Reconnaissance implicite d’une maladie professionnelle : enjeux de notification et délais de réponse.

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Reconnaissance implicite d’une maladie professionnelle : enjeux de notification et délais de réponse.

L’Essentiel : Un demandeur a soumis une demande de reconnaissance de maladie professionnelle le 27 septembre 2019, mentionnant une « dépression et anxiété sévère sur harcèlement moral », accompagnée d’un certificat médical.

Face à l’absence de réponse de la caisse primaire d’assurance maladie, le demandeur a saisi la commission de recours amiable. Après un silence interprété comme un rejet, il a contesté une décision explicite de rejet en saisissant le tribunal judiciaire. Le tribunal a statué en faveur de la caisse, déclarant qu’il n’y avait pas lieu à prise en charge implicite de la pathologie. Le demandeur a interjeté appel, soutenant ne pas avoir reçu notification de la décision.

Demande de reconnaissance de maladie professionnelle

M. [Z] [J] a soumis une demande de reconnaissance de maladie professionnelle le 27 septembre 2019, mentionnant une « dépression et anxiété sévère sur harcèlement moral », accompagnée d’un certificat médical daté du 15 octobre 2018.

Absence de réponse et recours

Le 10 avril 2020, M. [J] a écrit au directeur de la caisse primaire d’assurance maladie pour signaler qu’il n’avait pas reçu de réponse à sa demande, se considérant donc en droit de revendiquer une reconnaissance implicite de sa maladie. Le 18 mai 2020, face à l’absence de décision dans le délai de trois mois, il a saisi la commission de recours amiable (CRA).

Procédures judiciaires

Après le silence de la CRA, qui a été interprété comme un rejet implicite, M. [J] a contesté une décision explicite de rejet du 7 décembre 2020 en saisissant le tribunal judiciaire du Havre à deux reprises. Le 5 juin 2023, le tribunal a statué en faveur de la caisse, déclarant qu’il n’y avait pas lieu à prise en charge implicite de la pathologie et déboutant M. [J] de ses demandes.

Appel de M. [J]

M. [J] a interjeté appel le 13 juin 2023, demandant à la cour d’infirmer le jugement et de reconnaître sa pathologie comme maladie professionnelle, tout en sollicitant un sursis à statuer en attendant une décision sur son taux d’incapacité.

Arguments de M. [J]

M. [J] soutient qu’il n’a pas reçu de notification de la décision de la caisse concernant sa demande, arguant que cela entraîne une reconnaissance implicite de sa maladie. Il conteste également la validité de l’avis de passage concernant le courrier non remis et affirme que la caisse n’a pas justifié la mise à disposition de la décision dans son espace Ameli.

Arguments de la caisse

La caisse, de son côté, demande la confirmation du jugement, affirmant avoir notifié M. [J] du refus de prise en charge par courrier le 6 décembre 2019, dans le délai imparti. Elle soutient que la notification était régulière et que M. [J] ne peut pas se prévaloir d’une carence de notification, ayant créé son compte Ameli après la décision.

Décision de la cour

La cour a confirmé le jugement du tribunal de première instance, rejetant la demande de reconnaissance implicite de maladie professionnelle de M. [J]. Elle a également statué qu’il n’y avait pas lieu de surseoir à statuer, car le litige ne dépendait pas de la nouvelle instance introduite par M. [J].

Frais de justice

M. [J], étant la partie perdante, a été condamné aux dépens de première instance et d’appel. Sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile a été déboutée, et il a été condamné à verser 200 euros à la caisse.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la procédure de reconnaissance implicite d’une maladie professionnelle selon le code de la sécurité sociale ?

La reconnaissance implicite d’une maladie professionnelle est régie par l’article R. 441-10 du code de la sécurité sociale. Cet article stipule que :

« La caisse dispose d’un délai de trois mois à compter de la date à laquelle elle a reçu le dossier complet comprenant la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial (…) pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie.

Sous réserve des dispositions de l’article R. 441-14 dans sa version applicable au litige, en l’absence de décision de la caisse dans le délai prévu au premier alinéa, le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie est reconnu. »

Dans le cas présent, le délai de trois mois a commencé à courir le 27 septembre 2019, date à laquelle la caisse a reçu la demande de reconnaissance de maladie professionnelle.

Ce délai a donc expiré le 27 décembre 2019.

La caisse a notifié le rejet de la demande par courrier daté du 6 décembre 2019, ce qui est conforme aux exigences légales.

Quelles sont les conséquences d’une absence de notification régulière d’une décision de la caisse ?

En l’absence de notification régulière d’une décision, le demandeur peut soutenir que les voies et délais de recours ne lui sont pas opposables.

Cependant, l’article R. 441-10 du code de la sécurité sociale précise que la caisse doit simplement statuer dans le délai imparti.

Si la caisse a bien notifié sa décision dans ce délai, comme dans le cas présent, le demandeur ne peut pas revendiquer une reconnaissance implicite de sa maladie professionnelle.

La caisse a produit une preuve d’envoi de la lettre de notification, ce qui démontre que la décision a été prise dans le délai requis.

Ainsi, même si le destinataire n’a pas reçu la notification, cela ne remet pas en cause la régularité de la procédure.

Quelles sont les implications des frais de justice dans cette affaire ?

Les frais de justice sont régis par l’article 700 du code de procédure civile, qui stipule que :

« La cour peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Dans cette affaire, le tribunal a condamné le demandeur, partie perdante, aux dépens de première instance et d’appel.

Il a également débouté le demandeur de sa demande au titre de l’article 700, ce qui signifie qu’il ne recevra pas de compensation pour ses frais de justice.

En conséquence, le demandeur a été condamné à payer à la caisse la somme de 200 euros sur le fondement de cet article, ce qui souligne la responsabilité financière du demandeur dans le cadre de cette procédure.

N° RG 23/02026 – N° Portalis DBV2-V-B7H-JMMZ

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 31 JANVIER 2025

DÉCISION DÉFÉRÉE :

20/00186

Jugement du POLE SOCIAL DU TJ DU HAVRE du 05 Juin 2023

APPELANT :

Monsieur [Z] [J]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Nathalie VALLEE de la SCP VALLEE-LANGUIL, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Anaëlle LANGUIL, avocat au barreau de ROUEN

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2023/05375 du 13/12/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Rouen)

INTIMEE :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU [Localité 3]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Vincent BOURDON, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 05 Décembre 2024 sans opposition des parties devant Madame DE BRIER, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame DE BRIER, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme CHEVALIER, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 05 décembre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 31 janvier 2025

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 31 Janvier 2025, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

* * *

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [Z] [J] a fait parvenir à la caisse une demande de reconnaissance de maladie professionnelle datée du 27 septembre 2019 évoquant une « dépression et anxiété sévère sur harcèlement moral », accompagnée d’un certificat médical du 15 octobre 2018.

Il a adressé au directeur de la caisse primaire d’assurance maladie du [Localité 3] une lettre du 10 avril 2020 lui indiquant n’avoir pas reçu de réponse et se prévalant en conséquence d’une reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie.

Se prévalant de nouveau d’une absence de décision prise par la caisse dans le délai de trois mois, M. [J] a saisi, le 18 mai 2020, la commission de recours amiable (CRA).

Dans le silence de la CRA valant décision implicite de rejet du recours, puis en contestation d’une décision explicite en ce sens, du 7 décembre 2020, M. [J] a saisi par deux fois le tribunal judiciaire du Havre, pôle social, aux fins de poursuivre sa contestation.

Par jugement du 5 juin 2023, ce tribunal a :

– dit n’y avoir lieu à prise en charge implicite de la pathologie déclarée par M. [J] au titre de la législation professionnelle,

– débouté M. [J] de ses demandes,

– condamné M. [J] aux dépens.

Par déclaration électronique du 13 juin 2023, M. [J] a fait appel.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Soutenant oralement ses écritures, M. [J] demande à la cour d’infirmer le jugement et, en conséquence, de :

– à titre principal, juger que sa pathologie doit être prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels, ainsi que les arrêts de travail subséquents, implicitement,

– à titre subsidiaire, surseoir à statuer dans l’attente de la décision du pôle social concernant le taux d’incapacité prévisible,

– débouter la caisse de ses demandes,

– condamner la caisse au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à supporter les dépens.

Il soutient ne s’être pas vu notifier de décision de la caisse concernant sa demande de maladie professionnelle, pour en déduire au visa de l’article R. 441-10 du code de la sécurité sociale que le caractère professionnel de sa maladie est implicitement reconnu. Il indique avoir accompli des démarches pour obtenir, en vain, une décision, et considère qu’il appartenait donc à la caisse de démontrer qu’elle avait notifié une décision. Il soutient que l’avis de passage faisant état d’un pli non remis « interroge » puisque rien ne permet de comprendre la raison de cette absence de remise. Il ajoute que la caisse ne justifie pas d’une mise à disposition de la décision dans son espace Ameli.

A défaut de notification régulière, M. [J] soutient que les voies et délais de recours ne lui sont pas opposables, ce qui explique sa saisine de la commission médicale de recours amiable le 25 mars 2023 puis du pôle social du tribunal judiciaire aux fins de voir juger que son taux prévisible d’incapacité excède 25 %. Il estime qu’à défaut de reconnaissance implicite d’une maladie professionnelle, il y a lieu de surseoir à statuer.

Soutenant oralement ses écritures, la caisse demande à la cour de confirmer le jugement et en conséquence de :

– rejeter le recours formé par M. [J],

– condamner M. [J] au règlement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle conteste toute reconnaissance implicite en faisant valoir qu’elle a informé M. [J] du refus de prise en charge de la maladie déclarée par courrier du 6 décembre 2019 qui lui a été présenté le 12 décembre 2019, soit dans le délai de trois mois imparti par l’article R. 441-10 al. 1er du code de la sécurité sociale ayant commencé à courir le 27 septembre 2019. Elle soutient que seule compte la date d’envoi de la lettre, que le destinataire ne peut tirer argument de sa seule carence pour prétendre échapper aux délais et qu’elle ne peut être tenue pour responsable d’une éventuelle carence de [4], au demeurant inopérante. Elle estime qu’elle n’avait pas à doubler la notification par courrier d’une mise à disposition dans l’espace Ameli et fait remarquer que M. [J] n’a créé un tel espace que plus de neuf mois après le refus de prise en charge.

Elle s’oppose au sursis à statuer en faisant valoir que la décision de refus de prise en charge du 6 décembre 2019 est parfaitement régulière en ce qu’elle mentionne les voies et délais de recours ; que c’est en raison de sa seule carence que M. [J] n’en a pas eu connaissance ; qu’il n’est donc plus recevable à contester cette décision, ainsi que l’a déjà estimé la CMRA le 22 février 2023 ; que M. [J] a saisi le pôle social, qui sera donc amené si l’affaire est remise au rôle à statuer sur la recevabilité du recours et le cas échéant sur le fond de la décision.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées et oralement reprises à l’audience.

MOTIFS DE L’ARRÊT :

I. Sur la demande de reconnaissance implicite du caractère professionnel de la maladie déclarée

En vertu de l’article R. 441-10 du code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur du 10 juin 2016 au 1er décembre 2019, la caisse dispose d’un délai de trois mois à compter de la date à laquelle elle a reçu le dossier complet comprenant la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial (…) pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie. Sous réserve des dispositions de l’article R. 441-14 dans sa version applicable au litige, en l’absence de décision de la caisse dans le délai prévu au premier alinéa, le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie est reconnu.

Il est constant, et au demeurant établi, que le délai de trois mois imparti à la caisse pour statuer a commencé à courir le 27 septembre 2019, de sorte qu’il expirait le 27 décembre 2019.

La caisse justifie de l’envoi à M. [J] d’une lettre datée du 6 décembre 2019 lui notifiant le rejet de sa demande de maladie professionnelle en produisant une copie du courrier qui lui a été retourné avec la mention du 12 décembre 2019 comme date de présentation / avis.

S’il est exact que l’autocollant destiné à préciser le motif de retour du pli postal (défaut d’accès ou d’adressage / destinataire inconnu à l’adresse / pli refusé par le destinataire / pli avisé et non réclamé) n’est pas renseigné, cette circonstance importe peu dès lors que la preuve de l’expédition du courrier suffit à démontrer que la caisse a pris une décision dans le délai requis.

Par ailleurs, la caisse qui avait adressé sa décision par courrier n’était pas tenue de déposer cette même décision sur un compte Ameli. M. [J] ne peut d’ailleurs sérieusement lui faire grief d’une telle abstention alors qu’il ne conteste pas n’avoir créé son compte Ameli que bien postérieurement à la décision de la caisse, le 23 septembre 2020 ainsi qu’il résulte de l’impression écran du logiciel Medialog de la caisse.

C’est donc de manière parfaitement fondée que les premiers juges ont débouté M. [J] de sa demande de reconnaissance implicite du caractère professionnel de sa maladie. Le jugement est confirmé de ce chef.

Il n’y a pas lieu de surseoir à statuer alors que le présent litige ne porte que sur l’existence d’une reconnaissance implicite de maladie professionnelle, prétention dont le sort ne dépend pas de la nouvelle instance introduite par M. [J] en contestation de la décision du 6 décembre 2019. La présente cour, en confirmant le jugement, vide sa saisine et n’a donc pas à surseoir à statuer.

II. Sur les frais du procès

M. [J], partie perdante, est condamné aux dépens de première instance et d’appel. Par suite, il est débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamné à ce même titre à payer à la caisse la somme de 200 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 5 juin 2023 par le tribunal judiciaire du Havre, pôle social,

Et y ajoutant,

Condamne M. [J] aux dépens d’appel,

Déboute M. [J] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Le condamne à payer à la caisse primaire d’assurance maladie du [Localité 3] la somme de 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


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