Respect du contradictoire dans la reconnaissance des maladies professionnelles

·

·

Respect du contradictoire dans la reconnaissance des maladies professionnelles

L’Essentiel : Un employé, maçon-finisseur dans une société, a déclaré une maladie professionnelle, une « tendinite chronique de l’épaule droite », confirmée par un certificat médical. La Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) a d’abord rejeté la reconnaissance de la maladie, mais le Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) a finalement établi un lien entre la pathologie et l’exposition professionnelle. La société a contesté la décision de prise en charge, arguant d’un non-respect des délais de consultation. Le tribunal a constaté que la CPAM n’avait pas respecté le principe du contradictoire, rendant la décision de prise en charge inopposable à la société.

Contexte de l’affaire

Monsieur [Z] [J] [O], employé en tant que maçon-finisseur dans la société [5] depuis le 2 juillet 2018, a déclaré une maladie professionnelle le 26 juin 2022, spécifiquement une « tendinite chronique de l’épaule droite ». Un certificat médical daté du 14 juin 2022 a confirmé cette pathologie, avec une première constatation médicale le 26 avril 2022, et a recommandé des soins sans arrêt de travail jusqu’au 13 septembre 2022.

Procédure de reconnaissance de la maladie

La Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Seine-Saint-Denis a d’abord instruit le dossier par le biais de questionnaires pour évaluer le caractère professionnel de la maladie. Le colloque médico-administratif a jugé que les conditions requises pour la reconnaissance n’étaient pas remplies et a transmis le dossier au Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP). Le 17 février 2023, le CRRMP a finalement reconnu le lien entre la pathologie et l’exposition professionnelle de Monsieur [O].

Contestation de la décision de prise en charge

Le 22 février 2023, la CPAM a notifié à la société [5] sa décision de prise en charge de la maladie. En réponse, la société a contesté cette décision le 20 avril 2023, arguant que la CPAM n’avait pas respecté les délais de consultation et n’avait pas permis à l’employeur d’accéder aux rapports médicaux avant l’examen du dossier par le CRRMP. La société a ensuite saisi le tribunal judiciaire de Rennes d’un recours contre la décision implicite de rejet de la commission.

Arguments de la société [5]

La société [5] a soutenu qu’elle n’avait pas eu accès aux avis du médecin du travail ni aux rapports du contrôle médical avant l’examen du dossier. Elle a également affirmé que les délais de consultation n’avaient pas été respectés, ayant disposé de seulement 23 jours au lieu des 30 jours prévus. En conséquence, elle a demandé au tribunal de déclarer la décision de prise en charge inopposable et de condamner la CPAM à des dépens.

Réponse de la CPAM

La CPAM a indiqué qu’elle s’en remettait à la sagesse du tribunal pour statuer. Cependant, elle n’a pas produit de preuve de la date de réception du courrier d’information par la société [5], ce qui a conduit à des doutes sur le respect des délais de consultation.

Décision du tribunal

Le tribunal a constaté que la CPAM n’avait pas respecté le principe du contradictoire en ne prouvant pas que la société [5] avait reçu la notification dans les délais impartis. Par conséquent, la décision de prise en charge de la maladie de Monsieur [O] a été déclarée inopposable à la société [5]. La CPAM a été condamnée aux dépens, tandis que la demande de la société sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile a été rejetée.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les obligations de la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) en matière de notification des décisions concernant la reconnaissance des maladies professionnelles ?

La CPAM a des obligations précises en matière de notification, conformément aux articles R. 461-9 et R. 461-10 du Code de la sécurité sociale.

L’article R. 461-9 stipule que :

« I.-La caisse dispose d’un délai de cent-vingt jours francs pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie ou saisir le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles mentionné à l’article L. 461-1.

Ce délai court à compter de la date à laquelle la caisse dispose de la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial mentionné à l’article L. 461-5 et à laquelle le médecin-conseil dispose du résultat des examens médicaux complémentaires le cas échéant prévus par les tableaux de maladies professionnelles.

La caisse adresse un double de la déclaration de maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial à l’employeur auquel la décision est susceptible de faire grief par tout moyen conférant date certaine à sa réception ainsi qu’au médecin du travail compétent. »

De plus, l’article R. 461-10 précise que :

« Lorsque la caisse saisit le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, elle dispose d’un nouveau délai de cent-vingt jours francs à compter de cette saisine pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie.

Elle en informe la victime ou ses représentants ainsi que l’employeur auquel la décision est susceptible de faire grief par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information.

La caisse met le dossier mentionné à l’article R. 441-14, complété d’éléments définis par décret, à la disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu’à celle de l’employeur pendant quarante jours francs. »

Ces articles imposent à la CPAM de notifier les décisions et de permettre aux parties de consulter le dossier dans des délais précis, garantissant ainsi le respect du principe du contradictoire.

Quels sont les effets de l’absence de respect des délais de consultation par la CPAM ?

L’absence de respect des délais de consultation par la CPAM peut entraîner l’inopposabilité de la décision de prise en charge.

L’article R. 461-10 du Code de la sécurité sociale stipule que :

« Au cours des trente premiers jours, ceux-ci peuvent le consulter, le compléter par tout élément qu’ils jugent utile et faire connaître leurs observations, qui y sont annexées.

La caisse et le service du contrôle médical disposent du même délai pour compléter ce dossier. Au cours des dix jours suivants, seules la consultation et la formulation d’observations restent ouvertes à la victime ou ses représentants et l’employeur. »

Si la CPAM ne respecte pas ces délais, cela constitue une violation du droit à un procès équitable et du principe du contradictoire.

Dans le cas présent, la société [5] a soutenu qu’elle n’avait pas eu connaissance des documents nécessaires dans les délais impartis, ce qui a conduit le tribunal à déclarer la décision de prise en charge inopposable à la société.

Ainsi, le non-respect des délais de consultation peut avoir des conséquences juridiques significatives, notamment l’invalidité de la décision de la CPAM.

Comment la CPAM doit-elle prouver la notification des décisions à l’employeur ?

La CPAM a la charge de prouver la date de réception de la notification des décisions par l’employeur.

L’article R. 461-9 du Code de la sécurité sociale précise que :

« La caisse adresse un double de la déclaration de maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial à l’employeur auquel la décision est susceptible de faire grief par tout moyen conférant date certaine à sa réception. »

Cela signifie que la CPAM doit utiliser un moyen de notification qui permet de prouver la date de réception, comme une lettre recommandée avec accusé de réception.

Dans l’affaire en question, la CPAM n’a pas produit d’accusé de réception pour prouver que la société [5] avait reçu le courrier d’information en temps utile.

En conséquence, le tribunal a conclu que la CPAM n’avait pas respecté ses obligations de notification, ce qui a conduit à l’inopposabilité de la décision de prise en charge.

Quelles sont les conséquences de la décision de prise en charge inopposable pour la CPAM ?

La décision de prise en charge inopposable a plusieurs conséquences pour la CPAM.

Tout d’abord, cela signifie que la CPAM ne peut pas exiger que la société [5] assume les conséquences financières de la prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par le salarié.

De plus, conformément à l’article 696 du Code de procédure civile, la CPAM sera condamnée aux dépens de l’instance, ce qui implique qu’elle devra rembourser les frais engagés par la société [5] pour contester la décision.

Enfin, la CPAM doit également veiller à respecter les délais et les procédures à l’avenir pour éviter que des décisions similaires ne soient déclarées inopposables.

Cette situation souligne l’importance pour la CPAM de suivre rigoureusement les procédures légales afin de garantir la validité de ses décisions.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
PÔLE SOCIAL

MINUTE N°

AUDIENCE DU 31 Janvier 2025

AFFAIRE N° RG 23/00749 – N° Portalis DBYC-W-B7H-KQJW

89E

JUGEMENT

AFFAIRE :

Société [5]

C/

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE SEINE SAINT-DENIS

Pièces délivrées :

CCCFE le :

CCC le :

PARTIE DEMANDERESSE :

Société [5]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Maître Jean-Christophe GOURET, avocat au barreau de RENNES, substitué à l’audience par Maître Nolwenn QUIGUER, avocate au barreau de RENNES

PARTIE DEFENDERESSE :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE SEINE SAINT-DENIS
[Adresse 1]
[Localité 3]
Non représentée à l’audience

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Présidente : Madame Guénaëlle BOSCHER
Assesseur : Monsieur Hervé BELLIARD, assesseur du pôle social du tribunal judiciaire de Rennes
Assesseur : Monsieur Laurent LE CORRE, assesseur du pôle social du tribunal judiciaire de Rennes
Greffière : Madame Rozenn LE CHAMPION

DEBATS :

Après avoir entendu les parties en leurs explications à l’audience du 03 Décembre 2024, l’affaire a été mise en délibéré pour être rendu au 31 Janvier 2025 par mise à disposition au greffe.

JUGEMENT : réputé contradictoire et en premier ressort

********

EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [Z] [J] [O], salarié de la société [5] depuis le 2 juillet 2018 en qualité de maçon-finisseur, a établi une déclaration de maladie professionnelle le 26 juin 2022, au titre d’une « tendinite chronique de l’épaule droite ».
Le certificat médical initial, établi le 14 juin 2022, fait état d’une « tendinopathie chronique non rompue non calcifiante de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite objectivée par IRM ». Il fixe la première constatation médicale à la date du 26 avril 2022 et prescrit des soins sans arrêt de travail jusqu’au 13 septembre 2022.
La Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Seine Saint-Denis a dans un premier temps instruit le dossier en procédant par voie de questionnaires pour déterminer le caractère professionnel de la maladie.
Le colloque médico-administratif, considérant que toutes les conditions médico-administratives du tableau n° 57 « Affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail », n’étaient pas remplies, a transmis le dossier de Monsieur [O] au Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).
Le 17 février 2023, le CRRMP d’Ile de France, établissant un lien direct entre la pathologie et l’exposition professionnelle de la victime, a émis un avis favorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée par Monsieur [O].
Par courrier du 22 février 2023, la CPAM a notifié à la société [5] sa décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par Monsieur [O].
Par courrier en date du 20 avril 2023, la société [5] a saisi la commission de recours amiable de la CPAM d’une contestation aux fins d’inopposabilité de la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par Monsieur [O].
Par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 25 juillet 2023, la société [5] a saisi le pôle social du jribunal judiciaire de Rennes d’un recours contre la décision implicite de rejet de la commission.
L’affaire a été évoquée à l’audience du 3 décembre 2024.
La société [5], dûment représentée, se référant expressément aux conclusions jointes à sa requête, reçues par le greffe le 26 juillet 2023, demande au tribunal de :
Constater que la caisse n’a pas effectué les démarches nécessaires pour permettre à la société [5] de prendre connaissance des rapports établis par le médecin du travail ainsi que par le service du contrôle médical, avant l’examen du dossier par le CRRMP ;Constater que les délais de consultation édictés à l’alinéa 2 de l’article R. 461-10 du Code de la sécurité sociale n’ont pas été respectés par la caisse, la société [5] ayant en réalité disposé de délais inférieurs à ceux impartis par les textes ;En conséquence,
Déclarer la décision de prise en charge notifiée le 22 février 2023 inopposable à la société [5],Condamner la CPAM de la Seine-Saint-Denis à verser à la société [5] la somme de 1000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,Condamner la CPAM de la Seine-Saint-Denis aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir en substance qu’elle n’a pas eu connaissance de l’avis motivé du médecin du travail ni du rapport du contrôle médical avant l’examen du dossier par le CRRMP, le service médical de la Caisse lui ayant opposé un refus lorsqu’elle a demandé la transmission de ces documents. Elle soutient en outre que la CPAM n’a pas respecté les délais de consultation prévus par l’article R. 461-10 du Code de la sécurité sociale et qu’elle n’a disposé que d’un délai de 23 jours au lieu de 30 jours pour consulter et compléter le dossier. Elle ajoute que le délai de 10 jours francs prévu pour la simple consultation du dossier n’a pas davantage été respecté.
La CPAM de Seine Saint-Denis a, par courriel reçu le 2 décembre 2024, indiqué qu’elle s’en remettait « à la sagesse du tribunal pour statuer en toute impartialité et équité ».
Pour un plus ample exposé des moyens du demandeur, il convient de se référer à ses conclusions sus-citées, et ce en application de l’article 455 du Code de procédure civile.
A l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 31 janvier 2025 et rendue à cette date par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l’article 450 du Code de procédure civile.

MOTIFS
Sur le principe du contradictoire
Aux termes de l’article R. 461-9 du Code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur depuis le 01/12/2019 et applicable en l’espèce :
« I.-La caisse dispose d’un délai de cent-vingt jours francs pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie ou saisir le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles mentionné à l’article L. 461-1.
Ce délai court à compter de la date à laquelle la caisse dispose de la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial mentionné à l’article L. 461-5 et à laquelle le médecin-conseil dispose du résultat des examens médicaux complémentaires le cas échéant prévus par les tableaux de maladies professionnelles.
La caisse adresse un double de la déclaration de maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial à l’employeur auquel la décision est susceptible de faire grief par tout moyen conférant date certaine à sa réception ainsi qu’au médecin du travail compétent. »
Selon l’article R. 461-10 du même code, dans sa version en vigueur depuis le 01/12/2019 et applicable en l’espèce : 
« Lorsque la caisse saisit le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, elle dispose d’un nouveau délai de cent-vingt jours francs à compter de cette saisine pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie. Elle en informe la victime ou ses représentants ainsi que l’employeur auquel la décision est susceptible de faire grief par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information.
La caisse met le dossier mentionné à l’article R. 441-14, complété d’éléments définis par décret, à la disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu’à celle de l’employeur pendant quarante jours francs. Au cours des trente premiers jours, ceux-ci peuvent le consulter, le compléter par tout élément qu’ils jugent utile et faire connaître leurs observations, qui y sont annexées. La caisse et le service du contrôle médical disposent du même délai pour compléter ce dossier. Au cours des dix jours suivants, seules la consultation et la formulation d’observations restent ouvertes à la victime ou ses représentants et l’employeur.

La caisse informe la victime ou ses représentants et l’employeur des dates d’échéance de ces différentes phases lorsqu’elle saisit le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information.
A l’issue de cette procédure, le comité régional examine le dossier. Il rend son avis motivé à la caisse dans un délai de cent-dix jours francs à compter de sa saisine.
La caisse notifie immédiatement à la victime ou à ses représentants ainsi qu’à l’employeur la décision de reconnaissance ou de refus de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie conforme à cet avis. »
L’article D. 461-29 du même code dispose quant à lui que :
« Le dossier examiné par le comité régional comprend les éléments mentionnés à l’article R. 441-14 auxquels s’ajoutent :
1° Les éléments d’investigation éventuellement recueillis par la caisse après la saisine du comité en application de l’article R. 461-10 ;
2° Les observations et éléments éventuellement produits par la victime ou ses représentants et l’employeur en application de l’article R. 461-10 ;
3° Un avis motivé du médecin du travail de la ou des entreprises où la victime a été employée portant notamment sur la maladie et la réalité de l’exposition de celle-ci à un risque professionnel présent dans cette ou ces entreprises éventuellement demandé par la caisse en application du II de l’article R. 461-9 et qui lui est alors fourni dans un délai d’un mois ;
4° Un rapport circonstancié du ou des employeurs de la victime décrivant notamment chaque poste de travail détenu par celle-ci depuis son entrée dans l’entreprise et permettant d’apprécier les conditions d’exposition de la victime à un risque professionnel éventuellement demandé par la caisse en application du II de l’article R. 461-9 et qui lui est alors fourni dans un délai d’un mois ;
5° Le rapport établi par les services du contrôle médical de la caisse primaire d’assurance maladie indiquant, le cas échéant, le taux d’incapacité permanente de la victime.
La communication du dossier s’effectue dans les conditions définies à l’article R. 441-14 en ce qui concerne les pièces mentionnées aux 1°, 2° et 4° du présent article.
L’avis motivé du médecin du travail et le rapport établi par les services du contrôle médical mentionnés aux 3° et 5° du présent article sont communicables de plein droit à la victime et ses ayants droit. Ils ne sont communicables à l’employeur que par l’intermédiaire d’un praticien désigné à cet effet par la victime ou, à défaut, par ses ayants droit. Ce praticien prend connaissance du contenu de ces documents et ne peut en faire état, avec l’accord de la victime ou, à défaut, de ses ayants droit, que dans le respect des règles de déontologie.
Seules les conclusions administratives auxquelles ces documents ont pu aboutir sont communicables de plein droit à son employeur. »
Il résulte de ces dispositions qu’en cas de saisine d’un CRRMP, la caisse dispose d’un nouveau délai de 120 jours francs à compter de la saisine du comité pour instruire le dossier et rendre sa décision.
Elle doit informer la victime ou ses représentants et l’employeur des délais composant la phase de consultation, d’une durée globale de 40 jours francs :
Au cours des 30 premiers jours francs, l’employeur, la victime, la caisse et le service du contrôle médical peuvent consulter et compléter le dossier ; Au cours des 10 jours francs suivants, la victime ou ses représentants et l’employeur peuvent consulter le dossier et formuler des observations, sans pouvoir communiquer de nouvelles pièces.S’il est vrai que la caisse dispose d’un délai contraignant pour statuer sur la demande du salarié et saisir le CRRMP, les nouvelles dispositions de l’article R. 461-10 du Code de la sécurité sociale ne précisent pas le point de départ du délai de 40 jours imparti pour consulter et enrichir le dossier puis présenter des observations.
Pour autant, elles indiquent expressément que le délai de 40 jours qu’elles prévoient doit être un délai utile, le dossier devant être laissé à la disposition des parties, et notamment de l’employeur, « pendant 40 jours francs ».
Or, un délai n’est utile que si l’intéressé en a effectivement connaissance.
Il ne peut donc courir qu’à compter de la réception par les destinataires de l’information communiquée par l’organisme et, plus précisément, s’agissant d’un délai exprimé en jours francs, à compter du lendemain de la date de réception par l’employeur du courrier de notification.
A ce titre, il importe peu que ce point de départ glissant du délai puisse conduire à une date de clôture différente d’une partie à l’autre, l’employeur ne pouvant, au seul motif du dépassement par la caisse du délai initialement prévu pour statuer, prétendre à l’inopposabilité de la décision de prise en charge à son égard.
Au demeurant, un tel point de départ n’empêche nullement que les délais visés à l’article R. 461-10 soient identiques pour toutes les parties, ce texte prescrivant à la caisse de notifier, non pas des délais, mais des dates d’échéance qu’elle peut fixer en tenant compte des délais d’acheminement des avis à chacune des parties (CA Amiens, 11 juillet 2024, n° RG 22/03098 et 23/00847).
Il lui revient, afin de respecter le caractère franc des jours composant ces deux phases d’instruction, d’anticiper l’envoi de son courrier de telle sorte qu’à la date de réception par l’employeur, le délai de quarante jours soit respecté (CA Paris 28 juin 2024, n° RG 23/06492 et 23/06955).
A défaut, ce délai serait réduit d’une durée égale au délai nécessaire de l’acheminement de la notification par les services postaux ou au délai de transmission électronique de la notification et de son accusé de réception par le destinataire, et ce en violation des droits de l’employeur.
Si le délai n’est assorti d’aucune sanction, il convient d’observer que la phase d’instruction a notamment pour finalité de permettre à l’employeur de verser au dossier les pièces et de formuler les observations qu’il estime de nature à remettre en cause le lien entre la maladie et l’activité professionnelle du salarié, afin qu’elles soient soumises à l’examen du CRRMP.
Ainsi, le délai de 40 jours prévu par l’article R. 461-10 concourt à la préservation du caractère contradictoire de la procédure d’instruction et son inobservation par la caisse ne peut conduire qu’à l’inopposabilité de la décision de prise en charge postérieure.

Au cas d’espèce, la société [5] verse aux débats la copie d’un courrier daté du 27 octobre 2022 que la CPAM lui a adressé, l’informant que la maladie déclarée par Monsieur [O] ne remplissait pas les conditions permettant une prise en charge directe et lui faisant part de la transmission de la demande à un CRRMP, lui précisant qu’au cas où elle souhaiterait communiquer des éléments complémentaires au comité, elle dispose de la faculté de consulter et compléter le dossier en ligne jusqu’au 26 novembre 2022, date à compter de laquelle elle pourra toujours formuler des observations sans joindre de nouvelles pièces, et ce jusqu’au 7 décembre 2022, la décision devant intervenir au plus tard le 27 février 2023.
La société [5] soutient avoir reçu le courrier du 27 octobre 2022 le 3 novembre 2022 et n’avoir en conséquence pas disposé du délai de trente jours prévu par les dispositions susvisées.
La CPAM de Seine-Saint-Denis ne produit pas l’accusé de réception de ce courrier adressé par lettre recommandée avec avis de réception, ni aucun autre élément permettant de démontrer que la société [5] a reçu le courrier d’information en temps utile.
Il en résulte que la CPAM, qui n’établit pas la date de réception de la notification, alors même que la charge de la preuve lui incombe, ne démontre pas que l’employeur a pu bénéficier des délais prévus par l’article R. 461-10 du Code de la sécurité sociale.
Elle a ainsi méconnu le principe du contradictoire.
Dans ces conditions, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés par le demandeur, la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie de Monsieur [O] rendue par la CPAM de Seine Saint Denis le 22 février 2023 sera déclarée inopposable à la société [5].

Sur les demandes accessoires :
Partie perdante, la CPAM de Seine-Saint-Denis sera condamnée aux dépens de l’instance, conformément aux dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile.
L’équité commande de rejeter la demande formée par la société [5] sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant après débats en audience publique, par jugement réputé contradictoire, rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe de la juridiction,
DECLARE inopposable à la société [5] la décision rendue par la Caisse primaire d’assurance maladie de Seine-Saint-Denis le 22 février 2023 portant prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par Monsieur [Z] [J] [O] du 26 avril 2022,
CONDAMNE la Caisse primaire d’assurance maladie de Seine-Saint-Denis aux dépens,
REJETTE la demande formée par la société [5] sur le fondement des dispositions l’article 700 du Code de procédure civile,

La Greffière La Présidente


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon