Reconnaissance de l’origine professionnelle d’une maladie liée à l’amiante

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Reconnaissance de l’origine professionnelle d’une maladie liée à l’amiante

L’Essentiel : Un ancien salarié de la société a déposé une déclaration de maladie professionnelle, accompagnée d’un certificat médical, indiquant une asbestose parenchymateuse. La caisse primaire d’assurance maladie a pris en charge la pathologie, considérant que les conditions étaient remplies. La société a contesté cette décision, saisissant la commission de recours amiable puis le tribunal judiciaire. Ce dernier a rejeté le recours de la société, ordonnant l’exécution de la décision. En appel, la société a soutenu que l’exposition au risque n’était pas prouvée, tandis que la caisse a affirmé que le salarié avait manipulé des tissus amiantés. La cour a confirmé le jugement initial.

Déclaration de maladie professionnelle

M. [M] [F], ancien salarié de la société [4], a déposé le 5 juillet 2020 une déclaration de maladie professionnelle, accompagnée d’un certificat médical daté du 22 juin 2020, indiquant une « MP 30 A: Asbestose parenchymateuse ».

Prise en charge par la caisse d’assurance maladie

La caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 8] a instruit le dossier et, considérant que les conditions du tableau n° 30 des maladies professionnelles étaient remplies, a notifié le 25 janvier 2021 sa décision de prise en charge de la pathologie au titre de la législation sur les risques professionnels.

Contestation de la décision

Le 24 mars 2021, la société a contesté cette décision en saisissant la commission de recours amiable. Par la suite, le 21 juillet 2021, elle a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Rouen pour contester la décision implicite de rejet de la commission.

Jugement du tribunal judiciaire

Le 15 décembre 2022, le tribunal a rejeté le recours de la société, débouté celle-ci de toutes ses demandes, ordonné l’exécution provisoire de la décision et condamné la société aux dépens.

Appel de la société

La société a interjeté appel le 13 janvier 2023 contre cette décision, demandant l’infirmation du jugement et la déclaration d’inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de M. [F].

Arguments de la société

Dans ses conclusions du 6 décembre 2024, la société a soutenu que ni le salarié ni la caisse n’avaient prouvé l’exposition au risque, arguant que les réponses contradictoires du salarié et de l’employeur auraient dû inciter la caisse à rechercher des témoins ou un avis médical. Elle a également contesté l’exposition au risque, précisant que le salarié n’avait jamais été en contact avec des produits contenant de l’amiante dans le cadre de son activité.

Réponse de la caisse

La caisse, dans ses conclusions du 4 décembre 2024, a demandé la confirmation du jugement, affirmant que le salarié avait travaillé pour la société durant toute sa carrière et avait manipulé des tissus amiantés. Elle a également souligné que l’employeur avait reconnu l’utilisation d’amiante, bien que le salarié n’ait pas été en contact direct avec ces produits.

Évaluation de l’exposition au risque

Le tribunal a examiné le caractère professionnel de la pathologie, notant que la maladie déclarée devait correspondre aux conditions du tableau des maladies professionnelles. Il a constaté que la caisse avait suffisamment établi l’exposition au risque du salarié, en se basant sur les éléments recueillis lors de l’instruction.

Décision finale de la cour

La cour a confirmé le jugement du tribunal judiciaire de Rouen, déboutant la société de sa demande d’inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie. Elle a également condamné la société aux dépens et à verser une somme à la caisse au titre des frais irrépétibles.

Q/R juridiques soulevées :

Sur le caractère professionnel de la pathologie

La question se pose de savoir si la maladie déclarée par le salarié, à savoir l’asbestose parenchymateuse, peut être considérée comme d’origine professionnelle au sens de l’article L 461-1 du code de la sécurité sociale.

Cet article stipule que :

« Est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau. Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu’elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime. »

Il est précisé que l’exposition au risque doit être habituelle, mais n’a pas à être permanente et continue.

Pour bénéficier de la présomption d’origine professionnelle, la maladie déclarée doit correspondre précisément à celle décrite au tableau avec tous ses éléments constitutifs et doit être constatée conformément aux éléments de diagnostic éventuellement prévus.

Dans cette affaire, la caisse a reconnu que le salarié avait été exposé à des poussières d’amiante durant sa carrière au sein de la société.

La société a contesté cette exposition, arguant que le salarié n’avait pas été en contact direct avec l’amiante. Cependant, les éléments recueillis par la caisse, notamment les réponses aux questionnaires, ont établi que le salarié avait effectivement manipulé des tissus amiantés et avait été exposé à des poussières d’amiante.

Ainsi, la cour a confirmé que la caisse avait suffisamment établi l’existence d’une exposition au risque pour prendre en charge la maladie déclarée, en se fondant sur les éléments de preuve fournis.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La question des frais irrépétibles et des dépens se pose également dans cette affaire, notamment en ce qui concerne l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

Cet article dispose que :

« La partie qui succombe peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. »

Dans le cas présent, la société, en tant qu’appelante succombante, a été condamnée à payer à la caisse la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 pour la procédure d’appel.

La cour a également confirmé que la société devait supporter les dépens d’appel, ce qui inclut les frais engagés par la caisse pour défendre ses droits.

Il est important de noter que la société conservera la charge de ses propres frais irrépétibles, ce qui signifie qu’elle ne pourra pas demander le remboursement de ses frais d’avocat ou autres frais liés à la procédure.

Ainsi, la cour a statué en conformité avec les dispositions légales applicables, en condamnant la société aux dépens et en lui imposant de verser une somme pour couvrir les frais irrépétibles de la caisse.

N° RG 23/00164 – N° Portalis DBV2-V-B7H-JIPB

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 31 JANVIER 2025

DÉCISION DÉFÉRÉE :

21/00625

Jugement du POLE SOCIAL DU TJ DE ROUEN du 15 Décembre 2022

APPELANTE :

S.A.S. [5] anciennement dénommée SAS [4]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Simon MOSQUET-LEVENEUR de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Marie PRIOULT-PARRAULT, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE RED

[Adresse 2]

[Localité 8]

représentée par Me Vincent BOURDON, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 10 Décembre 2024 sans opposition des parties devant Madame BIDEAULT, Présidente, magistrat chargé d’instruire l’affaire.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame POUGET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. GUYOT, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 10 décembre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 31 janvier 2025

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 31 Janvier 2025, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

* * *

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [M] [F], ancien salarié de la société [4] (la société), a établi le 5 juillet 2020 une déclaration de maladie professionnelle accompagnée d’un certificat médical initial datant du 22 juin 2020 faisant état d’une « MP 30 A: Asbestose parenchymateuse».

La caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 8] [Localité 7] [Localité 6] ( la caisse) a procédé à l’instruction du dossier et considérant que les conditions décrites au tableau n° 30 des maladies professionnelles étaient remplies, a notifié le 25 janvier 2021 à l’assuré et à la société sa décision de prise en charge de la pathologie au titre de la législation sur les risques professionnels.

Le 24 mars 2021, la société a saisi la commission de recours amiable en contestation de cette décision.

Par courrier du 21 juillet 2021, la société a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Rouen aux fins de contester la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.

Par jugement du 15 décembre 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Rouen a rejeté le recours de la société, débouté la société de l’intégralité de ses demandes, ordonné l’exécution provisoire de la décision et condamné la société [4] aux dépens.

La société a interjeté appel le 13 janvier 2023 à l’encontre de cette décision.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions remises le 6 décembre 2024, soutenues oralement, la société [5], anciennement dénommée [4], demande à la cour d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions, de lui déclarer inopposable la décision de prise en charge par la caisse de la maladie professionnelle de M. [F] du 13 juillet 2018 ; en conséquence d’infirmer la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de la caisse, de débouter la caisse de ses demandes et de la condamner aux dépens ainsi qu’à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, la société indique que ni le salarié ni la caisse ne démontrent, autrement que par les seules affirmations du salarié, que ce dernier a été exposé au risque tel que prévu au tableau.

Elle considère qu’au regard des réponses contradictoires du salarié et de l’employeur lors de l’instruction, la caisse aurait dû chercher des témoins ou solliciter un avis médical.

Elle considère que les premiers juges ont inversé la charge de la preuve et ont accordé une valeur probante au questionnaire du salarié.

Elle conteste l’exposition au risque du salarié précisant que si elle a eu une activité temporaire de traitement de tissus à base de fibres d’amiante, le salarié n’a jamais été en contact avec ces produits dans le cadre de son activité professionnelle.

Par conclusions remises le 4 décembre 2024, soutenues oralement, la caisse demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de condamner la société aux dépens ainsi qu’au versement de la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La caisse indique que dans le cadre de son instruction elle a adressé un questionnaire au salarié ainsi qu’à l’employeur ; qu’il ressort des éléments recueillis que le salarié a travaillé pour le compte de la société [4] durant l’ensemble de sa carrière professionnelle de septembre 1979 à mai 2017 ; qu’il a précisé avoir manipulé des tissus amiantés de 1979 à 1993 et avoir été exposé à des poussières d’amiante lors de la préparation des tissus et de l’enduction d’élastomères sur les tissus amiantés ; que dans le cadre de ses réponses au questionnaire l’employeur a reconnu avoir utilisé de l’amiante de 1986 à 1996 en précisant que le salarié n’était pas au contact direct de ces produits ; que cependant lorsque l’enquêteur a souhaité obtenir des précisions auprès de l’employeur, ce dernier a refusé de répondre.

La caisse indique qu’elle n’avait pas à rechercher d’élément extrinsèque au regard des réponses données aux questionnaires ; que si l’employeur conteste toute exposition au risque du salarié, ce dernier a su relater précisément dans quelles conditions et à quelles occasions il a pu être exposé au risque du tableau.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l’exposé détaillé de leurs moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur le caractère professionnel de la pathologie

L’article L 461-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à l’affaire, dispose qu’est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau. Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu’elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

L’ exposition au risque doit être habituelle et n’a pas à être permanente et continue.

Pour bénéficier de la présomption d’origine professionnelle , la maladie déclarée doit correspondre précisément à celle décrite au tableau avec tous ses éléments constitutifs et doit être constatée conformément aux éléments de diagnostic éventuellement prévus.

Le tableau n° 30 des maladies professionnelles vise les affections consécutives à l’inhalation des poussières d’amiante et comprend une liste indicative des principaux travaux susceptibles de provoquer des maladies.

Cette liste étant indicative, et non limitative, des travaux non spécifiquement prévus par celle-ci, peuvent être retenus comme susceptibles d’avoir provoqué la pathologie déclarée.

En l’espèce, seule la condition tenant à l’ exposition au risque est contestée.

Il résulte de l’instruction menée par l’agent enquêteur assermenté de la caisse, et notamment des questionnaires renseignés par le salarié et la société que M. [F] a effectué l’ensemble de sa carrière professionnelle au sein de l’entreprise [4].

Selon la société, il a occupé les postes suivants :

– de septembre 1979 à mai 1981: opérateur ligne enduction,

– du 15 mai 1981 au 2 janvier 1983: absent pour service national,

– du 4 janvier 1983 au 1er janvier 1984: opérateur ligne enduction,

– du 4 janvier 1984 au 31 décembre 1986: opérateur atelier préparation des mélanges

– du 1er janvier 1987 à mai 2016: chef d’équipe atelier

– de juin 2016 à mai 2017: agent technicien méthodes.

Le salarié soutient pour sa part avoir été opérateur sur une ligne d’enduction d’élastomères sur tissus de septembre 1979 à 1987, avoir travaillé d’un poste à l’autre sur la ligne et avoir ponctuellement nettoyé les fours avec un grattoir et une soufflette.

La cour constate que la société ne verse aux débats aucune pièce relative à la carrière du salarié, aux postes occupés par ce dernier.

La société, dont l’activité consiste à enduire des tissus avec des élastomères, a reconnu qu’il avait existé entre 1986 et 1996 une utilisation d’amiante pour un client, le salarié affirmant que l’amiante était présente au sein de la société plus tôt, dès 1979.

Il ressort de l’enquête diligentée qu’au regard de certaines contradictions relevées, l’agent a contacté téléphoniquement la société qui lui a indiqué ne pas avoir davantage d’éléments à lui fournir.

La caisse, au vu des éléments recueillis par le biais des questionnaires, était en droit de s’estimer suffisamment convaincue de l’existence d’une exposition au risque du salarié pour décider de prendre en charge la maladie déclarée au titre de la législation sur les risques professionnels, sans que puisse lui être reprochée une quelconque déloyauté ou un quelconque manquement à ses obligations.

Comme justement relevé par les premiers juges, il ressort de l’ensemble de ces éléments que la caisse a établi que le salarié avait été exposé au risque lors de sa période d’emploi au sein de la société en ce que celle-ci a reconnu l’utilisation d’amiante entre 1986 et 1996 ; que l’enquête a établi que le traitement des tissus donnait lieu à dégagement de poussières d’amiante ; que le salarié devait parfois nettoyer les fours avec un grattoir et une soufflette ; que l’usine était constituée de plusieurs bâtiments qui n’étaient pas fermés ; que les salariés ne disposaient pas d’équipements de protection ; que le salarié était amené, en sa qualité de chef d’équipe, à passer d’un atelier à un autre.

En conséquence, par confirmation du jugement entrepris, il y a lieu de débouter la société de sa demande tendant à voir prononcer l’inopposabilité à son encontre de la décision de prise en charge de la maladie déclarée par M. [F] le 5 juillet 2020.

2/ Sur les frais irrépétibles et les dépens

La société, appelante succombante, est condamnée aux dépens ainsi qu’à payer à la caisse la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel. Les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens sont confirmées.

La société conservera la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en dernier ressort :

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Rouen du 15 décembre 2022 ;

Y ajoutant :

Condamne la société [5], anciennement dénommée [4], à verser à la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 8] [Localité 7] [Localité 6] la somme de 1 200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la société [5], anciennement dénommée [4] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


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