Justification de la rétention

La prolongation de la rétention a été justifiée par l’absence de documents d’identité et la nécessité d’identifier M. [L] [X] avant son éloignement. Les démarches auprès du consulat d’Algérie ont été entreprises, et le tribunal a conclu que l’administration avait respecté ses obligations.

Conclusion de l’ordonnance

Le tribunal a confirmé l’ordonnance de première instance en toutes ses dispositions, déclarant l’appel recevable et maintenant la mesure de rétention de M. [L] [X]. Les intéressés ont été informés de leur droit de former un pourvoi en cassation.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la recevabilité de l’appel

L’appel interjeté par Monsieur [L] [X] à l’encontre d’une ordonnance du magistrat du siège du Tribunal judiciaire de Nîmes a été relevé dans les délais légaux, conformément aux dispositions des articles L.743-21 et R.743-10 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

L’article L.743-21 précise que « l’appel est formé dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision ».

De plus, l’article R.743-10 stipule que « l’appel est formé par déclaration au greffe du tribunal qui a rendu la décision ».

Ainsi, l’appel est donc recevable.

Sur les moyens nouveaux et éléments nouveaux invoqués en cause d’appel

L’article 563 du Code de Procédure Civile dispose que « pour justifier en appel les prétentions qu’elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves ».

L’article 565 précise que « les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ».

Les moyens nouveaux sont donc recevables en cause d’appel, sauf s’ils constituent des exceptions de procédure, au sens de l’article 74 du Code de procédure civile.

Il est important de noter que les exceptions de nullité relatives aux contrôles d’identité ou à la procédure précédant le placement en rétention doivent avoir été soulevées in « limine litis » en première instance.

Sur les exceptions de nullité au titre d’irrégularités de la procédure antérieure à l’arrêté

L’article L.743-12 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose que « en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d’inobservation des formalités substantielles, le magistrat du siège du tribunal judiciaire ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger ».

Dans le cas présent, le défaut d’interprète lors de la notification des droits de M. [X] est soulevé. L’article L.141-3 du même code stipule que « lorsque les dispositions du présent code prévoient qu’une information ou qu’une décision doit être communiquée à un étranger dans une langue qu’il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits dans cette langue, soit par l’intermédiaire d’un interprète ».

En l’espèce, les droits de M. [X] lui ont été notifiés sans l’assistance d’un interprète, ce qui pourrait constituer une irrégularité. Cependant, le magistrat a relevé que M. [X] a compris et exercé ses droits, ce qui atténue l’impact de cette irrégularité.

Sur la contestation du placement en rétention administrative

Le contentieux de la contestation de la régularité du placement en rétention est encadré par l’article R.741-3 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui précise que « le contentieux de la contestation de la régularité du placement en rétention ne peut être porté devant la cour d’appel que s’il a fait l’objet d’une requête écrite au magistrat du siège dans les 48 heures du placement en rétention ».

Monsieur [X] a formé une requête dans les délais impartis, ce qui rend son appel recevable.

L’article L.741-4 stipule que le préfet doit tenir compte de l’état de vulnérabilité de l’étranger lors du placement en rétention.

En l’espèce, l’administration a estimé que l’état de santé de M. [X] ne justifiait pas un obstacle à son placement en rétention, ce qui soulève la question d’une éventuelle erreur manifeste d’appréciation.

Sur l’erreur manifeste d’appréciation

L’article L.741-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile précise que le préfet doit tenir compte de l’état de vulnérabilité de l’étranger.

Une décision de placement en rétention est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation lorsque l’administration s’est trompée grossièrement dans l’appréciation des faits.

Dans le cas de M. [X], bien que des documents médicaux aient été fournis, l’administration a jugé que son état de santé ne justifiait pas une incompatibilité avec la mesure de rétention.

Les soins médicaux disponibles en rétention ont été considérés comme suffisants, et M. [X] n’a pas démontré que ceux-ci étaient inadaptés.

Sur le fond de la mesure de rétention

L’article L.611-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile énonce les cas dans lesquels un étranger peut faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français.

L’article L.741-1 précise que l’autorité administrative peut placer en rétention un étranger qui ne présente pas de garanties de représentation effectives.

En l’espèce, M. [X] ne disposait d’aucun document d’identité valide et n’a pas justifié d’un domicile fixe, ce qui a conduit à la décision de placement en rétention.

L’administration a engagé des démarches pour obtenir un laissez-passer auprès du consulat d’Algérie, ce qui justifie la prolongation de la mesure de rétention.

Conclusion

En conclusion, l’appel interjeté par Monsieur [L] [X] est recevable et les moyens soulevés sont également recevables.

Cependant, les arguments concernant l’irrégularité de la procédure et l’état de vulnérabilité de M. [X] n’ont pas été jugés suffisants pour remettre en cause la légalité de la décision de placement en rétention.

Ainsi, l’ordonnance du magistrat de première instance est confirmée en toutes ses dispositions.

Ordonnance N°28

N° RG 25/00029 – N° Portalis DBVH-V-B7J-JOEP

Recours c/ déci TJ Nîmes

09 janvier 2025

[X]

C/

LE PREFET DES BOUCHES-DU-RHONE

COUR D’APPEL DE NÎMES

Cabinet du Premier Président

Ordonnance du 13 JANVIER 2025

Nous, Mme Marine KARSENTI, Conseillère à la Cour d’Appel de Nîmes, désigné(e) par le Premier Président de la Cour d’Appel de Nîmes pour statuer sur les appels des ordonnances du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes en charge du contentieux de la rétention administrative, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l’Asile (CESEDA), assisté(e) de Madame Véronique PELLISSIER, Greffière,

Vu l’arrêté préfectoral ordonnant une obligation de quitter le territoire français en date du 26 septembre 2022 notifié le même jour, ayant donné lieu à une décision de placement en rétention en date du 06 janvier 2025, notifiée le même jour à 15 heures 40 concernant :

M. [L] [X]

né le 8 juillet 2004 à [Localité 2]

de nationalité Algérienne

Vu la requête présentée par Monsieur [L] [X] le 08 janvier 2025 à 10 heures 13 tendant à voir contester la mesure de placement en rétention prise en son égard le 06 janvier 2025 et reprise oralement à l’audience ;

Attendu qu’il convient de joindre ces deux procédures comme le permet le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu la requête reçue au greffe du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes en charge du contentieux de la rétention administrative le 09 janvier 2025 à 11 heures 38, enregistrée sous le N°RG 25/00162 présentée par M. le Préfet des Bouches-du-Rhône ;

Vu l’ordonnance rendue le 09 Janvier 2025 à 16 heures 11 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes en charge du contentieux de la rétention administrative, qui a :

* Déclaré la requête préfectorale recevable ;

* Déclaré la requête de [L] [X] recevable ;

* Ordonné la joncyion des requêtes ;

* Rejeté les exceptions de nullité soulevées ;

* Rejeté la requête en contestation de placement en rétention ;

* Ordonné pour une durée maximale de 26 jours commençant 4 jours après la notification de la décision de placement en rétention, le maintien dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, de M. [L] [X] ;

* Dit que la mesure de rétention prendra fin à l’expiration d’un délai de 26 jours à compter du 10 janvier 2025 à 15 heures 40,

Vu l’appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur [L] [X] le 10 Janvier 2025 à 12 heures 03 ;

Vu l’absence du Ministère Public près la Cour d’appel de Nîmes régulièrement avisé ;

Vu l’absence du Préfet des Bouches-du-Rhône, régulièrement convoqué ;

Vu l’assistance de Monsieur [E]-[O] [I], interprète en langue arabe, inscrite sur la liste des experts de la Cour d’Appel de Nîmes,

Vu la comparution de Monsieur [L] [X], régulièrement convoqué ;

Vu la présence de Me Anne-catherine VIENS, avocat de Monsieur [L] [X] qui a été entendu en sa plaidoirie ;

MOTIFS :

Monsieur [X] a reçu notification le 26 septembre 2022 d’un arrêté préfectoral du même jour lui faisant obligation de quitter le territoire national sans délai avec interdiction de retour pendant deux ans.

Monsieur [X] a été interpellé le 5 janvier 2025 à [Localité 4].

Par arrêté de la même préfecture en date du 6 janvier 2025, qui lui a été notifié le jour même à 15h40, il a été placé en rétention administrative aux fins d’exécution de la mesure d’éloignement.

Par requêtes reçues le 8 janvier 2025 à 10h13 et le 9 janvier 2025 à 11h38, Monsieur [X] et le Préfet des Bouches du Rhône ont respectivement saisi le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes d’une contestation de ce placement en rétention et d’une demande en prolongation de la mesure.

Par ordonnance prononcée le 9 janvier 2025 à 16h11, le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes a rejeté les exceptions de nullité soulevées ainsi que les moyens présentés par Monsieur [X] et ordonné la prolongation de sa rétention administrative pour vingt-six jours.

Monsieur [X] a interjeté appel de cette ordonnance le 10 janvier 2025 à 10h03. Sa déclaration d’appel relève d’une part que l’état de vulnérabilité de M. [X] n’a pas été pris en compte par l’autorité préfectorale dans sa décision de placement en rétention et d’autre part que ses droits lui ont été notifiés en rétention sans interprète.

A l’audience, Monsieur [X] :

Déclare qu’il ne supporte plus la rétention à cause de son état de santé, qu’il est dépourvu de tout document d’identité, qu’il est opposé à un retour en Algérie car il veut être suivi médicalement en France, qu’il est arrivé en France en 2021 ou 2022,

Sollicite l’infirmation de l’ordonnance et sa remise en liberté immédiate.

Son avocat :

Soutient la contestation de l’arrêté de placement en rétention au motif que l’état de santé de M. [X] n’a pas été pris en compte et que son état de santé fait obstacle à son placement en rétention en raison de problèmes physiques mais également au regard de son suivi psychiatrique,

Soutient l’irrégularité tirée du défaut d’interprète lors de la notification des droits de M. [X] à son arrivée au centre de rétention,

Se rapporte à la déclaration d’appel.

M. [X] veut produire à l’audience une pièce non transmise préalablement, qui en l’absence du représentant de la préfecture, est déclarée irrecevable.

Monsieur le Préfet requérant n’est pas représenté.

SUR LA RECEVABILITE DE L’APPEL :

L’appel interjeté par Monsieur [X] à l’encontre d’une ordonnance du magistrat du siège du Tribunal judiciaire de Nîmes dûment notifiée a été relevé dans les délais légaux et conformément aux dispositions des articles L.743-21 et R.743-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Il est donc recevable.

SUR LES MOYENS NOUVEAUX ET ÉLÉMENTS NOUVEAUX INVOQUÉS EN CAUSE D’APPEL :

L’article 563 du Code de Procédure Civile dispose que « pour justifier en appel les prétentions qu’elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »

L’article 565 du même code précise : « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ».

Sauf s’ils constituent des exceptions de procédure, au sens de l’article 74 du code de procédure civile, les moyens nouveaux sont donc recevables en cause d’appel.

Pour être recevables en appel, les exceptions de nullité relatives aux contrôles d’identité, conditions de la garde à vue ou de la retenue et d’une manière générale celles tenant à la procédure précédant immédiatement le placement en rétention doivent avoir été soulevées in « limine litis » en première instance.

Le contentieux de la contestation de la régularité du placement en rétention (erreur manifeste d’appréciation de l’administration ou défaut de motivation) ne peut être porté devant la cour d’appel que s’il a fait l’objet d’une requête écrite au magistrat du siège de la première instance dans les 4 jours du placement en rétention, conformément aux dispositions de l’article R.741-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

L’article L.743-11 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose en outre que « à peine d’irrecevabilité, prononcée d’office, aucune irrégularité antérieure à une audience à l’issue de laquelle le juge des libertés et de la détention a prolongé la mesure ne peut être soulevée lors d’une audience ultérieure ».

En l’espèce, tous les moyens soulevés sont recevables.

SUR LES EXCEPTIONS DE NULLITÉ AU TITRE D’IRRÉGULARITÉS DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE A L’ARRÊTÉ :

L’article L.743-12 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose : « En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d’inobservation des formalités substantielles, le magistrat du siège du tribunal judiciaire saisi d’une demande sur ce motif ou qui relève d’office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger ».

Sur le défaut d’interprète lors de la notification des droits lors de l’arrivée au centre de rétention :

L’article L. 141-3 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose : « Lorsque les dispositions du présent code prévoient qu’une information ou qu’une décision doit être communiquée à un étranger dans une langue qu’il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits dans cette langue, soit par l’intermédiaire d’un interprète. L’assistance de l’interprète est obligatoire si l’étranger ne parle pas le français et qu’il ne sait pas lire. »

En l’espèce, les droits de M. [X] lui ont été notifiés lors de son arrivée au centre de rétention sans l’assistance d’un interprète, comme l’attestent les procès-verbaux signés par l’intéressé le 6 janvier 2025. Ces droits concernent l’accès à l’association Forum Réfugiés, la possibilité de déposer une demande d’asile, l’accès au téléphone. C’est à juste titre que le magistrat de première instance relève que M. [X] a compris et exercé ses droits dans la mesure où sa déclaration d’appel indique qu’il a formé, via l’association Forum réfugiés, une requête en contestation de son arrêté de placement en rétention.

En outre, M. [X] est présent sur le territoire français au moins depuis l’année 2022, date à laquelle une obligation de quitter le territoire lui a été notifiée. Il a été signalisé à plusieurs reprises en 2022. Sa compagne, Mme [Z], de nationalité française, a produit une attestation d’hébergement indiquant vivre avec M. [X] depuis le 25 janvier 2023.

Dès lors qu’il a exercé ses droits, M. [X] n’établit pas une atteinte à ses droits au sens de l’article 743-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, du fait du défaut d’interprète en raison d’une maîtrise insuffisante de la langue française. Ce moyen sera rejeté.

CONTESTATION DU PLACEMENT EN RÉTENTION ADMINISTRATIVE :

Le contentieux de la contestation de la régularité du placement en rétention (erreur manifeste d’appréciation de l’administration ou défaut de motivation) ne peut être porté devant la cour d’appel que s’il a fait l’objet d’une requête écrite au magistrat du siège du tribunal judiciaire dans les 48 heures du placement en rétention, sauf à vider de leur sens les dispositions légales de l’article R.741-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile imposant un délai strict de 48h et une requête écrite au magistrat du siège.

Sur l’erreur manifeste d’appréciation :

L’article L. 741-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose que le préfet plaçant en rétention un étranger doit tenir compte de son état de vulnérabilité.

Le magistrat du siège du tribunal judiciaire est compétent pour apprécier la légalité de la décision de placement en rétention aux fins d’éloignement ainsi que pour contrôler l’exécution de cette mesure et décider de sa prolongation. Il n’est en revanche pas le juge de l’opportunité, ni de la légalité de la mesure d’éloignement qui fonde cette décision de rétention.

Une décision de placement en rétention administrative est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation lorsque l’administration s’est trompée grossièrement dans l’appréciation des faits qui ont motivé sa décision.

Le juge judiciaire peut sanctionner une telle erreur à condition qu’elle soit manifeste et donc évidente, flagrante, repérable par le simple bon sens, et qu’elle entraîne une solution choquante dans l’appréciation des faits par l’autorité administrative, notamment en ce qu’elle est disproportionnée par rapport aux enjeux et nécessités d’éloignement de l’intéressé.

Il convient de rappeler que la décision administrative de placement en rétention est prise au visa des éléments dont l’autorité préfectorale dispose alors et notamment des justificatifs de garanties de représentation qui sont déjà en sa connaissance.

En l’espèce, le conseil de M. [X] prétend que l’arrêté de placement en rétention est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation dans la mesure où son état de vulnérabilité n’a pas été pris en compte.

L’arrêté préfectoral de placement en rétention relève bien que M. [X] a formulé des observations sur son état de santé mais l’autorité préfectorale n’a pas estimé que M. [X] présentait un état de vulnérabilité de nature à faire obstacle à son placement en rétention, au regard des soins dont il pouvait bénéficier en rétention notamment. M. [X] produit des documents médicaux concernant son suivi médical à l’hôpital de [3] à [Localité 4], datés de juillet 2022 et portant sur une luxation cervicale à la suite d’une chute, ainsi que des prescriptions de médicaments datés de décembre 2024. Il produit un compte-rendu de consultation daté du 22 mars 2024 faisant état d’un suivi médical pour des antécédents de fractures de la malléole et du genou et un syndrome dépressif. Il a été opéré en juillet 2022 en raison d’une fracture de la malléole due à une chute dans les escaliers. Le compte-rendu de consultation daté du 29 août 2024 indique que M. [X] a déclaré avoir précédemment été hospitalisé pour des troubles psychiatriques.

Les documents médicaux produits par M. [X] n’apportent aucun élément de nature à remettre en cause la légalité de l’arrêté de placement en rétention, ni à caractériser une incompatibilité de l’état de santé de M. [X] avec la mesure de rétention. L’arrêté de placement en rétention mentionne que M. [X] pourra bénéficier au sein du centre de rétention d’un suivi médical et poursuivre son traitement médical. M. [X] n’établit nullement en quoi les soins médicaux dont il peut bénéficier en rétention seraient insuffisants ou inadaptés.

La décision prise par l’administration n’est donc pas en contradiction avec la situation personnelle de Monsieur [X], qui n’avait justifié ni d’un document d’identité en cours de validité, ni d’un domicile fixe. Il ne disposait alors pas de moyens de subsistance, ni de revenus réguliers.

La décision de placement en rétention concernant Monsieur [X] ne procède ainsi d’aucune erreur manifeste d’appréciation et le moyen ainsi soulevé doit être rejeté.

SUR LE FOND :

L’article L.611-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose des cas dans lesquels un étranger peut faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français, l’article L611-3 du même code énumérant limitativement les situations dans lesquelles une décision portant obligation de quitter le territoire est exclue. L’article L.612-6 du même code dispose que l’autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire d’une interdiction de retour sur le territoire français, les effets de cette interdiction cessant à l’expiration de la durée fixée par l’autorité administrative, à compter de l’exécution de la mesure.

L’article L. 741-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose que : « l’autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l’étranger qui se trouve dans l’un des cas prévus à l’article L. 731-1 lorsqu’il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement et qu’aucune autre mesure n’apparaît suffisante à garantir efficacement l’exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l’article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l’ordre public que l’étranger représente. »

Les cas prévus par l’article L.731-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile visent l’étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l’éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants :

1° L’étranger fait l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n’a pas été accordé ;

2° L’étranger doit être éloigné en exécution d’une interdiction de retour sur le territoire français prise en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 ;

3° L’étranger doit être éloigné pour la mise en ‘uvre d’une décision prise par un autre État, en application de l’article L. 615-1 ;

4° L’étranger doit être remis aux autorités d’un autre Etat en application de l’article L. 621-1 ;

5° L’étranger doit être éloigné en exécution d’une interdiction de circulation sur le territoire français prise en application de l’article L. 622-1 ;

6° L’étranger fait l’objet d’une décision d’expulsion ;

7° L’étranger doit être éloigné en exécution d’une peine d’interdiction judiciaire du territoire prononcée en application du deuxième alinéa de l’article 131-30 du code pénal ;

8° L’étranger doit être éloigné en exécution d’une interdiction administrative du territoire français.

L’étranger qui, ayant été assigné à résidence en application du présent article, ou placé en rétention administrative en application des articles L. 741-1 ou L. 741-2, n’a pas déféré à la décision dont il fait l’objet ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette décision est toujours exécutoire, peut être assigné à résidence sur le fondement du présent article.

Le risque mentionné au 3° de l’article L. 612-2 et auquel l’article L. 741-1 renvoie, est considéré comme établi dans les cas suivants, conformément à l’article L. 612-3 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile :

1° L’étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n’a pas sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;

2° L’étranger s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;

3° L’étranger s’est maintenu sur le territoire français plus d’un mois après l’expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l’occasion d’une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;

4° L’étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;

5° L’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ;

6° L’étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l’un des États avec lesquels s’applique l’acquis de Schengen, fait l’objet d’une décision d’éloignement exécutoire prise par l’un des États ou s’est maintenu sur le territoire d’un de ces États sans justifier d’un droit de séjour ;

7° L’étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité ou de voyage ou a fait usage d’un tel titre ou document ;

8° L’étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu’il ne peut présenter des documents d’identité ou de voyage en cours de validité, qu’il a refusé de communiquer les renseignements permettant d’établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu’il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d’empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l’article L. 142-1, qu’il ne justifie pas d’une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu’il s’est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.

L’article L.741-3 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile précise qu’en tout état de cause « un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration exerce toute diligence à cet effet. »

Au motif de fond sur son appel, Monsieur [X] soutient que l’administration française ne démontre pas avoir engagé les démarches nécessaires à son départ. Il en conclut que la mesure de rétention dont il fait l’objet ne se justifie plus et doit donc être levée.

En l’espèce, Monsieur [X] ne disposait au moment de son interpellation, d’aucun justificatif en original de son identité ni d’aucun document de voyage et n’en a pas davantage communiqué depuis aux autorités administratives, de telle sorte qu’il est nécessaire de l’identifier formellement avant de pouvoir procéder à son éloignement effectif.

Le consulat d’Algérie dont Monsieur [X] s’est affirmé être ressortissant a été saisi d’une demande d’identification et de laissez-passer le 6 janvier 2025, dès le placement en rétention de l’intéressé. Cette demande a été renouvelée le 8 janvier 2025.

Les services préfectoraux ne disposent d’aucun pouvoir de coercition envers les autorités consulaires étrangères de telle sorte qu’il ne peut leur être reproché le délai pris par celles -ci pour adresser leur réponse.

Aucun élément du dossier ou du débat à l’audience ne permet d’affirmer que les réponses du Consulat ne puissent intervenir à bref délai en l’état des diligences dont il est ainsi justifié.

L’administration n’a donc pas failli à ses obligations.

SUR LA SITUATION PERSONNELLE DE MONSIEUR [X] :

Monsieur [X], présent irrégulièrement en France est dépourvu de passeport et de pièces administratives pouvant justifier de son identité et de son origine, de telle sorte qu’une assignation à résidence judiciaire est en tout état de cause exclue par les dispositions de l’article L743-13 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Il ne justifie d’aucun revenu ni possibilité de financement pour assurer son retour dans son pays. Il produit une attestation d’hébergement chez sa compagne, Mme [B] [Z], à [Localité 4] ainsi qu’un justificatif de domicile la concernant.

Il est l’objet d’une mesure d’éloignement en vigueur, telle que précitée, et qui fait obstacle à sa présence sur le sol français.

La prolongation de sa rétention administrative se justifie afin de procéder à son éloignement.

Il convient donc de confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,

Vu l’article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,

Vu les articles L.741-1, L.742-1 à L.743-9 ; R.741-3 et R.743-1 à R.743-19, L.743.21 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile,

Vu le décret n° 2024-799 du 2 juillet 2024 pris pour l’application du titre VII de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, relatif à la simplification des règles du contentieux ;

CONSTATANT qu’aucune salle d’audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention n’est disponible pour l’audience de ce jour ;

DÉCLARONS recevable l’appel interjeté par Monsieur [L] [X] ;

CONFIRMONS l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

RAPPELONS que, conformément à l’article R.743-20 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile, les intéressés peuvent former un pourvoi en cassation par lettre recommandée avec accusé de réception dans les deux mois de la notification de la présente décision à la Cour de cassation [Adresse 1].

Fait à la Cour d’Appel de Nîmes,

Le 13 Janvier 2025 à

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

‘ Notification de la présente ordonnance a été donnée ce jour au Centre de rétention administrative de [Localité 5] à M. [L] [X], par l’intermédiaire d’un interprète en langue arabe.

Le à H

Signature du retenu

Copie de cette ordonnance remise, ce jour, par courriel, à :

– Monsieur [L] [X], par le Directeur du CRA de [Localité 5],

– Me Anne-catherine VIENS, avocat

,

– Le Préfet des Bouches-du-Rhône

,

– Le Directeur du CRA de [Localité 5],

– Le Ministère Public près la Cour d’Appel de Nîmes,

– Le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon